Un bon salaire ne justifie pas l’absence de paiement des heures supplémentaires

Le versement d’un bon salaire, supérieur au minimum conventionnel, ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires.

Une évidence ?

Pas pour tout le monde !

Par arrêt du 13 février 2013, la Cour d’Appel de Poitiers  a cru pouvoir débouter le salarié de sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et de congés payés y afférents, en retenant :

– que le salarié disposait d’une rémunération de départ de plus de 46 % supérieure à celle à laquelle il pouvait prétendre,

– qu’il avait travaillé trente-huit jours de moins par an qu’un non cadre,

– qu’il avait bénéficié d’une rémunération majorée de 51, 1 % à son départ,

– qu’il ne rapportait donc pas la preuve du préjudice que lui aurait causé l’application erronée de la rémunération correspondant au statut de cadre autonome.

La Cour de Cassation a rappelé à l’ordre la Cour d’Appel de Poitiers, fort justement en retenant :

que le salarié qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre,

que le versement d’un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires,

(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 juillet 2014, 13-16.013, Inédit)

Sur la possibilité d’engager la responsabilité de la société mère par le salarié licencié

Le salarié peut avoir un sentiment d’injustice et d’impuissance lorsqu’il est licencié pour motif économique à la suite de décisions prises par la société mère du groupe ou l’actionnaire majoritaire,  surtout quand ces décisions conduisent à la liquidation de son entreprise.

IMG_20140506_100935La Cour de Cassation offre cependant des recours à ces salariés malheureux par le biais :

– soit par la théorie du co-emploi,

– soit par la possibilité d’engager la responsabilité de la société mère ou de l’actionnaire qui a concouru à la déconfiture de l’entreprise.

Voici un exemple de mise en jeu de la  responsabilité de la société mère ou de l’actionnaire : 

Une société X…, qui a pour activité la fabrication de sièges, a fait l’objet en 2005, d’une restructuration avec la fermeture de son site de Chaumont entraînant la suppression de cent soixante-six emplois.

Le 22 janvier 2008, les titres de la société X ont été cédés à la société Sofarec, filiale créée par la société GMS investissements, son actionnaire unique.

Le 4 mai 2009, la société X… a bénéficié d’une procédure de redressement judiciaire puis de liquidation judiciaire, M. Y…étant désigné en qualité de liquidateur.

Il a dû procéder au licenciement économique de la totalité des salariés le 30 avril 2010, après avoir mis en oeuvre un plan de sauvegarde de l’emploi.

Un certain nombre de salariés ont saisi la juridiction prud’homale en faisant valoir que l’associé majoritaire et la société mère avaient commis de manquements susceptibles d’engager leur responsabilité.

Ils ont eu raison .

La Cour de Cassation retient  :

– que la société Sofarec, directement ou par l’intermédiaire de la société Financière GMS, avait pris des décisions dommageables pour la société X…, qui avaient aggravé la situation économique difficile de celle-ci,

ces décisions ne répondaient à aucune utilité pour elle et n’étaient profitables qu’à son actionnaire unique.

Elle en conclut  que les sociétés SOFAREC et Financière GMS avaient, par leur faute et légèreté blâmable, concouru à la déconfiture de l’employeur et à la disparition des emplois qui en est résulté.

(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 juillet 2014, 13-15.573, Publié au bulletin et Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 juillet 2014, 13-15.844, Inédit )

 

Validité d’un contrat de travail détenu par un associé d’une SARL

Mis à jour 18 mars 2016

Etre associé  d’une SARL et salarié n’est pas incompatible.

La question est évidente quand l’associé est minoritaire mais beaucoup moins lorsque l’associé est  égalitaire.

Dans certains cas, le contrat de travail est une fiction pour bénéficier des protections sociales en cas de chômage.

Qui doit rapporter la preuve de la fictivité du contrat de travail ?

Il appartient à celui qui veut se prévaloir de cette fictivité d’en apporter la preuve.

