Pendant longtemps, la Cour de cassation a résisté à la jurisprudence européenne en matière de congés payés. Retour sur une saga juridique qui s’achève en septembre 2025. (Cour Cassation, chambre sociale du 10 septembre 2025 Chambre sociale – pourvoi n°23-22.732)
1. La résistance française
En 2013 j’avais commenté un arrêt de la Haute juridiction(Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22.285, publié au Bulletin) qui posait une distinction nette :
- Maladie professionnelle ou accident du travail : les congés payés non pris devaient être reportés et indemnisés.
- Maladie « simple » : les congés perdus n’étaient ni reportés ni indemnisables.
La position française s’écartait donc de l’article 7 de la directive 2003/88/CE et de la jurisprudence de la CJUE, qui impose le report des congés payés dès lors qu’un salarié a été empêché de les prendre pour cause de maladie.
À l’époque, j’écrivais : « La Cour de cassation fait de la résistance ». Car oui, malgré la pression européenne, la haute juridiction refusait d’appliquer directement le droit de l’Union.
2. La pression européenne
Cette divergence n’était pas sans conséquences :
- Risque de condamnations de la France par les instances européennes.
- Multiplication des contentieux.
- Incertitude pour les employeurs et frustration pour les salariés.
Dès 2016, la juridiction administrative avait d’ailleurs condamné la France à indemniser un salarié sur le fondement du droit européen.
3. Le revirement de 2025
Le 10 septembre 2025, la chambre sociale de la Cour de cassation rend une décision marquante : lorsqu’un salarié tombe malade pendant ses congés payés, les jours de maladie ne peuvent plus être imputés sur son solde de congés.
Concrètement :
- Le salarié peut reporter ces jours.
- Le droit au congé annuel payé, reconnu comme un principe fondamental du droit social de l’Union, est pleinement garanti.
- Il faut toutefois que l’arrêt maladie soit notifié par le salarié à son employeur.
4. Une mise en conformité… tardive
Ce changement met enfin la France en cohérence avec la directive européenne et la jurisprudence de la CJUE.
Il s’agit d’une petite révolution pour les salariés, qui voient leurs droits renforcés, et d’une adaptation nécessaire pour les employeurs, qui devront mettre à jour leurs pratiques internes.
Conclusion
Ce revirement illustre la force du droit de l’Union européenne dans la protection des droits sociaux. Après plus de dix ans de résistance, la Cour de cassation s’aligne enfin sur la CJUE : un salarié malade pendant ses congés conserve son droit au repos effectif.
La question reste ouverte : comment seront traitées les situations passées, où des congés ont été perdus du fait d’arrêts maladie « simples » ? Les prochains mois pourraient encore réserver des débats…
Une réflexion sur « Congés payés et arrêt maladie : la Cour de cassation opère un revirement attendu »