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Port de l’uniforme et nullité des clauses contractuelles imposant la charge de l’entretien des tenues au salarié

Le contrat de travail ne peut prévoir une clause stipulant : « qu’en contrepartie de l’avantage que constitue la mise à disposition gratuite, par l’employeur, d’une tenue de travail, le salarié prendra à sa charge l’entretien de cette tenue de travail ».(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 septembre 2013, 12-15.137 12-15.138 12-15.139, Inédit )

En effet une telle clause est illicite.

Cette solution doit être approuvée car elle résulte des dispositions combinées des articles 1135 du code civil et L. 1221-1 du code du travail.

Ces derniers prévoient que les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être supportés par ce dernier et ne sont limités que dans de rares exceptions.

 

La liberté de se vêtir au regard du principe de laïcité et du caractère privé ou public de l’employeur

La liberté de se vêtir à sa guise n’entre pas dans la catégorie des libertés fondamentales et l’employeur peut tout à fait estimer qu’une tenue vestimentaire estincompatible avec les fonctions et conditions de travail.

La violation du principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution permet-il de restreindre la liberté de se vêtir du salarié en refusant par exemple le port du voile ou de signes religieux ?

La Cour de Cassation répond par la négative pour les salariés des employeurs de droit privé tant qu’ils n’assurent pas une mission de service public.

La haute juridiction pour expliquer la distinction a rendu deux décisions.

Dans la première, elle tranche la situation qui avait été très médiatisée de la salariée éducatrice de jeunes enfants de la crèche Baby Lou qui avait été licenciée pour avoir refusé d’ôter son voile. ( Arrêt n° 536 du 19 mars 2013 (11-28.845 – Cour de cassation – Chambre sociale – ).

Pour mémoire, le règlement intérieur de la crêche interdisait le port du voile.

Il prévoyait une stipulation spécifique précisant que dans l’exercice du travail, le salarié devait respecter et garder la neutralité d’opinions politiques et confessionnelles au regard du public accueilli telle que mentionnée dans les statuts de l’association.

La Cour de Cassation considère que le licenciement de la salariée voilée est sans cause réelle et sérieuse car fondé sur un motif discriminatoire.

Voici l’attendu : « le règlement intérieur de l’association Baby Loup prévoit que « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche », ce dont il se déduisait que la clause du règlement intérieur, instaurant une restriction générale et imprécise, ne répondait pas aux exigences de l’article L. 1321-3 du code du travail et que le licenciement, prononcé pour un motif discriminatoire, était nul,sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres griefs visés à la lettre de licenciement. »

Elle retient donc que dans le secteur privé sans mission de service public, il n’est pas possible d’invoquer le principe de laïcité pour limiter la liberté de se vêtir du salarié.

Dans la seconde décision, elle a validé le règlement intérieur de la caisse primaire d’assurance maladie qui limitait la liberté de se vêtir au respect du principe de laïcité. 

Elle souligne que la restriction était nécessaire à la mise en oeuvre du principe de laïcité afin d’ assurer aux yeux des usagers la neutralité du service public. ((Arrêt n° 537 du 19 mars 2013 (12-11.690) – Cour de cassation – Chambre sociale ).

Il importait peu que la salariée travaille pour une personne morale de droit privé car cette dernière participait à une mission de service public.

Voici la motivation : 

« Mais attendu que la cour d’appel a retenu exactement que les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé et que, si les dispositions du code du travail ont vocation à s’appliquer aux agents des caisses primaires d’assurance maladie, ces derniers sont toutefois soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu’ils participent à une mission de service public, lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires ;

Et attendu qu’ayant retenu que la salariée exerce ses fonctions dans un service public en raison de la nature de l’activité exercée par la caisse, qui consiste notamment à délivrer des prestations maladie aux assurés sociaux de la Seine-Saint-Denis, qu’elle travaille en particulier comme « technicienne de prestations maladie » dans un centre accueillant en moyenne six cent cinquante usagers par jour, peu important que la salariée soit ou non directement en contact avec le public, la cour d’appel a pu en déduire que la restriction instaurée par le règlement intérieur de la caisse était nécessaire à la mise en oeuvre du principe de laïcité de nature à assurer aux yeux des usagers la neutralité du service public . »

La Douche obligatoire n’est pas le temps d’habillage et de déshabillage

La contrepartie du temps d’habillage et de déshabillage de l’article L.3121-3 du Code du travail n’est pas la rémunération obtenue au titre du temps de douche prévue à l’article R.3121-2 du même code.

La Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 décembre 2012, 11-22.884, Publié au bulletin rappelle en effet que ces deux situations sont distinctes et peuvent faire l’objet de rémunérations ou contreparties différentes.

Dans cette affaire, un salarié réclamait auprès du Conseil de Prud’hommes, le paiement d’une contrepartie financière au titre de son temps d’habillage et de déshabillage en faisant valoir que cette contrepartie ne pouvait se confondre avec celle perçue au titre du temps de douche. 

