Archives par mot-clé : faute grave

Impossible de sanctionner une faute plus de deux mois après sa commission

L’article L.1332-4 du code du travail prévoit :

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

Ainsi, si l’employeur ne sanctionne pas le salarié dans le délai de 2 mois, il ne peut plus le faire par la suite.

La Cour d’Appel de Nouméa a fait une lecture très étrange de cette disposition légale.

Elle a estimé que certes la faute grave sur laquelle est fondée la procédure disciplinaire était prescrite mais que le licenciement pour cause réelle et sérieuse était légitime, car la faute existait tout de même.

Impossible, répond la Cour de Cassation . (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 mai 2013, 11-28.195, Inédit ).

La prescription des faits fautifs prive automatiquement le licenciement de cause.

De la nullité du licenciement en raison de l’état de santé et de la réintégration

L’article L. 1132-1 du code du travail rappelle qu’aucune personne ne peut être licenciée en raison de son état de santé et que tout licenciement prononcé dans ces conditions est nul.

Le salarié peut prétendre à une réintégration dans l’entreprise.

De plus, il a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et la réintégration,peu important qu’il ait ou non reçu des salaires ou revenus de remplacement pendant cette période. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 mai 2013, 11-28.734, Publié au bulletin ).

Si malgré la condamnation à réintégration, l’employeur refuse de réintégrer le salariéce dernier peut ressaisir le juge pour demander la résiliation du contrat aux torts de l’employeur.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 mai 2013, 11-28.734, Publié au bulletin) 

Des risques d’utiliser une messagerie internet à des fins personnelles sur son ordinateur professionnel

La jurisprudence de la Cour de Cassation est constante :  » les courriels adressés et reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf si le salarié les identifie comme personnels « .

La Cour de Cassation a déjà considéré qu’une clé USB personnelle mais branchée sur l’ordinateur de l’entreprise pouvait être consultée par l’employeur, hors la présence du salarié.

Elle vient de considérer que la messagerie électronique à laquelle il était possible d’accéder par la page d’accueil du site informatique de l’entreprise, n’est pas personnelle dans la mesure où les messages visualisés par l’huissier de justice provenaient de la messagerie électronique mise à la disposition du salarié par l’entreprise, et qu’ils n’étaient pas identifiés comme étant personnels(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 mai 2013, 12-11.866, Inédit ).

Des insultes sur facebook à l’encontre de son employeur

  • (mis à jour le 18/04/13)

Facebook peut être un défouloir …

Mais il ne faut pas perdre de vue que publier des propos violents sur son employeur sur internet n’est pas sans conséquence.

La Cour de Cassation estime que l’appréciation de la faute et du préjudice en résultant doit tenir compte de la qualification retenue pour les insultes et de leur sphère de diffusion.

A ce titre, elle retient que les insultes sur facebook ne constituent pas des injures publiques si le compte facebook limite l’accès des informations à certains membres.(Arrêt n° 344 du 10 avril 2013 (11-19.530) – Cour de cassation – Première chambre civile)

Dans cette affaire, une ancienne salariée avait exprimé sa vindicte à l’égard de son ex-employeur en tenant sur internet ces propos :

« – sarko devrait voter une loi pour exterminer les directrices chieuses comme la mienne !!! ( site MSN) 

– extermination des directrices chieuses  » (Facebook) 

– éliminons nos patrons et surtout nos patronnes (mal baisées) qui nous pourrissent la vie !!! (Facebook) 

– Rose Marie motivée plus que jamais à ne pas me laisser faire. Y’en a marre des connes « 

La Cour de Cassation a estimé qu’il ne s’agissait pas d’injures publiques car ces propos n’avaient été diffusés qu’à un nombre de personnes restreint formant une communauté d’intérêts 

Par contre, elle reconnait que ces insultes peuvent constituer des injures non publiques, éventuellement susceptibles de causer un préjudice à l’employeur.(Arrêt n° 344 du 10 avril 2013 (11-19.530) – Cour de cassation – Première chambre civile )

Surfer au boulot c’est risqué !

  • (mis à jour le 25/03/13)

Une salariée s’était connectée pendant son temps de travail à de très nombreuses reprises à dessites extraprofessionnels tels que des sites de voyage ou de tourisme, de comparaison de prix, de marques de prêt-à-porter, de sorties et événements régionaux ainsi qu’à des réseaux sociaux et à un site de magasine féminin.

