Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Des dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien

mis à jour 15/03/2022

Si le salarié ne bénéficie pas de son droit à repos quotidien d’au mois 11 heures, il peut obtenir des dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien, aussi appelé indemnité pour pour non-respect du repos quotidien.

IMG_20140506_101421Pour mémoire, ce droit à repos est prévu non seulement par le droit français mais également par le droit européen.

Il suffit que le salarié saisisse la juridiction prud’homale d’une demande de dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien pour que sa demande soit examinée.

L’employeur peut contester la demande du salarié.

Il faut noter que  le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation. (Cour de Cassation chambre sociale 26 janvier 2022, Pourvoi n° 20-21.636 )

Néanmoins, la Cour de Cassation rappelle  que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 février 2015, 13-19.606, Inédit ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 février 2015, 13-19.605, InéditCour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 17 octobre 2012 N° de pourvoi: 10-17370 Publié au bulletin ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 septembre 2016, 14-15.604 14-29.215, Inédit ).

C’est un renversement de la charge de la preuve dont l’employeur ne peut absolument pas se défaire. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 mai 2013, 12-13.015, Inédit)

Rappelons également que ce défaut de respect des règles relatives au repos quotidien de onze heures caractérise une atteinte aux intérêts collectifs de la profession et peut également donner lieu à l’allocation de dommages et intérêts aux syndicats. Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 mai 2013, 12-13.015, Inédit).

Impossible de licencier pour motif économique un salarié en arrêt de travail à la suite d’un accident du travail

Il n’est pas possible de licencier pour motif économique un salarié en arrêt de travail à la suite d’un accident du travail sur ce seul motif. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 février 2015, 13-21.820, Inédit).

Le salarié dont le contrat est suspendu à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est protégé contre le licenciement économique intempestif .

IMG_20140923_122328Dans l’affaire précitée, M. X… a été engagé le 17 janvier 2005 par la société M2I en qualité de directeur commercial.

Ce salarié a été licencié pour motif économique le 13 mars 2008, alors qu’il se trouvait en arrêt de travail à la suite d’un accident du travail.

Son employeur a eu tort.

La Cour de Cassation rappelle les dispositions de l’article L1226-9 du code du travail qui prévoit : « Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie. »

Or il est de jurisprudence constante que « l’existence d’un motif économique de licenciement ne caractérise pas, en lui-même, l’impossibilité de maintenir, pour un motif non lié à l’accident ou à la maladie, le contrat de travail d’un salarié suspendu par l’arrêt de travail provoqué par un accident du travail ou une maladie professionnelle ».

Du danger des SMS sur le portable professionnel

Les messages écrits (« short message service » ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel. ( Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 10 février 2015, 13-14.779, Publié au bulletin , arrêt rendu après avis de la Chambre sociale)

IMG_20140331_121009Cette décision s’inscrit dans la ligne traditionnelle de la jurisprudence de la Cour de Cassation sur les moyens technologiques mis à la disposition du salarié par l’employeur.

Dès lors l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels.

L’utilisation par l’employeur desdits SMS non identifiés comme personnels, ne peut être assimilée à l’enregistrement d’une communication téléphonique privée effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués.

C’est là que le bât blesse !

Comment identifier un SMS comme un SMS personnel ? 

Dans l’affaire précitée, cette question avait été posée à la Cour de Cassation.

La Cour de Cassation élude la question…. 

Elle se contente de retenir  la possibilité de la production en justice des messages n’ayant pas été identifiés comme étant personnels par le salarié .

Certes certains téléphones permettent de classer les SMS dans des sous-dossiers que l’on peut intituler « personnel » mais ce n’est pas le cas de tous les modèles de portables.

De plus, il faut penser à ranger systématiquement  lesdits SMS reçus et envoyés directement dans ledit sous-dossier.

Par prudence, il vaut mieux retenir que les SMS sur les téléphones professionnels sont a proscrire pour toute conversation personnelle et confidentielle.

 

Licenciement économique : la limite de l’obligation de reclassement

Quelle que soit l’entreprise, il n’est pas possible de procéder à des licenciements économiques sans avoir au préalable tenté de reclasser le ou les salariés.

Néanmoins, cette obligation connait une limite : la compétence du salarié.

L’employeur a-t-il l’obligation de faire suivre une formation à son salarié pour lui offrir un poste vacant dans l’entreprise mais pour lequel le salarié n’a pas la compétence ?

La Cour de Cassation distingue deux situations différentes :

soit la formation nécessaire est une formation d’adaptation des compétences du salarié à ce nouveau poste et dans cette hypothèse l’employeur doit y souscrire. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 juillet 2009, 08-40.414, Inédit)

soit la formation nécessaire est totalement différente du métier du salarié et dans ce cas, l’employeur n’a aucune obligation de proposer le poste au salarié.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 janvier 2015, 13-25.613, Inédit)

Cette décision n’est pas nouvelle, 

La Cour de Cassation avait déjà jugé que si l’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leur emploi, au besoin en leur assurant une formation complémentaire, il ne peut lui être imposé d’assurer la formation initiale qui leur fait défaut. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 juillet 2014, 13-13.876, Publié au bulletin)

Exemple de mauvaise foi dans la dénonciation du harcèlement moral

Comme je l’ai rappelé dans plusieurs articles de ce blog, en principe nul ne peut être licencié pour avoir dénoncer des faits de harcèlement moral sauf s’il a agi de mauvaise foi.

