Du droit au secret des correspondances privées racistes même sur la messagerie de l’entreprise

Le salarié peut-il envoyer de sa messagerie professionnelle des messages personnels racistes à ses amis ?

C’est cette question qui a été posée à la Cour de cassation dernièrement.

Dans cette affaire, une salariée de la CPAM de Haute-Garonne avait envoyé, avec son courriel professionnel, des messages personnels au « caractère manifestement raciste et xénophobe » à d’autres salariés de la CPAM, qui étaient ses amis.

Cette salariée avait été licenciée pour faute grave, son employeur s’appuyant :

  • sur non seulement les principes de neutralité et de laïcité du service public ;
  • mais également le règlement intérieur de la CPAM et la charte d’utilisation de la messagerie électronique interdisant expressément tout propos raciste ou discriminatoire comme la provocation à la discrimination, à la haine notamment raciale, ou à la violence.

La Cour de cassation confirmant la Cour d’appel lui donne tort en rappelant que, peu importe les propos, le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée.

(Cass. soc., 6 mars 2024, n° 22-11.016)

De ce fait, même si le règlement intérieur de la CPAM interdisait d’utiliser sa messagerie pour des mails personnels, cela n’interdisait pas à la salariée d’utiliser sa messagerie professionnelle pour envoyer des messages privés dès lors que :

  • elle n’en avait pas abusé (En l’occurrence, elle n’avait envoyé que 9 messages personnels en 11 mois) ;
  • il s’agissait clairement de messages privés non destinés à être connus de l’entreprise ;
  • elle n’avait émis que des opinions sans incidence sur son emploi ou dans ses relations avec les usagers ou les collègues.

La Cour de cassation considère que l’employeur a eu tort de procéder au licenciement de la salariée en se fondant sur le contenu des messages litigieux qui relevaient de sa vie personnelle.

Cette décision n’est pas surprenante au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation du 23 décembre 2023.

En effet, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail (Cour de Cassation , Ass. plén., 22 décembre 2023, n° 21-11.330, publié).

Néanmoins, si en droit cette solution est conforme au droit européen, il est constant qu’elle peut choquer le public quant à la morale.

Néanmoins, être raciste n’est pas en soi une cause de licenciement.

4 réflexions sur « Du droit au secret des correspondances privées racistes même sur la messagerie de l’entreprise »

  1. Une fois de plus, la Haute Cour est totalement hors sol…
    Application pratique de cette décision : principe de non discrimination, ce qui est vrai pour cette salariée l’est aussi pour ses collègues.
    La CPAM Haute Garonne emploie 1130 salariés.
    Retenons un effectif moyen de 1000 salariés pour chaque CPAM des 100 départements français, cela fait 100.000 salariés pour toutes les CPAM de France, qui ont tous le droit de faire comme leur collègue de Haute-Garonne.
    A raison de 9 messages privés chacun en 11 mois, cela fait donc un total de 900.000 messages racistes par an qui peuvent donc être envoyés en toute impunité entre collègues via la messagerie professionnelle de l’assurance maladie.
    Absurde me direz-vous ? Pas si sûr. Ce raisonnement par l’absurde permet de démontrer où se niche la véritable absurdité. Pourquoi accepter pour 1 personne ce que l’on n’accepterait pas pour 100.000 ? A méditer.
    Il y a des lignes jaunes infranchissables même sous couvert de vie privée dès lors que c’est sur le lieu de travail ou avec l’outil de travail, ici la messagerie pro. Des messages entre collègues, ce n’est pas de la vie privée. Il y avait largement de quoi sanctionner, d’autant plus que ce n’était pas un fait isolé mais répété 9 fois en 11 mois. Donc en France on a le droit d’être raciste entre collègues une fois par mois ?!? On croit rêver !!!

    Jean-Baptiste Robert-Despouy
    Avocat spécialiste en droit du travail
    Barreau de Bordeaux

  2. Quid si 1 ou plusieurs destinataires communiquent ce mail vers leur hiérarchie ? Est ce que cela pareil pour des fichiers ou photos pedopornographiques ?

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