L’irrégularité de la procédure de licenciement et l’indemnisation d’un préjudice

Désormais le non-respect de la procédure de licenciement  n’entraînera plus automatiquement une indemnisation du salarié.

Il faudra que le salarié démontre son préjudice s’il veut obtenir une réparation par le versement de dommages et intérêts souverainement appréciés par les magistrats dans la limite d’un mois de salaire.

C’est la position de la Cour de Cassation depuis son revirement de jurisprudence de juin dernier. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 juin 2016, 15-16.066, Inédit)

Cette décision s’inscrit dans la nouvelle jurisprudence de la Cour de Cassation visant à restreindre le champ du préjudice automatique lorsque l’employeur ne respecte pas certaines de ses obligations.

Président d’association : Impossibilité de licencier un salarié avec un mandat expiré

Le président d’une association dont le mandat est arrivé à expiration n’a pas le pouvoir de signer la lettre de licenciement d’un salarié.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 juin 2016, 14-29.719, Inédit)

IMG_20150413_094121Dans cette affaire, le salarié d’une association avait été licencié pour motif économique.

Ce dernier avait saisi le Conseil de prud’hommes afin de contester son licenciement au motif que celui-ci avait été décidé par le président dont le mandat était expiré.

L’association s’opposait à sa demande en arguant qu’il fallait considérer que  le mandat du Président était prorogé jusqu’aux nouvelles élections, afin de disposer du pouvoir nécessaire pour procéder au licenciement.

L’assemblée générale de l’association avait par la suite ratifié la procédure.

Pour la Cour de cassation, ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse du fait que le président de l’association n’avait plus le pouvoir de signer la lettre de licenciement.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 juin 2016, 14-29.719, Inédit)

En effet cette lettre avait été signée par le président alors que son mandat était expiré depuis plus de six mois et les statuts de l’association ne prévoyaient aucune possibilité de régularisation.

Nullité du licenciement du salarié qui dénonce une infraction pénale de son employeur

Depuis  la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour “avoir relaté ou témoigné de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions”, une telle mesure étant sanctionnée par la nullité du licenciement, ( les articles L.1132-3-3 et L.1132-4 du code du travail)

Cela fait de plusieurs années maintenant que le législateur essaye de protéger, contre des mesures de représailles, les salariés qui dénoncent des faits répréhensibles dont ils ont connaissance dans le cadre de leurs fonctions.

La Cour de Cassation, vient de rendre  la première décision à ma connaissance  annulant le licenciement d’un salarié lanceur d’alerte. (Arrêt n° 1309 du 30 juin 2016 (15-10.557) – Cour de cassation – Chambre sociale – ECLI:FR:CCASS:2016:SO01309 )

Dans cette affaire , le salarié engagé en qualité de directeur administratif et financier par une association ayant pour mission de gérer un centre d’examen de santé, partie intégrante du dispositif de santé publique en Guadeloupe,.

Il avait été licencié, en mars 2011, pour faute lourde, après avoir dénoncé au procureur de la République les agissements d’un membre du conseil d’administration et du président de l’association susceptibles de constituer une escroquerie ou un détournement de fonds publics.

La cour d’appel avait  jugé que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse aux motifs que le salarié – dont la bonne foi ne pouvait être mise en cause – n’avait commis aucune faute en révélant de tels faits aux autorités judiciaires, elle a en revanche refusé d’annuler le licenciement, considérant que la nullité ne pouvait être prononcée, en l’absence de texte la prévoyant, puisque les articles L.1132-3-3 et L.1132-4 du code du travail, issus de la loi du 6 décembre 2013, n’étaient pas applicables au moment de la dénonciation des faits ayant donné lieu au licenciement.

Sur le pourvoi formé contre cette décision, la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans le prolongement des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme qui considèrent que les sanctions prises à l’encontre de salariés ayant critiqué le fonctionnement d’un service ou divulgué des conduites ou des actes illicites constatés sur leur lieu de travail constituent une violation à leur droit d’expression au sens de l’article 10-1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme [1], et dans le prolongement de sa propre jurisprudence qui admet la nullité du licenciement ou de toute mesure de rétorsion portant atteinte à une liberté fondamentale du salarié [2], censure l’arrêt de la cour d’appel et affirme pour la première fois qu’en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité”.

 

Comment saisir le conseil de prud’hommes depuis le 1er Août 2016 ?

Depuis le 1er août 2016, saisir le Conseil de prud’hommes nécessite prudence et précisions.

En effet, le Décrêt du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail propose deux possibilités pour saisir le Conseil de prud’hommes qui sont loin d’être très simples à mettre en oeuvre.

  • La première possibilité est la présentation volontaire des parties devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation.  Ce mode de saisine existait déjà avant la mise en place de la réforme Macron mais en pratique, il n’était quasiment pas utilisé.  Rien ne permet de penser qu’il le sera plus aujourd’hui. En effet, il est bien difficile d’imaginer l’employeur et le salarié en conflit décidant de se déplacer ensemble devant le Conseil de prud’hommes spontanément.
  • La seconde possibilité est une requête au sens de l’article 58 du Code de procédure civile.

Cette requête devra contenir, à peine de nullité, non seulement les informations nécessaires à identifier le demandeur et le défendeur mais également un exposé des motifs de la demande et les chefs de demande. En outre la requête devra être accompagnée des pièces justificatives de la demande dans un bordereau numérotant ces dernières. (Article R1452-2 du code du travail)

La requête et le bordereau sont établis en autant d’exemplaires qu’il existe de défendeurs, outre l’exemplaire destiné à la juridiction.

Le temps des saisines du Conseil de prud’hommes en  » catastrophe  » pour éviter une prescription ou obtenir rapidement une date de bureau de conciliation est donc révolu.

De la même manière, il n’est plus possible de conseiller raisonnablement à un salarié de saisir seul le Conseil de prud’hommes même si les intérêts du litige sont faibles.

Il est vraisemblable que cette complexification de l’accès à la justice prud’homale soit en fait une manière de décourager le justiciable d’agir sans y avoir suffisamment réfléchi afin de désengorger les juridictions.

Nous ne pouvons donc que conseiller vivement à ceux qui veulent saisir le Conseil de prud’hommes de prendre attache avec un avocat au préalable.

Il est évident que cela a un coût qui peut dissuader d’agir en justice.

Néanmoins, je pense que ceux qui seront véritablement impactés ne seront pas les plus démunis qui pourront toujours avoir accès à un avocat grâce à l’aide juridictionnelle mais les classes moyennes pour lesquelles l’accès à l’avocat reste souvent un effort financier important.

Dans ce cas, il appartiendra au Conseil de prud’hommes de condamner véritablement la défenderesse succombante aux honoraires réellement versés  à l’avocat (ce qui n’est pas le cas à ce jour) …