Le projet de loi sur le délit de harcèlement sexuel : impact en droit du travail

  • (mis à jour le 23/07/12)

Le projet de loi sur le harcèlement sexuel qui a été adopté par le Sénat la semaine dernière sera examiné en séance publique à l’Assemblée nationale le 24 juillet 2012 selon la procédure accélérée.

Ce projet a de nombreux impacts en droit du travail et a été examiné par la commission des affaires sociales tant pour les salariés du secteur privé que pour les fonctionnaires.

Je vous livre un extrait de l’avis 85 de ladite commission : 

Article 3 de l’Avis : salarié du secteur privé

 » (Articles L. 1152-1, L. 1153-1, L. 1153-2, L. 1155-2 à L. 1155-4, 

L. 2313-2, L. 4622-2 et L. 8112-2 du code du travail)

Harmonisation des définitions du harcèlement sexuel ou moral figurant 

dans le code du travail avec les définitions de ces délits dans le code pénal

Prévention et constatation des délits de harcèlement sexuel ou moral

Le présent article vise à harmoniser les dispositions du code du travail relatives au harcèlement sexuel ou moral avec celles prévues par le code pénal, ainsi qu’à améliorer la prévention de ces phénomènes.

1. L’harmonisation des dispositions relatives au harcèlement sexuel et moral dans le code du travail et le code pénal

Pour différents motifs de sécurité juridique, le présent article propose de supprimer au sein des articles du code du travail incriminant le harcèlement sexuel et le harcèlement moral, les définitions de ces délits, et d’opérer par renvoi à celles figurant dans le code pénal.

a) L’incrimination aujourd’hui autonome du harcèlement sexuel dans le code du travail

Jusqu’à la décision du Conseil constitutionnel, deux incriminations du harcèlement sexuel coexistaient : celle de l’article 223-23 du code pénal et celle de l’article L. 1153-1 du code du travail. Leur définition différait légèrement :

– l’article 222-33 du code pénal disposait que : « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende » ;

– l’article L. 1153-1 du code du travail énonce que : « Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers sont interdits ».

Aujourd’hui, seul subsiste le délit prévu par le code du travail. Cependant, en raison de sa définition peu précise et proche de celle que prévoyait le code pénal, il pourrait être à son tour déclaré contraire à la Constitution en cas de nouvelle question prioritaire de constitutionnalite (QPC). En effet, comme l’indique le commentaire de la décision du 4 mai 2012 aux cahiers du Conseil constitutionnel, « si ces dispositions ne sont pas contestées, elles sont nécessairement liées au sort de la QPC puisque leur contenu est proche de celui de la disposition contestée ».

b) L’harmonisation des dispositions relatives au harcèlement sexuel

Il apparaît donc nécessaire de modifier les dispositions relatives au harcèlement sexuel présentes dans le code du travail.

Le 2° du présent article propose une nouvelle rédaction de l’article L. 1153-1 du code du travail, qui ne contiendrait plus de définition du harcèlement sexuel mais opérerait un renvoi au code pénal. Cet article énoncerait que : « Dans le cadre des relations de travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis et réprimés par l’article 222-33 du code pénal ». Sur le fond, cette modification n’a pas d’incidence mais elle permet, sur la forme, de se prémunir de possibles oublis de coordination législative, si la définition pénale du harcèlement sexuel venait à évoluer.

Le 3° b) complète ensuite l’article L. 1153-2 du code du travail, afin qu’il prenne en compte tant le délit que le délit assimilé de harcèlement sexuel dont la création est proposée par l’article 1er du projet de loi.

L’article L. 1153-2 interdit aujourd’hui la sanction, le licenciement ou la discrimination d’un salarié ou d’un candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation « pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel ». Or le délit assimilé de harcèlement sexuel proposé par le projet de loi inclut des actes uniques. Il semble donc nécessaire de préciser que la sanction, le licenciement ou la discrimination en raison de faits de harcèlement sexuel sera réprimée « y compris si ces agissements n’ont pas été commis de façon répétée ».

Au-delà de cette mise en cohérence, le 3° a), issu d’un amendement adopté en séance publique au Sénat (47), étend la protection offerte par l’article L. 1153-2 à toute « personne en période de formation ou en période de stage ». Le 3° bis opère une modification identique à l’article L. 1153-3, qui interdit la discrimination des salariés ayant témoigné ou relaté des faits de harcèlement sexuel.

c) L’harmonisation des dispositions relatives au harcèlement moral

Poursuivant un même objectif d’harmonisation législative, le 1° modifie l’article L. 1152-1 du code du travail qui incrimine aujourd’hui, de manière autonome, le harcèlement moral.

Cet article dispose qu’« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Sa rédaction est presque identique à celle de l’article 222-33-2 du code pénal, qui définit le délit de harcèlement moral comme « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Le 1° propose donc une nouvelle rédaction de l’article L. 1152-1 du code du travail, qui ne comporterait plus de définition du harcèlement moral mais opérerait un renvoi au code pénal. Cet article énoncerait que : « Dans le cadre des relations de travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement moral tels que définis et réprimés par l’article 222-33-2 du code pénal ».