Elle a été licenciée pour faute grave.

La Cour de Cassation a relevé que ces connexions s’établissaient, exclusion faite de celles susceptibles de présenter un caractère professionnel, à plus de 10 000 sur la période du 15 au 28 décembre 2008 et du 8 janvier au 11 janvier 2009.

Elle a jugé que malgré l’absence de définition précise du poste de la salariée, une telle utilisation d’internet par celle-ci pendant son temps de travail présentait un caractère particulièrement abusif et constitutif d’une faute grave. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 février 2013, 11-27.372, Inédi).

Cette décision est à rapprocher de celle de la Cour d’Appel d’Orléans du 29 janvier 2013 n°11/03345 qui a validé le licenciement d’un salarié en retenant que ce dernier avait utilisé la messagerie professionnelle pour une partie non négligeable de son temps à des fins extérieures à son activité. 

Harceler ses collègues = licenciement pour faute grave

Parfois, le harceleur est licencié.

En voici une illustration :

Un salarié a été engagé le 4 septembre 1999 en qualité de responsable formation par la société GL Trade aux droits de laquelle vient la société Sungard .

Le salarié, qui exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur de la formation au sein du département « Groupe éducation et certification », a été licencié pour faute grave par lettre du 19 mai 2008.

Après d’une enquête diligentée par l’employeur à la suite d’une lettre du médecin du travail faisant état de la détresse de certains salariés du service dirigé par ledit salarié, plusieurs d’entre eux avaient dénoncé les faits de harcèlement moral dont ils se disaient victimes de la part de leur responsable et la plainte de l’un d’entre eux était confortée par un certificat médical de son médecin traitant

L’employeur a décidé à juste titre de se séparer de ce sinistre individu.

Il a motivé son licenciement pour faute grave par un « management » abusif s’accompagnant d’un comportement vexatoire et humiliant et un abus de ses prérogatives en tant que responsable hiérarchique à l’égard de ses collaborateurs.

La Cour de Cassation comme la Cour D’Appel ont retenu que l’employeur avait eu raison de licencier le salarié pour faute grave. 

(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 février 2013, 11-27.194, Inédit)

Des propos virulents prononcés par un salarié au cours de l’entretien préalable

Peut on reprocher à un salarié son emportement contre son supérieur lors d’un entretien préalable à une sanction disciplinaire ?

La Cour de Cassation répond que dans la majorité des cas, ce n’est pas possible.

Elle estime en effet : « les paroles prononcées par un salarié au cours de l’entretien préalable à une sanction disciplinaire ne peuvent, sauf abus,constituer une cause de licenciement » (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 février 2013, 11-26.432, Inédit ).

Or, avoir des propos déplacés ne constitue pas forcément un abus.

Dans l’affaire précitée, la salariée convoquée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire avait utilisé notamment ces mots à l’égard de son supérieur : « roquet, moche, mal foutu, mal fringué, pas faire envie ».

Elle avait par la suite été licenciée pour ces faits.

La Cour de Cassation a estimé que cela ne permettait pas de considérer qu’elle avait commis une faute.

Licencié pour des mails non professionnels reçus ou envoyés de sa messagerie professionnelle

La Cour d’Appel d’Orléans par décision du 29 janvier 2013 n°11/03345 a validé le licenciement d’un salarié qui avait utilisé sa messagerie en recevant, de l’extérieur ou de collègues, des fichiers et documents à caractère humoristique ou personnel, comportant pour certains des photos grivoises , et en en envoyant. 

Selon la Cour d’Appel, il ne s’agissait pas d’une faute grave car la poursuite du contrat pendant la durée limitée du préavis était possible, mais d’une cause sérieuse de licenciement. 

Dans cette affaire la Cour d’Appel a sanctionné le salarié en retenant que ce dernier avait utilisé la messagerie professionnelle pour une partie non négligeable de son temps à des fins extérieures à son activité. 

Pour apprécier cet arrêt, il convient de relever que l’entreprise avait une charte informatique selon laquelle l’usage de la messagerie se faisait dans le cadre « exclusif » de l’activité professionnelle et que le règlement intérieur de l’entreprise interdisait le travail personnel au sein des locaux de l’entreprise . 

L’appelant soutenait qu’il s’agissait de correspondances, et donc de sa vie privée, et que certains mails faisaient partie de son fichier personnel, auquel l’employeur n’avait pas à accéder. 

