Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Harcèlement sexuel d’ambiance en entreprise

Harcèlement sexuel d’ambiance : l’entreprise est aussi concernée.
La Cour de cassation est formelle : le harcèlement sexuel d’ambiance doit être sanctionné.
Cass. crim., 12 mars 2025, n° 24-81644 FB (https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051336174?init=true&page=1&query=24-81.644&searchField=ALL&tab_selection=all)

Dans cette affaire, le harceleur était un maître de conférences qui trouvait amusant de tenir des propos à connotation sexuelle devant ses étudiants.
La Cour rappelle que, même sans être directement visés, les étudiants étaient victimes de ces comportements imposés dans un cadre d’autorité.

Le harcèlement sexuel d’ambiance est un délit, en droit pénal, et il est normal que des sanctions soient prononcées.
Cette solution est transposable aux entreprises.
Rappelons que non seulement le Code pénal, mais aussi le Code du travail interdisent ces comportements.

Peu importe que les propos soient dirigés vers une seule personne ou non.
Peu importe qu’ils soient isolés ou répétés.
Si une personne subit un climat sexiste ou sexualisé, même sans être directement ciblée, elle est victime.
L’auteur peut être sanctionné. L’employeur aussi, s’il laisse faire.

Des cours d’appel l’avaient déjà dit :
Paris, en 2024 : les remarques sexistes dans un open space, les affiches, les comportements déplacés peuvent créer un environnement humiliant.
Orléans, en 2017 : les blagues obscènes, les fonds d’écran sexistes, les photos inappropriées accrochées aux murs… Cela suffit à créer un harcèlement d’ambiance.

Même si la victime n’est pas directement insultée.
Même si tout est “dans l’air”.

Ce climat abîme les conditions de travail. Il atteint la santé et détruit la dignité.
Il engage la responsabilité de l’employeur. Il expose aussi l’auteur des faits à des sanctions pénales.

Managers, RH, employeurs : surveillez l’ambiance. Elle ne se voit pas toujours. Mais elle se ressent. Elle fait mal.

Employeurs : réagir rapidement et efficacement face à une dénonciation de harcèlement moral

Employeurs : réagir rapidement et efficacement face à une dénonciation de harcèlement moral est essentiel.

Un récent arrêt de la Cour de cassation (Cass. soc. 9 avril 2025, n° 23-22121 FD) rappelle un principe clé : un employeur qui prend immédiatement les mesures nécessaires dès qu’il a connaissance de souffrances au travail ne peut être incriminé pour manquement à son obligation de sécurité.

Dans cette affaire, une salariée licenciée pour inaptitude contestait son licenciement, reprochant à son employeur de ne pas l’avoir protégée d’un harcèlement moral.

Or, l’employeur, informé du mal-être de la salariée en mars 2017 :

  • a mis en place un suivi par la médecine du travail et les ressources humaines,
  • a diligenté une enquête interne,
  • a organisé un accompagnement psychologique,
  • et a adapté les conditions de travail à la reprise de la salariée.

L’obligation de sécurité impose à l’employeur d’agir sans délai dès qu’un risque est identifié.

Bonnes pratiques en cas d’alerte :

  • Être réactif dès la connaissance des faits (pas d’attente, même en cas de doutes) ;
  • Mettre en œuvre des mesures adaptées : enquête interne, entretiens, soutien psychologique, réaménagement de l’organisation du travail ;
  • S’assurer d’un suivi régulier et documenté ;
  • Préserver au maximum la santé physique et mentale de toutes les personnes concernées.

Ce n’est pas l’absence totale de risque qui est exigée, mais la démonstration d’actions concrètes et proportionnées.

Un employeur qui agit avec sérieux et diligence ne saurait se voir reprocher un manquement.

Agir vite, agir bien : une protection pour les salariés et pour l’entreprise.

Transfert de données confidentielles sur une messagerie personnelle : est ce une faute grave ?

La question de la gravité des manquements aux règles de sécurité informatique en entreprise continue de nourrir la jurisprudence. Dans un arrêt du 9 avril 2025 (Cass. soc., n° 24-12.055), la Cour de cassation rappelle qu’un tel manquement, même avéré, ne suffit pas à caractériser une faute grave, ni nécessairement une cause réelle et sérieuse de licenciement. Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 avril 2025, 24-12.055, Inédit

Une salariée de la société Lyreco, engagée depuis 1995 en qualité de VRP et occupant les fonctions de chargée d’affaires, a été licenciée pour faute grave en juillet 2019. Il lui était reproché d’avoir transféré, depuis sa messagerie professionnelle, un courriel contenant des documents hautement confidentiels vers sa messagerie personnelle, en violation du code éthique et de la charte informatique de l’entreprise. L’employeur soulignait que la salariée avait sciemment dissimulé cet envoi en supprimant toute trace du message.

