Attention à la date butoir du 23 septembre 2018 pour contester son licenciement

Les ordonnances Macron du 22 septembre 2017 ont considérablement réduit les délais pour saisir le conseil de prud’hommes en contestation de son licenciement.

En effet depuis cette date,  l’action en justice pour contester son licenciement se prescrit par 12 mois (au lieu de 24 mois auparavant).

 

–> Si la règle de procédure est simple à appliquer pour les licenciements notifiés à partir du 23 septembre 2017 ;

–> Cette règle est plus complexe pour les licenciements notifiés avant le 23 septembre 2017.

En effet, les règles d’application de la loi dans le temps et les dispositions transitoires nécessitent de respecter deux règles cumulativement :

  • la prescription de 2 ans à compter de la notification du licenciement ;
  •  le délai de 12 mois à compter du 23 septembre 2017.

En pratique, cela signifie que si vous avez été licencié avant le 23 septembre 2017, vous avez jusqu’au 23 septembre 2018 pour contester votre rupture de contrat de travail et ce même si votre licenciement date de moins de 2 ans.

 

Discrimination en raison de l’état de santé

Il ne faut pas croire que la discrimination sur l’état de santé est un cas d’école.

Malheureusement, cette discrimination est bien plus fréquente que l’on ne pourrait le croire mais elle reste toujours assez difficile à faire sanctionner par les Tribunaux.

C’est la raison pour laquelle à l’instar de la discrimination liée à l’état de grossesse, la Cour de Cassation a facilité la charge de la preuve des victimes.

Elle accorde en effet beaucoup d’importance aux situations de fait et notamment la chronologie des faits qui laissent supposer l’existence d’une discrimination sur l’état de santé.

Un arrêt récent de la Cour de Cassation me permet de vous illustrer une discrimination sur l’état de santé reconnue par la jurisprudence.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 juin 2018, 16-28.511, Publié au bulletin)

Dans cette affaire, Mme Y… avait  été engagée le 15 mai 2007 par Mme X… en qualité de coiffeuse.

Puis Madame Y avait fait l’objet de deux arrêts de quinze jours chacun prescrits dans le cadre de tentatives de fécondation in vitro (FIV) en janvier et mai 2012.

En juin 2012 la salariée annonçait à son employeur qu’elle serait de nouveau en arrêt pour les mêmes raisons en septembre 2012.

Le 7 août 2012, l’employeur lui a proposé une modification du contrat de travail de 35 à 30 heures hebdomadaires pour « baisse d’activité », refusée par la salariée.

Le  21 janvier 2013, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de diverses sommes puis le 18 février 2014 elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La Cour de Cassation et la Cour d’appel ont retenu que la chronologie de ces éléments, pris dans leur ensemble, laissait supposer l’existence d’une discrimination en raison de son état de santé.

La qualification de cadre dirigeant et les mentions du contrat de travail

Certains  salariés ignorent qu’ils sont en fait des cadres dirigeants non soumis à la législation sur la durée du travail, faute pour leur contrat de travail d’être explicite sur cette question.

Or la loi n’exige nullement la mention écrite de cette qualité de cadre dirigeant  dans le contrat de travail ou dans les bulletins  de paie. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 mai 2018, 16-25.557, Publié au bulletin)

Seule, la convention collective applicable peut prévoir la nécessité d’un écrit.

Or la majorité des conventions collectives n’a rien prévu à cet effet.

C’est donc uniquement une appréciation des fonctions du salarié par les juges du fond, qui va  permettre de déterminer si le salarié peut être qualifié de cadre dirigeant.

Les critères posés par l’article L. 3111-2 du code du travail et la jurisprudence sont remplis si le salarié  :

– a des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps,

 – est habilité à prendre des décisions de façon largement autonome,

 – percevoit une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés pratiqués par l’entreprise ou son établissement,

– participe à la direction de l’entreprise.

Licenciement économique : Rechercher la responsabilité de la société mère

Il n’est pas rare de constater la liquidation judiciaire d’une société française appartenant à un Groupe en raison de choix financiers difficilement compréhensibles pour les salariés français.

Or il ne faut pas ignorer que la fermeture d’une société en France entraîne de facto de nombreux licenciements économiques.

Les salariés peuvent engager la responsabilité extra-contractuelle de la société mère en montrant sa responsabilité pour faute mais il faut faire attention au choix de la juridiction compétente.

En effet, il est tentant de saisir le Conseil de Prud’hommes, juge naturel des salariés.