La Cour d’appel et la Cour de cassation en sa chambre sociale considèrent que si un accord collectif précise que la rémunération versée pour le temps passé à la douche en fin de service se définit à hauteur d’un quart d’heure, celle-ci ne peut valoir contrepartie au temps d’habillage nécessaire lors de la prise de poste pour revêtir la tenue dont le port est obligatoire. 

Il y a donc bien deux situations distinctes…

 

Prime d’habillage et de déshabillage et conditions d’hygiène

L’employeur doit indemniser le temps d’habillage et de déshabillage du salarié si deux conditions cumulatives sont remplies :

– un port d’habit spécifique exigé par des dispositions légales, réglementaires, conventionnelles ou contractuelles 

– un habillage et un déshabillage imposés dans l’entreprise ou sur le lieu du travail

La Cour de Cassation a déjà jugé que cette prime n’est pas due si l’employeur laisse libre son salarié de choisir s’il veut mettre son uniforme dans l’entreprise ou chez lui. 

La Cour de Cassation vient de rajouter que dans certains cas liés à l’hygiène, l’employeur n’a pas la possibilité de demander au salarié de se changer chez lui.

Elle a jugé que: « les conditions d’insalubrité dans lesquelles le salarié exerçait son activité lui imposaient pour des raisons d’hygiène de le revêtir et de l’enlever sur le lieu de travail« .( Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 21 novembre 2012 N° de pourvoi: 11-15696 Publié au bulletin Rejet).

Dans ce cas, la prime d’habillage et de déshabillage est due.

Absence de prime d’habillage et de déshabillage lorsque le salarié a le choix du lieu pour se vêtir ou se dévêtir

  • (mis à jour le 03/12/12)

En application de L 3121-3 du Code du travail, l’employeur ne doit indemniser le temps d’habillage et de déshabillage du salarié que si deux conditions cumulatives sont remplies :

– un port d’habit spécifique exigé par des dispositions légales, réglementaires, conventionnelles ou contractuelles 

– un habillage et un déshabillage imposés dans l’entreprise ou sur le lieu du travail

La Cour de Cassation rappelle par deux décisions de sa chambre sociale du 16 mai 2012 N° de pourvoi: 10-26317 10-26319 que la prime n’est pas due si l’employeur laisse libre son salarié de choisir s’il veut mettre son uniforme dans l’entreprise ou chez lui. 

A mon sens, la Cour de Cassation aurait dû rajouter que la liberté de choix doit être compatible avec les conditions climatiques et les caractéristiques de la tenue….

La Cour de Cassation vient de franchir un premier pas en ce sens à propos des situations où les conditions d’hygiènes imposent que le salarié se change dans l’entreprise. (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 21 novembre 2012 N° de pourvoi: 11-15696 Publié au bulletin Rejet)

Port de l’uniforme : des frais de nettoyage.

  • (mis à jour le 25/07/12)

Lorsque les salariés ont l’obligation de porter un uniforme dans le cadre de leurs fonctions, c‘est à l’employeur de prendre à sa charge les frais de nettoyage.

Il faut cependant que la dépense de nettoyage soit certaine.

Dans ces conditions, le Juge peut fixer le montant des frais dont l’employeur devait assumer la charge

(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 29 février 2012 N° de pourvoi: 10-17623 Non publié au bulletin Rejet )(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 11 juillet 2012 N° de pourvoi: 11-17121 Non publié au bulletin Rejet)

Rappelons pour mémoire, que le temps d’habillage et de déshabillage peut dans certains cas être indemnisé, lorsque le port de l’uniforme est imposé par l’employeur. 

 

Port de l’uniforme : du temps d’habillage et de déshabillage

  • (mis à jour le 25/07/12)

Le temps de d’habillage et de déshabillage ne doit pas toujours être indemnisé, même si le port de l’uniforme est imposé par l’employeur.

L‘Assemblée plénière de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 novembre 2011 N° de pourvoi: 10-16491 vient de confirmer la position de la Cour de Cassation Chambre sociale quant à l’interprétation de l’article L. 3121-3 du code du travail. 

Il s’agit d’une position affirmée pour la première fois par la Cour de Cassation en chambre sociale dans un arrêt du 26 mars 2008 n° de pourvoi 05-41476.

Cet arrêt avait posé le principe selon lequel l’employeur ne devait payer le temps d’habillage et de déshabillage du salarié que si deux conditions cumulatives étaient remplies :

– un port d’habit spécifique exigé par des dispositions légales, réglementaires, conventionnelles ou contractuelles 

– un habillage et un déshabillage imposés dans l’entreprise ou sur le lieu du travail.

L’Assemblée plénière confirme cette position en refusant d’octroyer aux salariés dont l’habillage et le déshabillage devaient être effectués en dehors du temps et lieu de travail une contrepartie financière.

En l’espèce, elle a considéré que les deux conditions cumulatives de l’articleL. 3121-3 du code du travail n’étaient pas remplies.

Seule était remplie la première condition – le port d’un uniforme imposé par une clause de leur contrat de travail car les salariés devaient être revêtus de leur uniforme dès leur arrivée sur le lieu de travail en application d’une note de service exigeant un habillage et déshabillage à domicile.

