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SYNTEC – CINOV – BETIC : L’assiette de la prime de vacances

L’assiette de la prime de vacances doit-elle exclure les indemnités de congés payés versées aux salariés de l’entreprise qui ont quitté celle-ci en cours d’exercice ?

C’est cette question qui a été posée récemment à la Cour de Cassation par l’entreprise Sopra Steria Group qui avait fait le choix d’exclure de l’assiette les congés payés des salariés ayant quitté la société durant la période de référence.

Les articles de la nouvelle ou de l’ancienne convention collective ne répondent pas directement à cette question.

–> L’article 7-3 de la nouvelle convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseil, dite SYNTEC ou CINOV ou BETIC prévoit : « L’employeur réserve chaque année l’équivalent d’au moins 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés acquis prévus par la convention collective, au paiement d’une prime de vacances à tous les salariés de l’entreprise. »

–> L’ancien article 31 de la convention collective prévoyait : « L’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés. »

La Cour de Cassation a tranché pour la solution la plus large :

« L’assiette de calcul de la prime de vacances doit être calculée en intégrant les indemnités de congés payés versées aux salariés ayant quitté la société durant la période de référence » (Cour de Cassation chambre sociale 7 juin 2023 Pourvoi n° 21-25.955)

On retiendra l’explication de la Cour de Cassation sur sa solution :

« Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c’est-à-dire, d’abord, en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d’un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l’objectif social du texte.

Aux termes du texte susvisé, l’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés.

Il en résulte que cette prime de vacances est calculée sur l’ensemble des indemnités de congés payés versées aux salariés de l’entreprise durant la période de référence, peu important qu’ils aient quitté l’entreprise en cours d’exercice. »

Des limites de la clause de mobilité

La clause de mobilité insérée dans un contrat de travail est une question qui donne lieu à un abondant contentieux.

Cette clause est assez contraignante pour le salarié car elle le conduit à accepter à l’avance que son employeur puisse modifier unilatéralement son lieu de travail.

C’est la raison pour laquelle la jurisprudence subordonne la validité de la clause de mobilité à la fixation d’une zone géographique précisément délimitée.

Néanmoins, cela n’offre pas un blanc-seing à l’employeur pour toute mutation dans cette zone.

« En effet nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »

Fort heureusement, la Cour de Cassation apporte des limites au pouvoir de l’employeur d’utiliser cette clause.

Ces limites sont de deux ordres :

  • la mauvaise foi de l’employeur dans l’application de la clause c’est-à-dire l’absence d’intérêt de l’entreprise
  • l’atteinte disproportionnée et injustifiée au droit du salarié à une vie personnelle et familiale.

Récemment la Cour de Cassation a donné une illustration d’une mutation de l’employeur où ces deux questions se sont posées. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 juin 2023, 22-11.227, Inédit)

Dans cette affaire,un salarié employé d’une société de bâtiment en qualité d’ingénieur principal avait reçu de son employeur une mutation pour Cuba puis le Nigéria en application de sa clause de mobilité.

Le salarié avait refusé ces deux mobilités et avait été licencié.

Il avait saisi la juridiction prud’homale pour demander, notamment, une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il estimait que la demande de mobilité de l’employeur était une atteinte excessive à sa vie personnelle et familiale, au regard des nécessités de scolarisation de ses enfants.

Dans un premier temps la Cour de Cassation constate l’absence de mauvaise foi de l’employeur en relevant que l’entreprise avait des besoins spécifiques à Cuba et le Nigéria et que le salarié disposait des compétences techniques pour assumer les missions attachées à ce poste consistant à achever la bonne fin des chantiers en cours.

Mais dans un second temps, elle relève que l’absence de mauvaise foi de l’employeur ne suffit pas.

En effet, il faut vérifier si la mise en œuvre de la clause de mobilité ne portait pas atteinte aux droits du salarié à une vie personnelle et familiale et si une telle atteinte pouvait être justifiée par la tâche à accomplir et était proportionnée au but recherché.

L’arrêt de la Cour d’Appel a été cassé car la juridiction du second degré n’avait étudié l’atteinte aux droits du salarié à une vie personnelle et familiale.

De l’enregistrement de l’entretien préalable au licenciement

Avec le développement des moyens de technologie moderne, enregistrer l’entretien préalable au licenciement à l’insu de son employeur est tellement facile que cette pratique se répand comme une trainée de poudre.

Que risque le salarié ou l’employeur qui s’adonne à cette pratique ?

L’article 226-1 du code pénal punit sévèrement les enregistrements faits à l’insu de leur auteur dans la mesure où ils portent atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui.

Mais la Cour de Cassation en sa chambre criminelle considère que l’entretien préalable au licenciement entre dans le cadre de la seule activité professionnelle et non de la vie privée.

Aussi enregistrer ledit entretien à l’insu de son employeur n’est pas une infraction pénale. (Cour de Cassation. crim. 12 avril 2023, n° 22-83581 FD).

Il n’y a donc pas de risque en l’état des textes et de la jurisprudence à le faire.

Pour autant cela sert-il à quelque chose ?

Ce procédé est déloyal et la jurisprudence rejette en principe ce mode de preuve.

Cela repose sur le fait que l’article 9 du Code de procédure civile rend irrecevable tout ce qui est obtenu au moyen de stratagèmes variés à l’insu des personnes non informées de l’existence du moyen de contrôle ou d’enregistrement sonore ou visuel.

Un enregistrement pirate de l’entretien préalable contrevient clairement aux règles du procès équitable au sens des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La Haute Juridiction a toujours jugé fermement que  « l’illicéité d’un moyen de preuve doit entraîner son rejet des débats ». 