Pourtant ce dernier n’est pas compétent faute de lien contractuel entre les salariés français et une entité juridique étrangère autonome même si c’est la société mère.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 juin 2018, 16-25.873 16-25.874 16-25.875 16-25.876 16-25.877 16-25.878 16-25.879 16-25.880 16-25.881 16-25.882 16-25.883 publié au bulletin)

De même le Tribunal de Commerce n’est pas compétent, faute de lien juridique entre la procédure collective de la filiale française et la société mère comme nous le rapporte la dernière décision de la Cour de Cassation sur cette question. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 juin 2018, 16-25.873 16-25.874 16-25.875 16-25.876 16-25.877 16-25.878 16-25.879 16-25.880 16-25.881 16-25.882 16-25.883 publié au bulletin)

Il faut retenir que l’action en responsabilité extra-contractuelle devra être exercée devant les juridictions de droit commun à savoir le tribunal d’instance ou de grande instance.

Voici des exemples de fautes de sociétés mères reconnues par la Cour de cassation (même si dans ces affaires, un lien contractuel avait été retenu) :

–> La Cour de cassation a  approuvé la condamnation d’une société mère  qui avait pris des décisions dommageables pour sa filiale française ne répondant à aucune utilité pour elle et étant uniquement profitables à l’actionnaire unique et, ce faisant, avait concouru à la disparition des emplois des salariés concernés  (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 juillet 2014, 13-15.573, Publié au bulletin).

–> La Cour de cassation approuve également les juges du fond qui ont constaté la faute de la société mère consistant en l’appauvrissement de ses filiales françaises par d’importantes remontées de dividendes  pour les distribuer au groupe dont elle dépendait. Par cette opération, la société dont l’activité était exclusivement orientée vers les filiales, s’était elle-même mise en difficulté financière et avait dû engager une procédure de licenciement pour motif économique. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 mai 2018, 17-12.560, Publié au bulletin)

–>Dans une autre affaire, une filiale avait dû  participer au financement du groupe pour des montants sans proportion avec ses moyens financiers, céder à titre gratuit à une autre société du groupe le droit d’exploiter la marque et financer les redevances pour exploiter la dite marque… Pour la Cour de cassation, la société mère avait pris des décisions préjudiciables, dans son seul intérêt d’actionnaire, ayant entraîné la liquidation partielle de la filiale. (Cass. soc., 24 mai 2018, n°16-22.881)

Groupe : Licenciement du dirigeant d’une filiale

Qui peut licencier le Directeur d’une filiale d’un groupe ?

La Cour de Cassation répond que le Directeur Général de la société mère est habilité à le licencier.

En effet, le Directeur Général du groupe ne peut pas être considéré comme une personne extérieure à l’entreprise car il supervisait les activités du Directeur de la filiale. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 juin 2018, 16-23.701, Publié au bulletin)

Notons que le licenciement était régulier même en l’absence de délégation de pouvoir écrite.

Salariés détachés : sort de l’intéressement et de la participation

Tous les salariés de l’entreprise où a été conclu un accord d’intéressement ou de participation doivent avoir la possibilité de bénéficier de la répartition des résultats de l’entreprise.

L’entreprise ne peut leur  opposer :

  • qu’ils n’exécutent pas leur activité en France;
  • ou qu’ils n’y sont pas rémunérés.

Quatre salariés, détachés dans des succursales de la banque BNP PARIBAS à Londres, Singapour et New York, privés par un accord collectif d’intéressement et de participation, ont saisi les Juridictions française de cette question.

Ils ont obtenu gain de cause  et  le paiement de certaines sommes à titre de participation et d’intéressement.

La Cour de Cassation retient que l’entreprise ne peut en aucun cas prévoir une clause dans un accord d’intéressement ou de participation excluant les salariés détachés à l’étranger dans une succursale. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 juin 2018, 17-14.372 17-14.373 17-14.374 17-14.375, Publié au bulletin)

Si elle le fait,  cela entraîne une inégalité de traitement entre salariés totalement illicite et la clause litigieuse sera réputée non écrite.

 

 

Les objectifs doivent être réalisables !

Peut-on systématiquement considérer que le salarié commet une insuffisance professionnelle lorsqu’il ne réalise pas ses objectifs?

Tout dépend :

  • du caractère réaliste ou non des objectifs fixés par l’employeur ;
  • du conseil et de l’accompagnement apportés au salarié pour atteindre ses objectifs.

C’est l’enseignement de l’arrêt de la Cour de Cassation du 16 novembre dernier.Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 mai 2018, 16-25.689, Inédit)

Une position juste et mesurée.

  • L’employeur doit être prudent dans la mise en oeuvre d’un licenciement fondé sur cette base. (pour un exemple d’insuffisance justifiée : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 mai 2018, 16-25.552, Inédit
  • Le salarié, quant à lui, s’il entend contester son licenciement, devra rapporter le plus d’éléments possibles à la juridiction afin qu’elle rende une décision éclairée.

Malheureusement, les juridictions de fond n’ont pas toujours les moyens matériels, les connaissances métiers et/ou de conjoncture sectorielle pour apprécier de manière totalement objective la situation qui leur est présentée.

 

La charge de la preuve d’un harcèlement moral

La charge de la preuve d’un harcèlement moral ne repose pas sur le salarié. Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 mai 2018, 16-19.527, Inédit)

Il doit simplement apporter la preuve de la matérialité des faits qui selon lui caractérisent le harcèlement moral.

