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Licencié pour des mails non professionnels reçus ou envoyés de sa messagerie professionnelle

La Cour d’Appel d’Orléans par décision du 29 janvier 2013 n°11/03345 a validé le licenciement d’un salarié qui avait utilisé sa messagerie en recevant, de l’extérieur ou de collègues, des fichiers et documents à caractère humoristique ou personnel, comportant pour certains des photos grivoises , et en en envoyant. 

Selon la Cour d’Appel, il ne s’agissait pas d’une faute grave car la poursuite du contrat pendant la durée limitée du préavis était possible, mais d’une cause sérieuse de licenciement. 

Dans cette affaire la Cour d’Appel a sanctionné le salarié en retenant que ce dernier avait utilisé la messagerie professionnelle pour une partie non négligeable de son temps à des fins extérieures à son activité. 

Pour apprécier cet arrêt, il convient de relever que l’entreprise avait une charte informatique selon laquelle l’usage de la messagerie se faisait dans le cadre « exclusif » de l’activité professionnelle et que le règlement intérieur de l’entreprise interdisait le travail personnel au sein des locaux de l’entreprise . 

L’appelant soutenait qu’il s’agissait de correspondances, et donc de sa vie privée, et que certains mails faisaient partie de son fichier personnel, auquel l’employeur n’avait pas à accéder. 

Or la Cour d’Appel a rappelé justement que les mails et fichiers contenus dans son ordinateur professionnel sont présumés avoir un tel caractère, sauf s’ils sont identifiés comme personnels, ce qui ici n’était pas le cas. 

La Cour d’Appel a considéré que l’employeur pouvait en prendre connaissance et les produire comme élément de preuve. 

Cette décision est-elle critiquable ? 

La Cour de Cassation a déjà pu considérer à plusieurs reprises que l’employeur pouvait se servir des messageries informatiques pour justifier le licenciement d’un salarié.

Elle estime en effet que le message, envoyé par le salarié aux temps et lieu du travail, qui est en rapport avec son activité professionnelle, ne revêt pas un caractère privé. 

Elle retient que les courriels adressés ou reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé sauf s’ils sont identifiés comme personnels. 

L’arrêt de la Cour d’Appel d’Orléans précité va plus loin puisqu’il considère que recevoir et envoyer des mails non professionnels constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement pour ne pas avoir consacré tout son temps de travail à son activité professionnelle. 

Espérons que c’est une solution d’espèce, car si les employeurs devaient licencier tous les salariés qui reçoivent des mails personnels au travail, il faudrait alors interdire au salarié d’avoir la moindre vie privée alors qu’ils sont en poste … 

Une manière de déshumaniser le salarié en somme !!! 

Prise d’acte de la rupture pendant un arrêt pour accident de travail

Il est de jurisprudence constante que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur lorsqu’elle est justifiée équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il existe cependant des cas où la prise d’acte de la rupture peut produire les effets d’un licenciement nul.

C’est le cas :

– lorsqu’un salarié titulaire d’un mandat représentatif prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, 

– lorsque le salarié est victime de harcèlement

– lorsque le salarié est en arrêt de travail pour accident de travail

C’est cette dernière situation que vient d’examiner la Cour de Cassation dans un arrêt de sa Chambre sociale, 12 décembre 2012, 10-26.324, Publié au bulletin.

La Haute juridiction retient :

« Mais attendu, d’abord, qu’ayant constaté qu’à la suite d’un accident du travail, la salariée avait été en arrêt de travail du 9 juillet au 5 août 2007, soit pendant 28 jours, la cour d’appel a exactement retenu que celle-ci devait bénéficier du paiement de la totalité de son salaire pendant cette période conformément aux dispositions de l’article 17 bis de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport ;

Attendu, ensuite, qu’ayant estimé que l’employeur avait commis des manquements suffisamment graves, la cour d’appel en a exactement déduit que la prise d’acte par la salariée de la rupture de son contrat de travail, intervenue pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à l’accident du travail, devait produire les effets d’un licenciement nul, peu important qu’elle ait ensuite travaillé pour le compte d’un autre employeur ; »

L’annulation du retrait du permis de conduire et le licenciement intervenu sur ce motif

L’annulation du retrait de permis du salarié peut avoir des effets pervers pour l’employeur.