Mais ces derniers temps, sa position sur le droit de la preuve semble s’assouplir puisque la Cour de Cassation admet dans certaines décisions des preuves « déloyales » lorsque cette preuve apparaît indispensable à l’exercice d’un droit et que l’atteinte déloyale est proportionnée au but poursuivi….

A suivre donc

La présomption d’accident de travail et le télétravail

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La jurisprudence retient que toute lésion survenue au temps et lieu de travail est présumée trouver sa cause dans le travail, sauf s’il est rapporté la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère au travail.

C’est une présomption simple d’imputabilité qui s’appuie sur l’article L 411-1 du Code de sécurité sociale.

Lorsque l’accident survient hors temps et lieu de travail, la présomption d’imputabilité est simplement renversée et oblige le salarié à établir que c’est le travail qui est à l’origine de l’accident. 

Avec le développement du télétravail, un contentieux commence à naître sur l’imputabilité de certains accidents.

Deux arrêts rendus par les cours d’appel de Saint-Denis de la Réunion et d’Amiens, les 4 mai et 15 juin 2023 nous apportent des premières illustrations sur des déclarations d’accident de travail par des salariés en télétravail dans lesquels la présomption d’imputabilité ne joue pas. (Cour d’appel d’Amiens 15 juin 2023 RG n° 22/00474 ; Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion 4 mai 2023 RG n° 22/00884 )

La première décision concernait une salariée qui télétravaillait dans un bureau aménagé au sous-sol de son domicile.

Celle-ci était tombée et fracturée le coude dans la minute qui a suivi la fin de sa journée de travail.

La présomption d’imputabilité n’a pas été retenue car la salariée avait déjà effectué son pointage de fin de journée lorsque son accident est survenu.

Elle n’était donc plus sous l’autorité de son employeur

La seconde décision concernait un salarié en télétravail qui, après avoir perdu sa connexion Internet, est sorti devant chez lui afin de discuter avec le conducteur du camion qui venait de heurter le panneau téléphonique lui permettant d’avoir Internet.Un second véhicule a, de nouveau, tiré sur les câbles distendus de sorte que le poteau est tombé sur le salarié.

La présomption d’imputabilité n’a pas été retenue car l’accident est survenu en dehors du lieu de travail soit sur la voie publique.

La Cour d’Appel a jugé qu’en sortant sur la voie publique, le salarié a interrompu sa mission pour un motif personnel et n’était plus sous l’autorité de son employeur.

Ces deux décisions mettent en exergue que l’accident survenu en dehors des heures ou du lieu de télétravail déclarés n’est pas présumé être un accident du travail.

Le salarié doit donc démontrer qu’il existe un lien entre son accident et son travail. À défaut, l’accident du travail ne sera pas retenu.

Les congés payés sous le feu des projecteurs

Mise à jour 2 août 2023

La Cour de Cassation dans son rapport annuel 2013 a indiqué que le législateur doit prendre des dispositions légales pour réformer les congés payés.

Depuis rien n’a été fait sur les axes essentiels.

IMG_2097Plusieurs axes sont à réformer principalement en raison du droit communautaire qui impose un minimum de 4 semaines de congés payés par an.

Voici les principaux points de notre droit français qui sont contraires au droit européen.

  •  les reports ou pertes des droits à congés payés issus du droit national

La Cour de Cassation a jugé que, lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l’année prévue par le code du travail ou par une convention collective, en raison d’absences liées à un accident du travail ou à une maladie professionnelle ou non,  son droit à congé est reporté.

Elle ne s’est pas prononcée sur le sort des congés supérieurs aux 4 semaines communautaires.

La Haute Juridiction aimerait que le législateur prévoit que ce droit à report de congé s’applique non seulement pour les 4 semaines prévues par le droit communautaire mais également pour tous les congés payés de droit interneContinuer la lecture de Les congés payés sous le feu des projecteurs

La plume du Juge et l’exigence d’impartialité

Il y a parfois des décisions de justice qui nous amusent tant la verve des magistrats peut être acerbe.

Lire une décision avec des faits hauts en couleur et rédigée avec une belle plume reste un plaisir coupable pour tout avocat, surtout lorsqu’il n’a pas de client concerné par la décision.

Néanmoins au-delà du style littéraire, certains magistrats adoptent une liberté de ton révélant une certaine partialité.

C’est le cas de l’ironie.

Or l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales rappelle que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial.

La Cour de Cassation vient de rappeler dans une décision du 14 juin 2023 de sa chambre sociale (pourvoi n° 21-23.107) que l’ironie n’a pas sa place dans une décision de justice.

Elle casse ainsi une décision truculente de la Cour d’appel de DOUAI que vous pouvez lire dans cet article sur le licenciement d’une salariée qui testait avec son amant les matelas en exposition de son employeur.

Cour d’appel de Douai – ch. sociale – 25 juin 2021 – n° 1907/21

Extrait : Cour d’appel de DOUAI / ARRÊT DU 25 Juin 2021 N° 1907/21

N° RG 19/00958 – N° Portalis DBVT V B7D SJLU

EXPOSE DES FAITS

A C a été embauchée en qualité de vendeuse, groupe 2 niveau 1 par contrat à durée indéterminée à compter du 21 janvier 2008 par la société Nord France Distribution aux droits de laquelle est venue la société OKI exerçant sous l’enseigne LE ROI DU MATELAS. Elle a été affectée au magasin de Saint Martin lès Boulogne.