C’est une nuance juridiquement très importante et le résultat d’une évolution jurisprudentielle de plusieurs années qui a permis à la Cour de Cassation de fixer une position stable depuis 2016.

Une fois, la matérialité des faits établis par le salarié, il existe une présomption simple de harcèlement moral qui peut être totalement renversée par l’employeur.

Pour ce faire, ce dernier devra expliquer les raisons pour lesquels ces faits matériellement établis étaient nécessaires à l’intérêt de l’entreprise, non harcelantes et  non discriminantes.

Voici l’attendu de l’arrêt de la Cour de Cassation du 16 mai dernier qui rappelle cette position. Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 mai 2018, 16-19.527, Inédit)

« Qu’en statuant ainsi, alors que

la charge de la preuve d’un harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié

et qu’il lui appartenait d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par celui-ci afin d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral,

et dans l’affirmative, d’apprécier les éléments de preuve fournis par l’employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »

Pour une situation où les faits ne sont pas établis, vous pouvez consulter : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 mai 2018, 16-24.544, Inédit

SYNTEC : Quelle indemnisation pour le salarié auteur d’une invention ?

Le  code de la propriété intellectuelle en son article L611-7  prévoit que les inventions faites par le salarié dans l’exécution soit d’un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d’études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l’employeur.

Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d’une invention appartenant à l’employeur, bénéficie d’une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d’entreprise et les contrats individuels de travail.

La convention collective SYNTEC en son article 75 prévoit deux types de situations  :

  • celle concernant les inventions brevetables pour lesquelles le salarié auteur de l’invention peut avoir droit à une rémunération supplémentaire pouvant être versée  en tenant compte des missions, études et recherches confiées au salarié, de ses fonctions effectives, de son salaire, des circonstances de l’invention, des difficultés de la mise au point pratique, de sa contribution personnelle à l’invention, de la cession éventuelle de licence accordée à des tiers et de l’avantage que l’entreprise pourra retirer de l’invention sur le plan commercial.

 

  • celle concernant les  inventions non brevetables pour lesquelles seule une prime sera versée.

Cette prime n’est pas obligatoirement en rapport avec l’avantage procuré à l’entreprise. En effet,  lorsque l’invention du salarié n’est pas brevetable ou constitue une innovation utilisée par l’entreprise, le versement d’une prime est laissé à la libre appréciation de l’employeur. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 mai 2018, 16-25.067, Publié au bulletin).

L’employeur peut également parfaitement insérer dans le contrat de travail un engagement du salarié sans contrepartie financière, après la rupture du contrat de travail, à ne déposer aucun brevet pour des créations inventées pendant l’exécution de son contrat ainsi que son engagement à ne publier aucun article scientifique et à ne diffuser aucune information commerciale ni aucun renseignement technique, relatifs à la société (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 mai 2018, 16-25.067, Publié au bulletin).

 

Licenciement pour inaptitude résultant d’une faute de l’employeur

Le licenciement pour inaptitude, qu’elle soit qualifiée de professionnelle ou non, est sans cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à une faute préalable de l’employeur. (Cour de cassation – Chambre sociale arrêts:  n° 646 du 3 mai 2018 n°16-26.306 et n° 649 du 3 mai 2018 n°17-10.306)

En effet, dans une telle hypothèse, le licenciement, même s’il est fondé sur une inaptitude régulièrement constatée par le médecin du travail, trouve en réalité sa cause véritable dans ce manquement de l’employeur.

Cette solution n’est pas nouvelle (Soc., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-14.742, Bull. 2012, V, n° 236) mais est affirmée avec netteté par la chambre sociale à propos de deux situations où les salariés avaient été déclarés inaptes à la suite d’accidents professionnels.

Dans les deux arrêts du 3 mai 2018, la Cour de Cassation rappelle que c’est le Conseil de prud’hommes qui est compétent pour apprécier si la faute de l’employeur a causé l’inaptitude et dès lors apprécier la validité du licenciement. (Cour de cassation – Chambre sociale arrêts n° 646 du 3 mai 2018 n°16-26.306 et n° 649 du 3 mai 2018 n°17-10.306).

Cette preuve est bien évidemment facilitée si la faute inexcusable a été reconnue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale dans les situations d’accident du travail.

Ces arrêts permettent également de rappeler qu’il incombe aux juges du fond de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement (Soc., 10 avril 1996, pourvoi n° 93-41.755, Bulletin 1996 V n° 149).

Enfin rappelons également que lorsque l’inaptitude intervient dans un contexte de harcèlement moral, la nullité du licenciement peut être soulevée.

En application des articles L 1152-1 à L 1152-3 du Code du travail : « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

« Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul. »

Avocat à la Cour D'appel de Paris – droit du travail et droit des affaires – Expert SYNTEC- BETIC-CINOV