Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

L’insuffisance professionnelle caractérisée par un problème de communication se heurte au principe de la liberté d’expression

La Cour de cassation a récemment rappelé l’importance du principe de la liberté d’expression dans l’appréciation de la validité d’un licenciement pour insuffisance professionnelle fondé sur des difficultés de communication entre un salarié et sa hiérarchie.
Cass. soc., 17 septembre 2025, n° 24-11090 F-D.


Rappelons que chaque salarié dispose, dans le cadre professionnel comme en dehors, d’un droit d’expression garanti par le Code du travail (article L.1121-1).

Ce droit permet au salarié de donner son opinion, de formuler des critiques ou des désaccords, à condition de respecter les personnes et l’entreprise.

La seule limite à cette liberté est l’abus, qui se manifeste par des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.


Dans l’affaire jugée, l’employeur reprochait à une salariée son incapacité à dialoguer avec ses supérieurs et des relations tendues avec sa responsable directe.

Ces éléments avaient servi à motiver un licenciement pour insuffisance professionnelle.

La Cour de cassation a estimé que ces griefs pouvaient, en réalité, relever de la liberté d’expression du salarié.

Avant de valider la rupture, les juges auraient donc dû vérifier si les propos ou attitudes reprochés traduisaient un abus de cette liberté.

Faute d’une telle vérification, le licenciement encourt la nullité, car il porte atteinte à une liberté fondamentale.


En résumé

• La liberté d’expression est protégée dans l’entreprise.
• L’insuffisance professionnelle doit être fondée sur des éléments objectifs, non sur des désaccords ou critiques.
• Si le salarié s’exprime sans excès, la rupture du contrat sur ce fondement est illicite.
• En cas de doute, les juges doivent rechercher s’il y a abus caractérisé.

De l’intégration des congés payés dans le déclenchement des heures supplémentaires (SYNTEC – BETIC – CINOV)

C’est encore à l’occasion d’une demande d’heures supplémentaires dans le cadre du forfait heures de la modalité 2 de l’accord du 22 juin 1999 annexé à la Convention collective des bureaux d’études et d’ingénieurs conseils (BETIC ou SYNTEC) que la Cour de cassation fait avancer sa jurisprudence. (Cour de Cassation, chambre sociale 10 sept. 2025, n° 23-14.456)

Dans ce dossier, un salarié de la société Altran Technologies contestait le calcul de ses heures supplémentaires au-delà de 38H30, estimant qu’il était illégal que ses congés payés n’aient pas été pris en compte dans l’assiette des heures supplémentaires.

En d’autres termes, il reprochait à son employeur d’avoir considéré que les semaines où il avait pris des congés payés ne pouvaient pas donner lieu à des heures supplémentaires car lesdits jours devaient être comptabilisés à 0.

Le salarié appuyait sa demande sur le droit européen et notamment :

  • l’article 31 § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
  • la directive européenne 2003/88/CE relative au temps de travail ;
  • ainsi que la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne (notamment arrêt DS c/ Koch, 13 janvier 2022).

Les arguments du salarié n’avaient pas été entendus par les juridictions du fond, celles-ci s’appuyant sur la jurisprudence française qui considérait que les périodes de congés n’entraient pas dans le calcul du seuil des heures supplémentaires.

Mais la Cour de cassation a décidé de s’incliner face au droit européen et a opéré  un revirement de jurisprudence en retenant la position du salarié. (Cour de Cassation , chambre sociale 10 sept. 2025, n° 23-14.456)

A retenir donc que les congés payés doivent être assimilés à du temps de travail pour déterminer si le seuil des heures supplémentaires est atteint.

En pratique, cela signifie qu’un salarié qui prend des jours de congés payés ne peut pas être défavorisé dans le calcul de ses heures supplémentaires.

Au-delà du cas particulier, cet arrêt marque une étape importante : il affirme que les congés payés ne doivent jamais constituer une source de perte financière pour le salarié.
C’est une reconnaissance forte du caractère effectif du droit au repos, pilier du droit social européen.

De la discrimination par association

Handicap d’un proche : interdiction de discrimination « par association » du salarié

Mother pushing her young daughter who is in wheelchair in living room at home.

Le 11 septembre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu une décision majeure :
l’interdiction de la discrimination fondée sur le handicap s’étend désormais aux salariés qui assistent un enfant ou un proche handicapé.