En ce début d’année 2015, la Cour de Cassation vient de donner un exemple d’une dénonciation de mauvaise foi du harcèlement moral par un salarié. ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 janvier 2015, 13-22.378, Inédit ).

Dans cette affaire, une salariée  a dénoncé à l’encontre de son supérieur hiérarchique, de façon réitérée, de multiples faits de harcèlement moral.

IMG_20140506_101119La Cour relève  que les seuls faits qui étaient établis et de nature à laisser présumer l’existence d’un harcèlement étaient justifiés par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement et que le syndrome anxio-dépressif, en l’absence de constatations médicales antérieures au licenciement, était insuffisant à caractériser une situation de harcèlement moral.

Elle ajoute que le symptôme dépressif  s’expliquait par des problèmes d’ordre personnel de la salariée.

Il n’y avait donc pas harcèlement moral.

Pourtant la salarié avait persisté dans ses accusations.

La Cour de Cassation caractérise alors la mauvaise foi de la salariée .

En effet, après étude des accusations de la salariée, il est apparu que les faits de harcèlement moral invoqués par la salariée étaient inexistants  ne reposant, pour la grande majorité d’entre eux, sur aucun élément et dont elle s’est d’ailleurs avérée incapable de préciser la teneur, qu’il s’agisse des faits ou des propos dénoncés.

En réalité, la salarié formulait des accusations  graves,  réitérées, voire calomnieuses et objectivement de nature à nuire à leur destinataire ainsi qu’à l’employeur , en des termes généraux.

Certes , l’absence de harcèlement moral ne suffit pas à justifier le licenciement pour faute grave.

Mais des accusations calomnieuses injustes allant au-delà de la désinvolture et qui s’inscrivent dans une campagne de déstabilisation du supérieur hiérarchique, mais aussi de l’employeur, stigmatisé pour ne pas mettre fin à la prétendue situation de harcèlement peuvent justifier le licenciement pour faute grave.

Licenciement économique : l’offre de reclassement doit être ferme

Les offres de reclassement proposées au salarié dont l’employeur envisage le licenciement économique doivent être écrites et précises au sens de l’article L1233-4 du code du travail.

Ces offres doivent être des offres fermes, c’est à dire que la simple acceptation du salarié doit suffire à former le nouveau contrat de travail. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 janvier 2015, 13-23.440, Inédit)

IMG00176-20100722-1704Dès lors, si l’employeur propose un emploi soumis à un autre aléa  que l’acceptation du salarié, il ne remplit pas son obligation de reclassement loyalement.

Dans l’affaire précitée, les offres de reclassement adressées aux salariés précisaient que le recrutement devait être validé par le responsable recrutement pour la France du groupe et le manager du département concerné.

La Cour de Cassation comme la Cour d’Appel en ont exactement déduit que ces offres, qui n’étaient pas fermes et ne garantissaient pas le reclassement effectif du salarié en cas d’emploi disponible dans le groupe, ne répondaient pas aux exigences légales .

Contrepartie de la clause de non concurrence et cessation d’activité de l’entreprise

La cessation d’activité  de l’employeur, postérieurement à la rupture du contrat de travail, n’a pas pour effet de décharger le salarié de son obligation de non-concurrence.

IMG_20140923_122328Dès lors le salarié qui respecte son obligation de non concurrence est en droit de percevoir la contrepartie financière prévue par la clause, même si l’entreprise n’existe plus.

Dans ce cas, il fera sa demande soit auprès d’un mandataire ad hoc, d’un liquidateur ou des AGS.

Ainsi tant que le salarié n’a pas été libéré de son obligation par l’employeur, il peut réclamer le paiement de la contrepartie financière au prorata de la durée d’exécution de l’obligation de non-concurrence. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 janvier 2015, 13-26.374, Publié au bulletin)

Cette décision est très favorable aux salariés et part du principe que le salarié qui respecte un engagement privatif de sa liberté de travail doit impérativement bénéficier d’une contrepartie financière.

Elle va  donc inciter  les rédacteurs des contrats de travail à un ajout dans le contenu de la clause de non concurrence :  limiter la durée de la clause de non concurrence à une durée précise maximale qui ne pourrait être réduite que dans l’hypothèse d’une cessation d’activité de l’entreprise.

Cette clause acceptée par les deux parties aurait donc valeur contractuelle mais serait-elle valable ?

Je serai fort intéressée de connaitre la position de la Cour de Cassation sur la validité d’une telle clause…

Pour mémoire, une clause de non concurrence doit  :

– être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise,

– tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié, 

– prévoir une contrepartie financière,

– être limitée dans le temps,

– être limitée dans l’espace.

