La Femme de Chambre et le Téléphone

Eh oui, je reconnais que le titre de ce billet est énigmatique…la décision de la Cour de Cassation beaucoup moins.

Une fois n’est pas coutume, voici la décision in extenso de la Cour de cassationchambre sociale Audience publique du mardi 6 décembre 2011 N° de pourvoi: 10-20333 Non publié au bulletin Cassation 

« Sur le moyen unique : 

Vu les articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ; 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X…, engagée le 1er octobre 2002 par la société Best Western-hôtel George Sand en qualité de femme de chambre, a été licenciée pour faute grave le 30 décembre 2004 ; 

Attendu que pour dire que le licenciement de Mme X… repose sur une faute grave et la débouter de ses demandes en paiement d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts, l’arrêt retient qu’elle avait été surprise en train de téléphoner à destination du Cameroun depuis une chambre inoccupée et que des appels au même numéro avaient été passés au cours du mois précédent ce qui avait contraint le client concerné à contester la facturation qui lui avait été imputée à tort 

Qu’en statuant ainsi, alors que l’utilisation épisodique du téléphone d’une chambre inoccupée pour des appels à l’étranger par une femme de chambre ne rendait pas impossible son maintien dans l’entreprise et ne constituait pas une faute grave, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; 

PAR CES MOTIFS : 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 septembre 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée « 

Licenciement : attention à l’excès de pouvoir de l’expert comptable

mise à jour 24/05/2017

La Cour de Cassation est parfois saisie de situations tellement illicites que le juriste averti ne peut que s’interroger sur les raisons pour lesquelles les juridictions du fond n’ont pas tranché le litige conformément aux règles légales.

L’arrêt de la chambre sociale du mercredi 7 décembre 2011 N° de pourvoi: 10-30222 en est un exemple frappant .

Dans cette affaire, le salarié avait été convoqué à un entretien préalable au licenciement par lettre signée du cabinet d’expertise comptable de l’entreprise.

Le gérant de l’entreprise avait bien réalisé en personne l’entretien mais la lettre de licenciement avait été également signée et adressée par l’Expert Comptable.

La Cour d’appel d’Angers par décision du 24 novembre 2009 n’y avait vu qu’une irrégularité de forme.

Fort heureusement, la Cour de Cassation casse cette décision et rappelle qu en application de L. 1232-6 du code du travail, la finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour conduire la procédure de licenciement jusqu’à son terme.

Par conséquent, le Cabinet d’Expertise comptable étant une personne étrangère à l’entreprise, il ne pouvait conduire la procédure de licenciement ce dont il résultait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Un cas d’école ?

Pas si sur…voici un nouveau cas (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 avril 2017, 15-25.204, Publié au bulletin)

contrat de cession de droits sociaux et protection du cédant salarié en cas de licenciement

La Cour de cassation en sa chambre sociale par arrêt du 1 décembre 2011 N° de pourvoi: 10-26064 traite d’une situation fréquente dans les TPE et PME : la protection du cédant de droits sociaux qui reste salarié dans l’entreprise.

En l’espèce, le Chef d’entreprise, associé avait cédé ses actions à un repreneur qui s’était engagé dans le contrat de cession d’actions à le salarier.

Pour se prémunir d’un éventuel licenciement intempestif, le cédant avait exigé qu’une clause du contrat de cession ( contrat commercial) prévoit qu’il ne pourrait être licencié qu’après consultation et vote du comité éditorial.

Quelques temps plus tard, le repreneur, faisait fi de ses engagements et licenciait le cédant devenu salarié sans consulter le comité éditorial.

La Cour de Cassation était interrogée sur le point de droit suivant : La non consultation du comité éditorial constitue-elle une irrégularité de forme ou rend-elle le licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

La décision de la Haute juridiction est limpide :

« lorsqu’une convention de cession d’actions à laquelle intervient l’employeur, prévoit que le cédant deviendra salarié de la société dont les titres sont cédés et que son licenciement, avant sa notification, devra être soumis à un vote de consultation du comité éditorial, le salarié est en droit de se prévaloir de cette clause dont le non respect rend son licenciement sans cause réelle et sérieuse ».

Il ne s’agissait donc pas d’un nullité de forme mais bien d’une nullité de fond.