C’est ce que l’on appelle la discrimination par association.


Une avancée juridique majeure

Jusqu’ici, la protection contre les discriminations liées au handicap concernait essentiellement les personnes directement en situation de handicap.

La CJUE franchit un cap :
un salarié n’a pas besoin d’être lui-même handicapé pour bénéficier de la protection prévue par la directive européenne relative à l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

Si le salarié est impacté du fait du handicap d’un proche — par exemple un enfant ou un conjoint — il peut désormais faire valoir ses droits s’il est désavantagé dans l’organisation de son travail.


Conséquences pour les employeurs

Les employeurs sont désormais tenus de :

  • Adapter les conditions de travail des salariés concernés
  • Envisager des aménagements raisonnables lorsque ceux-ci sont nécessaires, sauf si cela représente une charge disproportionnée

Ces aménagements peuvent prendre différentes formes :

  • Mise en place d’horaires fixes
  • Réduction du temps de travail
  • Réaffectation de poste
  • Télétravail partiel ou total
  • Réorganisation des plannings ou des équipes

L’enjeu est d’éviter une discrimination indirecte fondée sur le handicap d’un tiers.


Conséquences pour les salariés

Les salariés qui accompagnent un proche en situation de handicap peuvent désormais :

  • Demander officiellement des adaptations de leurs conditions de travail
  • S’appuyer sur cette jurisprudence pour contester un refus injustifié
  • Agir en cas de traitement défavorable, pouvant être requalifié en discrimination

Il ne s’agit pas simplement d’une flexibilité à la discrétion de l’employeur, mais bien d’un droit à des aménagements raisonnables — sauf situation objectivement excessive pour l’organisation.


À retenir

Tout refus injustifié d’aménagement en lien avec la situation de handicap d’un proche peut être requalifié en discrimination.

Cette décision élargit la portée du droit à l’égalité de traitement, en reconnaissant les réalités des aidants familiaux dans le monde du travail.


Le rôle de l’accompagnement juridique

Face à ces évolutions, le rôle du conseil juridique est essentiel.

Votre avocat peut :

  • Vous aider à formuler une demande d’aménagement solide
  • Vérifier la légalité d’un refus ou d’une mesure jugée discriminatoire
  • Vous accompagner en cas de litige ou négociation avec l’employeur

L’objectif : faire en sorte que les droits évoluent réellement sur le terrain, au service d’un monde du travail plus juste et inclusif.


Du droit de se taire pendant l’entretien préalable au licenciement

Le 19 septembre 2025, le Conseil constitutionnel a rendu une décision très attendue (n° 2025-1160, 1161, 1162 QPC), apportant un éclairage crucial sur les droits du salarié lors de l’entretien préalable à un licenciement ou à une sanction disciplinaire.

Alors que le droit au silence est reconnu dans de nombreuses procédures (notamment pénales ou publiques), qu’en est-il en entreprise, dans le secteur privé ? Voici ce qu’il faut retenir.


L’origine du débat

Les requérants à l’origine de cette QPC contestaient que les articles L.1232-2 (licenciement) et L.1332-2 (discipline) du Code du travail n’obligent pas l’employeur à informer le salarié de son droit de se taire.

Ils invoquaient pour cela l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui garantit la présomption d’innocence, et faisaient référence à une jurisprudence récente du Conseil d’État (décembre 2024), qui a reconnu ce droit aux agents publics dans les procédures disciplinaires.


Ce qu’a décidé le Conseil constitutionnel

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a rejeté cet argument, en posant clairement trois principes :

  1. Le licenciement ou la sanction disciplinaire dans le secteur privé n’a pas le caractère d’une punition au sens de la Constitution ;
  2. Il s’agit d’une relation contractuelle, et non d’un exercice de puissance publique ;
  3. Par conséquent, l’employeur n’a aucune obligation légale d’informer le salarié de l’existence d’un droit de se taire.

Côté employeur : ce que ça implique

  • L’entretien préalable reste une étape obligatoire, encadrée par le Code du travail.
  • Il n’est pas obligatoire d’informer le salarié qu’il peut garder le silence.
  • Toutefois, l’entretien ne doit pas devenir un interrogatoire. Il doit se dérouler dans des conditions respectueuses, sans pression, et permettre un véritable échange.