L’intéressée contestait son licenciement, invoquant notamment l’absence d’intention de nuire et la volonté de poursuivre son travail depuis son domicile, son équipement professionnel ne lui permettant pas un accès optimal aux documents concernés.

La cour d’appel de Colmar, suivie par la Cour de cassation, a écarté la qualification de faute grave. Elle a reconnu que le transfert d’un document confidentiel sur la messagerie personnelle de la salariée constituait bien un manquement aux règles internes de sécurité. Toutefois, plusieurs éléments ont conduit à modérer l’analyse :

  • aucun élément ne permettait d’établir que les données avaient été transmises à des tiers extérieurs à l’entreprise ;
  • la salariée disposait de 24 années d’ancienneté sans le moindre antécédent disciplinaire ;
  • le maintien de la salariée dans l’entreprise n’apparaissait pas impossible au regard de ces éléments.

La Cour a ainsi jugé que les faits reprochés ne constituaient ni une faute grave, ni une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Cet arrêt rappelle une règle fondamentale du droit disciplinaire : l’évaluation de la faute s’effectue au regard des circonstances. Un manquement aux règles internes, même grave en apparence, n’entraîne pas automatiquement une rupture immédiate du contrat de travail aux torts du salarié.

En matière de sécurité informatique et de protection des données confidentielles, les juges prennent en compte plusieurs critères :

  • l’intention du salarié ;
  • la nature et la sensibilité des informations concernées ;
  • le risque réel encouru par l’entreprise ;
  • le comportement antérieur du salarié.

Ainsi, la faute grave suppose des faits d’une gravité telle qu’ils rendent impossible la poursuite du contrat. Ce n’est pas parce qu’une règle est enfreinte qu’un licenciement pour faute grave sera validé : il faut un déséquilibre manifeste du lien de confiance, une mise en péril de l’entreprise ou une volonté de nuire.

À l’inverse, un salarié qui copierait en masse des fichiers confidentiels, utiliserait des moyens frauduleux pour y accéder ou les emporterait à des fins personnelles pourrait voir son comportement qualifié de faute grave, même en présence d’une ancienneté importante (v. Cass. soc., 25 septembre 2024, n° 23-13992 FSB).https://www.courdecassation.fr/decision/66f3a7de5c2cfc5a084ac611

L’arrêt du 9 avril 2025 s’inscrit dans une jurisprudence constante mais nuancée : la gravité d’un manquement s’apprécie toujours dans son contexte factuel, et l’entreprise ne peut faire l’économie d’une analyse individualisée de la situation du salarié, y compris en matière de cybersécurité et de confidentialité.

Départ à la retraite du salarié : Sensibilisation aux gestes qui sauvent

Depuis le 21 avril 2021, l’employeur doit obligatoirement proposer à ses salariés préalablement à leur départ en retraite une sensibilisation à la lutte contre l’arrêt cardiaque et aux gestes qui sauvent.

En effet, la loi du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur a inséré dans le code du travail un article L. 1237-9-1 dont la portée a été précisée par décret du 19 avril 2021, entré en vigueur le 21 avril 2021.

Ainsi, cette sensibilisation proposée par l’employeur aux futurs retraités doit leur permettre d’acquérir les compétences nécessaires pour :

  • Assurer leur propre sécurité, celle de la victime ou de toute autre personne et transmettre au service de secours d’urgence les informations nécessaires à son intervention ;
  • Réagir face à une hémorragie externe et installer la victime dans une position d’attente adaptée ;
  • Réagir face à une victime en arrêt cardiaque et utiliser un défibrillateur automatisé externe.

L’action de sensibilisation se déroule pendant l’horaire normal de travail et est considérée comme du temps de travail.

Il convient de préciser qu’il est possible d’adapter cette sensibilisation en fonction des acquis des salariés qui attestent déjà de certains certificats ou attestations en cours de validité le cas échéant ou datant de moins de dix ans (notamment les certificats SST ou PSC1 ; Arr. 7 sept. 2022, NOR : MTRT2216041A, art. 1 : JO, 22 janv. 2023).

Dans ce cas, l’obligation de l’employeur prend alors la forme d’une simple information transmise aux futurs retraités par tout moyen sur l’importance de maintenir à jour leurs compétences.

