Peut-on prendre acte de la rupture de son contrat de travail si l’employeur tarde à verser la rémunération ?
La Cour de Cassation dans un arrêt récent vient de répondre positivement. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 juillet 2022, 20-21.690, Inédit)
En l’espèce, un salarié, également titulaire d’un mandat social de gérant d’une filiale de la société de son employeur, avait pris acte de la rupture de son contrat de travail le 10 juin 2011, en raison du non-paiement de son salaire pour les mois de mars 2010, avril 2010 et mai 2011.
Après avoir rejeté les demandes de rappels de salaire pour les mois de mars et d’avril 2010, la cour d’appel avait considéré que le non-paiement du salaire du mois de mai 2011 justifiait la prise d’acte aux torts de l’employeur.
La Cour de cassation confirme la position de la Cour d’appel en ces termes : » La cour d’appel, qui a constaté qu’à la date de la prise d’acte de la rupture, le 10 juin 2011, le salaire du mois de mai 2011 n’était pas payé et que ce manquement était imputable à l’employeur, a pu en déduire qu’il avait empêché la poursuite du contrat de travail.« (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 juillet 2022, 20-21.690, Inédit)
Cette décision repose sur une interprétation stricte de l’article L3242-1 du code du travail qui prévoit que « Le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois« .
Faut-il pour autant prendre acte systématiquement de la rupture de son contrat de travail après un non-paiement de son salaire 10 jours après la fin du mois comme dans l’arrêt précité ?
Je ne pense pas.
En effet, la jurisprudence est fluctuante sur la question et les juges apprécient au cas par cas les situations.
Il ne faut pas oublier que le non-respect de ses obligations par l’employeur doit être suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail et que le manquement invoqué doit être imputable à l’employeur.
A titre d’exemple, il est possible de citer que le cas du paiement du salaire avec quelques jours de retard sur 2 mois consécutifs n’a pas été jugé suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat du travail. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 janvier 2020, 17-13.961, Inédit)
Dans cet arrêt, la Cour de Cassation avait considéré : « certains des manquements de l’employeur n’étaient pas établis et que le retard dans le paiement des salaires des mois de mars et avril 2012 n’empêchait pas la poursuite de la relation de travail« .(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 janvier 2020, 17-13.961, Inédit)
Néanmoins, dans certains cas, la prise d’acte est la seule solution pour le salarié qui ne peut se contenter de solliciter des dommages et intérêts.
Une réflexion sur « Quand le non paiement d’un mois de salaire justifie la prise d’acte de la rupture »