Côté salarié : des droits peu connus mais bien réels

Même sans notification formelle, le salarié dispose de certains droits importants au cours de cette procédure :

  1. Le salarié peut garder le silence pendant tout l’entretien s’il le souhaite. Il n’est pas tenu de se défendre ni de répondre aux questions de l’employeur.
  2. Le salarié peut aussi ne pas se présenter à l’entretien. Cette absence ne peut pas être sanctionnée, et l’employeur peut poursuivre la procédure, mais l’absence seule ne constitue pas une faute.

Ces points sont confirmés par une jurisprudence constante de la Cour de cassation.


Ce que cette décision change (ou ne change pas)

Cette décision ne bouleverse pas la procédure, mais elle clarifie le périmètre des obligations de l’employeur et rappelle les marges de liberté du salarié.

Elle confirme que l’entreprise n’est pas une juridiction, mais un espace contractuel, dans lequel certaines garanties existent — même si elles ne sont pas toujours explicites.


Une décision d’équilibre ?

On peut y voir un certain équilibre juridique :

  • L’entreprise n’a pas l’obligation d’informer sur le droit au silence ;
  • Mais le salarié peut l’exercer pleinement — voire refuser l’échange, en toute légalité.

Ce débat souligne surtout l’importance d’un dialogue professionnel sain, même (et surtout) en cas de rupture de confiance.

Cadres dirigeants et relation intime consentie au travail

Le 1er septembre 2025, Nestlé (droit suisse) a annoncé le licenciement de son Directeur Général pour une relation non déclarée avec une subordonnée directe, jugée contraire à son code de conduite.

En France, la Cour de cassation estimait quelques mois plus tôt (4 juin 2025, n° 24-14.509) qu’une relation intime consentie relevait de la vie privée, sauf si elle générait un conflit d’intérêts ou affectait directement le contrat de travail. Elle réaffirmait ainsi qu’une relation adultérine entre deux salariés ne pouvait, en principe, pas justifier un licenciement disciplinaire.

Outre-Atlantique, le 19 juillet 2025, le patron d’une start-up new-yorkaise – Astronomer – a dû démissionner après la diffusion virale d’une vidéo le montrant enlacer une collègue lors d’un concert de Coldplay. L’entreprise a réagi en déclarant :
« Nos dirigeants sont censés fixer des normes en matière de conduite et de responsabilité, et récemment, ces normes n’ont pas été respectées. »

Trois affaires, trois systèmes juridiques et trois réponses :
• En Suisse et aux États-Unis, la gouvernance et l’image de l’entreprise priment sur le droit à l’intimité, conduisant au licenciement ou à la démission lorsque la vie privée d’un salarié est jugée immorale.
• En France, la vie intime des salariés est protégée, même lorsqu’elle concerne des collègues. Le juge privilégie la protection des libertés fondamentales et la séparation entre vie privée et vie professionnelle.

Ces affaires illustrent la difficulté croissante à tracer une frontière entre intimité des dirigeants, éthique des affaires et responsabilité sociétale des entreprises.

Liberté religieuse : quand donner une bible conduit au licenciement

Le 10 septembre 2025, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt important (n° 23-22.722 FS-B), venant rappeler les contours de la protection de la liberté religieuse dans la relation de travail.

Les faits

Une agente de service d’une association de protection de l’enfance avait été licenciée après avoir remis une bible à une mineure hospitalisée.
L’association, invoquant son règlement intérieur qui imposait des obligations de neutralité et de réserve, considérait ce comportement comme fautif et constitutif de prosélytisme.

La cour d’appel de Versailles avait validé ce raisonnement et jugé le licenciement fondé.

La décision de la Cour de cassation

La Cour casse l’arrêt d’appel, au visa notamment des articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 1132-4 du Code du travail.

Elle rappelle deux principes :

  1. Un fait relevant de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement à une obligation contractuelle.
  2. Toute sanction fondée sur les convictions religieuses d’un salarié est discriminatoire et nulle.

Or, en l’espèce, la salariée était agente de service et non éducatrice. Le geste reproché avait eu lieu en dehors du temps et du lieu de travail, hors de l’exercice de ses fonctions professionnelles.

Le licenciement, en réalité motivé par l’expression d’une conviction religieuse dans la vie personnelle, était donc nul car discriminatoire.

Un rappel fort de la protection de la liberté religieuse

Cet arrêt s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence protectrice des libertés fondamentales.

