Archives par mot-clé : temps de travail

Changement des horaires de travail : l’exemple du contrat AVENIR

L’employeur peut-il modifier unilatéralement la répartition des horaires de travail de son salarié ? 

La Cour de Cassation estime depuis de nombreuses années que dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut parfaitement modifier de son propre chef, la répartition des horaires quotidiens de travail de son salarié dès lorsqu’il maintient la durée de travail prévu au contrat. 

Il s’agit d’une simple modification des modalités d’exécution du contrat que le salarié ne peut refuser sous peine de commettre une faute. 

La Chambre sociale de la Cour de Cassation par décision du 16 juin 2011 N° de pourvoi: 10-17032 vient de réaffirmer cette solution dans le cadre d’un contrat Avenir de 24h/semaine en indiquant : »la répartition des horaires de travail dans la semaine, telle que précisée dans le contrat de travail, dit contrat d’avenir, de la salariée, avait pu être modifiée sans son accord  » 

Il convient tout de même de noter que laCour de Cassation refuse certains changements d’horaires décidés unilatéralement par l’employeur notamment lorsque le changement : 

– a pour effet de priver le salarié du repos dominical 

– entraîne des amplitudes horaires démesurées 

– entraîne le passage d’un horaire continu à un horaire discontinu 

– modifie un travail de jour en travail de nuit 

– a pour seul dessein de nuire au salarié 

Du transfert des mails professionnels sur une messagerie personnelle

(Mise à jour le 16/12/2014)

Le salarié peut-il transférer des mails professionnels sur sa boite mail personnelle?

La Cour de Cassation vient de répondre favorablement à cette question par arrêt n° 3239 du 16 juin 2011 (10-85.079) – Cour de cassation – Chambre criminelle.

Cette décision reprend ainsi une jurisprudence traditionnelle des chambres sociale et criminelle qui estime que le salarié peut conserver une copie des documents dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, si lesdits documents sont nécessaires à la défense de ses intérêts. (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 novembre 2014, 13-84.414, Inédit)

L’intérêt de cette décision réside dans le fait que les documents sont dématérialisés.

En l’espèce, le salarié avisé du projet de son employeur de rompre son contrat de travail, avait transféré des mails dont il avait eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions et dont la production était strictement nécessaire à l’exercice de sa défense dans la procédure prud’homale qu’il a engagée peu après.

Il en avait parfaitement le droit.

Aucune qualification pénale de vol ou d’abus de confiance ne peut donc être retenue à l’égard du salarié.

 

Prise d’acte de la rupture et temps de travail

  • (mis à jour le 26/05/11)

L’employeur ne peut pas décider unilatéralement de réduire le temps de travail de son salarié sauf si cela s’accompagne d’un maintien de salaire.

La Cour de Cassation vient de nous donner une illustration de cette jurisprudence traditionnelle.

Une salariée, employée de maison, travaillait 39 heures par semaine.

Son employeur a subitement décidé de réduire ce temps de travail à 35H en diminuant sa rémunération proportionnellement à la réduction d’heures.

La Salariée mécontente avait pris acte de la rupture aux torts de l’employeuret saisi le Conseil de Prud’hommes pour obtenir une juste indemnisation de son préjudice

La Cour de Cassation lui donne raison par un arrêt de confirmation de la position de la Cour d’Appel. (Cour de cassation chambre sociale 4 mai 2011 N° de pourvoi: 10-14767)

Elle retient en effet que:

-l’employeur avait unilatéralement réduit la durée du travail de la salariée, lui occasionnant une perte de rémunération,

-cette modification du contrat de travail faisait produire à la rupture les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 

forfait jours et preuve des jours réalisés

  • (mis à jour le 01/10/12)
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Bien que la CEDH estime que les « forfaits jours français » sont illicitesde nombreux cadres sont actuellement soumis à ce régime. 

La loi prévoit que le nombre de jours de travail desdits salariés ne peut dépasser 218 jours par an . ( la convention collective peut prévoir un minimum plus bas) 

Dans les hypohèses de dépassement du nombre de jours annuels, ceux-ci doivent être payés par l’employeur. 

