Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

L’invention du salarié sur son lieu de travail

A qui appartient une invention brevetable réalisée par le salarié sur son lieu de travail ?

L’article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle rappelle que l’employeur est propriétaire des inventions du salarié en cours d’exécution de son contrat de travail dansdeux cas:

> si l’employeur a confié des missions inventives ponctuelles ou habituelles au salarié

–> si l’invention a un lien avec l’exploitation.

Certains ont cru voir dans cet article deux conditions cumulatives.

La Cour de Cassation par arrêt du 21 septembre 2011 N° de pourvoi: 09-69927 vient clairement de répondre par la négative.

Il suffit que le contrat de travail comporte une mission inventive et que ce soit dans ce cadre que l’invention ait été créée pour qu’elle appartienne à l’employeur  » .

L’employeur qui souhaite revendiquer la propriété d’une invention brevetable doit rapporter la preuve de la réalité de la mission confiée au salarié et non la preuve que le salarié avait travaillé à l’élaboration de ce projet dans le cadre de ses activités salariales ou que l’invention avait été réalisée au moyen de techniques de la société et de connaissances acquises auprès de celle-ci.

Affaire AIRBUS II : LE CHSCT doit être consulté sur les critères d’évaluation comportementaux.

  • (mis à jour le 29/09/11)

L’arrêt Airbus rendu par la Cour d’Appel de TOULOUSE en date du 21 septembre 2011 N° RG 11/00604 a rappelé le rôle bien distinct du CCE et du CHSCT.

En effet, dans cette affaire, la société AIRBUS avait cru pouvoir soumettre uniquement au CCE les critères qu’elle avait retenus pour évaluer les salariés.

« Insuffisant « répond la Cour d’Appel de TOULOUSE.

Elle a jugé que les critères d’évaluation devaient être soumis à la consultation préalable du CHSCT puisqu’ils intégraient des critères comportementaux professionnels représentant une part importante de l’évaluation, cette dernière étant susceptible de générer pour les salariés une insécurité et une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail.

La consultation du Comité Centrale d’Entreprise ne saurait en aucun cas se substituer à celle du CHSCT. 

 

AFFAIRE AIRBUS : DE L’ILLICEITE DES CRITERES D’EVALUATION DE SALARIES

  • (mis à jour le 29/09/11)

La Cour d’Appel de TOULOUSE vient de rendre le 21 septembre 2011 N° RG 11/00604 une décision illustrant parfaitement des limites autorisées pour évaluer le travail des salariés.

Dans cette affaire, les cadres de la société AIRBUS Opération recevaient chaque année une prime individualisée avec une partie fixe et une partie variable.

Cette partie variable tenait compte des éléments d’appréciation et d’évaluation sur les performances de chaque salarié qui faisait l’objet d’une évaluation selon des procédures en vigueur au sein de l’entreprise.

Lesdites procédures d’évaluation intégraient des critères comportementaux et plusieurs syndicats décidaient de saisir la juridiction aux fins de voir condamner la société AIRBUS pour des pratiques d’évaluation illicites.

La société AIRBUS imposait en effet à ses cadres un certain nombre d’objectifs mais afin de vérifier que lesdits objectifs étaient atteints, il était demandé à l’évaluateur de s’assurer que le salarié avait atteint ses objectifs, conformément aux valeurs de la société à savoir :

« 

– agir avec courage, 

– promouvoir l’innovation et livrer des produits fiables, 

– générer de la valeur pour le client, 

– favoriser le travail d’équipe et intégration au niveau mondial,

– faire face à la réalité et être transparent,

– développer ses talents et ceux des autres, « 

La Cour d’Appel de TOULOUSE a retenu que ces critères constituaient des critères comportementaux notamment celui intitulé « agir avec courage » qui selon la société AIRBUS impliquait de comprendre, partager la vision à long terme de manière censée et cohérente des actions par rapport à leur vision, de prendre des décisions justes et courageuses dans l’intérêt d’AIRBUS et d’en assumer pleinement les conséquences.

La Cour d’Appel a jugé que » l’appréciation du partage par le salarié de la vision à long terme et de l’appréciation de décision juste et courageuse étaient totalement subjectives et laissaient entendre que l’évaluation pourrait avoir une finalité disciplinaire, étrangère à la finalité de l’évaluation des aptitudes professionnelles ».