La Cour de cassation a déjà jugé qu’un salarié ne pouvait être sanctionné pour des faits relevant de sa vie personnelle (distribution d’un programme politique, expression d’une opinion…) lorsque ceux-ci ne constituaient pas un abus ou un manquement à une obligation contractuelle.

Ici, la spécificité tient au fait que le comportement concernait la liberté religieuse, expressément protégée contre toute forme de discrimination.

Quelles implications pour les employeurs ?

Cet arrêt invite les employeurs à une grande prudence :

  • Les obligations de neutralité, même prévues par un règlement intérieur, ne sauraient s’appliquer en dehors du temps et du lieu de travail, sauf manquement contractuel caractérisé.
  • Toute sanction disciplinaire prononcée en raison de la religion ou de l’expression d’une conviction religieuse dans la vie personnelle expose l’entreprise à une nullité du licenciement et aux conséquences financières qui en découlent.

Conclusion

La décision du 10 septembre 2025 confirme que la liberté religieuse fait partie des libertés fondamentales les plus protégées en droit du travail.
Lorsqu’un comportement relève de la vie personnelle du salarié, l’employeur ne peut intervenir que si ce comportement constitue un manquement objectif à ses obligations professionnelles. À défaut, la sanction est discriminatoire et donc nulle.

Congés payés et arrêt maladie : la Cour de cassation opère un revirement attendu

Pendant longtemps, la Cour de cassation a résisté à la jurisprudence européenne en matière de congés payés. Retour sur une saga juridique qui s’achève en septembre 2025. (Cour Cassation, chambre sociale du 10 septembre 2025 Chambre sociale – pourvoi n°23-22.732)


1. La résistance française

En 2013 j’avais commenté un arrêt de la Haute juridiction(Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22.285, publié au Bulletin) qui posait une distinction nette :

  • Maladie professionnelle ou accident du travail : les congés payés non pris devaient être reportés et indemnisés.
  • Maladie « simple » : les congés perdus n’étaient ni reportés ni indemnisables.

La position française s’écartait donc de l’article 7 de la directive 2003/88/CE et de la jurisprudence de la CJUE, qui impose le report des congés payés dès lors qu’un salarié a été empêché de les prendre pour cause de maladie.

À l’époque, j’écrivais : « La Cour de cassation fait de la résistance ». Car oui, malgré la pression européenne, la haute juridiction refusait d’appliquer directement le droit de l’Union.


2. La pression européenne

Cette divergence n’était pas sans conséquences :

  • Risque de condamnations de la France par les instances européennes.
  • Multiplication des contentieux.
  • Incertitude pour les employeurs et frustration pour les salariés.

Dès 2016, la juridiction administrative avait d’ailleurs condamné la France à indemniser un salarié sur le fondement du droit européen.


3. Le revirement de 2025

Le 10 septembre 2025, la chambre sociale de la Cour de cassation rend une décision marquante : lorsqu’un salarié tombe malade pendant ses congés payés, les jours de maladie ne peuvent plus être imputés sur son solde de congés.

Concrètement :

  • Le salarié peut reporter ces jours.
  • Le droit au congé annuel payé, reconnu comme un principe fondamental du droit social de l’Union, est pleinement garanti.
  • Il faut toutefois que l’arrêt maladie soit notifié par le salarié à son employeur. 

4. Une mise en conformité… tardive

Ce changement met enfin la France en cohérence avec la directive européenne et la jurisprudence de la CJUE.
Il s’agit d’une petite révolution pour les salariés, qui voient leurs droits renforcés, et d’une adaptation nécessaire pour les employeurs, qui devront mettre à jour leurs pratiques internes.


Conclusion

Ce revirement illustre la force du droit de l’Union européenne dans la protection des droits sociaux. Après plus de dix ans de résistance, la Cour de cassation s’aligne enfin sur la CJUE : un salarié malade pendant ses congés conserve son droit au repos effectif.

La question reste ouverte : comment seront traitées les situations passées, où des congés ont été perdus du fait d’arrêts maladie « simples » ? Les prochains mois pourraient encore réserver des débats…

Prise d’acte de la rupture injustifiée en arrêt maladie : pas de préavis… mais seulement pour la période où l’arrêt est en cours

La prise d’acte permet au salarié de rompre son contrat de travail de façon immédiate, en raison de manquements graves qu’il impute à son employeur.