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d’une convention de forfait en jours: 

– le salarié doit transmettre au juge tous les éléments permettant de déterminer le nombre de jours travaillés 

– l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié. 

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments fournis par le salarié à l’appui de sa demande et de ceux transmis par l’employeur. 

Il peut ordonner, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles

En pratique, cela signifie que la preuve des jours travaillés n’incombe spécialement à aucune des parties. 

Le juge ne peut pas rejeter une demande de paiement de jours travaillés, en se fondant uniquement sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié. 

Il doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié que l’employeur est tenu de lui fournir

Si le salarié produit un tableau récapitulatif des jours travaillés , il appartient à l’employeur de démontrer quels sont les jours effectivement réalisés par le salarié. (Cour de cassation chambre sociale 4 mai 2011 N° de pourvoi: 09-71003 ; Cour de cassation chambre sociale 6 juillet 2011 N° de pourvoi: 10-15050Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 19 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-16205 ) 

Il s’agit de la même jurisprudence que celle relative aux heures supplémentaires transposées aux salariés soumis au « forfait jours ». 

Des mails liant vie professionnelle et vie privée pour prouver une insuffisance professionnelle

La Cour de Cassation vient encore une fois de montrer les conséquences de l’imbrication des sphères privées et professionnelles dans l’entreprise dans un arrêt du 28 avril 2011 N° de pourvoi: 09-42986.

Dans cette affaire, un salarié, directeur d’un établissement bancaire entretenait avec une assistante technico-commerciale une relation extra professionnelle.

A plusieurs reprises des mails avaient été échangés entre eux, la salariée souhaitant quitter son poste mais laissait entrevoir la possibilité de maintenir des relations avec le Directeur et évoquant des difficultés avec une autre salariée.

A la suite de cet échange, le Directeur lui avait alors demandé en termes pressants et maladroits de prendre position sur le maintien de la relation contractuelle en évoquant son projet de démissionner exprimé préalablement.

Finalement au bout de quelques échanges de mails, la salariée avait adressé à la société, un courriel aux termes duquel elle demande conseil « pour régler ce problème entre son directeur et elle ». 

L’Employeur avait alors licencié le Directeur de l’établissement bancaire pour faute grave

– en s’appuyant sur les mails 

– et estimant que le Directeur n’avait pas eu, à l’égard d’une de sa subordonnée, l’attitude qu’on est en droit d’attendre d’un directeur d’agence 

– et que la forme et le contenu des messages électroniques qu’il lui avait adressés révélaient un manque de discernement de nature à porter atteinte à sa crédibilité en tant que directeur d’agence .

La Cour de Cassation confirme que l’utilisation des mails peut causer un licenciement.

Mais elle refuse de considérer dans cette affaire que la faute grave était qualifiée .

Elle estime que « si l’attitude du salarié pouvait constituer un manque de discernement de sa part propre à porter atteinte à sa crédibilité en tant que directeur d’agenceelle ne caractérisait pas un manquement délibéré à ses obligations mais relevait d’une insuffisance professionnelle « .

Dans le cas d’espèce, l’employeur ayant retenu à tort un fondement disciplinaire au licenciement, ce dernier est donc sans cause réelle et sérieuse.

Mais il faut tout de même retenir de cet arrêt :

Mélanger vie privée et vie professionnelle peut justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle

Prolongement de la période d’essai par mail

  • (mis à jour le 20/04/11)

Le Ministre du Travail a été interrogé sur la validité d’un renouvellement de la période d’essai du contrat à durée indéterminée par courriel.

Par réponse ministérielle N° : 88607 publiée au JO le : 01/03/2011, le Ministre du travail confirme la validité d’un tel renouvellement par email en s’appuyant sur la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique, le code civil reconnaît, comme élément de preuve écrite, tout message, quels qu’en soient le support et les modalités de transmission (article 1316 et suivants du code civil).

Il ajoute cependant que le renouvellement de la période d’essai doit recevoir l’accord exprès de la partie à laquelle il est proposé

En outre, il faut vérifier que les conventions collectives ou autre accord de branche ne prévoient pas un formalisme particulier pour le renouvellement de la période d’essai.