La Cour d’Appel en déduit que » sans entrer dans le détail de chacun des comportements issus de la valeur de l’entreprise, il apparait que certains d’entre eux ont une connotation morale qui rejaillit sur l’aspect personnel et qui constitue une appréciation trop subjective de l’évaluateur et souvent bien éloignée des aptitudes professionnelles des salariés« .

Dès lors, ces critères d’évaluation ne sauraient constituer des critères pertinents d’évaluation au sens de l’article L.1223 du Code du Travail.

De la différence entre la période d’essai et la période probatoire

Il ne faut pas confondre la période d’essai et la période probatoire. 

La PERIODE D’ESSAI est celle pendant laquelle : 

-l’employeur doit évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, 

-le salarié doit apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. 

Elle se situe en début de contrat. 

Elle n’est pas obligatoire, et doit être prévue dans le contrat. 

Sa durée maximum est limitée par la loi ou si cela est plus avantageux par un accord de branche ou par une convention collective. 

La loi ( (Articles L1221-19 à L1221-26 du Code du travail ) prévoit les durées maximum renouvelables suivantes 

–> Contrat à durée indéterminée (CDI) 

2 mois pour les ouvriers et employés, 

3 mois pour les agents de maîtrise et techniciens, 

4 mois pour les cadres. 

–>Contrat à durée déterminée (CDD) 

– d’un jour par semaine dans la limite de 2 semaines, pour tout CDD d’une durée inférieure ou égale à 6 mois, 

– d’un jour par semaine, dans la limite d’un mois, pour tout CDD d’une durée supérieure à 6 mois. 

Lorsque le contrat ne comporte pas de terme précis, la période d’essai est calculée par rapport à la durée minimale du contrat. 

–>Contrat de travail temporaire 

2 jours lorsque la durée du contrat est inférieure ou égale à 1 mois, 

3 jours lorsque la durée du contrat est comprise entre 1 et 2 mois, 

5 jours lorsque la durée du contrat est supérieure à 2 mois. 

La PERIODE PROBATOIRE est celle pendant laquelle : L’employeur teste le salarié dans ses nouvelles fonctions qui sont différentes de celles précédemment exercées dans la même entreprise. 

Elle se situe au cours de l’exécution du contrat lors de nouvelles attributions données au salarié. 

Il n’y a pas de durée maximum prévue par la loi. 

La rupture de la période d’essai et de la période probatoire n’obéissent pas du tout au même régime. 

LA RUPTURE DE LA PERIODE d’ESSAI est libre tant pour l’employeur que pour le salarié ce qui signifie : 

– aucun motif à donner 

– aucune indemnité n’est à verser au salarié 

– pas de formalités particulières de rupture à respecter 

-sauf si des dispositions conventionnelles en prévoient, notamment en cas de faute (dans ce cas, la procédure disciplinaire s’applique) ou de rupture du contrat d’un salarié protégé(autorisation de l’inspection du travail obligatoire). 

La notification de la rupture est écrite ou orale 

Cependant, il faut de prévoir un délai de prévenance avant le départ définitif du salarié. 

LA RUPTURE DE LA PERIODE PROBATOIRE doit : 

– être justifiée par une raison professionnelle cohérente 

– replacer le salarié dans ses fonctions antérieures 

– si le salarié ne peut être replacé il faut engager une procédure de licenciement 

 

Les règles de l’entretien d’évaluation

La jurisprudence reconnaît que l’employeur a le droit de pratiquer des évaluations qui relèvent de son pouvoir de direction.

L’entretien annuel d’évaluation est souvent redouté par les salariés qui craignent la partialité de leur employeur.

Or des règles limitent le pouvoir de l’employeur.

Rappelons que les méthodes et techniques d’évaluation des salariés doivent :

– être soumises à l’appréciation du CHSCT et du Comité d’Entreprise préalablement à leur mise en place dans l’entreprise.

– respecter la dignité des personnes dans le respect du principe de loyauté.

– Etre objectives et transparentes.

Cela signifie que le dispositif d’évaluation dont les critères restent flous et ne permettent pas de savoir si ce sont des compétences et des objectifs concrets qui sont jugés, est illicite 

– être pertinentes au regard de la finalité poursuivie ( article L1222-3 alinéa 3 du Code du Travail).