 

Des dérapages du CE de la RATP

  • (mis à jour le 12/12/11)

La Cour des Comptes vient de publier un rapport accablant pour les élus des Comités d’établissement et du Comité Central d’entreprise de la RATP qu’elle a intitulé : « Les dysfonctionnements du comité d’entreprise de la RATP « .

Le Comité d’Entreprise de la RATP (près de 46000 salariés) bénéficie de fonds très importants.

On peut lire dans le rapport de la Cour des comptes que pour exercer ses missions, le comité d’entreprise bénéficie d’une subvention annuelle de l’employeur dont le montant est fixé à 3,11 % de la masse salariale de la RATP (2,81 % pour la mission de gestion des activités sociales et culturelles et 0,3 % pour la mission d’information et de consultation des salariés)soit 53 Millions d’euros en 2009.

Voilà de quoi faire tourner bien des têtes ….

Le rapport de la Cour des Comptes pointe de nombreuses infractions pénales et La Cour a même saisi la Juridiction Pénale.

Je vous livre quelques extraits du rapport qui sont édifiants: Continuer la lecture de Des dérapages du CE de la RATP

Le budget des activités sociales et culturelles du CE

  • (mis à jour le 12/12/11)

Le budget des activités sociales et culturelles contrairement au budget de fonctionnement n’est pas fixé proportionnellement à la masse salariale.

Le Code du Travail prévoit seulement : 

–> que la contribution versée au titre des activités sociales et culturelles du Comité d’Entreprise par l’entreprise ne soit pas inférieure au total le plus élevé des sommes affectées aux dépenses sociales de l’entreprise atteint au cours des trois dernières années à l’exclusion des dépenses temporaires.

–> utilisation du budget

Le budget des activités sociales ne peut servir qu’à financer des activités sociales et culturelles et en aucun cas ne peut servir à financer des actions syndicales.

Les activités sociales et culturelles du CE doivent être celles qui ne sont pas prises en charge légalement par l’employeur.

Ces activités sociales et culturelles doivent avoir pour objet l’amélioration des conditions de vie et de travail des salariés, anciens salariés et membres de sa famille.

A titre d’exemple, cela peut donc être :

– des aides à la protection sociale, 

– des activités éducatives et culturelles, 

– de l’aide à l’emploi à des emplois familiaux, 

– du devoir de secours, 

– de la mise en place d’une cantine, 

– de pot de fin d’année, 

L’action syndicale ne doit pas se confondre avec les activités sociales et culturelles.

Ainsi les frais de déplacements de salariés pour participer à une manifestation pour leur syndicat ne doivent pas entrer dans les activités sociales et culturelles ni les frais de dégrèvement pour faire une grève.

Enfin, il faut retenir que les activités sociales et culturelles doivent bénéficier à l’ensemble du personnel sans discrimination, c’est à dire sans distinction, tenant à la personne ou la catégorie professionnelle, au rang social ou à la filiation syndicale du salarié.

A titre d’exemple, le Comité d’Entreprise ne peut valablement décider d’exclure de l’arbre de Noêl certains salariés qui n’ont pas le coefficient.

Par contre, si le Comité d’Entreprise ne peut exclure systématiquement certains salariés, il est en droit de faire une différence quant à la participation aux prestations en fonction de la situation du bénéficiaire, de ses besoin et de ses revenus.

–> utilisation illicite du budget 

Le fait de ne pas utiliser la budget conformément aux prescriptions de la Loi est susceptible de constituer une infraction pénale : le délit d’abus de confiance. 

La jurisprudence a toujours considéré que le Comité d’Entreprise était le seul à pouvoir se plaindre si des utilisations abusives de la subvention de fonctionnement devaient être soulevées par les membres du Comité d’Entreprise.

Ainsi ni l’entreprise ni les salariés qui ne subissent pas un préjudice direct de la mauvaise utilisation par les membres du Comité d’Entreprise du budget de fonctionnement.

Les membres du Comité d’Entreprise peuvent également agir en justice devant le Tribunal de Grande Instance en vue de demander l’annulation de la délibération par laquelle le Comité d’Entreprise a décidé d’affecter une partie de son budget à une mauvaise activité.

Ils peuvent saisir le Tribunal afin qu’il interdise au Comité d’Entreprise d’engager des dépenses et ordonne la réintégration des sommes dans le budget de fonctionnement si la dépense a été engagée dans ce sens.