Cela suppose donc:

– l’information par mail du salarié par son employeur de son souhait de renouveler la période d’essai

– l’accord du salarié dans un mail retour en des termes précis et non équivoques

Le Ministre du Travail conclut que sous réserve des modalités spécifiques prévues par certaines conventions collectives, un message électronique est donc recevable au même titre qu’un courrier, dès lors que l’accord y est exprimé dans des termes clairs et non équivoques.

La Cour de Cassation en sa chambre sociale par arrêt du 26 mai 2010 N° de pourvoi: 08-42893 avait déjà jugé qu’un avertissement pouvait être valablement donné par mail.

 

De la force probante d’un mail à l’escroquerie au jugement

  • (mis à jour le 20/04/11)

Pour pouvoir utiliser un mail à titre de preuve, il faut qu’il n’existe pas de doute sur:

– l’authenticité du mail (les noms et adresses IP des ordinateurs et serveurs de messagerie intervenus dans les échanges, la référence du logiciel utilisé pour recevoir le message et les identifiants uniques attribués aux échanges.)

– les auteurs et les destinataires dudit mail (l’adresse e-mail de l’expéditeur et l’adresse e-mail du destinataire)

– la date du mail

En outre, il faut que celui qui s’en prévaut puisse apporter la preuve de la régularité de son obtention c’est-à-dire :

– s’il est salarié soit en tant que destinataire (principal ou secondaire- notamment par transfert, copie ou remise – ) ou auteur, 

– s’il est employeur soit en tant que destinataire, auteur, ou encore dans des conditions loyales sans violation du secret des correspondances ( voir en ce sens mon article sur la question Jurisprudence Sociale Lamy Bimensuel de mars n°295 page 4 à 6)

En pratique , le mail est souvent une impression de la boite email de son destinataire et assez peu de mails sont contestés devant les juridictions de fond.

Peut-être à tort….car il est très facile de falsifier des mails.

La Cour de cassation vient de le confirmer en rejetant des mails douteux dans un arrêt récent de sa chambre sociale 22 mars 2011, Numéro de Pourvoi : 09-43307.

Dans l’espèce précitée, le salarié se prévalait de mails

– dont il ne pouvait pas justifier des conditions dans lesquelles il les avait obtenus 

– qui n’apparaissent pas dans la boîte mail de l’auteur présumé des emails

La Cour de cassation rappelle ainsi qu’il est possible de modifier un mail existant ou de créer de toutes pièces un mail anti-daté.

Je viens d’en avoir l’illustration dans un dossier où un « soit-disant mail » vient de m’être communiqué sur un document word.

Il n’est pas inutile de rappeler que la communication d’une pièce fausse, constituée pour les besoins de l’espèce, peut constituer le délit pénal d’escroquerie au Jugement(L’article 313-1 du Code pénal )

Soyons vigilants sur les pièces communiquées ! 

Du sort des heures supplémentaires réalisées par le salarié sans l’accord de l’employeur

  • (mis à jour le 21/11/12)

Payer les heures supplémentaires coûte cher à l’entreprise surtout lorsque le chef d’entreprise n’a pas les moyens de les rémunérer ou lorsque le salarié n’est pas suffisamment performant pour les rentabiliser.

Pour contourner la difficulté, les TPE et les PME ont développé dans les contrats de travail et dans des notes internes des clauses qui interdisent les heures supplémentaires ou les limitent à l’accord écrit et préalable de l’employeur.

La Cour de Cassation en sa chambre sociale le 6 avril 2011 N° de pourvoi: 10-14493 vient de rendre une décision qui confirme sa position pro-salariée quant aux heures supplémentaires.

Elle estime que même sans l’accord de l’employeur, les heures supplémentaires doivent être payées si elles ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.

Voilà un débat bien vaste ouvert aux juridictions de première instance qui devront apprécier au cas par cas, en cas de refus de l’employeur de payer les heures réalisées sans son accord, si le salarié pouvait, sans effectuer des heures supplémentaires, exécuter le travail mis à sa charge par l’employeur.

Reste la question de la charge de la preuve . 

–> Est ce au salarié de rapporter la preuve qu’il ne pouvait pas exécuter son travail sans effectuer d’heures supplémentaires ?

–> Ou est-ce à l’employeur de rapporter la preuve que le travail demandé pouvait être réalisé dans le temps de travail contractuellement prévu ?