Il faut noter en effet que l’article L.1222-2 du Code du Travail prévoit que les informations demandées au salarié sous quelque forme que ce soit ne peuvent avoir comme autre finalité que d’apprécier ses aptitudes professionnelles.

Les informations demandées doivent donc présenter un lien direct et nécessaire avec l’évaluation de ses aptitudes.

Enfin et cela est primordial, Les résultats de l’évaluation doivent rester confidentiels entre l’employeur et le salarié.

 

De la licéité du prêt de main d’oeuvre

  • (mis à jour le 22/09/11)

Le prêt de main d’oeuvre consiste en la mise à disposition du personnel d’une entreprise « prêteuse  » auprès d’une autre entreprise « utilisatrice ».

L’article L.8241-2 du Code du travail modifié par l’article de la Loi n° 2011-892 du 28 juillet 2011 précise les conditions dans lesquelles le prêt de main d’oeuvre peut être licite.

Pour être licite, ce prêt de main d’oeuvre:

– doit être réalisé à but non lucratif, ce qui signifie que l’entreprise prêteuse de son personnel ne doit facturer à l’entreprise utilisatrice que les salaires correspondant aux salariés mis à disposition ainsi que les charges sociales et les frais professionnels afférents.

ou constituer des opérations réalisées dans le cadre :

–>1° Des dispositions du travail temporaire, du portage salarial aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequinslorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agence de mannequin ; 

–>2° Des dispositions de l’article L. 222-3 du code du sport relatives aux associations ou sociétés sportives ; 

–>3° Des dispositions des articles L. 2135-7 et L. 2135-8 du code du travail relatives à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d’employeurs mentionnées à l’article L. 2231-1.

– doit résulter impérativement d’une convention écrite entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice.

Cette convention doit prévoir la durée de mise à dispositionles coordonnées et l’identification complète des salariés concernés ainsi que le mode de détermination des salaires, charges sociales et frais professionnels.

– les instances représentatives du personnel, Comité d’entreprise, CHSCT ou à défaut DP doivent être informés et consultés dans l’entreprise prêteuse mais également dans l’entreprise utilisatrice des salariés.

 Le salarié ou les salariés mis à disposition dans une entreprise doivent avoir accepté cette mise à disposition et il n’y a aucune obligation de leur part de le faire.

– Si le salarié accepte d’être prêté dans une autre entreprise, un avenant à son contrat de travail devra être rédigé et signé précisant les modalités de travail dans l’entreprise utilisatrice (heures de travail, lieu d’exécution, et caractéristiques particulières du poste).

Il faut noter que lorsque le salarié est mis à disposition au sein de l’entreprise utilisatrice, il continue de bénéficier de l’ensemble des avantages conventionnels dont il bénéficiait dans son entreprise d’origine.

En tout état de cause, à la fin de la période de mise à disposition, le salarié retrouve au sein de l’entreprise prêteuse l’intégralité de ses fonctions et bénéficiera des mêmes avantages de carrière et de rémunération que si il n’avait jamais été mis à disposition.

L’insulte ne justifie pas systématiquement le licenciement

La Cour d’Appel de Versailles vient de rendre deux arrêts intéressants à l’égard de salariés ayant utilisé un langage fleuri à l’égard de leur supérieur.(Cour d’appel de Versailles 15ème chambre Audience publique du mercredi 7 septembre 2011 N° de RG: 10/02698 ;Cour d’appel de Versailles 15ème chambre Audience publique du mercredi 7 septembre 2011 N° de RG: 10/05356 ) 

Ces deux décisions, l’une en faveur du salarié l’autre en faveur de l’employeurrappellent qu’en cas d’injure proférée par le salarié à son employeur, la faute n’est pas systématiquement sanctionnable par un licenciement

Le contexte dans lequel intervient la ou les insultes proférées ainsi que l’ancienneté du salarié dans ses fonctions et son attitude antérieure doivent être pris en compte pour apprécier la proportionnalité entre la faute commise par le salarié et la sanction prononcée. 

–>Ainsi dans l’affaire N° de RG: 10/05356 , la Cour d’Appel a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement d’un salarié, qui avait pourtant insulté son supérieur hiérarchique en ces termes : «  » Pour moi t’es rien t’es une merde  » et avait déjà fait l’objet d’un avertissement antérieur pour des faits similaires survenus. 

