Liberté d’expression : les critiques du salarié sur la politique de gestion de l’entreprise

  • (mis à jour le 31/08/12)

Le salarié a le droit d’exprimer son opinion dans l’entreprise et en dehors de celle-ci.

Il s’agit d’une liberté fondamentale qui ne peut être limitée qu’en cas d’abus.

Ce droit est garanti par deux articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.

L’article 10 rappelle que : « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. » 

L’article 11 expose que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». 

Il ne faut cependant pas abuser de cette liberté pour tenir des propos excessifs, injurieux et diffamatoires.

Il s’agit d’une appréciation au cas par cas des juridictions.

Pour un exemple de critiques sévères sans abus, vous pouvez consulter l’arrêt de la Cour de Cassation chambre sociale du 20 juin 2012 N° de pourvoi: 11-17362. Dans cet arrêt la Cour de Cassation a admis que le salarié pouvait critiquer la gestion de l’entreprise.

Pour un exemple de critiques avec abus Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 11 juillet 2012 

N° de pourvoi: 11-23486 Non publié au bulletin Cassation partielle. Dans cette décision, la haute juridiction a admis la faute grave du salarié dans la critique de la gestion de l’entreprise.

Acceptation du CSP et obligation de l’employeur de motiver la cause économique

ATTENTION : dans tous les cas, l’employeur qui engage une procédure de licenciement économique doit transmettre personnellement au salarié un document écrit énonçant le motif économique de la rupture.

Peu importe que le salarié accepte le CSP.

La Cour de Cassation rappelle que l’employeur doit énoncer le motif économique :

– soit dans le document écrit d’information sur la convention de reclassement personnalisé remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement

– soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail

– soit lorsqu’il ne lui est pas possible d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié de la proposition de convention, dans tout autre document écrit remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation ; 

A défaut, la rupture était dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Du licenciement du salarié étranger sans autorisation de travail licite

Comme nous l’avons déjà rappelé, il est interdit d’employer directement ou par personne interposée pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.

L’employeur abusé par un étranger sur la validité de son autorisation de travailpeut rompre immédiatement le contrat sans avoir à respecter en principe la procédure de licenciement.

Ainsi, l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive de l’application des dispositions relatives aux licenciements et de l’allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par contre, cette absence de titre l’autorisant à travailler en France, ne constitue pas en soi d’une faute privative des indemnités de rupture.(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 4 juillet 2012 N° de pourvoi: 11-18840 Publié au bulletin Cassation partielle) 

En cas d’emploi irrégulier, le salarié étranger a droit au titre de la période d’emploi illicite au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci et en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à un mois de salaire,sauf stipulations contractuelles plus favorables.

Ces dispositions ne font pas obstacle au droit du salarié de demander en justice une indemnisation supplémentaire s’il est en mesure d’établir l’existence d’un préjudice non réparé au titre de ces dispositions.

 

Droit à Congés payés : Accident de trajet et Accident de travail = même solution

Pour l’ouverture du droit au congé annuel payé, l’absence du travailleur pour cause d’accident de trajet doit être assimilée à l’absence pour cause d’accident du travail.(Cass. soc., 3 juil. 2012, n°08-44.834)

Par ce revirement de jurisprudence, la Cour de Cassation en s’appuyant sur les règles de droit communautaire rapproche les règles issues du code de la sécurité sociale relatives aux accidents de trajets avec celles du code du travail . 

Désormais lorsque le salarié est en arrêt de travail à la suite d’un accident de trajet, il acquiert des congés payés.

 

Interdiction de tendre des pièges aux salariés pour prouver leurs indélicatesses

La factrice aux doigts bleus 

Voilà une histoire qui pourrait faire l’objet d’une nouvelle littéraire. 

Une salariée travaillait à la Poste en qualité de factrice. 

La Poste avait reçu de nombreuses plaintes concernant des lettres ouvertes dans le centre dont dépendait la salariée. 

Elle avait alors décidé d’introduire des lettres dites  » festives  » dans la tournée de sa salariée. 