Si cette obligation de sensibilisation n’apparait que dans la sous-section relative au départ volontaire à la retraite du salarié, il semblerait pourtant judicieux d’étendre celle-ci au salarié mis à la retraite par l’employeur.

L’absence de sanction ou de formalisme ne doit pas faire oublier que, comme l’indique La Croix-Rouge, savoir anticiper, se préparer, éviter les dangers ou encore savoir réagir et pratiquer les bons gestes peut permettre de sauver des vies.

Un trouble psychique avéré peut affecter la conscience des actes commis et empêcher le licenciement pour faute grave

Peut-on licencier un salarié pour faute grave alors qu’il traverse une grave crise psychique ?
C’est la question à laquelle la Cour de cassation a répondu dans un arrêt du 5 mars 2025 ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 mars 2025, 23-50.022, Inédit)

Contexte de l’affaire

Un salarié affichant près de 30 ans d’ancienneté a été licencié pour faute grave après avoir envoyé de manière répétée des SMS injurieux, à caractère sexuel et dégradant, à l’une de ses collègues. La collaboratrice visée a déposé une main courante et alerté l’employeur, ce qui a entraîné la mise à pied conservatoire puis le licenciement disciplinaire du salarié.

Or, il s’avère que ce dernier était en proie à de graves troubles psychiques au moment des faits : rupture de traitement, état mental fortement altéré et hospitalisation d’office peu de temps après l’envoi des messages. Il a ainsi été interné sous contrainte à la suite d’une nouvelle décompensation psychotique et se trouvait en arrêt maladie lors du prononcé de son licenciement.

Décision de la Cour de cassation

Les juges ont confirmé que l’état psychique profondément détérioré du salarié au moment des faits avait pu abolir son discernement, rendant ainsi la faute alléguée inopérante. En d’autres termes, un salarié qui n’a pas pleinement conscience de la portée de ses actes en raison d’une pathologie mentale ne peut pas être tenu pour entièrement responsable d’une faute disciplinaire.

Les comportements reprochés (les SMS offensants) n’étaient donc pas véritablement imputables au salarié compte tenu de son état psychique. Le licenciement pour faute grave a donc été jugé sans cause réelle et sérieuse par les tribunaux compétents.


Quelles sont les obligations de l’employeur face aux troubles mentaux d’un salarié ?

L’employeur doit prendre en compte l’état de santé mentale de ses collaborateurs, en application de plusieurs principes et obligations légales :

  • Obligation de sécurité et de protection de la santé (article L. 4121-1 du Code du travail) : L’employeur doit prévenir les risques psychosociaux et prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé mentale des salariés.
  • Obligation d’aménagement du poste de travail (article L. 4624-1 du Code du travail) : En cas de trouble psychique avéré, l’employeur doit rechercher des aménagements ou des adaptations du poste de travail pour tenir compte de l’état de santé du salarié, en lien avec le médecin du travail.
  • Obligation de consultation du médecin du travail : Lorsqu’un comportement inhabituel ou inquiétant est constaté, l’employeur doit solliciter l’avis du médecin du travail, notamment par le biais d’une visite médicale ou d’un rendez-vous de pré-reprise.
  • Obligation de non-discrimination (article L. 1132-1 du Code du travail) : Le licenciement ou la sanction disciplinaire fondé sur l’état de santé mentale du salarié est illégal et peut être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.

Enseignement pour les employeurs

Cet arrêt rappelle aux employeurs l’importance de prendre en considération la santé mentale d’un salarié avant d’engager une procédure disciplinaire. Une conduite inappropriée ou des propos déplacés peuvent en réalité découler d’un trouble psychique ou d’une détresse passagère, plutôt que d’une intention fautive délibérée.
Il est donc primordial de faire preuve de prudence (et d’humanité) face à un comportement inhabituel : consulter le médecin du travail, proposer une aide ou un accompagnement, plutôt que de sanctionner à chaud. Ignorer l’altération des facultés mentales d’un collaborateur et prononcer un licenciement disciplinaire malgré tout, c’est prendre le risque d’un licenciement invalidé par le juge et de conséquences juridiques coûteuses pour l’entreprise.

Conclusion

L’incapacité d’un salarié à comprendre la portée de ses actes, du fait d’une altération grave de son état mental, peut remettre en question la validité d’un licenciement pour faute grave. La jurisprudence récente de la Cour de cassation nous rappelle que la santé mentale est un élément à ne pas négliger dans la gestion des ressources humaines – pour des raisons juridiques autant qu’humaines.

