Des limites de la protection du salarié protégé au titre d’un mandat extérieur à l’entreprise en cas de licenciement

La Décision du Conseil Constitutionnel n° 2012-242 QPC du 14 mai 2012 vient apporter un éclairage intéressant sur la procédure de licenciement d’un salarié titulaire de mandat extérieur à l’entreprise au sens de l’article L. 2411-18 du code du travail.

Le salarié qui a le titre de salarié protégé au titre d’un mandat exercé à l’extérieur de l’entreprise (et dont l’employeur n’a pas eu, de ce fait, nécessairement connaissance) ne peut se prévaloir de cette protection s’il n’en a pas informé son employeur au plus tard le jour de l’entretien préalable de licenciement.

 

Des Conséquences de la tolérance de l’employeur sur la consultation des sites pornographiques par les salariés

  • (mis à jour le 25/05/12)

Bien que la consultation de sites pornographiques sur le lieu de travail soit très souvent constitutive d’une faute grave, la Cour de Cassation accepte une exception :

La tolérance de l’employeur à l’égard de l’ensemble du personnel. 

La Cour de Cassation vient en effet de juger que le salarié qui avait utilisé l’ordinateur professionnel, de manière personnelle et abusive, pour consulter sur internet des sites à caractère pornographique et avait propagé un virus n’était pas fautif. ( Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 10 mai 2012 N° de pourvoi: 11-11060) 

La Cour de Cassation avait en effet constaté que bien que le taux de téléchargements en provenance de l’ordinateur était élevécette utilisation du matériel informatique professionnel en infraction au règlement intérieur était une pratique dans l’entreprise, qui existait même en l’absence du salarié.

En bref, regarder des sites porno sur son lieu de travail peut être interdit sur le papier ( le règlement intérieur) mais autorisé en pratique (lorsque la plupart des salariés y a recours)….

Il s’agit donc d’une tolérance créatrice de droit contre le règlement intérieur de la société… 

 

RAPPEL : Consulter des sites porno sur son lieu de travail = une faute grave

  • (mis à jour le 25/05/12)

Encore une décision sur la consultation de sites pornographiques sur le lieu de travail ! 

(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 10 mai 2012 N° de pourvoi: 10-28585)

Dans cette affaire, le directeur de deux établissements de l’association Perce-neige a été licencié le 17 janvier 2008 pour faute grave après mise à pied conservatoire.

Ce directeur avait utilisé de manière répétée pendant les heures de service les ordinateurs que son employeur avait mis à sa disposition pour l’exécution de sa prestation de travail en se connectant pendant les heures de service, au vu et au su du personnel, à des sites pornographiques sur internet.

Visiblement décomplexé, il avait saisi les juridictions prud’homales d’une demande de paiement de diverses indemnités au titre de la rupture.

Sans surprise, son licenciement pour faute grave est validé par la Cour de Cassation.

 

Un Fichier Informatique dénommé MES DOCUMENTS n’est pas un Fichier PERSONNEL du salarié

  • (mis à jour le 25/05/12)

Il est de jurisprudence constante que les fichiers créés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel. 

Il s’agit d’un présomption simple.

En effet, dès lors que le salarié identifie ses fichiers dans un dossier informatique intitulé PERSONNEL, la présomption disparaît et les fichiers sont clairement reconnus comme personnels.

Que se passe-t-il si le dossier s’intitule MES DOCUMENTS mais qu’il contient des pièces qui appartiennent à la vie privée du salarié?

La Cour de Cassation est très claire : L’employeur a parfaitement le droit d’ouvrir lesdits fichiers informatiques sans violer le respect au droit de la vie privée du salarié. (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 10 mai 2012 N° de pourvoi: 11-13884 Publié au bulletin Cassation partielle).

Dans l’arrêt précité, le salarié avait stocké sur son disque dur des fichiers pornographiques et des vidéos de salariés prises à leur insu.

Son licenciement a été justement prononcé pour faute grave pour avoir fait une utilisation détournée de son ordinateur professionnel en enregistrant des photos à caractère pornographique et des vidéos de salariés prises contre leur volonté. 

La Cour de Cassation retient : «  la seule dénomination « Mes documents » donnée à un fichier ne lui confère pas un caractère personnel » .

Dans ce cas, l’employeur peut ouvrir les fichiers hors la présence du salarié et en présence d’un huissier si nécessaire.

