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De la surveillance du salarié en télétravail

Avec la multiplication du télétravail, les employeurs ont de plus en plus recours à des moyens de surveillance de leurs salariés à distance dont certains sont attentatoires aux libertés.

Pour mémoire, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a constaté en 2021 qu’au moins un salarié sur 5 a télétravaillé.

Or, il est tentant pour l’employeur d’exercer une surveillance de son salarié en télétravail par des moyens technologiques :

  • Enregistreur de frappe sur le clavier ;
  • Géolocalisation ;
  • Vidéosurveillance (par webcam).

Mais attention, ces méthodes de surveillance peuvent vite se révéler excessives voire abusives.

La surveillance au travail est ainsi devenue l’un des principaux motifs de plainte auprès de la CNIL qui précise dans son rapport annuel  2021 que plus de 83 % des plaintes reçues sur la surveillance des salariés concernent des dispositifs de vidéosurveillance au travail.

Il ne faut pas perdre de vue que l’employeur qui souhaite surveiller l’activité de son salarié doit utiliser des moyens proportionnés et qui ne portent pas une atteinte excessive au respect des droits et libertés du salarié, notamment le droit au respect de la vie privée (Code civil : article 9).

De plus, l’employeur doit informer le salarié sur les moyens qu’il utilise pour collecter des informations sur lui (Code du travail : L1222-4).

Sont interdits les dispositifs de surveillance constante tels que :

  • l’obligation d’activer sa caméra ou son micro tout au long de son temps de travail,
  • le partage permanent de l’écran,
  • ou les outils enregistreurs de frappe au clavier.

De plus, dans ses « Questions-Réponses » sur le télétravail, la CNIL rappelle que lorsqu’il n’est pas possible de flouter l’arrière-plan, l’employeur ne peut pas exiger d’un salarié qu’il active sa caméra en permanence à l’occasion d’une réunion en visioconférence sauf dans des cas particuliers comme un entretien RH ou une rencontre avec des clients extérieurs.

Du droit à l’indemnité d’occupation du domicile personnel

Le salarié peut solliciter une indemnisation spécifique du fait de l’utilisation d’une partie de son domicile lorsque cela est indispensable à l’exercice de sa profession.

Pour autant, ce droit à indemnisation n’est pas toujours dû lorsque le salarié choisit de travailler de son domicile.

En effet, La Cour de Cassation vient de préciser que le salarié ne peut prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu’un local professionnel est mis effectivement à sa disposition. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 décembre 2013, 12-19.667 12-19.793, Publié au bulletin )

Date de la prise d’acte et connaissance des fautes de l’employeur

Des fautes de l’employeur qui n’ont été connues par le salarié que postérieurement à la prise d’acte ne peuvent pas servir au fondement de la prise d’acte.

La Cour de Cassation vient de juger de cette situation dans un arrêt du 9 octobre 2013. ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 octobre 2013, 11-24.457, Publié au bulletin)

Dans cette affaire, un salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail pour divers raisons dont des problèmes de paiement des salaires.

Par la suite, il avait appris que son employeur l’avait fait suivre par un détective privé.

Le salarié avait alors ajouté le grief d’atteinte à la vie privée du salarié pour tenter d’obtenir la requalification de la rupture aux torts de l’employeur.

La Cour de Cassation refuse en arguant que le salarié ne peut invoquer devant le juge un manquement de l’employeur certes antérieur à la prise d’acte mais connu du salarié postérieurement à celle-ci. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 octobre 2013, 11-24.457, Publié au bulletin )

Des risques d’utiliser une messagerie internet à des fins personnelles sur son ordinateur professionnel

La jurisprudence de la Cour de Cassation est constante :  » les courriels adressés et reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf si le salarié les identifie comme personnels « .

La Cour de Cassation a déjà considéré qu’une clé USB personnelle mais branchée sur l’ordinateur de l’entreprise pouvait être consultée par l’employeur, hors la présence du salarié.

Elle vient de considérer que la messagerie électronique à laquelle il était possible d’accéder par la page d’accueil du site informatique de l’entreprise, n’est pas personnelle dans la mesure où les messages visualisés par l’huissier de justice provenaient de la messagerie électronique mise à la disposition du salarié par l’entreprise, et qu’ils n’étaient pas identifiés comme étant personnels(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 mai 2013, 12-11.866, Inédit ).

Conversation téléphonique : de la différence entre l’enregistrement illicite et l’utilisation licite des messages vocaux

Ce n’est pas la même chose d’enregistrer à l’insu d’une personne une conversation téléphonique pour s’en servir par la suite en justice ( 1) et de conserver un message vocal laissé sur le répondeur d’un téléphone (2).

(1) Dans le premier cas, il s’agit d’un procédé illicite. 

La Cour de Cassation a déjà dit dans un arrêt rendu le 7 janvier 2011 , qu’une juridiction civile ne peut fonder sa décision sur des enregistrements de conversations téléphoniques opérés à l’insu de l’auteur des propos

Ainsi, l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue.

(2) Dans le second cas, c’est un moyen de preuve licite . 

La Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 février 2013, 11-23.738, Publié au bulletin vient en effet de retenir que  » l’utilisation par le destinataire des messages téléphoniques vocaux dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur » est une preuve recevable.

Dans cette affaire, la Cour de Cassation a retenu que la retranscriptions des messages vocaux laissés par l’employeur sur le téléphone mobile du salarié permettait d’établir que le salarié avait été licencié verbalement.