Voici une illustration dans un arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 décembre 2012, 12-13.522, Inédit.

Dans cette affaire, Le salarié avait été engagé à compter du 4 juillet 2005 par la société ID construction (la société) en qualité d’ingénieur technico-commercial.

Son contrat de travail prévoyait que le salarié serait amené à effectuer des déplacements professionnels et que pour l’exécution de son activité professionnelle ainsi que pour ses besoins personnels, une voiture de service serait mise à sa disposition.

Le 16 décembre 2008, Le salarié a informé son employeur de l’annulation de son permis de conduire à la suite de la perte totale de ses points et du fait qu’il restituerait son permis de conduire à la préfecture, le 17 décembre 2008, pour une durée de six mois.

C’est dans ces conditions que le salarié avait été licencié le 20 janvier 2009, la société indiquant ne pouvoir continuer à employer un ingénieur technico-commercial qui ne pouvait plus se déplacer chez ses clients ni venir de son domicile en Indre-et-Loire au siège social de la société en Loir-et-Cher.

Le salarié a contesté le retrait de son permis devant le Tribunal Administratifet a saisi la juridiction prud’homale de demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.

Le Tribunal administratif a, par jugement du 10 décembre 2009, annulé des décisions de retrait de points et confirmé la validité de son permis de conduire.

La Cour D’appel et la Cour de Cassation ont été obligées de considérer que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, puisque le permis était sensé n’avoir jamais été retiré.

L’argumentaire juridique des juridictions sociales s’appuie sur le principe de séparation des pouvoirs garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, règle selon laquelle l’annulation d’une décision administrative a un effet rétroactif qui ne peut être remis en cause par le juge judiciaire.

 

Le retour du salarié expatrié en France et l’obligation de réintégration de la société

Il appartient à l’employeur, à l’issue d’une période d’expatriation, de réintégrer le salarié dans l’entreprise en lui proposant un poste et un niveau de rémunération équivalents à ceux dont il bénéficiait auparavant.

Cela résulte de l’article L1231-5 du Code du travail « Lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein. Si la société mère entend néanmoins licencier ce salarié, les dispositions du présent titre sont applicables. Le temps passé par le salarié au service de la filiale est alors pris en compte pour le calcul du préavis et de l’indemnité de licenciement ».

Cela signifie que le salarié expatrié ayant fait l’objet d’une mesure de rapatriement en France doit :

 bénéficier d’une offre de réintégration sérieuse, précise et compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère,

-donner un accord exprès sur ce nouveau poste . (et non tacite) 

Si l’employeur ne respecte pas cette obligation, le salarié peut tout à fait prendre acte de la rutpure aux torts de l’employeur. (Cour de Cassation Soc. 21 novembre 2012, n°10-17978, publié au bulletin)

De l’interdiction de modifier le salaire ( variable ou non) sans l’accord du salarié

mis à jour  30 juin 2016

Le mode de rémunération contractuel d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord.

Le fait que l’employeur démontre que le nouveau mode de rémunération est plus avantageux pour le salarié ne change absolument pas l’application de la règle(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 31 octobre 2012 Non publié au bulletin Cassation N° de pourvoi: 11-18886 ;(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 juin 2016, 15-10.116, Inédit)

Cette solution n’est pas nouvelle. 

Elle permet au salarié soit de prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur soit de solliciter la résolution judiciaire au tort de l’employeur.

La Cour de Cassation a rappelé cette solution récemment à propos du taux horaire contractuel.

Attention, il arrive fréquemment que le contrat de travail prévoit une rémunération variable d’un montant annuel fixe en cas d’atteinte d’objectifs déterminés unilatéralement par l’employeur dans le cadre de plans annuels de rémunération variable. 

