Le 19 septembre 2025, le Conseil constitutionnel a rendu une décision très attendue (n° 2025-1160, 1161, 1162 QPC), apportant un éclairage crucial sur les droits du salarié lors de l’entretien préalable à un licenciement ou à une sanction disciplinaire.
Alors que le droit au silence est reconnu dans de nombreuses procédures (notamment pénales ou publiques), qu’en est-il en entreprise, dans le secteur privé ? Voici ce qu’il faut retenir.
L’origine du débat
Les requérants à l’origine de cette QPC contestaient que les articles L.1232-2 (licenciement) et L.1332-2 (discipline) du Code du travail n’obligent pas l’employeur à informer le salarié de son droit de se taire.
Ils invoquaient pour cela l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui garantit la présomption d’innocence, et faisaient référence à une jurisprudence récente du Conseil d’État (décembre 2024), qui a reconnu ce droit aux agents publics dans les procédures disciplinaires.
Ce qu’a décidé le Conseil constitutionnel
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a rejeté cet argument, en posant clairement trois principes :
- Le licenciement ou la sanction disciplinaire dans le secteur privé n’a pas le caractère d’une punition au sens de la Constitution ;
- Il s’agit d’une relation contractuelle, et non d’un exercice de puissance publique ;
- Par conséquent, l’employeur n’a aucune obligation légale d’informer le salarié de l’existence d’un droit de se taire.
Côté employeur : ce que ça implique
- L’entretien préalable reste une étape obligatoire, encadrée par le Code du travail.
- Il n’est pas obligatoire d’informer le salarié qu’il peut garder le silence.
- Toutefois, l’entretien ne doit pas devenir un interrogatoire. Il doit se dérouler dans des conditions respectueuses, sans pression, et permettre un véritable échange.
Côté salarié : des droits peu connus mais bien réels
Même sans notification formelle, le salarié dispose de certains droits importants au cours de cette procédure :
- Le salarié peut garder le silence pendant tout l’entretien s’il le souhaite. Il n’est pas tenu de se défendre ni de répondre aux questions de l’employeur.
- Le salarié peut aussi ne pas se présenter à l’entretien. Cette absence ne peut pas être sanctionnée, et l’employeur peut poursuivre la procédure, mais l’absence seule ne constitue pas une faute.
Ces points sont confirmés par une jurisprudence constante de la Cour de cassation.
Ce que cette décision change (ou ne change pas)
Cette décision ne bouleverse pas la procédure, mais elle clarifie le périmètre des obligations de l’employeur et rappelle les marges de liberté du salarié.
Elle confirme que l’entreprise n’est pas une juridiction, mais un espace contractuel, dans lequel certaines garanties existent — même si elles ne sont pas toujours explicites.
Une décision d’équilibre ?
On peut y voir un certain équilibre juridique :
- L’entreprise n’a pas l’obligation d’informer sur le droit au silence ;
- Mais le salarié peut l’exercer pleinement — voire refuser l’échange, en toute légalité.
Ce débat souligne surtout l’importance d’un dialogue professionnel sain, même (et surtout) en cas de rupture de confiance.