Cette jurisprudence est à rapprocher de la décision en même sens rendue par la Cour de Cassation à propos des SMS (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 mai 2007, 06-43.209, Publié au bulletin)

 

Quand le salarié met en cause la moralité de son supérieur

  • (mis à jour le 22/10/12)

Adresser un courrier électronique à son supérieur en remettant en cause la moralité de ce dernier pour lui imputer l’échec d’une ou plusieurs ventes est un abus de sa liberté d’expression.

C’est en tout cas la position que la Cour de Cassation a retenu dans l’arrêt rendu par sa chambre sociale dans un arrêt du 10 octobre 2012 N° de pourvoi: 11-18985.

C’est donc une nouvelle illustration des dangers des messageries électroniques et des mails d’humeur..

Dans cette affaire un salarié avait tenu à l’égard de son supérieur hiérarchique des propos constitutifs de dénigrement, en lui imputant l’échec d’une vente en raison de son comportement cavalier envers la compagne d’un client.

Toute vérité n’est pas bonne à dire même en des termes choisis.…surtout lorsqu’il s’agit de badinerie !!

 

De l’occupation, à la demande de l’employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles

Employer des salariés travaillant à domicile offre aux entreprises de nombreux avantages, en abaissant leurs coûts de fonctionnement, et notamment de loyer.

Cependant, le salarié peut solliciter une indemnisation spécifique du fait de l’utilisation d’une partie de son domicile lorsque cela est indispensable à l’exercice de sa profession.

La Cour de Cassation, chambre sociale, 11 juillet 2012, N° de pourvoi: 10-28847,rappelle les conditions dans lesquelles le salarié peut réclamer une indemnité à son employeur pour l’occupation professionnelle de son domicile privé.

Voici l’attendu de principe :

 » Attendu que l’occupation, à la demande de l’employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n’entre pas dans l’économie générale du contrat de travail ; 

que si le salarié, qui n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile, ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, ce dernier doit l’indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l’occupation à titre professionnel du domicile « .

 

Liberté d’expression : les critiques du salarié sur la politique de gestion de l’entreprise

  • (mis à jour le 31/08/12)

Le salarié a le droit d’exprimer son opinion dans l’entreprise et en dehors de celle-ci.

Il s’agit d’une liberté fondamentale qui ne peut être limitée qu’en cas d’abus.

Ce droit est garanti par deux articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.

L’article 10 rappelle que : « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. » 

L’article 11 expose que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». 

Il ne faut cependant pas abuser de cette liberté pour tenir des propos excessifs, injurieux et diffamatoires.

Il s’agit d’une appréciation au cas par cas des juridictions.

Pour un exemple de critiques sévères sans abus, vous pouvez consulter l’arrêt de la Cour de Cassation chambre sociale du 20 juin 2012 N° de pourvoi: 11-17362. Dans cet arrêt la Cour de Cassation a admis que le salarié pouvait critiquer la gestion de l’entreprise.

Pour un exemple de critiques avec abus Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 11 juillet 2012 

N° de pourvoi: 11-23486 Non publié au bulletin Cassation partielle. Dans cette décision, la haute juridiction a admis la faute grave du salarié dans la critique de la gestion de l’entreprise.

De l’enregistrement illicite par un salarié des conversations sur le lieu de travail

  • (mis à jour le 14/06/12)

Certains employeurs espionnent leurs salariés en toute illégalité.

Les salariés se mettent au diapason.

La Cour de Cassation par arrêt de sa chambre sociale du 23 mai 2012 N° de pourvoi: 10-23521 publié au bulletin a été saisie du cas d’une salariée qui avait été licenciée pour faute grave pour avoir enregistré les conversations qui se déroulaient au sein de la société à l’aide d’un appareil de type dictaphone.

La Haute Juridiction refuse de valider le licenciement de la salariée en constatant :

– l’employeur ne pouvait procéder à l’écoute des enregistrements réalisés par la salariée sur son dictaphone personnel en son absence ou sans qu’elle ait été dûment appelée

– que les enregistrements ont été détruits.

Attention cette décision ne valide pas les écoutes illicites par des salariés mais invite l’employeur à de nombreuses précautions dans la mise en oeuvre de sanctions à l’égard de salariés indélicats.

Un Fichier Informatique dénommé MES DOCUMENTS n’est pas un Fichier PERSONNEL du salarié

  • (mis à jour le 25/05/12)

Il est de jurisprudence constante que les fichiers créés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel. 

Il s’agit d’un présomption simple.

En effet, dès lors que le salarié identifie ses fichiers dans un dossier informatique intitulé PERSONNEL, la présomption disparaît et les fichiers sont clairement reconnus comme personnels.

Que se passe-t-il si le dossier s’intitule MES DOCUMENTS mais qu’il contient des pièces qui appartiennent à la vie privée du salarié?

La Cour de Cassation est très claire : L’employeur a parfaitement le droit d’ouvrir lesdits fichiers informatiques sans violer le respect au droit de la vie privée du salarié. (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 10 mai 2012 N° de pourvoi: 11-13884 Publié au bulletin Cassation partielle).

Dans l’arrêt précité, le salarié avait stocké sur son disque dur des fichiers pornographiques et des vidéos de salariés prises à leur insu.

Son licenciement a été justement prononcé pour faute grave pour avoir fait une utilisation détournée de son ordinateur professionnel en enregistrant des photos à caractère pornographique et des vidéos de salariés prises contre leur volonté. 

La Cour de Cassation retient : «  la seule dénomination « Mes documents » donnée à un fichier ne lui confère pas un caractère personnel » .

Dans ce cas, l’employeur peut ouvrir les fichiers hors la présence du salarié et en présence d’un huissier si nécessaire.