Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Changement des horaires de travail : l’exemple du contrat AVENIR

L’employeur peut-il modifier unilatéralement la répartition des horaires de travail de son salarié ? 

La Cour de Cassation estime depuis de nombreuses années que dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut parfaitement modifier de son propre chef, la répartition des horaires quotidiens de travail de son salarié dès lorsqu’il maintient la durée de travail prévu au contrat. 

Il s’agit d’une simple modification des modalités d’exécution du contrat que le salarié ne peut refuser sous peine de commettre une faute. 

La Chambre sociale de la Cour de Cassation par décision du 16 juin 2011 N° de pourvoi: 10-17032 vient de réaffirmer cette solution dans le cadre d’un contrat Avenir de 24h/semaine en indiquant : »la répartition des horaires de travail dans la semaine, telle que précisée dans le contrat de travail, dit contrat d’avenir, de la salariée, avait pu être modifiée sans son accord  » 

Il convient tout de même de noter que laCour de Cassation refuse certains changements d’horaires décidés unilatéralement par l’employeur notamment lorsque le changement : 

– a pour effet de priver le salarié du repos dominical 

– entraîne des amplitudes horaires démesurées 

– entraîne le passage d’un horaire continu à un horaire discontinu 

– modifie un travail de jour en travail de nuit 

– a pour seul dessein de nuire au salarié 

Nullité du licenciement et indemnité de préavis du salarié inapte

La Cour de Cassation avait déjà jugé au mois d’avril dernier que dès lors que la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l’employeur, l’indemnité de préavis est toujours due,même en cas d’inaptitude du salarié.

Elle vient de rendre une décision dans le même sens en cas de nullité du licenciement.

Ainsi, par arrêt de sa chambre sociale du 25 mai 2011 N° de pourvoi: 09-69641, elle vient de juger : « lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit, même s’il est dans l’impossibilité physique d’exécuter son préavis, aux indemnités compensatrices de préavis et de congés payés« 

Attention : Cette solution est différente de celle habituellement retenue par la Cour de Cassation pour un salarié licencié injustement.

En effet dans le cas d’un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, la jurisprudence traditionnelle retient que l’employeur n’a pas à payer l’indemnité de préavis lorsque le salarié est dans l’incapacité d’exécuter son préavis en raison de la maladie ou de l’inaptitude ( Ccass. soc. 6 mai 2009, n° 08-40997 D ; C cass. soc. 11 juillet 2000, n° 98-45471, BC V n° 308) sauf si l’inaptitude est d’origine professionnelle et uniquement dans le cadre de l’article L 1234-1 code du travail (CCass. soc., 26 janv. 2011, n°09-68.544)

Cette différence de traitement entre l’indemnité de préavis en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle en cas de résiliation judiciaire aux torts de l’employeur ou de nullité du licenciement, pourrait préfigurer un revirement de jurisprudence dans le cadre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il faudra donc suivre la jurisprudence à venir. 

Du transfert des mails professionnels sur une messagerie personnelle

(Mise à jour le 16/12/2014)

Le salarié peut-il transférer des mails professionnels sur sa boite mail personnelle?

La Cour de Cassation vient de répondre favorablement à cette question par arrêt n° 3239 du 16 juin 2011 (10-85.079) – Cour de cassation – Chambre criminelle.

Cette décision reprend ainsi une jurisprudence traditionnelle des chambres sociale et criminelle qui estime que le salarié peut conserver une copie des documents dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, si lesdits documents sont nécessaires à la défense de ses intérêts. (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 novembre 2014, 13-84.414, Inédit)

L’intérêt de cette décision réside dans le fait que les documents sont dématérialisés.

En l’espèce, le salarié avisé du projet de son employeur de rompre son contrat de travail, avait transféré des mails dont il avait eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions et dont la production était strictement nécessaire à l’exercice de sa défense dans la procédure prud’homale qu’il a engagée peu après.

Il en avait parfaitement le droit.

Aucune qualification pénale de vol ou d’abus de confiance ne peut donc être retenue à l’égard du salarié.