Refuser un changement de lieu de travail dans le même secteur géographique n’est pas une faute grave

  • (mis à jour le 24/07/12)

L’employeur a parfaitement le droit de modifier le lieu de travail de son salarié même en l’absence de clause de mobilité lorsque la modification a lieu dans le même secteur géographique.

Le salarié qui refuse un changement de lieu de travail dans le même secteur géographique est donc en tort.

L’employeur peut donc envisager de le licencier.

La Cour de Cassation précise que le licenciement doit alors intervenir pour CAUSE REELLE ET SERIEUSE et non pour FAUTE GRAVE.

(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 3 mai 2012 N° de pourvoi: 10-27152 ; Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 4 juillet 2012 N° de pourvoi: 11-14960)

Il ne s’agit pas d’un abandon de poste qui lui, est constitutif de faute grave.

 

Déplacement occasionnel imposé à un salarié en dehors de son secteur géographique habituel

Comment savoir si la mutation ou le déplacement imposé par l’employeur est licite?

Tout d’abord, il faut vérifier l’existence ou non d’une clause de mobilité dans le contrat de travail.

La clause de mobilité du contrat de travail n’est valable que si et seulement si elle :

– est acceptée par le salarié

– définit de façon précise sa zone géographique d’application et ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée. 

– ne porte pas atteinte au droit du salarié à une vie personnelle et familiale sauf si cette atteinte est justifiée par la tâche à accomplir et si elle est proportionnée au but recherché.

La Cour de Cassation invalide de nombreuses clauses de mobilités ne remplissant pas ces conditions cumulatives.

Récemment elle vient de juger qu’est nulle : une clause de mobilité prévoyant que le salarié s’engage à travailler sur les différents chantiers, présents et futurs, de son employeur au fur et à mesure des affectations qui lui seront données et qu’il effectuera tous les déplacements professionnels inhérents à son emploi, selon les instructions de son employeur. (Cour de cassation chambre sociale 3 mai 2012 N° de pourvoi: 11-10143 Non publié au bulletin Cassation partielle )

Dans la décision précitée la Cour de Cassation tranche une autre question : celle de la possibilité pour l’employeur d’imposer un déplacement occasionnel à son salarié.

La Haute juridiction précise que bien que la clause de mobilité du contrat de travail ne soit pas valable, l’employeur peut cependant sous certaines conditions imposer à son salarié un déplacement occasionnel. 

Dès lors l’affectation occasionnelle d’un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ou des limites prévues par une clause contractuelle de mobilité géographique peut ne pas constituer une modification de son contrat de travail.

Il n’en est ainsi que lorsque cette affectation:

– est motivée par l’intérêt de l’entreprise,

– qu’elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles,

– et que le salarié est informé préalablement dans un délai raisonnable ducaractère temporaire de l’affectation et de sa durée prévisible.

Ces conditions doivent être impérativement respectées. 

A défaut, l’employeur risque de voir le contrat résilié à ses torts comme dans l’arrêt précité qui retient la validité d’une prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur.(Cour de cassation chambre sociale 3 mai 2012 N° de pourvoi: 11-10143)

 

Fautes inexcusables : AREVA condamnée après la mort par cancer d’un salarié et RENAULT condamnée après plusieurs suicides

  • (mis à jour le 15/05/12)

La faute inexcusable est de plus en plus retenue par les juridictions en application de l’obligation de sécurité de résultat incombant à l’employeur.

Dans la presse d’aujourd’hui :

– Le Tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) de Melun a reconnu aujourd’hui « la faute inexcusable » du groupe Areva pour la mort d’un ancien employé d’une mine d’uranium de l’entreprise au Niger, décédé des suites d’un cancer du poumon

Selon le Nouvel observateur, le « TASS a fixé à environ 200.000 euros le montant des dommages et intérêts qui seront versés à la veuve de salarié. En mai 2011, la Cour d’appel de Versailles avait déjà condamné Renault pour « faute inexcusable », après le suicide d’un autre de ses salariés du site de Guyancourt, en 2006. »

– La Cour d’Appel de Versailles a reconnu hier « la faute inexcusable » de Renault à la suite du suicide d’un salarié. 