La Cour de Cassation, par arrêt du 30 avril 2014, n°12-35219, réaffirme cette position dans l’affaire exposée ci-dessous. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 avril 2014, 12-35.219, Publié au bulletin)

IMG_20140506_101421Dans ce dossier, une salariée associée égalitaire d’une SARL avait été licenciée pour motif économique.

Son dernier employeur, débiteur des indemnités de licenciement, et qui se trouvait également être le repreneur de la société initialement en liquidation judiciaire, contestait l’existence d’un contrat de travail réel.

La Cour de Cassation estime que c’est à celui qui se prévaut d’un contrat de travail fictif d’en rapporter la preuve et, en l’espèce, considère que le contrat de travail signé par la salariée était parfaitement valable.

voir également sur une secrétaire associée  (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 mars 2016, 14-23.602, Inédit)

 

 

 

 

Gérant d’une EURL ou salarié caché ?

Lorsque le gérant d’une EURL est également l’associé de ladite EURL, il est bien évident qu’il ne peut y avoir de contrat de travail, faute de l’existence d’un lien de subordination.

En revanche, la question peut se poser lorsque le gérant de l’EURL n’est pas l’associé de la structure.

IMG_20140506_101427Il existe plusieurs décisions de jurisprudence permettant la requalification d’un mandat de gérant en contrat de travail, la plus récente étant une décision de la Cour de Cassation de MAI 2014 (Cour de Cass. 2ème Civile – 7 mai 2014 – n°13-13653).

Dans cette affaire, une personne était salariée d’une société civile immobilière et s’occupait de la gestion de cette dernière qui gérait un haras.

Par la suite, le salarié fut nommé en qualité de gérant de l’EURL mais son activité s’est poursuivie dans des conditions identiques à celles qu’il occupait lorsqu’il était salarié de la SCI.

Son activité fournie, évaluée à 4 heures par jour, avait pour contrepartie la mise à disposition d’un logement sur le lieu de travail du prétendu gérant.

Or, le mandat social ne lui avait pas transmis l’indépendance, caractéristique du mandat social, puisque l’associé unique choisissait seul et exclusivement les fournisseurs et prestataires de service qu’il payait.

La Cour de Cassation a donc considéré que le gérant se trouvait vis-à-vis de l’associé unique dans une situation de dépendance constitutive d’un lien de subordination.

La Cour de Cassation accepte donc la requalification du mandat de gérant de l’EURL en contrat de travail.

Cette solution doit être prise sérieusement en compte par les associés uniques des EURL qui mettraient à la tête de leur EURL un gérant qui n’aurait que des fonctions d’exécution et qui ne prendrait aucune décision de manière autonome.

 

 

 

Créance du salarié en cas de fusion absorption de son entreprise

Les salariés sont très nombreux à s’inquiéter lorsque la société dans laquelle ils travaillent est absorbée par une autre société.

IMG_20140506_101421C’est le mécanisme de la fusion acquisition ou fusion absorption.

Cette inquiétude prend la forme d’une angoisse d’insolvabilité lorsque l’ancien salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes pour obtenir une indemnisation de son préjudice.

Surtout, lorsque le salarié consulte le registre du commerce et  qu’il constate que la société qui lui est créancière, est radiée à la suite d’une absorption par une société tiers.

 Cette crainte est injustifiée.

En effet, la Cour de Cassation considère que dans la mesure où la créance du salarié licencié a été fixée dans le cadre de la vérification du passif de la société absorbée qui n’est pas dissoute et liquidée au jour de l’ouverture des débats devant la juridiction prud’homale, l’admission de sa créance salariale est opposable à la société absorbante (Cour de Cass. Chambre sociale – 13 mai 2014 – n°12-29012).

Cette décision n’est pas surprenante dans la mesure où il faut rappeler qu’en raison de la fusion absorption, le patrimoine de la société absorbée est acquis par la société absorbante qui récupère également les dettes.

Il importe peu que la société absorbante n’est pas été partie à l’instance prud’homale tant que la dissolution de la société absorbée est survenue postérieurement à l’ouverture des débats prud’homaux.