Le budget de fonctionnement du CE

  • (mis à jour le 12/12/11)

L’employeur doit verser au Comité une subvention de fonctionnement d’un montant de 0,2 % de la masse salariale brute, cette subvention s’ajoute à celle versée par l’employeur pour les activités sociales et culturelles du Comité d’Entreprise.

* Comment s’utilise ce budget de fonctionnement ?

Il doit être utilisé pour le fonctionnement du Comité d’Entreprise,notamment:

– les frais courants de fonctionnement, 

– les fournitures de bureaux, 

– les frais de communication,

– les frais de téléphone, fax,

– les frais postaux, les charges sociales des personnes travaillant pour le Comité d’Entreprise à titre permanent ou temporaire, 

– les dépenses des prestataires de service auquel le Comité a recours par exemple pour les imprimeries, pour des enregistrements de réunion,

– les frais de déplacements des membres du Comité d’Entreprise.

Il comprend également :

– les dépenses liées à la réalisation d’étude ou d’expertise, par exemple, les frais d’Expert comme les frais d’Avocats, 

– les frais de conseils en toutes matières économiques, 

– les frais de documentation,

– les frais de campagne d’informations.

– les frais de formations des membres du Comité d’Entreprise, entendus au sens large, c’est à dire qui comprennent les frais d’enseignement, de déplacements, d’hébergement et de restauration.

En aucun cas, le budget de fonctionnement ne doit servir à financer les activités sociales et culturelles.

* Quelles sont les sanctions au fait de ne pas utiliser le budget de fonctionnement à ses fins ?

Le fait de ne pas utiliser la subvention du fonctionnement dont le Comité d’Entreprise est doté conformément aux prescriptions de la Loi est susceptible de constituer une infraction pénale : le délit d’abus de confiance. 

Il a déjà été jugé que des membres d’un Comité d’Entreprise qui avaient fait prendre en charge par le budget de fonctionnement les frais de voyage et les frais de repas personnels avaient commis un abus de confiance.

La jurisprudence a toujours considéré que le Comité d’Entreprise était le seul à pouvoir se plaindre si des utilisations abusives de la subvention de fonctionnement devaient être soulevées par les membres du Comité d’Entreprise.

Ainsi ni l’entreprise ni les salariés qui ne subissent pas un préjudice direct de la mauvaise utilisation par les membres du Comité d’Entreprise du budget de fonctionnement.

Les membres du Comité d’Entreprise peuvent également agir en justice devant le Tribunal de Grande Instance en vue de demander l’annulation de la délibération par laquelle le Comité d’Entreprise a décidé d’affecter une partie de son budget à une mauvaise activité.

Ils peuvent saisir le Tribunal afin qu’il interdise au Comité d’Entreprise d’engager des dépenses et ordonne la réintégration des sommes dans le budget de fonctionnement si la dépense a été engagée dans ce sens.

* Que se passe t’il si le Comité d’Entreprise n’a pas utilisé l’intégralité de son budget de fonctionnement ?

Il peut soit le reporter d’une année à une autre en se constituant une épargne, soit effectuer des placements financiers.

Quand la non révélation d’un vol constitue une faute grave

Voici une décision de la Chambre sociale de la Cour de Cassation du 1 décembre 2011 N° de pourvoi: 09-71204 fort critiquable en ce qu’elle reconnait l’existence d’une faute grave d’un salarié qui n’avait pas dénoncé un vol dont il avait été témoin et admet que le silence gardé par le salarié est fautif.

Elle décide en effet : « Attendu, ensuite, qu’ayant relevé que le salarié, avec et au même titre que d’autres salariés licenciés pour le même motif, avait omis de porter immédiatement à la connaissance de l’employeur des faits de vol dont il avait été témoin et oeuvré pour empêcher leur révélation, a pu décider, sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la violation par le salarié de son obligation contractuelle de loyauté envers l’employeur était d’une importance telle qu’elle rendait impossible son maintien dans l’entreprise et constituait une faute grave  » 

Cette décision me semble contestable car elle tend à favoriser dans l’entreprise un esprit de délation dont l’Histoire nous a pourtant appris les dangers…..

harcèlement sexuel : la tolérance de l’employeur ne crée pas de droit

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Cela implique qu’il doit protéger les salariés de son entreprise, victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail ou à l’occasion de celui-ci.