Ces lettres avait la particularité de diffuser une encre bleue si elles étaient ouvertes. 

La factrice indélicate n’avait pas résisté à la tentation d’ouvrir une desdites lettres qui l’intriguait. 

Elle fut démasquée par ses mains maculées de l’encre bleue contenue dans la lettre festive. 

Bien évidemment, elle n’eut pas d’autre choix que de reconnaître les faits lui étant reprochés, expliquant avoir  » fait une bêtise  » et avoir »ouvert la lettre » en présentant  » ses plus plates excuses « . 

Elle avait été licenciée pour faute grave. 

Estimant cette sanction injuste, elle a saisi les juridictions compétentes. 

Manifestement, elle a eu raison de contester sa sanction. 

La Cour de Cassation a estimé que si l’employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle clandestin et à ce titre déloyal.(Cour de cassation 

chambre sociale Audience publique du mercredi 4 juillet 2012 N° de pourvoi: 11-30266 Publié au bulletin Cassation ) 

Ainsi l’utilisation de lettres piégées à l’insu du personnel constitue un stratagème rendant illicite le moyen de preuve obtenu ! 

 

Conditions de travail : double consultation obligatoire du CHSCT et du CE

L’article L. 2323-27 du code du travail prévoit que le comité d’entreprise est informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l’organisation du travail, de la technologie, des conditions d’emploi, de l’organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération.

Il étudie les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l’employeur dans les domaines mentionnés au premier alinéa et formule des propositions. 

Pour réaliser cette étude, il bénéficie du concours du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les matières relevant de sa compétence qui émet des avis.

Le Comité d’Entreprise est en droit de refuser de donner son avis si la procédure de consultation du CHSCT préalable n’a pas été faite de manière régulière ou si elle est absente.

C’est le sens de l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 4 juillet 2012 N° de pourvoi: 11-19678 qui retient que :

Le comité d’entreprise est recevable à invoquer dans le cadre de sa propre consultation l’irrégularité de la procédure de consultation préalable du CHSCT .

 

Le disque dur de l’ordinateur professionnel peut toujours être consulté par l’employeur sans la présence du salarié

Mise à jour 13 mars 2018

Il est de jurisprudence constante que les fichiers créés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel.

Cela signifie que l’employeur peut les consulter hors la présence du salarié. 

En principe, il s’agit d’une présomption simple.

En effet, dès lors que le salarié identifie ses fichiers dans un dossier informatique intitulé PERSONNEL, la présomption de caractère, professionnel disparaît et les fichiers sont clairement reconnus comme personnels.

Dans ce cas, l’employeur ne peut ouvrir les fichiers informatiques qu’en présence du salarié qui a dénommé personnels lesdits documents.

La Cour de Cassation vient de mettre un bémol à cette solution en retenant que la présomption du caractère professionnel des données est irréfragable dès lors qu’il s’agit du disque dur de l’ordinateur. (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 4 juillet 2012 N° de pourvoi: 11-12502 Non publié au bulletin Rejet )

En d’autres termes, même si le salarié dénomme le disque dur de son ordinateur  » personnel », cela n’empêchera pas son employeur de pouvoir le consulter légalement hors sa présence.

Dans l’arrêt précédemment cité, un salarié de la SNCF avait stocké sur son ordinateur professionnel un très grand nombre de fichiers à caractère pornographique ainsi que de fausses attestations. 

Il avait cru pouvoir dissimuler le stockage en créant sur l’ordinateur un disque dur dénommé « D :/données personnelles ».

Il n’avait pas classé ses fichiers personnels dans un dossier intitulé privé comme la charte informatique de la SNCF le préconisait, en pensant certainement que cela serait plus discret.

Son employeur avait vérifié son ordinateur hors de sa présence et découvert le pot aux roses.

Le salarié avait contesté cette vérification en arguant qu’il s’agissait de données personnelles qui auraient dues être vérifiées en sa présence.

