Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail cause toujours un préjudice indemnisable

Ne pas respecter les durées maximales de travail cause nécessairement un préjudice au salarié et l’employeur devra verser obligatoirement une indemnisation au salarié  en cas de procès. (Cour de Cassation chambre sociale 26 janvier 2022, Pourvoi n° 20-21.636 )

Cette décision est conforme à la position de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui a une jurisprudence constante sur cette question depuis 2010 qui retient que les conditions d’application des règles relatives aux durées maximales de travail ne sont pas subordonnées à l’existence d’un préjudice et leur violation doit entraîner une compensation en repos ou pécuniaire (CJUE, arrêt du 14 octobre 2010, Fuss, C-243/09.

Cette position s’appuie sur la volonté de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant.

Pour mémoire, il existe des règles légales françaises très précises sur la durée maximale de travail hebdomadaire et journalier qui sont formalisées tant dans le code du travail que dans les dispositions de la directive européenne 2003/8.

Il faut retenir que :

  • Durée maximale quotidienne

La durée de travail effectif journalière ne doit pas dépasser la durée maximale de 10 heures par jour, sauf dérogations. (Article L3121-18 du code du travail)

  • Durées maximales hebdomadaires

La durée de travail effectif hebdomadaire ne doit pas dépasser les 2 limites suivantes :

  • 48 heures sur une même semaine;
  • 44 heures par semaine en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives.

(Articles L3121-20 à L3121-22 du code du travail)

 

SYNTEC : Comment rémunérer le dépassement du forfait jours ?

Comment rémunérer un salarié en forfait jours lorsqu’il a réalisé plus de jours que prévu dans son forfait ?

C’est la question qui a été posée à la Cour de Cassation récemment. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 janvier 2022, 20-13.266, Publié au bulletin)

Dans cette affaire, un salarié, employé comme responsable administratif et financier dans une entreprise « ingénierie et d’études techniques », saisissait le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement.

En sus de la contestation de son licenciement, il réclamait une indemnisation pour les jours de travail effectués au-delà du plafond prévu par la convention de forfait en jours qui lui était applicable.

Il sollicitait un rappel de salaire au titre d’une majoration de 25 % des jours supplémentaires travaillés.

Son employeur refusait de lui régler prétextant qu’il n’y avait pas d’accord entre eux pour que  le salarié soit rémunéré pour les jours de congés de repos non pris et que de surcroit, il n’était pas envisageable de majorer lesdits jours au delà de 10% envisagés par le Code du Travail.

La Cour de Cassation a retenu la position du salarié. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 janvier 2022, 20-13.266, Publié au bulletin)

En l’absence d’accord écrit des parties, il faut retenir que :

  • le salarié ne peut être présumé avoir renoncé à ses jours de repos non pris lorsqu’il est en forfait jours ;
  • lesdits jours non pris peuvent être rémunérés avec une majoration de 25% si le juge l’estime justifiée.

Du droit à l’image du salarié

Dans une entreprise, il est fréquent que l’image d’un salarié soit utilisée pour des supports internes à l’entreprise (intranet, organigrammes, communications, trombinoscopes,  affiches, retours de séminaire ou de soirées, etc.) ou à des fins publicitaires ou commerciales.

L’employeur doit toujours veiller à obtenir au préalable le consentement du salarié pour l’utilisation de son image  car l’existence d’un contrat de travail n’a pas pour effet de priver le salarié de son droit à l’image.

En effet, l’article 9 du Code civil rappelle que toute personne a, sur son image, un droit exclusif et absolu et peut s’opposer à sa fixation, à sa reproduction ou à son utilisation sans autorisation préalable.

Ce droit est opposable à l’employeur.

Certes le consentement peut être donné tacitement par le salarié et peut se déduire de son comportement notamment lorsqu’il se prête au jeu des photos.

Néanmoins, le consentement d’un salarié pour une prise de photo ne vaut pas accord ni pour un usage intemporel ni pour une utilisation sur n’importe quel support.