Elle a été convoquée par lettre remise en main propre le 20 janvier 2017 à un entretien le 30 janvier 2017 en vue de son licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. A l’issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 février 2017.

Les motifs du licenciement tels qu’énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Vous avez été embauchée au sein de notre entreprise par contrat à durée indéterminée, en date du 18 janvier 2008, en qualité de vendeuse à temps plein, au sein du magasin LE ROI DU MATELAS de BOULOGNE SUR MER.

La relation contractuelle était entachée de plusieurs difficultés ayant donné lieu à des sanctions disciplinaires notamment en janvier 2013 pour retards, en octobre 2014 pour non respect de la méthode de vente et votre comportement vis-à- vis de votre supérieur hiérarchique, en mars 2015 pour non respect de la procédure rappel devis, en avril 2015 une nouvelle fois pour non respect de la méthode de vente et en octobre 2015 également pour non respect de la méthode de vente.

Le 18 janvier 2017, Monsieur F L, Sénior Manager, était contacté par Monsieur B K, ancien salarié de la Société, ayant fait l’objet d’lm licenciement pour faute grave en 2013.

Monsieur B K occupait les fonctions de Vendeur Responsable, au magasin de Roubaix. Ce dernier indiquait à Monsieur F L

– qu’il était votre amant depuis plusieurs années,

– qu’il avait des relations sexuelles avec vous sur votre lieu de travail, au sein même du magasin LE ROI DU MATELAS de BOULOGNE SUR MER, durant vos pauses déjeuner, utilisant les lits exposés en magasin,

– que vous lui transmettiez des informations sur l’entreprise.

Monsieur B K adressait par la suite plusieurs mails à Monsieur F L, contenant des photos de vous en tenue suggestive et vous mettant en scène dans le magasin, parfois sur les matelas d’exposition.

Il nous est néanmoins possible de dater les photographies suggestives au regard de l’affichage des prix des matelas exposés.

Choqué de ces révélations, Monsieur F L en informait immédiatement le service des ressources humaines.

Compte tenu du contexte, Madame E I, Responsable des Ressources Humaines, souhaitait vous informer de ces révélations, et avoir un échange avec vous à ce sujet, avant d’entreprendre toute mesure, l’aspect délicat des faits n’enlevant rien à leur gravité.

Le jeudi 19 janvier 2017, elle s’est donc déplacée au magasin de BOULOGNE SUR MER afin d’échanger avec vous sur la situation.

Lors de cet entretien, vous avez admis avoir eu régulièrement des relations sexuelles avec Monsieur B K, à l’intérieur du magasin, durant vos pauses déjeuners, utilisant les lits en exposition du magasin.

Vous avez immédiatement précisé à Madame E I que, compte tenu de ces faits, vous souhaitiez démissionner et que vous preniez cette décision seule et en pleine connaissance de cause. En effet, vous précisiez que vous ne souhaitiez pas que ces faits soient révélés, et fassent l’objet de la moindre publicité au sein de la Société.

A l’issue de cet entretien, vous remettiez à Madame E I une lettre de démission, dans laquelle vous sollicitiez être libérée de votre préavis dès à présent, soit le 19 janvier 2017.

Par ailleurs, vous sollicitez également oralement d’être immédiatement libérée de votre clause de non concurrence.

Aussi, Madame E I vous remettait un courrier en main propre, levant votre clause de non concurrence.

Le lendemain, soit le vendredi 20 janvier 2017, vous vous êtes présentée au magasin de BOULOGNE SUR MER, afin d’envoyer un mail à Madame E I, à 12h16, par lequel vous vous rétractiez de votre décision de démissionner de la veille.

Dans ce mail, vous faisiez état de prétendues pressions exercées par Madame E I auprès de vous pour démissionner.

Vous prétendiez que Madame E I vous avait dicté la lettre de démission, et qu’elle vous aurait indiqué qu’un licenciement pour faute grave vous priverait de vos droits au chômage.

Par ailleurs, vous précisiez dans ce mail que vous aviez déjà fait l’objet de pressions au mois de juin 2016 pour quitter votre poste.

Nous contestons fermement cette présentation des faits, qui est mensongère. Vos accusations sont infondées.

Afin d’éviter tout débat relatif à la qualification de votre démission, nous avons considéré que le contrat n’était pas rompu du fait de votre démission du jeudi 19 janvier 2017.

C’est dans ces conditions que nous vous avons convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, et que nous vous avons notifié votre mise à pied à titre conservatoire, par courrier remis en main propre le même jour, soit le 20 janvier 2017, par Madame E I, qui s’est de nouveau déplacée à BOULOGNE SUR MER.

Le 24 janvier 2017 vers 11h00, alors que Monsieur X H, vendeur responsable était présent dans le magasin de BOULOGNE SUR MER, et que Monsieur F L y était également présent, le magasin recevait un appel téléphonique d’une personne se plaignant de ne pas voir apparaître son commentaire sur le site CUSTPLACE, site permettant aux clients d’exprimer leur avis sur l’enseigne. Ce dernier indiquait qu’il était Monsieur B K et qu’il voulait signaler que le matelas «DARWIN» avait «morflé », car il l’avait essayé une dizaine de fois avec la vendeuse, Madame A Z, dont il était l’amant, et qu’il conseillait donc de ne pas acheter le modèle DARWIN en magasin.

Stupéfait et embarrassé, Monsieur X H profitait de la présence de Monsieur F L pour lui passer la communication. Monsieur F L demandait alors à Monsieur B K de cesser ce harcèlement et le dénigrement de l’entreprise sur les réseaux sociaux, et écourtait la conversation.