Pour un exemple du temps d’habillage et de déshabillage payé voire : Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 11 juillet 2012 N° de pourvoi: 11-21192 11-21199 11-21201 11-21205 11-21206 11-21208 11-21210 11-21214 11-21215 11-21216 11-21217 11-21218 11-21219 

PORT DU VOILE ET LICENCIEMENT

(mis à jour le 1/07/2014) – voir également l’affaire baby loup

La décision du Conseil des Prud’hommes de MANTES LA JOLIE du 13 décembre 2010 sur le licenciement d’une salariée qui refusait d’enlever son voile sur son lieu de travail a fait d’ores et déjà couler beaucoup d’encre.

Il n’est pas inutile de rappeler les faits de l’espèce.

Une association, qui avait pour objet l’accueil de la petite enfance, avait engagé la salariée en qualité d’Assistante Maternelle depuis de nombreuses années.

Le règlement intérieur du personnel de l’association avait prévu une stipulation spécifique précisant que dans l’exercice du travail, le salarié devait respecter et garder la neutralité d’opinions politiques et confessionnelles au regard du public accueilli tels que mentionnés dans les statuts.

Il convient en effet de noter qu’il s’agissait d’une crèche ayant une activité de service public puisqu’elle percevait 80 % de son budget par des subventions publiques.

En décembre 2008, la salariée revenant d’un congé parental s’est présentée à la crèche avec son voile.

Sa supérieure lui demanda immédiatement de retirer celui-ci, ce que la salariée refusa.

Elle refusa également d’accepter la mise à pied conservatoire en découlant et la convocation à l’entretien préalable qui lui était transmis le lendemain.

Parallèlement, elle se maintenait sur place, refusant de sortir de la crèche et de respecter la mise à pied transmise par son employeur.

C’est dans ces conditions que l’employeur l’a licenciée pour faute grave sur des motifs d’insubordination, d’obstruction et de menaces.

L’argumentaire soulevée par la salariée pour contester son licenciement reposait principalement sur la liberté de se vêtir à sa guise au temps et lieu de travail.

Elle s’appuyait notamment sur une décision du Conseil d’Etat qui estimait que le seul port du foulard ne constitue pas en lui même un acte de pression ou de prosélytisme (Conseil d’Etat – 27 nov.1996 – n° 170 209).

De même, elle invoquait des délibérations de la HALDE dont celle n°2009-22 du 26 janvier 2009 qui prévoyait que le port d’un vêtement répondant à une pratique religieuse ou manifestant l’appartenance à une religion, à un parti politique ou à un mouvement philosophique ne relevait pas en tant que telle d’un comportement prosélyte.

Le Conseil de prud’hommes s’appuyant sur la constitution qui précise en son article 1 que la France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale et sur les statuts de l’association et son règlement intérieur a décidé que l’insubordination de la salariée était caractérisée :

– puisqu’elle n’avait pas respecté le règlement intérieur en refusant de retirer son voile malgré les demandes réitérées de la Direction.

-puisqu’elle a refusé de quitter les locaux de l’entreprise lors de sa mise à pied

Le licenciement pour faute grave de la salariée a donc été validé.

Le Conseil de Prud’hommes en tranchant la solution en ce sens, se rapproche de la décision rendue par la Cour de cassation en Chambre sociale le 28 mai 2003 lorsque cette dernière a rappelé que la liberté de se vêtir à sa guise n’entre pas dans la catégorie des libertés fondamentales et que l’employeur peut tout à fait estimer qu’une tenue vestimentaire est incompatible avec les fonctions et conditions de travail.

La Cour de Paris a également eu à statuer sur cette question le 16 mars 2010, n° 99-31 302 et a jugé qu’une vendeuse pouvait se voir interdire de porter un foulard dissimulant totalement son cou et la partie de son visage.

Ces décisions ne doivent cependant pas être considérées comme des décisions de principe puisque dans sa délibération n°209-117 du 6 avril 2009, la HALDE a rappelé que « la justification au cas par cas de la pertinence et de la proportionnalité de la décision au regard de la tâche concrète du salarié et du contexte devaient être appréciées afin de démontrer que l’interdiction du port de signes religieux et en dehors de toute discrimination proportionnelle est justifiée par la tâche à accomplir dans les circonstances de faits ».

En d’autres termes, le port du voile ne constitue pas systématiquement un motif de licenciement.

Cependant si le salarié est amené à travailler dans un secteur public et à recevoir du public, il est raisonnable de penser que les règles de laïcité inhérentes au secteur public peuvent permettre à l’employeur d’interdire le port du voile dans son règlement intérieur.

Il faut par ailleurs noter qu’en tout état de cause,  la loi du 11 octobre 2010 applicable à compter du 13 avril 2011 interdit le port du voile intégral dans les lieux publics pour les salariés qui sont amenés à exercer dans un espace public.

Il est vraisemblable que les juridictions prud’homales considèreront que dans le cas du voile intégral, le refus de l’enlever dans un espace public, constitue au moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.