J’entends souvent : « Maître, c’est perdu d’avance, personne ne voudra témoigner du harcèlement que je subis par peur des représailles».
Cette inquiétude de ne pas pouvoir prouver la réalité du harcèlement et la peur de représailles ne sont pas dénuées de tout fondement.
En effet, selon l’article 202 du code de procédure civile, les attestations doivent mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur.
D’ailleurs, le témoignage doit être écrit, daté et signé de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.
Or, dans le cadre du procès prud’homal, l’ensemble des témoignages qui prouvent les dires du salarié contestataire sont communiqués à l’employeur pour respecter le principe du contradictoire.
L’employeur aura donc connaissance des noms des salariés qui témoignent contre lui ce qui freine naturellement le courage de nombreux salariés pourtant témoins du harcèlement de leur collègue.
Comment convaincre ces salariés craintifs ?
L’anonymisation des témoignages est une solution et un moyen de preuve souvent mal connu.
La Cour de Cassation considère en effet que le juge peut prendre en considération des témoignages anonymisés de salariés si ceux-ci sont corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 avril 2023, 21-20.308, Publié au bulletin)
Cela repose sur le fait qu’en matière prud’homale, la preuve est libre, ce qui signifie que la démonstration de la réalité d’un fait, d’un état, d’une circonstance ou d’une obligation peut se faire par tout moyen.
Certes, cette preuve sera faible car le juge ne peut pas fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes mais lesdits témoignages peuvent être intéressants ou complétés d’autres pièces.