Le même jour soit le 24 janvier 2017, nous constations effectivement deux commentaires de Monsieur B K sur le site CUSTPLACE, indiquant:

-«si vous allez au roi du matelas à Boulogne sur mer n’achetez pas le Darwin, je l’ai testé une bonne dizaine de fois avec la vendeuse (avec l’accord de son mari, couple libre) mais le matelas en question a morflé »

-«n’hésitez pas à acheter le matelas DARWIN’ Je l’ai testé une bonne dizaine de fois avec la vendeuse du magasin de Boulogne sur mer, il est top mais n’achetez pas l’expo on l’a foutu en l’air» Nous considérons que les faits qui ont été portés à notre connaissance, et qui ont été confirmé par plusieurs de vos collègues de travail à qui vous vous êtes confiés, sont gravissimes.

En effet, tout d’abord, vous avez eu des relations sexuelles sur votre lieu de travail, et en utilisant le matériel d’exposition à la disposition des clients.

Or, ce matériel est strictement réservé à un usage exclusivement professionnel.

En outre, votre contrat de travail prévoit, à son article 4 : «Le salarié est engagé pour exercer les fonctions de vendeur. Ses attributions sont entre autres : (…) veiller au bon état de la marchandise exposée en magasin et entreposée en réserve»

Votre comportement consistant à détourner le matériel d’exposition du magasin à des fins très privées, et à dégrader ce matériel, est une violation manifeste de vos obligations contractuelles.

Ces faits pourrait, par ailleurs, constituer l’infraction d’abus de confiance, puisque vous avez utilisé à des fins personnelles le matériel appartenant à l’entreprise, et qui vous est confié exclusivement pour l’exercice de vos fonctions.

Votre comportement a eu de graves répercussions sur le fonctionnement de la société.

En effet, votre ancien amant, aigri, ne cesse d’importuner certains salariés de la société à ce sujet, par des appels et mails malveillants.

En effet, Monsieur F L ainsi que le magasin de BOULOGNE SUR MER ont reçu des appels déplacés de la part de Monsieur B K.

Monsieur G L a également reçu des mails tout à fait inconvenants et inadaptés, qui l’ont choqué.

Par ailleurs, votre comportement a également des répercussions très négatives sur l’image et la réputation de la société.

Par ses commentaires sur le site CUSTPLACE, Monsieur B K a fait une publicité de vos pratiques au sein du magasin, ce qui donne une image désastreuse et dégradante de notre enseigne.

En outre, nous constatons également que vous n’hésitez pas à faire entrer dans le magasin des tiers à l’entreprise, durant les horaires de fermeture.

Il s’agit de surcroît d’un ancien salarié licencié pour faute grave, dont vous ne pouviez ignorer qu’il avait un comportement très néfaste envers la société depuis plusieurs mois, ne cessant de poster des commentaires négatifs sur l’enseigne sur internet, se présentant dans certains magasins pour proférer des menaces, et harcelant la société, ce qui avait donné lieu à une mise en demeure adressé par la société à ce salarié le 9 septembre 2014.

Vous saviez pertinemment que la société était en conflit direct avec Monsieur B K, ce qui ne vous a pas empêché de le laisser entrer et demeurer dans le magasin.

Par ailleurs, Monsieur B K a également indiqué à Monsieur F L «d’où croyez vous que je tire les informations sur votre entreprise » ‘

Cette révélation signifie que vous alimentez cet ancien salarié en informations internes à la société, alors que ces informations n’ont aucune raison d’être portées à la connaissance de tiers, et ce d’autant plus que Monsieur B K s’en sert pour nuire à la société.

Il s’agit d’une violation de votre obligation fondamentale de loyauté envers votre employeur.

Enfin, dans votre mail en date du 20 janvier 2017, vous avez émis des accusations graves et infondées envers Madame E I et la société.

Nous contestons vos accusations choquantes, par lesquelles vous tentez d’arranger la situation en votre faveur.

Vos propos sont une défiance de plus envers votre employeur.

Lors de l’entretien préalable, en dépit de l’évidence, vous avez soudainement nié ces faits.

Nous maintenons toutefois nos reproches. Votre comportement est inadmissible, et nous ne pouvons tolérer une telle attitude de la part de nos vendeurs.

Ces faits sont constitutifs d’une faute grave qui rend impossible votre maintien au sein de l’entreprise.»

Par requête reçue le 8 décembre 2017, la salariée a saisi le Conseil de Prud’hommes de Tourcoing afin de faire constater l’illégitimité de son licenciement et d’obtenir le versement d’indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 20 janvier 2019, le Conseil de Prud’hommes l’a déboutée de sa demande et l’a condamnée aux dépens.

Le 16 avril 2019, A C a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du la procédure a été clôturée le 12 mai 2021 et l’audience des plaidoiries a été fixée au 26 mai 2021.

Selon ses conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 7 juillet 2019, A C sollicite de la Cour l’infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société à lui verser :

– 984,35 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire

– 98,43 euros au titre des congés payés

– 4953,52 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 495,35 euros au titre des congés payés y afférents- 4469,28 euros à titre d’indemnité de licenciement- 21426 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 8000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct subi

– 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que la remise par la société d’un bulletins de paye, d’une attestation Pôle Emploi et d’un reçu pour solde de tout compte rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.