 

Effets des congés payés accolés au congé maternité

Mis à jour le 18 octobre 2022

Il est très fréquent qu’à la suite de son accouchement, la salariée souhaite accoler au congé maternité, les congés payés dont elle dispose.

Cette demande est très souvent bien accueillie par les employeurs et conduit la salariée à réintégrer son poste après les congés payés accolés au congé maternité.

IMG_2095Or, l’article L.1225-4 du code du Travail instaure au retour de la salariée en congé maternité, une période de dix semaines pendant lequel elle bénéficie d’une protection particulière.

En effet, dans les dix semaines qui suivent le retour de son congé maternité, la salariée ne peut pas être licenciée sauf pour faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse.

Ce même article prévoit que la période de dix semaines démarre au retour des congés payés accolés au congé maternité.

Il faut savoir qu’avant de faire partie du Code du travail, la Cour de Cassation avait déjà retenue cette solution.

La Cour de Cassation avait été interrogée sur le point de départ de cette période de protection ( à l’époque de 4 semaines) contre le licenciement lorsque la salariée prend des congés payés accolés au congé maternité.

La Cour de Cassation par décision de sa Chambre sociale du 30 avril 2014 (Cour de Cass. Chambre sociale 30 avril 2014 – n°13-12321) avait estimé que la période de protection  suivants le congé maternité était suspendue par la prise de congés payés, son point de départ est reporté à la date de reprise par la salariée.

En résumé, le délai de protection de dix semaines commence à courir à compter du retour de la salariée et non à compter de la date de prise de ses congés.

Cette situation devrait rassurer les jeunes mamans mais elle devrait également inciter les employeurs qui méconnaissent souvent cette période de protection de dix semaines au retour de la salariée, à être plus vigilants.

La cessation d’activité complète et définitive de l’entreprise = motif économique de licenciement

L’employeur peut décider de fermer son entreprise, c’est à dire la cessation d’activité de cette dernière, même si l’entreprise fait encore des profits.

IMG_20140506_101321Dans ce cas, il peut tout à fait choisir de licencier ses salariés pour motif économique.

En effet, la cessation d’activité complète et définitive de l’entreprise constitue un motif économique de licenciement, sans qu’il soit nécessaire de rechercher la cause de cette cessation d’activité.  (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 juillet 2014, 12-24.624, Inédit)

La seule exception à cette règle résulterait d’une faute ou d’une légèreté blâmable de l’employeur en rapport avec sa cessation d’activité, 

Or, ce n’est pas facile de rapporter cette preuve.

Dans l’arrêt cité ci-dessus,  la lettre de licenciement invoquait une baisse d’activité constante depuis 2005, ne connaissant aucune évolution favorable en 2008.

La société expliquait que la décision – de cesser totalement l’activité de la société conduisant à sa dissolution et à sa liquidation amiable – avait été rendue nécessaire par l’absence de moyens suffisants pour entreprendre des démarches visant à pérenniser l’entreprise.

Or, elle ne rapportait aucune preuve pour justifier de l’existence de difficultés économiques pouvant fonder un licenciement pour motif économique justifiant la suppression du poste de la salariée.

Peu importe !

L’employeur qui cesse son activité n’a pas à apporter d’autres justifications et peut licencier pour motif économique.

 

Harcèlement moral : de l’importance du certificat établi par le médecin du travail

Le médecin du travail a la possibilité de mentionner dans le certificat de travail que l’état de santé du salarié résulte de mauvaises conditions de travail (qui peuvent être qualifiées par les Juges comme du harcèlement moral).

La Chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a rendu une  décision en date  du 26 juin 2014, n° 11843 confirmant l’importance du témoignage du médecin du travail dans l’appréciation du lien de causalité entre les conditions de travail et l’état de santé.

IMG_20140506_101209Cependant, il faut que le médecin ne se fonde pas exclusivement sur les propos de harcèlement moral rapportés par le salarié.

Les règles déontologiques imposent que le médecin qui lie les conditions de travail et santé du salarié, ait formé sa conviction non seulement sur l’état de santé du salarié et ses propos mais également sur sa connaissance personnelle des conditions de travail dans l’entreprise.