Intelligence artificielle et rôle du CSE

IA et dialogue social : le CSE doit-il être consulté ? Une question encore ouverte.

Peu de décisions de justice ont, à ce jour, tranché la question du rôle du CSE face au développement de l’intelligence artificielle en entreprise. Mais une réalité s’impose déjà : ces technologies transforment profondément l’organisation du travail.

Une jurisprudence encore limitée

Jusqu’ici, la jurisprudence sur la consultation des représentants du personnel en matière d’innovation technologique s’est concentrée sur l’automatisation des tâches. La Cour de cassation, dans un arrêt du 12 avril 2018, avait jugé qu’un programme aidant les chargés de clientèle à trier leurs e-mails n’imposait pas de consultation du CHSCT, l’impact sur les conditions de travail étant jugé mineur (Cass. soc., 12 avr. 2018, n° 16-27.866).

Mais l’IA ne se résume plus à l’automatisation.
Aujourd’hui, ces outils dépassent la simple automatisation : ils influencent la prise de décision, la gestion des tâches, la charge mentale et la qualification des emplois.

Un cadre juridique qui impose déjà certaines obligations

  • L’article L. 2312-8 du Code du travail impose une consultation du CSE en cas de modification importante de l’organisation du travail.
  • L’article L. 2312-37 prévoit quant à lui une consultation spécifique lorsque l’introduction d’une technologie a des conséquences sur la santé, la sécurité ou les conditions de travail.

Une première décision, mais un débat encore ouvert

Récemment, le Tribunal judiciaire de Nanterre a suspendu en référé le déploiement d’un outil d’IA en l’absence d’information-consultation du CSE.

Le rôle des représentants du personnel

Dans ce contexte, les CSE ont un rôle clé à jouer. Anticiper, débattre et encadrer ces transformations est essentiel pour protéger les salariés et éviter des décisions unilatérales.

Harcèlement moral sans dégradation effective des conditions de travail ou de l’état de santé

Harcèlement moral sans dégradation effective des conditions de travail ou de la santé, que dit l’article L. 1152-1 du Code du travail ?

L’article L. 1152-1 du Code du travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

La Cour de cassation fait une interprétation stricto sensu du texte de loi.

Dans un arrêt du 11 mars 2025, la Cour de cassation rappelle que la reconnaissance du harcèlement moral ne nécessite pas la preuve effective d’une dégradation des conditions de travail ou de l’état de santé du salarié. Ce qui compte, c’est que les faits invoqués soient de nature à entraîner une dégradation potentielle, même si cette dégradation ne s’est pas concrétisée. (11 mars 2025 Cour de cassation chambre sociale, Pourvoi n° 23-16.415)

Les faits de l’affaire
Une salariée avait dénoncé des agissements de son employeur, notamment un avertissement injustifié et l’absence de sollicitation quant à la fixation de ses congés. La Cour d’appel avait estimé que, faute de preuve d’une dégradation effective de l’état de santé ou des conditions de travail, ces faits ne relevaient pas du harcèlement moral.
Or, la Cour de cassation casse cette décision en rappelant que la simple possibilité de dégradation suffit à caractériser le harcèlement moral, et ce, même en l’absence de preuve tangible d’une altération de la santé ou des conditions de travail.

Alignement avec la chambre criminelle
Cette position de la chambre sociale de la Cour de cassation s’aligne sur la jurisprudence constante de la chambre criminelle, qui considère depuis longtemps que la simple possibilité de dégradation suffit à consommer le délit de harcèlement moral.

En clair : Les juges du fond doivent appliquer rigoureusement le régime probatoire prévu par l’article L. 1154-1 du Code du travail, en se concentrant sur la nature des agissements, leurs effets prévisibles et non sur les conséquences concrètes sur la santé ou les conditions de travail du salarié.

Forfait-jours : sans suivi effectif de la charge de travail, la convention devient inopposable.

L’effectivité d’une convention de forfait-jours ne repose pas uniquement sur son existence.

L’employeur doit impérativement assurer un suivi effectif de la charge de travail du salarié, faute de quoi la convention peut être privée d’effet.

Ce suivi est prévu dans les accords collectifs qui mettent en place le principe du forfait-jours.

Un exemple concret illustre cette exigence :

Dans un arrêt du 2 octobre 2024, la Cour de cassation a validé le dispositif du forfait-jours prévu par l’avenant n° 52 du 17 septembre 2015 à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 octobre 2024, 22-16.519, Publié au bulletin).

Cet avenant, contrairement à la version antérieure du texte, prévoyait des garanties jugées suffisantes pour assurer le respect d’une durée raisonnable de travail et des repos journaliers et hebdomadaires.