L’appelante expose qu’elle a été confrontée au management arbitraire de F L, manager district, qui a entrepris de faire peser sur elle et sur certaines de ses collègues une pression démesurée et de la discréditer auprès de sa responsable directe afin de l’obliger à la sanctionner, que ces conditions de travail délétères ont conduit différentes collègues de travail à quitter la société, que le 19 janvier 2017, elle a été contrainte de rédiger une lettre de démission de ses fonctions de vendeuse, sous la dictée d’E I, responsable du service social, que toutefois elle s’est immédiatement rétractée dès le lendemain, que dans le même temps, B K, instable psychologiquement et ne supportant pas la rupture de leurs relations, lui faisait vivre un véritable enfer, la menaçant elle, sa fille et son concubin, qu’elle conteste fermement les griefs qui lui sont reprochés, que pour démontrer la réalité des relations sexuelles la société OKI s’est fondée uniquement sur les dires de B K, qui a agi dans le but de la discréditer, de ternir sa réputation et de lui faire perdre son emploi, qu’elle n’a jamais indiqué avoir eu des relations sexuelles avec ce dernier sur son lieu de travail, que le deuxième grief n’est pas caractérisé, que la société OKI a été destinataire d’un mail, dont elle n’est nullement l’expéditeur, que s’agissant du troisième grief , il ne peut lui être reproché le comportement déviant de B K, que loin d’être responsable, elle a été victime avec sa famille du harcèlement allant jusqu’aux menaces de mort de la part de ce dernier, que sur le quatrième grief B K étant un ancien salarié de l’intimée, n’avait besoin de personne pour détenir des informations sur la société et pour la discréditer, qu’il aurait absolument impossible de lui interdire l’accès au magasin aux heures d’ouverture, que les prétendus faits fautifs contenus dans la lettre de licenciement n’ont pas de rapport avec la teneur des avertissements notifiées injustement par l’intimée, que l’appelante a toujours obtenu d’excellents résultats commerciaux, ce que ne conteste pas la société, que les circonstances dans lesquelles est intervenue la rupture du contrat de travail ont porté gravement atteinte à son intégrité psychologique.

Selon ses conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 4 octobre 2019, la société OKI intimée sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l’appelante à lui verser 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi et 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimée soutient qu’au cours de sa période d’activité au sein de la société, l’appelante a fait l’objet de plusieurs avertissements, les 2 décembre 2008, 6 novembre 2009, 9 novembre 2009, 9 mars 2012, 7 janvier 2013, 29 avril 2015 et 22 octobre 2015, que la société a reçu un mail émanant de B K ancien salarié de la société, licencié pour faute grave le 19 juin 2013 lui communiquait des photos de l’appelante dénudée, qu’ils avaient prises ensemble au sein du magasin dans lequel elle travaillait, que durant l’entretien d’explication organisé le 19 janvier 2017 avec E I, l’appelante reconnaissait avoir entretenu une relation amoureuse avec B K et avoir eu régulièrement des relations sexuelles avec lui au magasin, qu’après avoir rédigé une lettre de démission, elle se rétractait le lendemain, que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement sont caractérisés, que les photographies envoyées à la direction par B K sur lesquelles l’appelante y apparait dénudée sur un matelas du magasin et en porte jarretelles établissent la réalité des relations sexuelles, que dans la plainte déposée le20 janvier 2017, elle avoue avoir eu une relation amoureuse avec lui et également avoir connaissance de l’existence des photos envoyées par mail à son employeur, que la légèreté de l’appelante dans la gestion de sa vie affective a porté atteinte au bon fonctionnement de la société, des membres du personnel et des clients ayant été informés de l’existence de ses relations sexuelles sur son lieu de travail, que les matelas d’exposition, destinés à l’usage et la vente au public et qui doivent présenter des garanties d’hygiène et de parfait état, ont été utilisés de manière inappropriée par l’appelante, sans se soucier du respect de la clientèle, que le règlement intérieur de la société interdisait de laisser pénétrer des personnes autres que les clients dans les magasins, qu’E I n’a jamais exercé aucune pression sur l’appelante lors de leur discussion informelle du 19 janvier 2017, que la société n’avait aucun intérêt à lui soutirer une démission, étant déjà en possession de tous les éléments lui permettant d’engager une procédure de licenciement parfaitement fondée, que les arrêts de travail de l’appelante sont consécutifs à des problèmes de dos et non à du harcèlement au travail, que le comportement de la salariée sur son lieu travail a causé un trouble préjudiciable à la société.

MOTIFS DE L’ARRET Attendu en application de l’article L1234-1 du code du travail qu’il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont des relations sexuelles entretenues par l’appelante sur le lieu de travail en utilisant le matériel d’exposition à la disposition des clients, un comportement ayant eu de graves répercussions sur le fonctionnement de la société et sur sa réputation, l’introduction dans le magasin d’un tiers extérieur à l’entreprise, ancien salarié avec lequel la société était par ailleurs en conflit judiciaire, des accusations fallacieuses émises à l’encontre d’E I, en affirmant qu’elle aurait poussé à la démission le 19 janvier 2017.