Or la Cour d’Appel a rappelé justement que les mails et fichiers contenus dans son ordinateur professionnel sont présumés avoir un tel caractère, sauf s’ils sont identifiés comme personnels, ce qui ici n’était pas le cas. 

La Cour d’Appel a considéré que l’employeur pouvait en prendre connaissance et les produire comme élément de preuve. 

Cette décision est-elle critiquable ? 

La Cour de Cassation a déjà pu considérer à plusieurs reprises que l’employeur pouvait se servir des messageries informatiques pour justifier le licenciement d’un salarié.

Elle estime en effet que le message, envoyé par le salarié aux temps et lieu du travail, qui est en rapport avec son activité professionnelle, ne revêt pas un caractère privé. 

Elle retient que les courriels adressés ou reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé sauf s’ils sont identifiés comme personnels. 

L’arrêt de la Cour d’Appel d’Orléans précité va plus loin puisqu’il considère que recevoir et envoyer des mails non professionnels constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement pour ne pas avoir consacré tout son temps de travail à son activité professionnelle. 

Espérons que c’est une solution d’espèce, car si les employeurs devaient licencier tous les salariés qui reçoivent des mails personnels au travail, il faudrait alors interdire au salarié d’avoir la moindre vie privée alors qu’ils sont en poste … 

Une manière de déshumaniser le salarié en somme !!! 

La clé USB personnelle du salarié et le pouvoir de contrôle de l’employeur

La clé USB personnelle du salarié peut servir à son licenciement.

C’est la leçon qu’il faut retenir de l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 12 février 2013(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 février 2013, 11-28.649, Publié au bulletin ).

Dans cette affaire, une salariée engagée le 26 juillet 2006 en qualité d’assistante administrative par la société PBS, a été licenciée pour faute grave par lettre du 20 février 2009 pour avoir enregistré sur une clé USB des informations confidentielles concernant l’entreprise et des documents personnels de collègues et du dirigeant de l’entreprise.

La Cour d’Appel avait déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en retenant que l’employeur ne pouvait se prévaloir d’un moyen de preuve illicite, la salariée n’étant pas présente lorsque sa clef USB personnelle a été consultée par son employeur et n’ayant donc pas été informée de son droit d’en refuser le contrôle ou d’exiger la présence d’un témoin.

Elle est censurée par la Cour de Cassation qui considère que lorsqu’une clé USB, dès lors qu’elle est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution du contrat de travailest présumée utilisée à des fins professionnelles.

Dès lors, l’employeur peut avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels que la clé contient,et ce même hors la présence du salarié.

Il est de jurisprudence constante que les fichiers créés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel.

Il s’agit d’un présomption simple.

En effet, dès lors que le salarié identifie ses fichiers dans un dossier informatique intitulé PERSONNEL, la présomption disparaît et les fichiers sont clairement reconnus comme personnels.

La clé USB personnelle n’est pas un fichier identifié comme personnel selon la haute juridiction. 

La Cour de Cassation, par la décision du 12 février, autorise donc l’employeur à en contrôler le contenu.

Avec cette décision, le salarié qui emmène au bureau une clé USB prend le risque de voir cette dernière contrôlée à tout moment par son employeur et ce hors sa présence…

Seule parade : identifier à l’intérieur de sa clé USB ses dossiers comme personnels….ou laisser sa clé USB personnelle à la maison.

Prise d’acte de la rupture : quand la faute de l’employeur est en dehors du temps et du lieu de travail.

Voici une décision de la Cour de Cassation très intéressante.

La Cour de cassation admet, à ma connaissance pour la première fois, qu’un salariépuisse invoquer des manquements d’ordre professionnel commis par son employeur, en dehors du temps et du lieu de travail. ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 janvier 2013, 11-20.356, Publié au bulletin )

Les faits ne sont pas banals.

La salariée était en arrêt de travail suite à une dépression, et s’était rendue à son club de bridge. L’employeur avait fait irruption brutalement dans la pièce où elle se trouvait remettant en cause avec véhémence l’état de santé de celle-ci et exigeant qu’elle lui remette son arrêt de travail.

La salariée, choquée et agressée publiquement s’était trouvée dans un état de sidération nécessitant le secours des personnes présentes.

Elle avait pris acte de la rupture aux torts de l’employeur.

Elle a eu raison car la Cour d’Appel et la Cour de Cassation ont requalifié sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse.