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Fumer sur son lieu de travail n’est pas une cause réelle et sérieuse de licenciement

  • (mis à jour le 01/06/11)

La Cour de Cassation par arrêt de sa chambre sociale du 18 mai 2011 N° de pourvoi: 09-42223 de vient de rendre une décision controversée.

Dans cette affaire, un salarié fumait pendant ses heures de travail et sur son lieu de travail.

La Cour de Cassation affirme que « fumer sur son lieu de travail et en dehors de temps de pause n’est pas nécessairement une cause de licenciement même si le contrat de travail l’interdit »

Elle confirme la décision de la Cour d’Appel qui avait considéré que le fait de fumer sur son lieu de travail ne constituait pas une faute du salarié, faute pour l’employeur de rapporter la preuve que fumer perturbait le fonctionnement de l’entreprise.

Pourtant l’employeur avait fait valoir de solides arguments en rappelant :

-qu’il pesait sur lui une obligation de sécurité de résultat, en ce qui concerne la protection de ses salariés contre le tabagisme dans l’entreprise, qui lui impose de prendreles mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs.

– qu’en l’état de cette obligation impérieuse pesant sur l’employeur, celui-ci est en droit de sanctionner par un licenciement toute infraction à l’interdiction de fumer dans les locaux de travail.

– que le salarié avait méconnu l’interdiction de fumer sur son lieu de travail qui lui avait été rappelée notamment dans son contrat de travail.

Aucun de ces arguments n’a été retenu par la Cour de Cassation. 

La situation pour les employeurs devient donc particulièrement ubuesque:

– d’une part, le code de la santé publique les oblige à faire respecter l’interdiction de fumer dans les locaux de l’entreprise.

– de l’autre part, la Cour de Cassation considère que le salarié ne peut pas être sanctionné par un licenciement si il fume régulièrement dans les locaux malgré l’interdiction de son employeur. Si l’employeur veut licencier son salarié, il doit rapporter une preuve matérielle d’une désorganisation de l’entreprise.

Nous espérons sincèrement qu’il s’agit d’un arrêt d’espèce, c’est-à-dire un arrêt rendu en tenant compte du contexte général de l’affaire jugée et non d’un arrêt destiné à prendre une position de principe sur la question.

En effet, l’effet pervers de la solution retenue par la Cour de Cassation dans l’arrêt du 18 mai 2011, pourrait conduire les employeurs à une discriminatoire à l’embauche entre les salariés fumeurs et non fumeurs

 

Des mails liant vie professionnelle et vie privée pour prouver une insuffisance professionnelle

La Cour de Cassation vient encore une fois de montrer les conséquences de l’imbrication des sphères privées et professionnelles dans l’entreprise dans un arrêt du 28 avril 2011 N° de pourvoi: 09-42986.

Dans cette affaire, un salarié, directeur d’un établissement bancaire entretenait avec une assistante technico-commerciale une relation extra professionnelle.

A plusieurs reprises des mails avaient été échangés entre eux, la salariée souhaitant quitter son poste mais laissait entrevoir la possibilité de maintenir des relations avec le Directeur et évoquant des difficultés avec une autre salariée.

A la suite de cet échange, le Directeur lui avait alors demandé en termes pressants et maladroits de prendre position sur le maintien de la relation contractuelle en évoquant son projet de démissionner exprimé préalablement.

Finalement au bout de quelques échanges de mails, la salariée avait adressé à la société, un courriel aux termes duquel elle demande conseil « pour régler ce problème entre son directeur et elle ». 

L’Employeur avait alors licencié le Directeur de l’établissement bancaire pour faute grave

– en s’appuyant sur les mails 

– et estimant que le Directeur n’avait pas eu, à l’égard d’une de sa subordonnée, l’attitude qu’on est en droit d’attendre d’un directeur d’agence 

– et que la forme et le contenu des messages électroniques qu’il lui avait adressés révélaient un manque de discernement de nature à porter atteinte à sa crédibilité en tant que directeur d’agence .

La Cour de Cassation confirme que l’utilisation des mails peut causer un licenciement.

Mais elle refuse de considérer dans cette affaire que la faute grave était qualifiée .

Elle estime que « si l’attitude du salarié pouvait constituer un manque de discernement de sa part propre à porter atteinte à sa crédibilité en tant que directeur d’agenceelle ne caractérisait pas un manquement délibéré à ses obligations mais relevait d’une insuffisance professionnelle « .

Dans le cas d’espèce, l’employeur ayant retenu à tort un fondement disciplinaire au licenciement, ce dernier est donc sans cause réelle et sérieuse.

Mais il faut tout de même retenir de cet arrêt :

Mélanger vie privée et vie professionnelle peut justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle

Prolongement de la période d’essai par mail

  • (mis à jour le 20/04/11)

Le Ministre du Travail a été interrogé sur la validité d’un renouvellement de la période d’essai du contrat à durée indéterminée par courriel.

Par réponse ministérielle N° : 88607 publiée au JO le : 01/03/2011, le Ministre du travail confirme la validité d’un tel renouvellement par email en s’appuyant sur la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique, le code civil reconnaît, comme élément de preuve écrite, tout message, quels qu’en soient le support et les modalités de transmission (article 1316 et suivants du code civil).

Il ajoute cependant que le renouvellement de la période d’essai doit recevoir l’accord exprès de la partie à laquelle il est proposé

En outre, il faut vérifier que les conventions collectives ou autre accord de branche ne prévoient pas un formalisme particulier pour le renouvellement de la période d’essai.

Cela suppose donc:

– l’information par mail du salarié par son employeur de son souhait de renouveler la période d’essai

– l’accord du salarié dans un mail retour en des termes précis et non équivoques

Le Ministre du Travail conclut que sous réserve des modalités spécifiques prévues par certaines conventions collectives, un message électronique est donc recevable au même titre qu’un courrier, dès lors que l’accord y est exprimé dans des termes clairs et non équivoques.

La Cour de Cassation en sa chambre sociale par arrêt du 26 mai 2010 N° de pourvoi: 08-42893 avait déjà jugé qu’un avertissement pouvait être valablement donné par mail.

 

De la force probante d’un mail à l’escroquerie au jugement

  • (mis à jour le 20/04/11)

Pour pouvoir utiliser un mail à titre de preuve, il faut qu’il n’existe pas de doute sur:

– l’authenticité du mail (les noms et adresses IP des ordinateurs et serveurs de messagerie intervenus dans les échanges, la référence du logiciel utilisé pour recevoir le message et les identifiants uniques attribués aux échanges.)

– les auteurs et les destinataires dudit mail (l’adresse e-mail de l’expéditeur et l’adresse e-mail du destinataire)

– la date du mail

En outre, il faut que celui qui s’en prévaut puisse apporter la preuve de la régularité de son obtention c’est-à-dire :

– s’il est salarié soit en tant que destinataire (principal ou secondaire- notamment par transfert, copie ou remise – ) ou auteur, 

– s’il est employeur soit en tant que destinataire, auteur, ou encore dans des conditions loyales sans violation du secret des correspondances ( voir en ce sens mon article sur la question Jurisprudence Sociale Lamy Bimensuel de mars n°295 page 4 à 6)

En pratique , le mail est souvent une impression de la boite email de son destinataire et assez peu de mails sont contestés devant les juridictions de fond.

Peut-être à tort….car il est très facile de falsifier des mails.

La Cour de cassation vient de le confirmer en rejetant des mails douteux dans un arrêt récent de sa chambre sociale 22 mars 2011, Numéro de Pourvoi : 09-43307.

Dans l’espèce précitée, le salarié se prévalait de mails

– dont il ne pouvait pas justifier des conditions dans lesquelles il les avait obtenus 

– qui n’apparaissent pas dans la boîte mail de l’auteur présumé des emails

La Cour de cassation rappelle ainsi qu’il est possible de modifier un mail existant ou de créer de toutes pièces un mail anti-daté.

Je viens d’en avoir l’illustration dans un dossier où un « soit-disant mail » vient de m’être communiqué sur un document word.

Il n’est pas inutile de rappeler que la communication d’une pièce fausse, constituée pour les besoins de l’espèce, peut constituer le délit pénal d’escroquerie au Jugement(L’article 313-1 du Code pénal )

Soyons vigilants sur les pièces communiquées ! 

les messageries informatiques d’entreprise : causes réelles et sérieuses de licenciement

  • (mis à jour le 20/04/11)

La Cour de Cassation vient de rendre trois décisions en date du 2 février 2011 

quant à la nature des courriels émis par les salariés sur leurs temps et lieux de travail. 