La Cour d’Appel justifie sa décision en ces termes : 

« Considérant cependant qu’il résulte de l’attestation régulière en la forme de Monsieur D…, son ancien supérieur hiérarchique que durant toute la période où il avait travaillé avec Monsieur Idriss X… du 25 mai 2009 au 28 janvier 2010 il n’avait jamais eu aucune difficulté avec ce dernier qui était  » compétent et assidu à son poste de travail  » ; il précisait :  » tous les travaux que je lui ai confié ont toujours été accompli avec succès. En huit mois, il a cumulé environ 300 heures supplémentaires qui ont toujours été récupérées. Cela m’a confirmé son abnégation et sa solidarité envers tous ses collègues  » ; 

Qu’il apparaît dès lors qu’il existait un problème relationnel avec Monsieur Z… ; que certes Monsieur Idriss X… a commis le 5 mai 2010 une faute disciplinaire incontestable, qu’il devait être sanctionné, que néanmoins compte tenu des circonstances le licenciement pour cause réelle et sérieuse était excessif, une sanction de moindre importance pouvant être utilisée telle qu’une suspension temporaire du contrat de travail, le salarié ayant déjà eu un avertissement ; ce qui aurait eu l’avantage de laisser une chance à ce salarié de se reprendre sous le regard vigilant de son employeur . » 

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a dit le licenciement litigieux sans cause réelle et sérieuse.  » 

–>A contrario dans l’affaire N° de RG: 10/02698 la Cour d’Appel a estimé que le licenciement disciplinaire pour faute grave du salarié injurieux était justifié en appuyant sa motivation sur l’attendu suivant: 

« Considérant qu’en l’espèce les propos tenus a ses supérieurs hiérarchiques, Monsieur Z… et Monsieur Arnaud C…, tels qu' » enculé  » ne pensant qu’a  » enculer  » ses collaborateurs ou  » quant je ne serai plus dans l’entreprise cela se passera différemment  » qui ne sont pas vraiment contestés, démontrent une violence du salarié qui ne peut être toléré par un employeur, que venant s’ajouter au comportement antérieur et récurrent de Monsieur Mickael Y… ; il est suffisamment établi que le maintien dans l’entreprise de ce dernier était impossible y compris pendant la période de préavis . » 

En résumé, un écart de langage est certes sanctionnable mais pas toujours par un licenciement. 

De la tacite reconduction entre deux sociétés commerciales

Lors de la reconduction tacite d’un contrat entre deux sociétés commerciales, le prestataire de service n’a pas à informer son cocontractant par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu’il a conclu avec une clause de reconduction tacite. 

La Cour de Cassation vient de rappeler que le code de la consommation qui prévoit cette information en son article L. 136-1 du code de la consommationne concerne pas les contrats conclus entre sociétés commerciales et ce même si les cocontractants interviennent dans des domaines d’activités différents. 

Cour de cassation chambre commerciale Audience publique du mardi 6 septembre 2011 N° de pourvoi: 10-21583 Publié au bulletin 

 

La notion de travail effectif permettant l’acquisition de congés payés

Outre les jours de travail effectivement réalisés par le salarié, le Code du Travail prévoit qu’un certain nombre d’absences ouvre un droit à congés payés et sont assimilés à du travail effectif.

Ainsi de nombreuses absences justifiées telles que les congés payés, les repos légaux, les congés de formation, les accidents du travail, le service national, le chômage ainsi que d’autres absences peuvent être assimilés au temps de travail effectif.

Il faut retenir que ne donnent pas droit à congés payés:

1-les congés légaux non assimilés au travail effectif :

– le congé maladie, lorsque la maladie n’est pas une maladie professionnelle ou qu’elle dure plus d’un an,

– le congé de présence parentale totale,

– le congé de solidarité familiale,

– le congé de soutien familial,

– le congé parental d’éducation totale,

– le congé enfant malade,

– le congé solidarité internationale,

– le congé pour création d’entreprise,

– le congé sabbatique,

– le congé relatif à un accident de travail, lorsqu’il est supérieur à une année

– le congé relatif à un accident de trajet.

2- les absences pour convenance personnelle

3- le préavis non exécuté sur demande du salarié n’entraîne aucune acquisition de droit à congé.

4-Les cures thermales

5- les grèves

6- le chômage total ou le chômage partiel avec cessation d’activités ( contrairement au chômage partiel avec réduction d’horaires assimilé à du travail effectif et donnant droit à congés payés) .