Selon le Figaro : 

Dans son arrêt, la 5ème chambre de la Cour d’appel de Versailles considère que « Renault n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver Hervé Tizon du danger auquel il était exposé en raison de la pénibilité avérée de ses conditions de travail et de la dégradation continue de celles-ci ».

La cour brocarde les supérieurs hiérarchiques du salarié qui « n’ont jamais réellement cherché à améliorer ses conditions de travail et n’ont jamais contrôlé ses horaires de travail », estimés par l’Inspection du travail à 10 à 12 heures par jour en janvier 2007, ce qui présentait « un caractère excessif« .

 

Contrat de travail d’une comédienne et du droit de priorité pour une tournée

Les décisions de la Cour de Cassation sur les contrats de travail des artistes comédiens ne sont pas légions.

Certaines méritent une attention toute particulière comme celle rendue par la Chambre sociale de la Cour de Cassation le 3 mai dernier (Cour de cassation chambre sociale 3 mai 2012 N° de pourvoi: 11-10501 Publié au bulletin ).

Dans cette affaire Mme X…, comédienne, a été engagée le 12 juin 2007 en vertu d’un contrat à durée déterminée par la Société nouvelle du théâtre de Marigny (la société Marigny) pour interpréter au théâtre Marigny le rôle d’Elvire dans la pièce Dom Juan.

Le contrat de travail prévoyait que l’artiste avait priorité de droit pour une éventuelle tournée.

Les conditions générales, notamment financières, devaient faire l’objet d’un contrat ultérieur avec le ou les producteurs de la tournée.

Les représentations au théâtre Marigny ont pris fin le 31 décembre 2007 .

Or une tournée ayant été organisée en septembre 2008 par une autre sociétésans la participation de Mme X…., celle-ci a saisi la juridiction prud’homale de demandes à l’encontre de la société Marigny.

Elle a obtenu gain de cause et s’est vue octroyer des dommages et intérêts.

La Cour de Cassation confirme la décision de la cour d’appel, qui a constaté que la société Marigny s’était engagée à ce que Mme X… bénéficie d’une priorité de droit sur son rôle pour une éventuelle tournée quel que soit le producteur, sans autres conditions

La société Marigny était tenue par un engagement s’analysant en une promesse de porte-fort.

Elle avait donc une obligation de résultat à l’égard de la comédienne !

Cette décision doit être approuvée car elle permet de rappeler la valeur d’un engagement contractuel.

 

Les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l’employeur

La clause du contrat de travail qui met à la charge du salarié les frais engagés par celui-ci pour les besoins de son activité professionnelle est illicite (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 3 mai 2012 N° de pourvoi: 10-24316 Non publié au bulletin Cassation partielle).

Cette solution repose sur une règle simple de droit du travail : les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l’employeur.

Ainsi, les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur, doivent lui être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est dueà moins qu’il n’ait été contractuellement prévu qu’il en conserverait la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire.

Cession d’entreprise : des conséquences de la suppression irrégulière d’une prime d’usage

Lorsque des primes sont versées à la suite d’un usage dans une entreprise, l’employeur peut toujours dénoncer cet usage.

Il doit alors respecter un délai suffisant de préavis pour dénoncer régulièrement ledit usage.

Le caractère suffisant du délai doit s’apprécier tant à l’égard des salariés auxquels l’avantage profite qu’à l’égard des institutions représentatives du personnel.

La Cour de Cassation vient de valider une prise d’acte de la rupture d’un contrat de travail aux torts de l’employeur qui avait dénoncé l’usage de versement de primes dans des conditions de délais insuffisantes(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 3 mai 2012 N° de pourvoi: 10-20738).

En l’espèce, un salarié engagé le 3 juin 1980 en qualité de chauffeur routier par la société Ortolan, avait régulièrement perçu diverses primes à compter du 1er octobre 1995.

A la suite du rachat de cette société, le nouvel employeur la société Olano logistique viande, estimant que ces primes étaient illégales, a, par lettre du 9 mars 2007, dénoncé auprès des salariés avec effet au 31 mars 2007, l’usage en vertu duquel elles étaient payées.

Estimant irrégulière la dénonciation de l’usage, le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail.

Les juridictions lui ont donné raison en retenant que les primes litigieuses restaient dues à la suite de la dénonciation irrégulière de l’usage.

Dès lors, le non-paiement des primes était un manquement suffisamment grave pour fonder la prise d’acte de la rupture.