 

DROIT DU TRAVAIL : De l’utilisation par l’employeur de la formule « libre de tout engagement »

  • (mis à jour le 22/06/11)

La Cour de Cassation en sa chambre sociale vient de considérer que l’employeur qui avaitlibéré son salarié « de tout engagement vis-à-vis de l’entreprise à compter de ce jour » ne libère pas le salarié de son obligation de non-concurrence.

En effet, elle estime que « la formule  » libre de tout engagement  » ne caractérise pas une volonté claire et non équivoque de l’employeur à renoncer à se prévaloir de la clause de non-concurrence « .( Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 8 juin 2011N° de pourvoi: 10-12736 10-13755) 

Le salarié est donc en droit de se prévaloir de la contrepartie pécuniaire de la clause ou de demander des dommages et intérêts si cette dernière n’en prévoit pas .

De la période d’essai implicite, illicite ou illégalement rompue

Voici quelques décisions de la Cour de Cassation du 25 mai dernier sur des périodes d’essais illicites ou illégalement rompues.

–> L’absence de période d’essai implicite :

Lorsque le contrat de travail ne prévoit pas de période d’essai… il n’y en a pas 

(même si la convention collective prévoyait cette possibilité.)

La Cour de Cassation confirme ainsi la position de la cour d’appel de Versailles, qui avait constaté que le contrat de travail du salarié ne prévoyait pas de période d’essai et avait décidé que l’embauche de celui-ci était définitive. (C cass Ch sociale 25 février 2011 N° de pourvoi: 09-68180 )

–> illicité d’une période d’essai pour des raisons de connaissance des qualités professionnelles :

Prévoir une période d’essai est illicite, si l’employeur a déjà pu apprécier les qualités professionnelles du salarié pour ledit poste. 

( Cour de cassation chambre sociale 25 mai 2011 N° de pourvoi: 09-68157 09-68402 )

–> illicité de la rupture de la période d’essai

Il ne peut être mis fin à la période d’essai :

– pour des motifs disciplinaires étrangers à la finalité de la période d’essai et n’ayant pas fait l’objet d’une procédure disciplinaire. (Cour de cassation chambre sociale 25 mai 2011 N° de pourvoi: 09-71446 )

– si l’employeur avait agi de mauvaise foi en mettant fin au contrat le jour même de la signature du contrat mentionnant l’existence et la durée de la période d’essai (Cour de cassation chambre sociale 25 mai 2011 N° de pourvoi: 09-71446 )

 

De l’emploi des salariés étrangers sans titre de travail

La loi du 11 mai 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité a été définitivement adoptée 

Elle devrait être bientôt publiée. 

Elle prévoit notamment un nouvel article du code du travail : l’article. L. 8251-2. :

« Nul ne peut, directement ou indirectement, recourir sciemment aux services d’un employeur d’un étranger sans titre. » 

L’emploi d’un salarié sans titre de travail, directement ou par personne interposée, est passible d’une amende de 15 000 euros et d’emprisonnement. 

L’infraction est caractérisée dès lors que l’employeur savait que l’étranger n’avait pas de titre de travail valable. 

Cependant, quand l’employeur aura fait travailler un salarié qui lui a présenté un titre frauduleux et aura procédé aux déclarations d’embauches obligatoires, il ne pourra pas être sanctionné…sauf si il connaissait la fraude. 

L’employeur devra également au salarié en situation illicite, au moins 3 mois de salaires et accessoire , sauf si le salarié peut apporter la preuve qu’il a travaillé plus longtemps. 

En cas de rupture de la relation de travail illégale, l’employeur versera une indemnité forfaitaire de 3 mois de salaire (1 mois jusqu’alors) au salarié étranger sans titre de travail qu’il employait . 

Lorsque le salarié étranger sans titre de travail n’aura pas été déclaré (travail dissimulé), l’employeur lui devra: 

– soit une indemnité forfaitaire spécifique au travail dissimulé égale à 6 mois de salaire 

– soit l’indemnisation au titre de l’emploi sans titre de travail si cela est plus favorable 

En outre , le nouvel Art. L. 8252-4 du code du travail prévoit :  » Les sommes dues à l’étranger sans titre, dans les cas prévus aux 1° à 3° de l’article L. 8252-2, lui sont versées par l’employeur dans un délai de trente jours à compter de la constatation de l’infraction. 

Lorsque l’étranger est placé en rétention administrative en application de l’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2 du même code ou lorsqu’il n’est plus sur le territoire national, ces sommes sont déposées sous le même délai auprès d’un organisme désigné à cet effet, puis reversées à l’étranger. 

« Lorsque l’employeur ne s’acquitte pas des obligations mentionnées au premier alinéa, l’organisme recouvre les sommes dues pour le compte de l’étranger. » 

les objectifs doivent impérativement être rédigés en français.

  • (mis à jour le 08/09/11)

De plus en plus de sociétés étrangères qui créent un bureau ou un établissement en France, croient pouvoir se dispenser de rédiger le contrat de travail en français.

Pourtant, le code du travail prévoit que le contrat de travail du salarié français doit être rédigé en français. ((c. trav. art. L. 1221-3). 

La Cour de Cassation vient de rappeler ces principes et y ajoutant a retenu que les objectifs rédigés en langue anglaise ne pouvaient être opposés au salarié.

L’attendu de la haute juridiction est clair : « les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle étaient rédigés en anglais, en sorte que le salarié pouvait se prévaloir devant elle de leur inopposabilité. » (Cour de cassation chambre sociale 29 juin 2011 N° de pourvoi: 09-67492, confirmation :   Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 avril 2014, 12-30.191, Inédit)

Cette solution a néanmoins une exception  : la règle selon laquelle tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail doit être rédigé en français n’est pas applicable aux documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers.

 

CHSCT: le vote à main levée est interdit

  • (mis à jour le 14/06/11)

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 31 mai 2011 N° de pourvoi: 10-60226 

En application de l’article L. 4613-1 du code du travail si un accord unanime peut définir les modalités de désignation des membres de la délégation du personnel au CHSCT, il ne peut être dérogé à l’obligation de procéder à un vote par un scrutin secret . 

Il s’agit d’une obligation d’ordre public à laquelle les membres du CHSCT ne peuvent contrevenir. 

Le vote à main levée est interdit. 

Changement des modalités de calcul de la rémunération = il faut impérativement l’accord du salarié

Mise à jour 16 juillet 2014

L’employeur ne peut changer seul les modalités de calcul de la rémunération de son salarié.

IMG_20140506_101321Cela apparait évident lorsque la rémunération diminue.

Mais en 2011, cette règle s’applique également:

– lorsque le montant de la rémunération augmente

– lorsque le montant de la rémunération finale reste identique

La rémunération contractuelle d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que l’employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié.(Cour de cassation chambre sociale 18 mai 2011 N° de pourvoi: 09-69175 )

Depuis cet arrêt, la Cour de Cassation n’a plus exactement la même position puisqu’elle regarde l’impact sur le salaire de la modification unilatérale de l’employeur. ( 2014- MODIFICATION DU MODE DE RÉMUNÉRATION UNILATÉRALEMENT PAR L’EMPLOYEUR)

 

La différence de catégorie professionnelle peut justifier une différence de traitement

  • (mis à jour le 13/12/11)

Par deux arrêts rendus le 8 juin 2011,(Arrêt n° 1465 du 8 juin 2011 (10-11.933 / 10-13.663) et (Arrêt n° 1464 du 8 juin 2011 10-14.725) la chambre sociale de la Cour de cassation vient de juger que l’inégalité de salaire peut reposer sur des stipulations conventionnelles ( texte de la convention collective) lorsque ces dernières ont pris en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d’une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités de rémunération . 

La Cour de Cassation avait suscité des critiques lorsqu’elle avait jugé, le 20 février 2008 (n ° 05-45.601,) et le 1er juillet 2009 (n ° 07- 42.675), que la seule différence de catégorie professionnelle (cadre ou employé) ne pouvait justifier une différence de traitement entre des salariés placés dans une situation identique au regard de l’avantage en cause, que celui-ci ait été institué unilatéralement par l’employeur (1 ère espèce) ou soit le fruit de la négociation collective (2 ème espèce). 

Elle vient de limiter la portée de ces décisions par les deux arrêts du 8 juin 2011précités en décidant : 

« Attendu que la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement, résultant d’un accord collectif, entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; que repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d’un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d’une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités de rémunération «  

voir également (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 7 décembre 2011 N° de pourvoi: 10-19102 )