Enfin, dans un but de simplification, le 5° abroge les articles L. 1155-3 et L. 1155-4 du code du travail, qui reproduisaient dans ce code des dispositions relatives aux possibilités d’ajournement du prononcé et de dispense de la peine figurant dans le code pénal.

2. Le rétablissement de la sanction des discriminations liées au harcèlement sexuel ou moral

En matière de peine également, le 4° propose de rétablir la sanction des certaines discriminations interdites par le code du travail. Il s’agit de celles incriminées :

– par les articles L. 1152-2 et L. 1153-2, qui disposent qu’aucun salarié « ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat » sur le fondement de faits de harcèlement moral ou sexuel ;

– par l’article L. 1153-3 qui prévoit qu’aucun salarié « ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés ».

Jusqu’en 2008, ces discriminations étaient punies d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende, mais, à cause d’un oubli de coordination, cette sanction a disparu lors de la recodification. Le 4° vise donc à la rétablir.

Certaines de ces discriminations, telles que le refus d’embauche, la sanction et le licenciement, sont également réprimées par l’article 225-2 du code pénal, qui les punit, en revanche, de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. En vertu du principe fondamental selon lequel, lorsque deux peines sont prévues pour une même incrimination, la peine la plus lourde s’applique, ce sont donc les peines de l’article 225-2 du code pénal qui seront retenues par les magistrats. Le rétablissement proposé par le 4° permettrait, cependant, de sanctionner les autres formes de discriminations figurant dans les articles précités du code du travail.

3. La création de compétences propres en matière de harcèlement sexuel

Le présent article dote également d’une compétence propre en matière de harcèlement sexuel plusieurs acteurs intervenant dans les entreprises.

Issu d’un amendement adopté en commission au Sénat (48), le 5°bis accroît la liste des motifs permettant aux délégués du personnel d’exercer leur droit d’alerte, en y ajoutant les « faits de harcèlement sexuel ou moral ». Il complète en ce sens l’article L. 2313-2 du code du travail.

Issu d’un autre amendement adopté en commission au Sénat (49), le 5°ter propose d’attribuer une mission supplémentaire aux services de santé au travail, qui devront désormais conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin de « prévenir le harcèlement sexuel ou moral ». Il complète en ce sens le 2° de l’article L. 4622-2 du code du travail.

Enfin, au vu de l’ensemble des modifications apportées par le présent article, le 6° propose de préciser que les inspecteurs du travail sont habilités à constater « les délits de harcèlement sexuel ou moral prévus, dans le cadre des relations du travail, par les articles 222-33 et 222-33-2 » du code pénal, en complétant le 1° de l’article L. 8112-2 du code du travail.

*

La Commission examine l’amendement AS 1 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement vise à étendre la protection contre les discriminations et les sanctions professionnelles aux personnes en période de formation ou de stage victimes de harcèlement moral.

La Commission adopte l’amendement AS 1. 

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 modifié.

Article 3 bis

(Article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 

portant droits et obligations des fonctionnaires)

Harcèlement sexuel dans la fonction publique

Le présent article, créé par le Sénat (50), vise à harmoniser les dispositions du statut de la fonction publique réprimant le harcèlement sexuel avec celles prévues par le code pénal. Il modifie à cette fin l’article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Cet article dispose aujourd’hui qu’« aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire » en prenant en considération « le fait qu’il a subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement de toute personne dont le but est d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers ».

La définition du harcèlement sexuel retenue par cet article apparaît très proche de celle de l’article 222-33 du code pénal ancien. Il semble donc nécessaire de modifier ces dispositions, afin de garantir leur pérennité.

Le présent article propose cependant d’aller plus loin et d’inscrire, dans le statut de la fonction publique, une interdiction de principe du harcèlement sexuel, défini dans des termes identiques à ceux du code pénal. 

À cette fin, le 1° insère trois nouveaux alinéas au début de l’article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983, énonçant que :

« Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements de harcèlement sexuel constitué :

a) Soit par des propos ou agissements à connotation sexuelle répétés qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante ;

b) Soit par des ordres, menaces, contraintes ou toute autre forme de pression grave, même non répétés, accomplis dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».

Ces alinéas reproduisent la définition du délit et du délit assimilé de harcèlement sexuel dont la création est proposée par l’article 1er du projet de loi. Au-delà de l’harmonisation de la définition du harcèlement sexuel, il s’agit d’un renforcement de la protection des agents de la fonction publique. En effet, à ce jour, l’article 6 ter ne prohibe que les mesures discriminatoires découlant d’un harcèlement sexuel et non ces agissements en soi.

Le 2° procède à une coordination rendue nécessaire au 1° de l’article 6 ter.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 bis sans modification  » (, extrait de l’avis 85, présentée par Mme Barbara ROMAGNAN, députée, au nom de la commission des affaires sociales).

 

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