Dans ce cas, la Cour de Cassation considére ( chambre sociale arrêt du 2 mars 2011 n° 08-44977) , que lorsque le salarié a accepté que la détermination des objectifs conditionne sa rémunération variable et qu’il a également accepté que la fixation de ses objectifs soit unilatéralement définie par l’employeur, le salarié n’a pas besoin de donner son accord lors de la modification des objectifs par son employeur 

 

Quand l’employeur remet en cause une transaction

  • (mis à jour le 30/10/12)

Conclure une transaction avec son salarié avant de prononcer son licenciement est une pratique dangereuse.

En effet, le salarié pourra toujours invoquer la NULLITE d’une transaction résultant de ce qu’elle a été conclue avant la notification du licenciement.

Cependant l’employeur ne peut pas se prévaloir de cette nullité.

En effet, il s’agit d’une nullité relative instituée dans l’intérêt du salarié et ne peut dès lors être invoquée par l’employeur.

L’employeur n’est cependant pas démuni de toute action si le salarié ne demande pas la nullité de la transaction mais refuse d’exécuter les obligations en découlant.

La Cour de cassation en sa chambre sociale par arrêt du 17 octobre 2012 N° de pourvoi: 11-10910 rappelle que l’employeur peut toujours solliciter la RESOLUTION JUDICIAIRE de la transaction aux torts du salarié. 

Cela lui permettra d’obtenir restitution des sommes versées à titre indemnitaire.

Dans cette affaire, l’employeur faisait valoir que le salarié avait usé de prétextes fallacieux pour se prétendre libéré des obligations résultant du protocole transactionnel.

La Cour de Cassation estime que cet argumentaire pouvait justifier la résolution judiciaire du protocole transactionnel aux torts du salarié. 

Il faut donc retenir de cette décision que le salarié ne peut se dispenser d’exécuter les obligations nées d’un protocole transactionnel dont il n’entend pas demander la nullité.

 

Quand le salarié met en cause la moralité de son supérieur

  • (mis à jour le 22/10/12)

Adresser un courrier électronique à son supérieur en remettant en cause la moralité de ce dernier pour lui imputer l’échec d’une ou plusieurs ventes est un abus de sa liberté d’expression.

C’est en tout cas la position que la Cour de Cassation a retenu dans l’arrêt rendu par sa chambre sociale dans un arrêt du 10 octobre 2012 N° de pourvoi: 11-18985.

C’est donc une nouvelle illustration des dangers des messageries électroniques et des mails d’humeur..

Dans cette affaire un salarié avait tenu à l’égard de son supérieur hiérarchique des propos constitutifs de dénigrement, en lui imputant l’échec d’une vente en raison de son comportement cavalier envers la compagne d’un client.

Toute vérité n’est pas bonne à dire même en des termes choisis.…surtout lorsqu’il s’agit de badinerie !!

 

Droit de critique post licenciement

Il s’agit d’une liberté fondamentale qui ne peut être limitée qu’en cas d’abus. 

Cet abus résulte souvent de la manière dont la critique est formulée.

En cas de faute lourde, le salarié peut être condamné à verser des dommages-intérêts envers son employeur.

Prouver la faute lourde est souvent difficile, car cela implique de rapporter la volonté de nuire du salarié et non simplement le préjudice subi par l’employeur.

En pratique, il est donc rare que le salarié, souvent licencié, soit condamné à verser des dommages et intérêts à son employeur lorsqu’il émet des critiques sur son entreprise. 

La Cour de Cassation vient cependant de rappeler que les régles sont différentes si le salarié émet des critiques après la fin du contrat de travail.(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 19 septembre 2012 N° de pourvoi: 10-21517 Non publié au bulletin Rejet)

Selon la jurisprudence de la haute juridiction, les critiques d’un ancien salariépeuvent donner lieu à versement de dommages et intérêts au profit de l’employeur sans avoir à établir l’existence d’une faute lourde.

Dans cette affaire, le salarié avait adressé trois lettres de critique de la gestion de l’entreprise à deux clients de la société après la fin de son contrat de travail.

Il sera condamné à indemniser le préjudice de la société, sur la simple démonstration de l’existence d’un dommage causé à l’entreprise.