Zoom 2015 sur la durée des contrats à temps partiel

 PRINCIPE

La durée minimale d’un contrat de travail à temps partiel est fixée à :

  • IMG_209524 heures par semaine,

(ou la durée mensuelle équivalente, ou la durée équivalente en cas de répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année.)

EXCEPTIONS pour lesquelles la durée minimale légale ne s’applique pas

  1. Si le contrat de travail a été signé avant le 1er juillet 2014, le respect de la durée minimale légale n’est pas obligatoire.
  1. Si le salarié a signé un CDD de 7 jours maximum. 
  1. Si le salarié est employé directement par un particulier. 
  1. Si le salarié est âgé de moins de 26 ans et poursuit ses études.

 

Dans ce cas, il n’est pas obligatoire de regrouper ses horaires de travail sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes. 

  1. – si le salarié signe un CDD ou un contrat de travail temporaire pour remplacer un salarié absent. 
  1. – Si une convention ou un accord de branche étendu fixe une durée de travail inférieure à 24 heures par semaine (ou une durée équivalente).

Néanmoins l’accord ou la convention doit prévoir des garanties obligatoires suivantes :

  • la mise en œuvre d’horaires réguliers (les horaires de travail du salarié doivent être regroupés sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes),
  • la possibilité pour le salarié de cumuler plusieurs activités, afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou à un temps partiel au moins égal à 24 heures par semaine (ou durée équivalente).
  1. – S’il s’agit d’un salarié en insertion dans les cas suivants :
  2. – Le salarié demande expressément à travailler moins de 24 heures hebdomadaires (ou que la durée équivalente), dans l’un des cas suivants :
  • il travaille dans une entreprise temporaire d’insertion ou dans une association intermédiaire,
  • et son parcours d’insertion justifie qu’il travaille moins de 24 heures par semaine (ou la durée équivalente).
  • soit pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles,
  • soit pour lui permettre de cumuler plusieurs activités, afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou à un temps partiel au moins égal à 24 heures par semaine (ou durée équivalente).

La demande du salarié doit être écrite et motivée.

Les horaires de travail du salarié doivent être regroupés sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes.

Dans ce dernier cas, le salarié qui bénéficie d’une dérogation à la durée minimale de 24 heures hebdomadaires (ou à la durée prévue par convention ou accord de branche étendu) peut souhaiter mettre fin à cette dérogation. (Ordonnance n° 2015-82 du 29 janvier 2015 relative à la simplification et à la sécurisation des modalités d’application des règles en matière de temps partiel issues de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi)

Dans ce cas, le salarié bénéficie d’une priorité d’accès à un emploi de même catégorie professionnelle ou équivalent. L’employeur lui transmet la liste des emplois disponibles correspondants.

Ainsi, l’employeur peut refuser de mettre fin à la dérogation uniquement en l’absence de poste disponible.

Les conventions de forfait jours dans la Banque préservées

Comme la plupart de mes lecteurs ont pu le constater, la validité les conventions de forfait jours m’intéressent toujours autant et c’est la convention collective des banques qui a à son tour été examinée fin décembre 2014 par la Cour de Cassation.

Une fois n’est pas coutume, l’accord sur l’aménagement du temps de travail dans le secteur bancaire trouve grâce auprès de la Cour de Cassation.

Cette dernière retient en effet que :

Les dispositions de l’accord d’aménagement et de réduction du temps de travail dans le secteur des banques du 29 mai 2001 imposant notamment à l’employeur de veiller à la surcharge de travail et d’y remédier répondent aux exigences relatives au droit à la santé et au repos,  de sorte qu’est assuré le contrôle de la durée maximale raisonnable de travail. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 décembre 2014, 13-22.890, Publié au bulletin).

Cependant pour mémoire, la Cour de Cassation a déjà invalidé des conventions de forfaits jours dans 8 conventions collectives très répandues :

– celle du notariat,

– celle de la convention collective de l’industrie chimique, (industries chimiques)

celle des aides familiales rurales et personnel de l’aide à domicile en milieu rural,

– celle de la convention collective du commerce de gros,

– celle de  la convention collective Syntec , CINOV ou bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils,

– celle du BTP, 

– celle des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes,

– celle de l’ hospitalisation privée à but lucratif.

 

Quand la visite médicale de reprise est inopposable à l’employeur

Des visites médicales de reprise du travail sont obligatoires :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.

Il appartient à l’employeur de prendre l’initiative desdites visites médicales de reprise. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 janvier 2011, 09-68.544, Publié au bulletin)

Néanmoins, lorsque l’employeur est défaillant dans son obligation, le salarié peut  exiger la mise en place de cette visite soit auprès de son employeur, soit auprès du médecin du travail.

Dans ce dernier cas, il doit impérativement avertir au préalable l’employeur de cette demande.

A défaut, la visite médicale et l’avis d’inaptitude en  résultant  ne seront pas opposables à l’employeur. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 janvier 2015, 13-20.126, Inédit ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 janvier 2015, 13-21.281, Inédit