L’article L. 1153-1 du code du travail, rappelle que caractérisent un harcèlement sexuel, les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers.

La Cour de Cassation par arrêt de sa chambre sociale du 1 décembre 2011 N° de pourvoi: 10-18920 confirme que le fait que l’employeur n’ait pas sanctionné par le passé le salarié pour des faits identiques n’empêche pas le licenciement pour faute grave du harceleur.

L’attendu de l’arrêt est le suivant : »le salarié avait eu à l’égard de plusieurs salariées et en dépit de leurs remarques et protestations des attitudes et des propos déplacés dans le but manifeste d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, la cour d’appel a, quelle qu’ait pu être l’attitude antérieure de l’employeur, tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs,caractérisé un harcèlement sexuel « .

CADRE DIRIGEANT: contrat de travail écrit ou oral

mis à jour le 16 juillet 2018

Les CADRES DIRIGEANTS ne sont pas soumis à la législation relative à la durée de travail c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas prétendre au paiement d’heures supplémentaires même s’ils travaillent les weekends et les jours fériés. 

Les CADRES DIRIGEANTS ne bénéficient que des dispositions relatives aux congés annuels , aux congés maternité ou pour événements familiaux, aux congés non rémunérés et au compte épargne -temps. 

La qualité de CADRE DIRIGEANT est reconnue aux salariés qui cumulent les conditions suivantes : 

– des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, 

– être habilité à prendre des décisions de façon largement autonome 

– percevoir une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés pratiqués par l’entreprise ou son établissement. 

(voir Cour de cassation chambre sociale 31 mai 2011 N° de pourvoi: 10-10257)

Il n’est pas nécessaire que le contrat de travail résulte d’un document écrit ni que le contrat de travail prévoit expressément le statut de cadre dirigeant.

En effet, la Cour de Cassation vient de rappeler que l’absence d’un contrat écrit n’est pas de nature à exclure la qualité de cadre dirigeant. (Cour de cassation chambre sociale 30 novembre 2011 N° de pourvoi: 09-67798 10-17552 Publié au bulletin Rejet ; ) (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 mai 2018, 16-25.557, Publié au bulletin)

Sauf si la convention collective exige un document contractuel mentionnant les modalités d’exercice des responsabilités justifiant le forfait sans référence horaire.(Cour de Cassation en sa chambre sociale le 6 avril 2011 N° de pourvoi: 07-42935)

Il n’est pas non plus nécessaire que le salaire du cadre soit au niveau hiérarchique le plus élevé de la classification conventionnelle.(Cour de cassation chambre sociale 30 novembre 2011 N° de pourvoi: 09-67798 10-17552 Publié au bulletin Rejet)

Faute grave : la pornographie et la zoophilie au bureau

Regarder un site pornographique ou zoophile au travail, ce n’est pas comme prendre un café ou faire une pause cigarette.

La Cour de Cassation vient d’en donner une nouvelle illustration dans un arrêt de sa chambre sociale en date du 23 novembre 2011 N° de pourvoi: 10-30833.

Dans cette affaire un salarié, manifestement décomplexé, avait l’habitude de se connecter sur son lieu de travail sur des sites pornographiques et zoophiles.

Il n’hésitait pas à laisser des traces sur la toile en communiquant son numéro de téléphone professionnel.

Certaines associations de défense des animaux avaient alerté l’employeur et déposé plainte pour maltraitance.

Sans surprise, le salarié fut licencié par son employeur pour faute grave.

la Cour de Cassation confirme la décision de la Cour d’Appel qui avait refusé le recours du salarié en ces termes : 

« le salarié avait négligé ses fonctions en passant le plus clair de son temps de travail, pendant la période analysée du 7 au 23 mai 2007, à se connecter à des sites à caractère pornographique et zoophile et avait mis en ligne le numéro de son téléphone mobile professionnel sur de tels sites faisant ainsi courir un risque tangible à l’image de la société, (…)

De tels agissements rendaient impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et constituaient une faute grave « .

Il faut rappeler que l’utilisation de l’internet de l’entreprise ou du téléphone professionnel à des fins personnelles peut justifier un licenciement pour faute grave, surtout lorsque le travail du salarié est délaissé ou que l’image de l’employeur peut être atteinte.

Avocat à la Cour D'appel de Paris – droit du travail et droit des affaires – Expert SYNTEC- BETIC-CINOV