Toutefois, cette validation ne dispense pas l’employeur d’appliquer concrètement les prescriptions conventionnelles.

Quelles obligations pour l’employeur ?

Selon la convention collective applicable, le suivi de la charge de travail impose notamment :

  • Un entretien annuel obligatoire portant sur la charge et l’organisation du travail du salarié.
  • Un contrôle régulier via un document mensuel permettant d’identifier d’éventuelles anomalies (durées excessives, travail sans repos, etc.).
  • Un entretien correctif imposé dès lors que des difficultés en matière de temps de travail sont constatées.
  • La possibilité pour le salarié de demander un entretien à tout moment en cas de surcharge de travail.
  • Un bilan trois mois après un entretien d’alerte pour évaluer les mesures correctives mises en place.

Sans mise en œuvre effective de ces obligations, la convention de forfait-jours devient inopposable au salarié, qui peut alors prétendre au paiement d’heures supplémentaires.

L’absence de contrôle effectif peut avoir des conséquences financières importantes.

Bénéficier d’un PSE n’empêche jamais de contester en justice son licenciement

Parmi les idées reçues, l’une des plus tenaces est de croire qu’un salarié ayant bénéficié d’un PSE serait illégitime à agir en justice.

Parfois, l’employeur va jusqu’à insérer dans le PSE une clause conditionnant le versement d’indemnités à l’absence de recours en justice.

Pourtant cette pratique est illégale et préjudiciable au salarié.

–> illégal car une telle clause est nulle et porte atteinte à une liberté fondamentale, le droit d’agir en justice.

–> préjudiciable car elle crée une pression injustifiée sur les salariés, ce qui constitue un préjudice ouvrant droit à réparation.

La Cour de cassation est claire sur cette question dans une affaire où un employeur avait tenté d’imposer cette contrainte à ses salariés. (Cass. soc., 22 janvier 2025, n° 23-11033)

Pourtant l’employeur soutenait que la clause n’aurait pas été appliquée et n’aurait causé aucun préjudice.

La réponse de la Cour ?

Peu importe.

Son existence seule suffit à créer un préjudice indemnisable.

À retenir :

  • Un salarié peut toujours contester son licenciement, même s’il a perçu des indemnités du PSE.
  • Une clause qui vise à dissuader les salariés d’agir en justice est nulle et ouvre droit à des dommages et intérêts.
  • Le droit d’agir en justice est un principe fondamental : aucun accord dans le cadre d’un plan social ne peut y porter atteinte.

Un bémol cependant : lorsque les indemnités versées dans le cadre d’un PSE sont élevées, les juridictions prud’homales ont tendance à être moins généreuses sur le montant des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Non au harcèlement moral institutionnel

« Dégraisser » le personnel en le démotivant : des pratiques d’entreprise d’un autre temps

Réduire les effectifs n’est pas une simple question de chiffres ou d’économie.

Derrière ce langage froid et déshumanisant, il y a des vies, des familles, et une perte de compétences précieuses.

La Cour de cassation en a pleinement conscience et poursuit sa croisade pour éradiquer le harcèlement moral en entreprise.

Dans son arrêt du 21 janvier 2025 (Cass. crim. 21 janvier 2025, n° 22-87145 FSBR), la chambre criminelle de la Cour de cassation a sanctionné le harcèlement moral institutionnel, rappelant qu’aucune politique d’entreprise ne peut justifier la dégradation délibérée des conditions de travail des salariés.

Dans l’affaire France Télécom, des dirigeants ont été condamnés pour avoir sciemment mis en œuvre des stratégies managériales toxiques :

• Incitations forcées au départ

• Réorganisations anxiogènes

• Pression constante sur les équipes

Il n’est plus acceptable de maintenir de telles stratégies pour réduire les effectifs à tout prix, au mépris de la dignité humaine et de la santé des salariés.

Le message est limpide :

• Les choix stratégiques ne doivent jamais outrepasser le pouvoir de direction légitime.

• Les salariés ne sont pas des variables d’ajustement.

• Une politique « harcelante » engage la responsabilité pénale des dirigeants.

Il est urgent de promouvoir des pratiques managériales humaines et respectueuses. Parce qu’un climat de travail sain est non seulement un droit, mais aussi un levier de performance durable.

Les entreprises ne sont pas composées de machines qu’on huile ou allège au besoin.

Il est temps de remettre du sens dans nos décisions et du respect dans nos mots.

Parce qu’aucune organisation ne prospère en ignorant sa richesse humaine.