La Cour de Cassation donne raison à l’employeur et retient que ce dernier avait le droit de contrôler le disque dur de l’ordinateur hors de la présence du salarié.

Elle estime que la dénomination donnée au disque dur lui-même ne peut conférer un caractère personnel à l’intégralité des données qu’il contient .

Voici l’attendu de la Cour :

« Mais attendu que si les fichiers créés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir en dehors de sa présence, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels, la dénomination donnée au disque dur lui-même ne peut conférer un caractère personnel à l’intégralité des données qu’il contient ; que la cour d’appel, qui a retenu que la dénomination « D:/données personnelles » du disque dur de l’ordinateur du salarié ne pouvait lui permettre d’utiliser celui-ci à des fins purement privées et en interdire ainsi l’accès à l’employeur, en a légitimement déduit que les fichiers litigieux, qui n’étaient pas identifiés comme étant « privés » selon les préconisations de la charte informatique, pouvaient être régulièrement ouverts par l’employeur ;

Et attendu que la Cour d’appel, qui a relevé que le salarié avait stocké 1562 fichiers à caractère pornographique représentant un volume de 787 mégaoctets sur une période de quatre années, et qu’il avait également utilisé son ordinateur professionnel pour confectionner de fausses attestations, a justement retenu que cet usage abusif et contraire aux règles en vigueur au sein de la SNCF de son instrument de travail constituait un manquement à ses obligations contractuelles ; que le moyen n’est pas fondé ».

La Cour Européenne des droits de l’homme a confirmé cette solution  CEDH, Libert c. France, n° 588/13, arrêt du 22 février 2018,

CADRE DIRIGEANT : Dimanche et Jours fériés

Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions relatives aux repos et jours fériés.

Cela signifie que sauf dispositions expresses visant cette catégorie de cadres, le régime de compensation financière liée au travail effectué le dimanche et les jours fériés prévu par accord collectif ne saurait s’appliquer aux cadres dirigeants(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 27 juin 2012 N° de pourvoi: 10-28649 Publié au bulletin Rejet )

L’ordinateur personnel insaisissable

Un ordinateur utilisé pour la recherche d’un emploi est un instrument nécessaire à l’exercice personnel d’une activité professionnelle. (Arrêt n° 1145 du 28 juin 2012 (11-15.055) – Cour de cassation – Deuxième chambre civile)

Dès lors l’ordinateur ne peut pas faire l’objet ni d’une saisie vente ni d’une saisie attribution.

La Cour de Cassation 2ème chambre civile dans sa décision du 28 juin 2012 s’appuie sur la combinaison des articles 14 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et 39 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 qui prévoient que ne peuvent notamment être saisis, comme étant nécessaires à la vie et au travail du débiteur saisi et de sa famille, les instruments de travail nécessaires à l’exercice personnel de l’activité professionnelle. 

messagerie informatique professionnelle: quand le règlement intérieur restreint les droits de consultation de l’employeur

La Cour de Cassation vient de compléter sa jurisprudence sur le droit pour l’employeur de consulter les mails et fichiers informatiques de ses salariés.

La Haute Juridiction avait déjà retenu que des fichiers non identifiés comme personnels peuvent être consultés par l’employeur même si ils font référence à la vie privée du salarié.

En effet, la Cour de Cassation retient que les courriels adressés ou reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé sauf s’ils sont identifiés comme personnels.

La Cour de cassation chambre sociale 26 juin 2012 N° de pourvoi: 11-15310 ajoute que le règlement intérieur peut toutefois contenir des dispositions restreignant le pouvoir de consultation de l’employeur.

Ainsi, un article du règlement intérieur peut interdire à l’employeur de consulter la messagerie du salarié en l’absence de ce dernier. 

Le Règlement intérieur peut imposer la présence du salarié pour toute consultation de sa messagerie quelque soit la nature des courriers visés (professionnels ou personnels). 

 

Avocat à la Cour D'appel de Paris – droit du travail et droit des affaires – Expert SYNTEC- BETIC-CINOV