CHSCT : Les frais d’une expertise annulée par le Juge

Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) peut faire appel à un expert lorsqu’un risque grave est constaté dans l’établissement ou en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (article L. 4614-12 du code du travail).

Le code du travail prévoit que les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur et que l’employeur qui entend contester la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, le coût, l’étendue ou le délai de l’expertise doit saisir le juge judiciaire.

Cela est assez juste car le CHSCT n’a pas de budget propre et ne pourrait donc s’en acquitter.

Cette règle de la prise en charge par l’employeur est posée par l’ art. L. 4614-13 du code du travail.

Or le  Conseil constitutionnel a considéré cette dernière disposition anticonstitutionnelle au motif que l’application des dispositions légales conduit à faire supporter par l’employeur la charge des frais de l’expertise ordonnée par le CHSCT même quand il a obtenu l’annulation de la décision du CHSCT  (Par décision 2015-500 QPC du 27 novembre 2015 ).

Or jusqu’à présent, la Cour de cassation imposait à l’employeur la prise en charge des frais d’expertise  même si, à la suite d’une contestation de la nécessité de l’expertise par l’employeur, la décision d’y recourir était annulée par le juge judiciaire.

Il faut noter que le recours de l’employeur n’a pas un caractère suspensif et que l’expertise faite en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail est réalisée dans le délai d’un mois en application de l’article R. 4614-18 du code du travail, de sorte que l’expertise a pu être réalisée en tout ou partie au moment où le juge statue.

Qui des procédures en cours ?

La Cour de Cassation vient de répondre  en retenant  que l’employeur doit toujours payer les frais d’expertise et ce jusqu’à ce que le législateur règle la question. (Arrêt n° 628 du 15 mars 2016 (14-16.242) – Cour de cassation – Chambre sociale – ECLI:FR:CCASS:2016:SO00628)

Bien que jugé anticonstitutionnel, l’article L. 4614-13 du code du travail, mettant à la charge de l’employeur dans tous les cas,  les frais d’expertise réclamée par les CHSCT, continuera à s’appliquer en attente d’une décision du législateur.

En effet, dans la note explicative de l’arrêt, il est précisé que la Cour de Cassation a retenu que le Conseil constitutionnel « a reporté au 1er janvier 2017 la date de cette abrogation au motif que l’abrogation immédiate de ces textes aurait pour effet de faire disparaître toute voie de droit permettant de contester une décision de recourir à un expert ainsi que toute règle relative à la prise en charge des frais d’expertise.

Il s’en déduit que ces textes tels qu’interprétés de façon constante par la Cour de cassation constituent le droit positif applicable jusqu’à ce que le législateur remédie à l’inconstitutionnalité constatée et au plus tard jusqu’au 1er janvier 2017.

Par suite, méconnaît la portée de l’article 62 de la Constitution et l’article L. 4614-13 du code du travail, l’arrêt qui rejette la demande de l’expert tendant à faire supporter par l’employeur le coût de l’expertise dont l’annulation a été ultérieurement prononcée. »

 

SYNTEC : Le salarié soumis à un horaire prédéfini de 37 heures hebdomadaires

mis à jour le 26 avril 2022

  • Avant la loi du 8 aout 2016

De nombreux salariés relevant de la  convention collective Syntec (convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils) m’interrogent régulièrement sur la modalité du temps de travail qu’ils doivent respecter lorsque leur contrat de travail prévoit 37 heures de travail par semaine sans autre explication.

IMG_20140331_130251Avant de pouvoir répondre à cette question, il est important de vérifier l’existence ou non d’un accord d’entreprise qui prévoirait des modalités particulières.

En l’absence d’accord d’entreprise valable, seul l’accord du 22 juin 1999 est applicable.

Dans ce cas,  la Cour de Cassation retient que le salarié est soumis alors à la modalité 1 (article 2 de l’accord) dite standard. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 février 2016, 14-18.278, Inédit)

Voici l’attendu de la Cour de Cassation : « la cour d’appel, qui a constaté que le salarié était soumis à l’horaire prédéfini de 37 heures hebdomadaires, en a exactement déduit qu’il relevait des modalités standard d’aménagement du temps de travail « .

Pour mémoire, la modalité standard prévoit que, sauf dispositions particulières négociées par accord d’entreprise, les salariés concernés par la modalité standard ont une durée hebdomadaire de travail de 35 heures, compte tenu des modalités d’aménagement du temps de travail évoquées précédemment.

La réduction de l’horaire de travail effectif doit être telle que leur horaire annuel ne puisse dépasser l’horaire annuel normal.

Quelles sont les conséquences pratiques de l’application de cette modalité ?

Il faut en retenir deux :

– le bulletin de paie doit faire apparaître 151,67 heures par mois et les deux heures par semaines supplémentaires en heures supplémentaires majorées à 25% ;

– le salarié doit avoir des jours de RTT afin de que de ne pas dépasser 1607 heures …

  • Depuis la loi du 8 aout 2016

    Tout salarié peut conclure une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois.

    Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en heures sur l’année, dans la limite du nombre d’heures fixé en application du 3° du I de l’article L. 3121-64 :

    1° Les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;

    2° Les salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.

    La rémunération du salarié ayant conclu une convention individuelle de forfait en heures est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait, augmentée, le cas échéant, si le forfait inclut des heures supplémentaires, des majorations prévues aux articles L. 3121-28L. 3121-33 et L. 3121-36.

 

De la qualification des voyages de détente avec des clients

La frontière entre le travail et le plaisir est souvent ténue surtout lors des voyages d’entreprise auxquels sont conviés tant les clients que les salariés.

Souvent ces voyages dits « d’agrément »  ne sont pas officiellement imposés aux salariés mais il est clair qu’ils sont souhaités par l’employeur pour entretenir la relation commerciale.

IMG_20140506_101304La Cour de Cassation a été interrogée afin de donner sa position sur l’existence ou non d’un temps de travail effectif pendant lesdits voyages.

Après avoir rappelé que le  travail effectif est  le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, la haute juridiction pose les principes du voyage d’agrément organisé par l’employeur et qui n’a pas à être rémunéré. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 février 2016, 14-14.213, Inédit )

Le salarié  n’effectue pas du travail effectif si  :

– il n’avait pas l’obligation de participer aux voyages d’accompagnement organisés chaque année à l’étranger par son employeur ;

–  au cours de ceux-ci, il n’avait aucune mission particulière d’encadrement ou de prise en charge des clients ;

– il était libre de se faire accompagner de son conjoint ;

– il pouvait vaquer durant ces voyages à des occupations personnelles sans se trouver à la disposition de l’employeur.

Cette décision doit être approuvée quant à  sa motivation juridique même si elle ne convainc pas vraiment sur la réelle possibilité pour le salarié de se soustraire à ce voyage.

Faute lourde : le droit constitutionnel à l’indemnité de congés payés

mis à jour 31 juillet 2018

Lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congés payés non pris au moment de la rupture du contrat de travail.

IMG00176-20100722-1704L’article  L.3141-26 du code du travail exclut les salariés licenciés pour faute lourde de ce droit à une indemnité compensatrice de congés payés.

Or cette disposition vient d’être déclarée inconstitutionnelle par Haute juridiction (Conseil Constitutionnel décision n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016).

Désormais, le salarié licencié pour faute lourde pourra prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés non pris au moment de la rupture du contrat de travail.

Il n’y aura donc plus de différence avec la faute grave….la qualification de faute lourde semble amenée à disparaître….

( voir en ce sens Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 juillet 2018, 15-19.597, Inédit)