Le Conseil Constitutionnel refuse le plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

 

Heureusement que le Conseil Constitutionnel reste un bon garde fou pour la protection des salariés face au licenciement sans cause réelle et sérieuse, face à un gouvernement qui tente régulièrement de libéraliser le licenciement.

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Dans les dernières  » grandes idées » de ceux qui nous gouvernent, je vous avais parlé de l’amendement N°SPE701 article 87D du 11 juin 2015 qui devait modifier grandement l’article L 1235-3 du code du travail,  qui s’applique aux salariés des entreprises de plus de 10 salariés et ayant plus de 2 ans d’ancienneté .

Pour mémoire , cet article prévoit  :

« Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9. »

Or le législateur trouvait désormais que ces « 6 mois  » étaient trop généreux.

Il avait proposé (article 87D puis 266 de la loi) :

Indemnité pour un salarié d’une entreprise de moins de 20 salariés Indemnité pour un salarié d’une entreprise de 20 salariés à 299 salariés Indemnités pour un salarié dans une entreprise d’au moins 300 salariés
Moins de 2 ans d’ancienneté Maximum : 3 mois Maximum : 4 mois Maximum : 4 mois
Entre 2 à moins 10 ans d’ancienneté Minimum : 2 moisMaximum : 6 mois Minimum : 4 moisMaximum : 10 mois Minimum : 6 moisMaximum : 12 mois
A partir de 10 ans d’ancienneté Minimum : 2 moisMaximum : 12 mois Minimum : 4 moisMaximum : 20 mois Minimum : 6 moisMaximum : 27 mois

 

Il était également précisé dans le texte que le juge pourrait aller au-delà « en cas de faute de l’employeur d’une particulière gravité » (harcèlement, discrimination,licenciement d’un gréviste, licenciement de femme enceinte, licenciement de salarié en maladie professionnelle, salarié protégé, nullité d’un licenciement etc ).

Cette mesure était présentée faussement comme « censée favoriser l’emploi. »

J’avais exposé que je pensais que cette mesure était en fait destinée à favoriser la précarité du salarié et à le décourager de se plaindre en cas de licenciement arbitraire, surtout s’il travaillait dans une petite entreprise et qu’il n’avait pas beaucoup d’ancienneté.

Le Conseil Constitutionnel par décision du 5 août 2015 m’a entendue, je laisse à votre sagacité son attendu :

 » – SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 266 :

148. Considérant que l’article 266 est relatif à l’encadrement du montant de l’indemnité prononcée par le conseil de prud’hommes en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

149. Considérant que le 1° du paragraphe I de l’article 266 modifie l’article L. 1235-3 du code du travail pour encadrer l’indemnité octroyée par le juge au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse en réparation de la seule absence de cause réelle et sérieuse ; qu’il prévoit des minima et maxima d’indemnisation, exprimés en mois de salaires, qui varient en fonction, d’une part, de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et, d’autre part, des effectifs de l’entreprise ; qu’à cet égard, le législateur a distingué entre les entreprises selon qu’elles emploient moins de vingt salariés, de vingt à deux cent quatre-vingt-dix-neuf salariés, ou trois cents salariés et plus ;

150. Considérant que les députés requérants soutiennent que ces dispositions instituent, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi, une différence de traitement injustifiée entre les salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse en fonction de la taille de l’entreprise ;

151. Considérant qu’en prévoyant que les montants minimal et maximal de l’indemnité accordée par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse sont fonction croissante des effectifs de l’entreprise, le législateur a entendu, en aménageant les conditions dans lesquelles la responsabilité de l’employeur peut être engagée, assurer une plus grande sécurité juridique et favoriser l’emploi en levant les freins à l’embauche ; qu’il a ainsi poursuivi des buts d’intérêt général ;

152. Considérant toutefois, que, si le législateur pouvait, à ces fins, plafonner l’indemnité due au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, il devait retenir des critères présentant un lien avec le préjudice subi par le salarié ; que, si le critère de l’ancienneté dans l’entreprise est ainsi en adéquation avec l’objet de la loi, tel n’est pas le cas du critère des effectifs de l’entreprise ; que, par suite, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées méconnaît le principe d’égalité devant la loi ;

153. Considérant que l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant du 1° du paragraphe I de l’article 266, est contraire à la Constitution ; que, par voie de conséquence, il en va de même des autres dispositions de l’article 266, qui en sont inséparables ; »

 

 

Source : PROJET DE LOI pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.