De la contestation du barème d’indemnisation des licenciements infondés

mis à jour le 13/08/2019

Comme j’ai déjà eu l’occasion d’en parler à plusieurs reprises, une des ordonnances du 22 septembre 2017 dite Ordonnance Macron, a modifié grandement les règles d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse en mettant en place un barème de dommages et intérêts, qui ne laisse plus beaucoup de place à la réalité des préjudices subis.

Ce barème consiste en des tranches d’indemnisation, qui varient selon l’ancienneté du salarié et l’effectif de l’entreprise sans tenir compte de sa situation personnelle, de son âge et de sa difficulté à retrouver un emploi.(art. L. 1235-3 du code du travail).

Le Code du Travail prévoit que le juge a l’obligation de respecter ces tranches, excepté lorsque le licenciement est nul, par exemple pour des faits de harcèlement ou de discrimination  (article. L. 1235-3-1 du code du travail)

Nous sommes de nombreux avocats à contester l’application de ce barème au nom des salariés en invoquant la convention 158 de l’OIT et la Charte sociale européenne qui consacrent le droit à une réparation « appropriée », pour inciter des conseils de Prud’hommes à ne pas prendre le barème en considération pour fixer le montant de leur indemnisation.

Plusieurs conseils de Prud’hommes ont accepté de retenir cette position et ont refusé d’appliquer le barème.

  • CPH de Paris 22 novembre 2018 RG F18/00964
  • CPH de Troyes, 13 décembre 2018, RG F 18/00036;
  • CPH d’Amiens, 19 décembre 2018, RG F 18/00040
  • CPH de Lyon, 21 décembre 2018, RG F 18/01238
  • CPH Lyon, 22 janvier 2019, n° 18/00458;
  • CPH Agen, 5 février 2019, n° 18/00049).
  • CPH Martigues 26 avril 2019

Voilà qui semble bien agacer le pouvoir exécutif.

Le ministère de la justice a demandé par l’intermédiaire d’une circulaire du 26 février 2019, à être informé des décisions ayant retenu l’argument l’inconventionnalité et celles l’ayant, au contraire, écarté. (circulaire-bareme-indemnisation-licenciement)

Le ministère demande aussi que lui soit communiqué les décisions ayant fait l’objet d’un appel. L’objectif est ici de pouvoir intervenir en qualité de partie jointe pour faire connaître l’avis du parquet général sur cette question d’application de la loi.

Le ministère rappelle que le dispositif a été validé par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel. – Dans sa circulaire, le ministère n’a pas manqué de rappeler que ce barème avait été soumis à la fois au Conseil d’État et au Conseil constitutionnel, le premier ayant explicitement écarté le moyen d’inconventionnalité».

Qu’en est –il réellement ?

Le juge des référés du Conseil d’État a considéré que ce barème n’était pas en contradiction avec la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) ni avec la Charte sociale européenne (CE 7 décembre 2017, n° 415243) ;

Le Conseil constitutionnel, à l’occasion de l’examen de la loi de ratification des ordonnances, a jugé le barème conforme à la Constitution, sans se prononcer formellement sur sa validité au regard de la Convention 158 de l’OIT, question qui n’est pas de sa compétence (c. constit., décision 2018-761 DC du 21 mars 2018, JO du 31).

Par deux avis  du mercredi 17 juillet 2019, la Cour de cassation a validé le barème d’indemnisation pour licenciement du salarié « sans cause réelle et sérieuse » (licenciement abusif) tel qu’il est fixé à l’article L 1235-3 du code du travail. (Avis n° 15012 du 17 juillet 2019 – Barème d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Avis n° 15013 du 17 juillet 2019 – Barème d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse )

Il existe encore une possibilité de contester ledit barème devant les instances européenne…

 

SYNTEC : l’indemnité conventionnelle et les 2 ans d’ancienneté des cadres

Pour les cadres soumis à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieursconseils et des sociétés de conseils (dite SYNYEC), il est très utile de déterminer précisément si le salarié a ou non 2 ans d’ancienneté au moment du licenciement.

En effet:

  • si le salarié a moins de 2 ans d’ancienneté, il bénéficie d’une indemnité légale de licenciement fixée par la loi soit 1/4 de mois par année d’ancienneté ;
  • si le salarié a plus de  deux ans d’ancienneté, il bénéficie de l’indemnité conventionnelle plus favorable (1/3 de mois par année de présence, sans pouvoir excéder un plafond de 12 mois).

La Cour de Cassation a été interrogée afin de savoir à quelle date devait être appréciée l’ancienneté d’un salarié licencié pour faute grave.

C’est sans surprise que la Haute Juridiction a fait une interprétation restrictive des textes en retenant que c’est la date  la notification du licenciement, qui était en l’espèce la date d’envoi des documents de fin de contrat, qui fixait le droit au bénéfice de l’indemnité conventionnelle de licenciement et à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 janvier 2019, 17-11.668, Inédit)

Le délégué à la protection des données n’est pas un salarié protégé au sens du droit du travail

Le législateur n’a pas entendu conférer au Délégué à la Protection des Données, dit DPO ou DPD, le statut de salarié protégé au sens du droit du travail.

Comme le précise la réponse du Ministère du travail (Réponse du Ministère du travail publiée dans le JO Sénat du 07/02/2019 – page 712), le Délégué à la Protection des données n’a pas un statut particulier au regard de la législation sociale.

Il bénéficie néanmoins d’une large protection dans l’exercice de ses missions depuis le 25 mai 2018, date d’entrée en vigueur du RGPD.

Aussi, une sanction ou un licenciement injustifié pourrait être lourdement sanctionné.

Il faut rappeler que  la fonction de DPD et les risques afférents pourront être pris en compte dans l’appréciation des juges en cas de contentieux relatif à un licenciement ou à une sanction.

De plus, les infractions au règlement peuvent faire l’objet de sanctions prononcées par la Cnil en fonction des caractéristiques propres à chaque cas.

Ainsi, la violation de l’article 38 du RGPD relatif à la fonction du DPO et à sa protection est susceptible de donner lieu – dans le pire des cas – à une amende administrative pouvant s’élever jusqu’à 10 000 000 d’euros ou, pour les entreprises, jusqu’à 2% du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu (Règl. n° (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil 27 avr. 2016, art. 83 § 4).