Si ces manquements sont reconnus, la rupture est analysée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mais si les juges estiment les reproches infondés, la prise d’acte produit les effets d’une démission, avec toutes ses conséquences :

  • perte des indemnités,
  • pas de droit au chômage,
  • et paiement de l’indemnité compensatrice de préavis.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 25 juin 2025 (n° 21-16745), a rappelé une limite importante à ce principe :
Un salarié ne peut être tenu de verser une indemnité de préavis que pour la période où il était en capacité de l’effectuer.

Dans l’affaire jugée, un cadre en arrêt maladie avait pris acte de la rupture. Les juges du fond lui avaient demandé de verser trois mois de préavis, conformément à sa convention collective.

Mais la Cour a précisé :
Le salarié ne devait l’indemnité de préavis que pour la période postérieure à la fin de son arrêt maladie – et non pour les semaines où il était médicalement inapte à travailler.

À retenir :

  • La prise d’acte reste une démarche risquée et irrévocable.
  • En cas de requalification en démission, le préavis est dû.
  • Mais il ne peut pas être exigé pour une période pendant laquelle le salarié était en arrêt maladie.

Les e-mails professionnels sont des données personnelles.

C’est une décision qui va faire date :

Le 18 juin 2025, la Cour de cassation (Cass. soc., n° 23-19.022f) a tranché. https://www.courdecassation.fr/decision/6852514ea7fdae5a8046f32f


Les courriels envoyés ou reçus par un salarié via sa messagerie professionnelle sont bien des données à caractère personnel au sens du RGPD.

En pratique, cela signifie que :

  • Même dans un cadre professionnel, les échanges d’e-mails identifient une personne physique → ce sont donc des données protégées.
  • Un salarié (actuel ou ancien) peut en demander l’accès auprès de son employeur.
  • L’employeur doit alors transmettre le contenu et les métadonnées (date, heure, destinataires…), sauf si cela porte atteinte aux droits d’autrui.

Dans cette affaire, un salarié licencié avait demandé à récupérer ses e-mails. L’employeur avait refusé.
La Cour a considéré ce refus comme une violation du droit d’accès aux données personnelles, garanti par l’article 15 du RGPD.

Résultat : des dommages et intérêts à la clé.

Ce que cette décision rappelle :

  • La protection des données personnelles ne s’arrête pas à la porte de l’entreprise.
  • Une messagerie pro n’est pas un espace neutre : elle contient des traces, des preuves, des responsabilités.
  • Les directions RH, juridiques et conformité doivent anticiper ces demandes d’accès, avec des procédures claires et un encadrement rigoureux.

Une vigilance qui permet d’éviter des contentieux coûteux… et de protéger la réputation de l’entreprise.

Séjour à l’étranger et arrêt maladie

La Cour de cassation s’est récemment prononcée sur une question délicate :
Un salarié en arrêt maladie peut-il percevoir des IJSS s’il séjourne temporairement à l’étranger ?

Ce qu’il faut retenir :

  • L’autorisation du médecin traitant ne suffit pas.
  • L’assuré doit permettre à la CPAM de vérifier qu’il respecte ses obligations (repos, horaires, absence d’activité, etc.).
  • Si un séjour à l’étranger rend impossible ce contrôle, les IJSS peuvent être suspendues, même si ce voyage a été validé par le médecin traitant.

Cette solution découle de deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 5 juin 2025 :

  • Cass. civ. 2e, 5 juin 2025, n° 21-22162 FSB
  • Cass. civ. 2e, 5 juin 2025, n° 22-22834 FSBR

En résumé :
Dès lors que le séjour temporaire à l’étranger empêche la CPAM d’exercer ses contrôles – ce qui, en pratique, est généralement le cas – la caisse est en droit de suspendre le versement des IJSS, même si le médecin traitant a donné son accord.

Cette solution s’applique sous réserve des conventions internationales et des règlements européens.

À noter que le fondement juridique évolue :
L’article 37, alinéa 9 du règlement intérieur des CPAM, qui exigeait une autorisation préalable de la caisse pour quitter sa circonscription, a été déclaré illégal par le Conseil d’État (CE, 28 novembre 2024, n° 495040).

La Cour se fonde désormais sur les articles L. 323-6 et R. 323-12 du Code de la sécurité sociale, ainsi que sur l’article L. 160-7, pour asseoir son raisonnement.