Durée de la mise à pied conservatoire et délai restreint pour sanctionner la faute grave

  • (mis à jour le 11/04/22)

En cas de faute grave du salarié, la mise en oeuvre du licenciement disciplinaire du salarié doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur ait eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.

Cette notion de délai restreint fait l’objet d’illustrations jurisprudentielles.

Il reste cependant des cas où l’employeur peut avoir besoin de temps pour vérifier l’importance et la réalité de la faute du salarié.

Il prend alors souvent une décision de mise à pied conservatoire qui consiste à suspendre le contrat de travail d’un salarié, dans l’attente de son licenciement. 

Cette mesure est licite.

Elle sert à prévenir les situations de danger et de désordre que pourrait entraîner le maintien du salarié éventuellement fautif dans l’entreprise. 

Si la faute grave est avérée, cette mise à pied conservatoire ne sera pas rémunérée.

Il ne faut donc pas que cette mesure de mise à pied soit trop longue avant que la procédure de licenciement soit engagée.

La Cour de Cassation chambre sociale 13 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-16434 estime qu’une mise à pied conservatoire de treize jours est licite dès lors qu’elle était nécessaire.

Voici l »attendu : ‘qu’en relevant que la mise à pied, qualifiée de conservatoire, a été suivie treize jours après son prononcé de l’envoi d’une lettre de convocation à l’entretien préalable à un licenciement et que ce délai de treize jours est, dans l’intérêt même du salarié, un délai indispensable, compte tenu de la nécessité, pour l’employeur, de mener à bien les investigations sur les faits reprochés portant sur un détournement de fonds et de se déterminer sur la nécessité d’engager une procédure de licenciement pour faute grave, la cour d’appel a pu retenir que cette mise à pied de treize jours avait un caractère conservatoire ».

Attention cependant si le délai restreint est admis lorsqu’il faut une enquête, il n’est pas admis lorsqu’aucune investigation n’est nécessaire.

En effet dans ce cas:

–> LA MISE À PIED CONSERVATOIRE DOIT ÊTRE CONCOMMITTANTE À L’ENGAGEMENT DU LICENCIEMENT

–> Pour une illustration des délais admis en l’absence d’enquête,

La Cour de Cassation dans un arrêt du 14 avril 2021 donne une illustration d’un délai déraisonnable  de 7 jours calendaires entre la mise à pied conservatoire et la convocation à l’entretien préalable . (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 avril 2021, 20-12.920, Inédit)

Par arrêt du 30 octobre 2013, la Cour de Cassation a  refusé la qualification de mise à pied conservatoire à une mise à pied pour laquelle une procédure de licenciement n’avait été engagée que six jours plus tard sans justifier d’aucun motif à ce délai.

Une nuance est cependant apportée par la Cour de Cassation quand le salarié est absent de l’entreprise.

La Cour de cassation considère également que, « le fait pour l’employeur de laisser s’écouler un délai entre la révélation des faits et l’engagement de la procédure de licenciement ne retire pas à la faute son caractère de gravité, dès lors que le salarié, dont le contrat de travail est suspendu, est absent de l’entreprise ». ( Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-20.872)

Négociation de départ : attention à la CSG CRDS

La loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2011 a déjà modifié nettement la fiscalité des indemnités de rupture des contrats de travail. ((indemnités de licenciement, indemnité transactionnelle, indemnité de rupture conventionnelle, etc.) en instaurant de nouvelles règles de soumission à IR, charges sociales et CSG CRDS.

Depuis, le 1er septembre 2012, les indemnités de rupture de contrat de travail et les indemnités de cessation des fonctions de dirigeants ou mandataires sociaux, sont soumises à cotisations et contributions sociales, dès le 1er euro, dès lors qu’elles excèdent 363.720 euros. ( soit 10 fois le plafond de la sécurité sociale)

Vous pouvez retrouver les dispositions légales à l’article 30 de la loi n°2012-958 du 16 août .

Il faut être très clair dans les négociations de départ sur cette question pour éviter les déconvenues.