  • Dans les deux premières affaires n° de pourvoi 09-72449 et n° 09-72450 à la suite d’un audit de l’ordinateur d’un salarié, l’employeur avait pris connaissance d’un courriel de son salarié adressé à une autre salariée de l’entreprise. Ce courriel avait comme objet « info » et mettait en cause son supérieur en critiquant vivement l’entreprise.

Le salarié a été licencié pour faute grave, aux motifs de divers manquements professionnels et de son comportement agressif et irrespectueux à l’égard de son supérieur hiérarchique et de l’échange à ce sujet de courriels provocateurs avec cette autre salariée de l’entreprise, également licenciée à cette occasion. 

Les deux salariés ont alors saisi la juridiction prud’homale d’une demande de paiement de diverses indemnités au titre de leur licenciement qu’ils estimaient injustifié. 

La Cour d’appel de Paris le 20 octobre 2009 avait cru pouvoir faire droit à leur demande et condamner l’employeur au paiement d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour atteinte à la vie privée. 

L’arrêt énonçait que : « le contenu du courriel envoyé ainsi que sa réponse apparaissaient en relation avec l’entourage du salarié, ces échanges ne revêtaient pas un caractère professionnel, s’agissant d’une conversation totalement privée dont la liberté de ton et les outrances éventuelles relevaient uniquement de la vie personnelle et intime à laquelle le salarié a droit même sur son lieu de travail, les propos tenus, destinés à rester entre les deux interlocuteurs et non pas à être diffusés, ne pouvant avoir pour effet de nuire à l’entreprise et ne pouvant être admis comme preuve d’un grief« . 

La Cour de Cassation censure cette position et juge dans les deux affaires que « le courriel litigieux était en rapport avec l’activité professionnelle du salarié, ce dont il ressortait qu’il ne revêtait pas un caractère privé et pouvait être retenu au soutien d’une procédure disciplinaire » 

  • Dans une troisième affaire n° de pourvoi: 09-72313 un salarié avait adressé à sa compagne et malencontreusement à d’autres salariés de l’entreprise , un courriel dans lequel il indiquait « pour l’acompte ils m’ont dit qu’ils ne donnent pas aux CDD, quel connard ! je vais prendre l’après-midi » . Un des autres salariés avait immédiatement informé l’employeur qui avait engagé une procédure de licenciement pour faute grave à l’encontre de son salarié injurieux.

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale en faisant valoir qu’il avait droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée et au secret des correspondances. 

Dans un arrêt confirmant la position de la Cour D’appel de Colmar, la Cour de Cassation rejette fermement la position du salarié: 

« Mais attendu, d’abord, que la cour d’appel, qui, sans avoir à entrer dans le détail de l’argumentation des parties, a relevé que le courriel litigieux avait été malencontreusement transmis par le salarié en copie à une salariée de l’entreprise, a constaté que l’employeur en avait eu connaissance par le fait même de l’intéressé ; 

Attendu, ensuite, que le message, envoyé par le salarié aux temps et lieu du travail, qui était en rapport avec son activité professionnelle, ne revêtait pas un caractère privé et pouvait être retenu au soutien d’une procédure disciplinaire à son encontr e ; 

Attendu, enfin, que la cour d’appel, qui a relevé que le salarié avait ainsi insulté son employeur et annoncé son absence non autorisée alors même qu’il venait de faire l’objet d’une mise à pied disciplinaire pour des absences injustifiées, a pu, sans avoir à effectuer une autre recherche, retenir que le comportement du salarié justifiait la rupture immédiate de son contrat ; 

Ces trois décisions posent une position de principe claire : 

Le message, envoyé par le salarié aux temps et lieu du travail, qui est en rapport avec son activité professionnelle, ne revêt pas un caractère privé et peut être retenu au soutien d’une procédure disciplinaire. 

Cette solution devrait rassurer les employeurs sur leurs possibilités de contrôler les velléités de rebellion parfois injurieuses de leurs salariés via le réseau informatique de l’entreprise. 

Les salariés, quant à eux devront être vigilants et prendre soin de n’émettre leurs « saines » critiques qu’en dehors du temps et lieu de travail …et même …..en dehors de la toile dont les destinataires ne sont pas toujours ceux initialement envisagés. 

Pour aller plus loin sur ce sujet , vous pouvez lire ma chronique  » Du secret des correspondances électroniques en droit du travail » Jurisprudence Sociale Lamy n°295, bimensuel du 10 mars 2011