La Cour de Cassation rappelle, de plus, que la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image ouvre droit à réparation sans que le salarié n’ait besoin de montrer un préjudice particulier. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 janvier 2022, 20-12.420 20-12.421, Inédit)

Prudence donc avec la photographie !

Pour éviter tout litige , il est conseiller de recueillir l’autorisation du salarié par écrit soit dans le contrat de travail (ou dans un avenant) soit dans un document d’autorisation distinct.

 

Plafond de la Sécurité sociale en 2022

Comme pour 2021, le plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS) ne va pas subir de hausse.

Ainsi, les valeurs du plafond de la Sécurité sociale restent donc les suivantes :

  • 41 136 € pour le plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS) ;
  • 3 428 € pour le plafond mensuel de la Sécurité sociale (PMSS) ;
  • 189 €  pour le plafond journalier de la Sécurité sociale.

Pour mémoire, la dernière augmentation du plafond de la Sécurité sociale date de 2020.

Il faut cependant noter qu’en principe la revalorisation du PASS dépend de l’évolution du salaire moyen par tête (SMPT) de l’année N-1.

En 2021, le PASS avait été maintenu à son niveau actuel bien que cet indicateur avait connu une forte diminution en raison du recours massif à l’activité partielle en 2020 à cause de la crise épidémique (les indemnités d’activité partielle ne sont pas comptabilisées dans la masse salariale).

Pour 2022, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a prévu que la valeur du plafond ne pouvait être inférieure à celle de l’année précédente. De nouveaux modes de calcul du plafond de la sécurité sociale ont ainsi été fixés par un décret du 27 juillet 2021. Il prévoit de geler le plafond les années où la baisse du SMPT aurait pu mener à sa réduction.

SMIC 2022

  • mis à jour le 1er août 2022
  • Voici les nouveaux chiffres de référence au 1er août 2022

Le nouveau montant du SMIC horaire brut est porté à 11.06€ au 1eraoût 2022 (contre 10,85 € depuis le 1er mai 2022)

Le SMIC mensuel brut d’un salarié mensualisé est donc, au 1eraoût 2022 de :

– 1 678 euros par mois € brut pour un salarié mensualisé soumis à une durée collective du travail de 35 heures hebdomadaires soit ( 1329,06  euros nets)

  • Voici les nouveaux chiffres de référence au 1er mai  2022 :

Le nouveau montant du SMIC horaire brut est porté à 10,85 € au 1er mai 2022 (contre 10,57 € depuis le 1er janvier 2022)

Le SMIC mensuel brut d’un salarié mensualisé est donc, au 1er mai 2022, de :

-1 645,58 € € pour un salarié mensualisé soumis à une durée collective du travail de 35 heures hebdomadaires ;

  • Voici les nouveaux chiffres de référence du 1er janvier 2022 au 30 avril  2022 :

Le nouveau montant du SMIC horaire brut est porté à 10,57 € au 1er janvier 2022 (contre 10,48 € depuis le 1er octobre 2021)

Le SMIC mensuel brut d’un salarié mensualisé est donc, au 1er janvier 2022, de :

-1 603,12 € pour un salarié mensualisé soumis à une durée collective du travail de 35 heures hebdomadaires ;

-1 804,65 € pour un salarié soumis à une durée collective de travail de 39 heures hebdomadaires avec une majoration de 10 % de la 36e à la 39e heure ;

-1 832,14 € pour un salarié soumis à une durée collective de travail de 39 heures hebdomadaires avec une majoration de 25 % de la 36e à la 39e heure.

Du retour en janvier 2022 du télétravail de masse

Pour débuter l’année, voici le retour du télétravail de masse.

Le protocole sanitaire en entreprise a été actualisé ce 30 décembre 2021 par le ministère du Travail.

Selon la nouvelle version du protocole, à partir du 3 janvier 2022, et pour une durée de 3 semaines, soit jusqu’au 24 janvier, les employeurs « fixent » au moins 3 jours de télétravail par semaine pour les postes qui le permettent.

Lorsque l’organisation du travail et la situation des salariés le permettent, l’employeur « peut » aller jusqu’à 4 jours de télétravail par semaine.

 

De l’importance de prévoir l’application du droit français dans les contrats avec les société étrangères

Le licenciement par zoom (visio-conférence) de 900 salariés par une entreprise américaine, Better.com me conduit à attirer l’attention de mes lecteurs sur l’importance de prévoir dans le contrat de travail avec une société étrangère l’application de la loi française.

Pour mémoire dans  cette société américaine, 9% des salariés, soit 900 personnes, ont été invités à une réunion ZOOM, au cours de laquelle leur licenciement leur a été annoncé en ces termes : « Si vous avez été convié à cet appel, c’est que vous faites partie des malchanceux qui sont licenciés. Votre contrat prend fin à effet immédiat ».

Or, avec le droit français, un tel licenciement collectif serait totalement impossible.

En effet, le droit du travail français prévoit, pour les licenciement collectifs d’au moins 10 salariés dans une entreprise d’au moins  50 salariés, un long processus de PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi) contrôlé par l’Administration (la DREETS, anciennement dénommée la DIRECCTE)  et le CSE.

De plus, en droit français, le licenciement économique doit être notifié à chaque salarié individuellement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et la lettre doit obligatoirement énoncer les raisons économiques et leur incidence sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié.

Le droit français du travail même si il est moins protecteur pour le salarié que par le passé depuis les reformes de 2017 reste l’un des plus favorable au monde.

Il est important de le rappeler.

 

Des effets de la dénonciation tardive d’une clause de non concurrence

 

Il est fréquent dans les contrats de travail de prévoir une clause du contrat de travail prévoyant la possibilité pour l’employeur de renoncer à exiger l’application de la clause de non concurrence après la rupture du contrat de travail.

Si l’employeur renonce à la clause de non concurrence, il n’a pas à verser la contrepartie financière prévue en application de cette dernière.

Le contrat prévoit souvent que l’employeur peut, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la rupture du contrat, par lettre recommandée avec accusé de réception, renoncer à l’application de la clause, en portant sa décision par écrit à la connaissance du salarié.

Que se passe-t-il si l’employeur renonce à la clause de non concurrence après ce délai de 15 jours ?

A-t-il le droit d’indemniser le salarié uniquement pour la période comprise entre la rupture du contrat et sa renonciation ?

La Cour de Cassation est intransigeante sur la question.

La renonciation tardive de l’employeur à l’application de la clause de non concurrence est dépourvue d’effet.

Par conséquence la contrepartie financière prévue par la clause de non concurrence était due pour toute sa durée si elle a été respectée par le salarié.(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 12 avril 2012 N° de pourvoi: 10-27075 Non publié au bulletin Cassation partielle voire également Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 mars 2013, 11-21.150, Publié au bulletin )

Il faut retenir que pour la Cour de cassation, la contrepartie financière d’une clause de non-concurrence n’est pas une clause pénale dont le juge pourrait moduler le montant (Cour de cassation Chambre sociale 13 octobre 2021, n° 20-12059 FSB).

Étrangers hautement qualifiés : assouplissement de l’accès à la carte bleue européenne

Afin d’attirer les talents et les compétences, la directive européenne du 20 octobre 2021 assouplit les conditions de délivrance de la « carte bleue européenne », titre de séjour destiné aux ressortissants de pays tiers hautement qualifiés.  (Dir. (UE) 2021/1883, 20 oct. 2021 : JOUE n° L. 382, 28 oct. 2021)

La directive doit entrer en vigueur le 17 novembre 2021 et les États membres ont jusqu’au 18 novembre 2023 pour le transposer en droit interne.

Les  dispositions du Ceseda (C. étrangers, nouvel art. L. 421-11 et nouvel art. R. 421-21 à nouvel art. R. 421-25) relatives à la carte de séjour pluriannuelle « passeport talent, carte bleue européenne » devront donc être modifiées.

Voici quelques bases à retenir pour obtenir le sésame sur la base de la directive européenne du 20 octobre 2021 :

  • un contrat de travail valide ou une offre ferme pour un emploi hautement qualifié d’une durée d’au moins six mois dans l’État membre concerné (article 5, 1) alors qu’actuellement le contrat peut être de 12 mois minimum
  • des documents attestant que le salarié hautement qualifié possède les qualifications professionnelles élevées liées au travail à accomplir.
  • Une rémunération minimale et maximale. Cette rémunération sera fixée par chaque État membre après consultation des partenaires sociaux, il sera ainsi égal à au moins 1 fois le salaire annuel brut moyen, sans dépasser 1,6 fois ce salaire. actuellement la rémunération doit être d’au minimum 1,5 le SMIC.
  • Le droit de demander une carte bleue européenne sera étendu aux bénéficiaires d’une protection internationale hautement qualifiés, dans l’État membre qui leur a accordé la protection internationale, mais aussi dans les autres États membres. Dans ces hypothèses, une mention de la protection internationale accordée figurera sur le titre de séjour délivré (article 9, 4).

La carte bleue européenne sera valable vingt-quatre mois au moins.( alors qu’actuellement elle est valable entre 1 an et 4 ans)

Si le contrat de travail du titulaire de la carte est plus court, la carte de séjour sera valide pour la durée du contrat de travail plus trois mois, sans pouvoir dépasser vingt-quatre mois (article 9).

J’attire votre attention sur le fait qu’il existe des cas refus ou de retrait ou de non renouvellement de la carte bleue notamment liés à la situation de l’emploi dans l’État membre, au respect par  l’employeur de  ses obligations légales en matière de sécurité sociale, de fiscalité, de droits des travailleurs ou de conditions de travail, etc

Télétravail : sur la possibilité d’imposer le retour en présentiel

Le télétravail a été très utile pendant la période de crise sanitaire mais ils sont nombreux les employeurs qui souhaitent désormais le retour en présentiel de leurs salariés pour des questions d’organisation ou de performances.

Pourtant, ce n’est pas toujours possible si le salarié le refuse, notamment quand le télétravail a été mis en œuvre en dehors des circonstances exceptionnelles que nous avons connues.

La Cour d’appel de LYON vient en effet de rendre une décision importante sur le sujet. (COUR D’APPEL DE LYON, CHAMBRE SOCIALE B, ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2021, N° RG 18/08845 )

Dans cet arrêt, il s’agissait du cas d’une salariée avait négocié la possibilité de travailler de chez elle, après la naissance de son premier enfant et un avenant à son contrat de travail avait été établi pour formalisé cet accord.

Un an après la signature de cet avenant, la société exigeait qu’elle revienne travailler au sein de l’entreprise pour les besoins d’organisation du service en lui laissant un mois de délai de prévenance.

Son employeur considérait qu’intrinsèquement, le télétravail convenu dans l’avenant ne pouvait qu’être temporaire et réversible.

La salariée refusait de revenir tous les jours en présentiel.

Elle estimait qu’il s’agissait d’une modification des termes de son contrat de travail et qu’elle n’y avait pas souscrit.

Face au refus persistant de la salariée, son employeur décidait son licenciement.

Il a eu tort.

La Cour d’appel de LYON estime que dans la mesure où l’avenant ne prévoyait aucune autre précision sur les conditions d’exercice de ce télétravail, notamment sur sa durée et les modalités selon lesquelles il pouvait y être mis fin, ce dernier était définitivement accordé par l’employeur.

Dès lors, l’employeur ne pouvait modifier cette organisation de télétravail sans l’accord de la salariée.

Aussi, le licenciement motivé par le refus de la salariée de revenir travailler au sein des locaux était sans cause réelle et sérieuse. (COUR D’APPEL DE LYON, CHAMBRE SOCIALE B, ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2021, N° RG 18/08845 )

Cet arrêt permet de retenir que, lorsque le télétravail est formalisé soit par un avenant soit par un accord collectif ou une charte, il faut toujours prévoir une clause de réversibilité .