Dans cette affaire, le médecin du travail avait, dans des certificats médicaux, attribué la détérioration de l’état de santé d’une salariée à des causes professionnelles : les « risques psychosociaux » et le « contexte d’environnement relationnel extrêmement délétère » existant dans l’entreprise.

La salariée concernée avait utilisé ces certificats médicaux devant le conseil de prud’hommes pour obtenir vraisemblablement la reconnaissance d’un harcèlement moral.

L’employeur estimait que les certificats médicaux litigieux avaient été établis en méconnaissance des règles déontologiques et que le médecin n’avait aucune compétence pour se prononcer sur l’origine professionnelle d’une pathologie.

La chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, saisie du litige, a constaté que pour établir ces certificats, le médecin ne s’était pas borné à faire siennes les déclarations de la salariée mais s’était fondé sur la connaissance personnelle qu’il avait acquis des conditions de travail dans l’entreprise, notamment par des consultations dispensées à d’autres salariées, et que ses constatations l’avaient amené à alerter l’employeur sur les conditions de travail délétères et à le rencontrer puis à saisir à trois reprises l’inspecteur du travail.

La juridiction en déduit que des certificats médicaux établis dans ces conditions, qui se bornent à relater les constatations d’ordre médical faites par le médecin, ne présentent pas le caractère de certificats de complaisance. 

Le médecin du travail n’a donc pas enfreint de règles déontologiques en liant conditions de travail et état de santé.

Voici in extenso la décision de la Chambre disciplinaire  :

2014-05-15-Ch.disciplinaire.CNOM.ProcesDELPUECH

Nullité du licenciement de la femme enceinte

Le licenciement d’une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l’intéressée envoie à son employeur, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte.

Que se passe-t-il si la salariée a conçu son enfant juste après le licenciement  mais qu’elle peut en justifier dans les quinze jours qui suivent ?

IMG_20140506_101050C’est la question qui a été posée à la Cour de Cassation récemment.

Dans cette affaire, Mme X… épouse Y… avait  été engagée le 11 septembre 2006 par la Fédération française de football en qualité d’assistante administrative.

Elle avait été licenciée par lettre du 15 octobre 2009 avec dispense d’exécuter le préavis.

Par la suite, la salariée a adressé à son employeur, le 30 octobre 2009, un certificat médical du même jour attestant de son état de grossesse.

Le certificat médical établi par le médecin traitant de la salariée indiquait qu’à la date du 30 octobre 2009, sa grossesse avait débuté depuis 10 à 15 jours environ, soit dans le cas le plus favorable à la salariée, le 16 octobre 2009.

L’employeur a refusé de la réintégrer.

La salariée a alors saisi le juge de ce différent. Continuer la lecture de Nullité du licenciement de la femme enceinte

Inaptitude professionnelle : précision sur le quantum de l’indemnité de préavis

En cas d’inaptitude professionnelle, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis dont le montant est égal à l’indemnité qu’il aurait dû percevoir au titre de son préavis s’il avait pu effectuer celui-ci.

Cette règle est posée par l’article L1226-14 du Code du Travail.

La Cour de Cassation a été interrogée sur le point de savoir si la durée du préavis devait être :

celle prévue par la loi

OU

celle prévue par la convention collective lorsque cette dernière est plus favorable.

La Cour de Cassation estime que l’indemnité compensatrice de préavis doit être interprétée de manière restrictive .

Cela signifie que l’employeur n’est tenu de régler que l’indemnité correspondant au préavis légal. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 juillet 2014, 12-29.677, Inédit)

Voici l’attendu de principe de la Cour de Cassation :

« Vu les articles L. 1226-10, L. 1226-14, L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

Attendu qu’il résulte de ces textes que l’employeur est tenu de verser au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l’issue des périodes de suspension provoquées par un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’emploi occupé précédemment, et dont le contrat de travail a été rompu, une indemnité compensatrice qui n’a pas la nature d’une indemnité de préavis, d’un montant égal à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-1 du code du travail et non à celui prévu par la convention collective.«