( confirmation : Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 24 octobre 2012 N° de pourvoi: 11-30387 Non publié au bulletin Rejet)

 

Interdiction du travail du dimanche et pouvoir de l’inspecteur du travail

L’affaire SUPER-U 

L’inspecteur du travail peut saisir le Juge des référés dans tous les cas où des salariés sont employés de façon illicite un dimanche en violation d’un arrêté préfectoral. 

La Cour de Cassation en sa chambre sociale le 6 avril 2011 N° de pourvoi: 09-68413confirme que l’inspecteur détient ce pouvoir en vertu des articles L. 3132-31, L. 3132-3 et L. 3132-29 du code du travail. 

Elle a en effet jugé que : 

« L’inspecteur peut saisir en référé le juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur l’emploi illicite de salariés le dimanche . » 

Dans l’espèce précité, à la suite d’un accord intervenu le 12 novembre 2007 entre les syndicats de salariés et les organisations d’employeurs de la profession du commerce multiple de détail alimentaire dans le département de la Haute-Garonne, le préfet de ce département avait pris le 1er février 2008, sur le fondement de l’article L. 3132-29 du code du travail, un arrêté imposant la fermeture le dimanche, jour de repos des salariés, des établissements de la profession dont la surface de vente est supérieure à 400 m² 

L »inspecteur du travail, ayant constaté des violations répétées de cet arrêtépar la société Tolodis, l’avait assignée devant le juge des référés en application de l’article L. 3132-31 du code du travail aux fins de voir ordonnée la fermeture dominicaleimmédiate du magasin Super-U de Martres Tolosane et ce, sous astreinte de 1 500 euros par dimanche et par salarié illégalement employé. 

La Cour de Cassation donne raison à l’inspecteur du travail. 

CADRE DIRIGEANT : la convention collective peut exiger un document contractuel écrit en sus des conditions légales

  • (mis à jour le 16 juillet 2018)

La Cour de cassation en sa chambre sociale lors d’un arrêt du 13 janvier 2009 N° de pourvoi: 06-46208 publié au bulletin a rappelé la définition d’un CADRE DIRIGEANT au sens de l’article L 3111-2 du code du travail : 

« sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités àprendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que les critères ainsi définis sont cumulatifs et que le juge doit vérifier précisément les conditions réelles d’emploi du salarié concerné, peu important que l’accord collectif applicable retienne pour la fonction occupée par le salarié la qualité de cadre dirigeant « . 

La qualification « CADRE DIRIGEANT » donnée par les parties dans le contrat de travail ou sur les fiches de paie est sans incidence sur celle retenue par la juridiction prud’homale. 

Le Juge doit examiner in concreto les fonctions des salariés (Cour de cassation chambre sociale 23 novembre 2010 N° de pourvoi: 09-41552 Cour de cassation chambre sociale 19 janvier 2012 N° de pourvoi: 10-21969 10-22942 ) 

Les juges ne peuvent retenir la qualité de CADRE DIRIGEANT qu’aux salariés qui cumulent les conditions suivantes : 

 des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, 

– être habilité à prendre des décisions de façon largement autonome 

– percevoir une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés pratiqués par l’entreprise ou son établissement. 

(voir Cour de cassation chambre sociale 31 mai 2011 N° de pourvoi: 10-10257) 

En outre, la Cour de Cassation en sa chambre sociale le 6 avril 2011 N° de pourvoi: 07-42935 retient que la convention collective peut rajouter une condition : l’obligation d’un document contractuel mentionnant les modalités d’exercice des responsabilités justifiant le forfait sans référence horaire.

Cette solution est constante. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 mai 2018, 16-25.557, Publié au bulletin)

Les conséquences de cette qualification de CADRE DIRIGEANT sont très importantes. 

Les CADRES DIRIGEANTS ne sont pas soumis à la législation de la durée de travail c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas prétendre au paiement d’heures supplémentaires même s’ils travaillent les week-ends et les jours fériés. 

Les CADRES DIRIGEANTS ne bénéficient que des dispositions relatives aux congés annuels , aux congés maternité ou pour événements familiaux, aux congés non rémunérés et au compte épargne -temps.