Attendu sur le premier grief que l’appelante ne conteste pas avoir entretenu avec B K des relations intimes dont la rupture est à l’origine du profond ressentiment de dernier, qui l’a conduit à d’inadmissibles actes de vengeance, objet de la plainte déposée le 20 janvier 2017 par la salariée ; qu’elle nie exclusivement avoir connu charnellement son amant sur son lieu de travail ; que toutefois l’adoption complaisante de postures galantes, voire pour certaines lascives, par l’appelante s’exhibant dans des sous vêtements suggestifs sous l’objectif de son amant, soucieux d’immortaliser ces rares instants par des photographies versées aux débats, ne laisse planer aucun doute sur le fait qu’il ne s’agissait que de préludes ; que la salariée, répondant certainement aux appels impérieux d’une conscience professionnelle sans faille, allait bientôt être animée du désir irrépressible d’apprécier à leur juste mesure, par l’emploi de procédés jusque là, semble t’il, inusités dans le magasin, les qualités du matelas Darwin dont par ailleurs elle devait vanter les mérites en raison de ses fonctions de vendeuse, s’assurant par la même occasion que le titre de «roi du matelas» dont se parait son employeur n’était point usurpé ; qu’il est manifeste que les photographies dont il a été question précédemment ont bien été prises dans un stand du magasin exposant les différents produits de la société puisqu’il n’a pas échappé à la sagacité de cette dernière qu’y apparaissaient le nom et le prix du modèle essayé pour la circonstance ; que si les effusions échevelées auxquelles ont pu se livrer l’appelante et son amant et dont B K souligne avec impudeur la multiplicité, pouvaient ne pas être sans conséquence sur l’intégrité des différents matelas qui en ont été le théâtre, il n’est nullement démontré que ces derniers en aient réellement souffert au point d’en être rendus inutilisables, comme le soutient ce dernier avec malignité ; qu’il n’est pas davantage établi qu’elles aient pu avoir lieu durant les horaires de travail et qu’elles aient perturbé le fonctionnement de l’entreprise puisque dans la lettre de licenciement la société reproche à l’appelante d’avoir mis à profit sa pause déjeuner pour s’adonner à des plaisirs autres que ceux de la table ; que toutefois les ébats imputés à la salariée ne débordant pas de la sphère de sa vie privée, il ne peut être retenu à sa charge que l’usage amplement abusif du matériel de l’entreprise sans le consentement de son employeur ;

Attendu sur le deuxième grief que l’appelante ne peut objecter qu’il lui était impossible de faire barrage à l’entrée de B K puisque les sacrifices à Vénus qu’elle célébrait dans le magasin et auxquels B K était partie prenante se déroulaient durant les heures de repas, horaire habituel de fermeture du magasin, ce qui supposait nécessairement sa complicité dans l’introduction de son amant dans les locaux de l’entreprise et ce, en violation de l’article 7 du règlement intérieur qui prohibe l’entrée d’une personne étrangère à l’entreprise, sans motif lié à l’exécution de sa mission professionnelle, puisque celle dont était investi B K ne présentait manifestement pas une telle nature ; que toutefois la société ne peut, sans contradiction, prétendre que l’accès de ce dernier à ses locaux lui avait permis de recueillir des éléments nuisibles qui seraient constitués par les photographies compromettantes de l’appelante et dans le même temps se prévaloir, dans le cadre de la présente procédure, de ces dernières qui ne lui ont été transmises que pour l’assouvissement d’une vengeance personnelle ; que la cour ne peut que manifester son étonnement face à la particulière complaisance dont a fait preuve l’intimée envers B K qu’elle avait pourtant licencié le 19 juin 2013 pour des fautes graves consistant en la tenue de propos diffamatoires, injurieux et mensongers envers la société et sa hiérarchie par le biais du réseau social «Facebook», et dont les actes de délation ont constitué le fondement principal de la présente procédure ; qu’un tel comportement envers cet individu qui poursuivait de sa vindicte l’appelante avec un acharnement suspect s’apparentait même à de la complicité, comme le démontre le courriel qu’il a adressé à

F L, manager de district, le 16 juin 2018 : «On ne s’aime pas, c’est sûr, mais si toutefois madame C A persistait dans son idée d’aller aux prud’hommes contre vous, je peux vous donner d’autres preuves bien plus probantes des relations sexuelles que j’ai eu avec elle au magasin roi du matelas de Boulogne sur mer. J’ai interdit à son avocat de se servir de mon attestation qui l’excusait quasiment de tous les faits que vous lui reprochiez. J’ai fait cette attestation en échange de 2000 ‘ en cas de « victoire » aux prud’hommes. Je me suis fait passer pour fou auprès de mon médecin pour avoir une attestation médicale à ajouter au dossier, tout cela était faux. Si vous avez besoin d’autres éléments dites le moi » ; que cette attitude est d’autant moins compréhensible que B K s’était abandonné, sur le site «Custplace» destiné à recueillir les avis des clients de la société sur ses produits, à des révélations sulfureuses reproduites dans la lettre de licenciement ; que toutefois la société ne peut prétendre que sa réputation ait pu en être entachée puisqu’en dehors de celles ci, dont le caractère manifestement outrancier et vindicatif affectait la crédibilité et qui d’ailleurs n’apparaissaient pas initialement sur le site ce qui a motivé le premier appel téléphonique de B K, aucune autre publicité n’a été donnée à ces débordements ; qu’enfin la société n’apporte aucun éclaircissement sur les redoutables secrets d’entreprise sur lesquels B K aurait pu faire main basse à la faveur des quelques moments d’égarement de l’appelante puisqu’elle ne produit par ailleurs, outre celles de cette dernière dans des poses suggestives, que des photographies du magasin prises de l’extérieur ;

Attendu sur le dernier grief qu’il résulte des pièces versées aux débats que l’appelante a rédigé le 19 janvier 2017, jour de l’entretien organisé avec E I une lettre donnant sa démission le jour même et renonçant également au préavis ; que la brusquerie avec laquelle elle a été écrite en présence d’E I qui en a immédiatement accusé réception sur le document lui même, les conditions déstabilisantes dans lesquelles l’entretien s’est déroulé, E I s’étant rendue en personne dans le magasin, les menaces de mise à pied à titre conservatoire rapportées dans le courriel de rétractation de l’appelante transmis dès le lendemain à 12 h 13 et mises à exécution le jour même de la réception de celui ci par une notification en main propre, concourent à démontrer que les fortes pressions exercées par E I sur la personne de l’appelante pour obtenir la démission immédiate de celle ci ont bien eu lieu et qu’elles avaient momentanément abouti ;

Attendu en conséquence que seuls l’usage immodéré du matériel de l’entreprise et l’introduction de B K dans les locaux du magasin peuvent être imputés à l’appelante ; que toutefois le second grief, au demeurant assez véniel, n’est que la conséquence naturelle du premier ; que les raisons pour lesquelles celui ci a pu se produire sont totalement étrangers à une quelconque volonté de nuire et ne doivent être recherchés que dans le simple désir de l’appelante d’assouvir des appétits dont elle a été la seule à devoir se repentir amèrement ultérieurement ; que de tels faits ne sauraient à eux seuls légitimer un licenciement ; que les derniers avertissements en date des 29 avril et 22 octobre 2015, infligés au cours de trois années précédant le licenciement, n’ont trait qu’à un simple non respect des méthodes de vente ;

Attendu en conséquence que le licenciement de l’appelante est dépourvu de cause réelle et sérieuse :

Attendu qu’à la date de son licenciement, l’appelante percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 2040,82 euros ;

Attendu qu’il convient d’évaluer à la somme de 984,35 euros le rappel de salaire dû au titre de la mise à pied conservatoire devenue sans objet, à 98,43 euros les congés payés y afférents, à 4081,64 l’indemnité compensatrice de préavis et à 408,16 les congés payés y afférents et en application de l’article R1234-2 du code du travail, à 3758,51 euros l’indemnité légale de licenciement ;

Attendu en application de l’article L1235-3 du code du travail dans ses dispositions alors en vigueur qu’à la date de son licenciement l’appelante jouissait d’une ancienneté de plus de huit années au sein de l’entreprise qui employait de façon habituelle au moins onze salariés ; que l’appelante ne démontrant pas l’existence d’un préjudice résultant de la perte de son emploi, il convient de ne lui allouer que l’indemnité minimum prévue par les dispositions légales précitées, soit la somme de 12245 euros ;

Attendu que le licenciement de l’appelante s’est déroulé dans des conditions particulièrement brutales ; que son employeur n’a pas hésité à tenter de lui soutirer une démission pour des faits qui ne justifiaient pas un licenciement, en s’appuyant sur des révélations produites par un ancien salarié qui s’est livré à de véritables actes de harcèlement sur la personne de l’appelante et en faisant preuve de la plus grande complaisance envers ce dernier ; que l’appelante a donc bien subi un préjudice moral distinct ; qu’en réparation de celui ci il convient d’évaluer l’indemnité due à la somme de 6000 euros ;

Attendu qu’il convient d’ordonner la remise par la société d’un bulletin de paye et d’une attestation Pole emploi conformes au présent arrêt sans assortir cette obligation d’une astreinte ;

Attendu en application de l’article L 1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail que le remboursement des allocations de chômage peut être ordonné au profit du Pôle Emploi lorsque le salarié a deux années d’ancienneté au sein de l’entreprise et que celle ci emploie habituellement au moins onze salariés ;

Attendu que les conditions étant réunies en l’espèce, il convient d’ordonner le remboursement par la société des allocations versées à l’appelante dans les conditions prévues à l’article précité et dans la limite de six mois ;

Attendu qu’il convient de débouter la société intimée de sa demande reconventionnelle dépourvue de tout fondement ;

Attendu qu’il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l’appelante les frais qu’elle a dû exposer tant devant le Conseil de Prud’hommes qu’en cause d’appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu’il convient de lui allouer une somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement déféré

ET STATUANT A NOUVEAU

CONDAMNE la société OKI à verser à A C

– 984,35 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire

– 98,43 euros au titre des congés payés

– 4081,64 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 408,16 euros au titre des congés payés y afférents

– 3758,51 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

– 12245 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 6000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct subi,

ORDONNE la remise par la société OKI à A C d’un bulletin de paye et d’une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt,

ORDONNE le remboursement par la société OKI au profit du Pôle Emploi des allocations versées à A D dans la limite de six mois d’indemnités ;

DEBOUTE la société OKI de sa demande reconventionnelle,

CONDAMNE la société OKI à verser à A C 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société OKI aux dépens.

Décision attaquée : C. Prud. Tourcoing Formation paritaire 2019-01-20

Du licenciement d’un salarié condamné pénalement pour des faits sans lien avec le travail.

En principe, l’employeur ne peut pas licencier un salarié pour un fait tiré de sa vie privée peu important que ce fait ait entraîné une condamnation pénale.

Néanmoins, la jurisprudence considère qu’il peut en être différemment lorsque l’entreprise subit un trouble caractérisé en raison du comportement du salarié.

La Cour de cassation dans un arrêt du 13 avril 2023 a d’ailleurs validé le licenciement d’un salarié condamné pour agression sexuelle sur mineurs dans le cadre d’activité de loisirs n’ayant rien à voir avec son travail. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 avril 2023, 22-10.476, Inédit)

Dans ce dossier, le salarié était employé d’un société de champagne où il exerçait les fonctions de vigneron tractoriste.

Or, il avait été déclaré coupable de faits d’agression sexuelle sur mineurs commis à l’occasion de ses activités d’entraîneur de football dans le club de la ville où il travaillait, et écroué.

Il est à noter dans cette affaire que l’employeur n’avait pas licencié le salarié pendant son incarcération, n’ayant, sans doute, pas pu prouver que son absence prolongée perturbait le fonctionnement de l’entreprise et qu’il était dans l’obligation de le remplacer définitivement.

Dès le retour du salarié dans l’entreprise, une quarantaine de salariés avaient immédiatement manifesté leur refus de travailler avec lui, refus réitéré le lendemain, les salariés n’hésitant pas à faire grève pour être entendus par leur employeur.

Le salarié a été licencié par courrier en date du 7 avril 2017, avec dispense de préavis, pour trouble objectif causé au bon fonctionnement de la société.

La haute juridiction a approuvé la Cour d’appel qui avait considéré que la condamnation pénale du salarié avait créé un trouble objectif au bon fonctionnement de l’entreprise retenant également que les faits avaient suscité un émoi durable et légitime au sein de la ville.  Le licenciement pour cause réelle et sérieuse du salarié était donc justifié. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 avril 2023, 22-10.476, Inédit)

Cette solution n’est pas nouvelle puisque la Cour de cassation avait déjà validé en 2012, le licenciement d’un salarié condamné à 8 ans de prison pour viol sur une mineure de 15 ans et ce au motif des troubles causés par cette condamnation dans le fonctionnement de l’entreprise. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 septembre 2012, 11-11.247, Inédit)

Le rôle du Juge en cas de contestation de signature

Pour défendre leur position devant le conseil des prud’hommes, salariés et employeurs utilisent souvent des documents tels que des contrats, des plannings ou des lettres reçues en main propre signés de la main de l’autre.

Or il n’est pas rare que le salarié ou l’employeur conteste – de bonne ou de mauvaise foi – avoir signé des documents qui l’engage.

Dans ce cas, il existe une procédure spécifique que l’on appelle l’incident de vérification d’écriture et qui permet aux juridictions de trancher le problème.

Cette procédure est prévue par les articles 287 et 288 du code de procédure civile.

Un arrêt du 23 mai dernier de la Cour de Cassation me permet d’en donner une illustration en rappelant que si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge doit vérifier l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 mai 2023, 21-24.960, Inédit)

Le magistrat réalise cette vérification en comparant le document contesté avec d’autres pièces qui lui permettent d’effectuer la comparaison mais aussi en interrogeant les parties.

S’il le souhaite le juge peut demander la communication de pièces complémentaires.

Il peut même exiger de celui qui dénie son écriture d’écrire ou de signer sous sa dictée.

La clause de Golden Hello

Pour inciter des cadres dirigeants ou des cadres supérieurs à rejoindre l’entreprise, une prime d’arrivée ou de bienvenue encore appelée Golden Hello est de plus en plus à la mode dans les contrats de travail.

La grande spécificité de cette prime est qu’elle est versée généralement dès l’arrivée du salarié dans l’entreprise mais qu’elle n’est acquise définitivement qu’après un certain temps de présence dans l’entreprise.

Il s’agit en fait d’une prime qui n’est acquise qu’au prorata du temps passé par le salarié dans l’entreprise et dont le paiement est fait à titre d’avance.

De ce fait si la démission du salarié intervient avant le terme de la durée définie au contrat pour l’acquisition définitive de la prime, le salarié est tenu de rembourser une partie de la prime à l’employeur.

La Cour de Cassation a été interrogée sur la validité de cette clause au regard de la liberté de travailler du salarié.

La position de la Cour de cassation est claire : une telle clause est valide tant qu’elle reste indépendante de l’activité du salarié. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 mai 2023, 21-25.136, Publié au bulletin)

Voici l’attendu de principe retenu :

« Une clause convenue entre les parties, dont l’objet est de fidéliser le salarié dont l’employeur souhaite s’assurer la collaboration dans la durée, peut, sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail, subordonner l’acquisition de l’intégralité d’une prime d’arrivée, indépendante de la rémunération de l’activité du salarié, à une condition de présence de ce dernier dans l’entreprise pendant une certaine durée après son versement et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n’aura pas passé dans l’entreprise avant l’échéance prévue. »

Attention donc à la rédaction de la clause qui peut être déterminante tant pour sa validité que pour son application.

Prouver par des témoignages devant le Conseil de Prud’hommes

J’entends souvent : « Maître, c’est perdu d’avance, personne ne voudra témoigner du harcèlement que je subis par peur des représailles».

Cette inquiétude de ne pas pouvoir prouver la réalité du harcèlement et la peur de représailles ne sont pas dénuées de tout fondement.

En effet, selon l’article 202 du code de procédure civile, les attestations doivent mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur.

D’ailleurs, le témoignage doit être écrit, daté et signé de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

Or, dans le cadre du procès prud’homal, l’ensemble des témoignages qui prouvent les dires du salarié contestataire sont communiqués à l’employeur pour respecter le principe du contradictoire.

L’employeur aura donc connaissance des noms des salariés qui témoignent contre lui ce qui freine naturellement le courage de nombreux salariés pourtant témoins du harcèlement de leur collègue.

Comment convaincre ces salariés craintifs ?

L’anonymisation des témoignages est une solution et un moyen de preuve souvent mal connu.

La Cour de Cassation considère en effet que le juge peut prendre en considération des témoignages anonymisés de salariés si ceux-ci sont corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 avril 2023, 21-20.308, Publié au bulletin)

Cela repose sur le fait qu’en matière prud’homale, la preuve est libre, ce qui signifie que la démonstration de la réalité d’un fait, d’un état, d’une circonstance ou d’une obligation peut se faire par tout moyen.

Certes, cette preuve sera faible car le juge ne peut pas fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes mais lesdits témoignages peuvent être intéressants ou complétés d’autres pièces.