Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Naissance d’un nouveau motif de discrimination prohibée : le lieu de résidence

Un nouveau motif de discrimination sera bientôt inséré dans le code du travail : il s’agit du lieu de résidence

L’article L. 1132-1 du code travail ajoutera aux inderdictions de disciminations existantes, la discrimination par  le lieu de résidence (c. trav. art. L. 1132-1 modifié).

Un article L. 1133-5 sera créé dans le code du travail, afin que les mesures favorables aux personnes résidant dans certaines zones géographiques et visant à favoriser l’égalité de traitement ne soient pas considérées comme discriminatoires.

L’Assemblée Nationale a adopté définitivement le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine incluant cette nouveauté dans son article 15.

La publication de la loi devrait intervenir prochainement à moins que le Conseil Constitutionnel n’exige des modifications…

Harcèlement moral : des actions possibles par les héritiers du salarié décédé en cours de procédure

Lorsqu’un salarié décède alors qu’il avait saisi le Conseil de Prud’hommes, l’instance prud’homale peut être reprise par les ayants-droit de celui-ci, c’est à dire ses héritiers.

La Cour de Cassation précise que l’action ayant été transmise aux ayants-droit du défunt, ils peuvent poursuivre les demandes et même ajouter des demandes nouvellesrelatives au préjudice subi par la personne décèdèe.

Ainsi il est possible aux héritiers de formuler des demandes relatives au préjudice subi du fait du harcèlement moral subi par le salarié lorsqu’il était en vie. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 février 2014, 12-28.571, Publié au bulletin ).

En outre, si le salarié avait demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et que les juridictions l’octroyent, la date d’effet de la résiliation de ce contrat de travail sera fixée au jour du décès.

Illicéité d’une clause contractuelle qualifiant par avance un fait de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il faut être prudent dans la rédaction des clauses du contrat de travail.

Voici un nouvel exemple.

M. X… a été employé par la société Dehan à compter du 15 août 2005 en qualité d’employé commercial, prospecteur, vendeur.

Par suite de la suspension de son permis de conduire pour excès de vitesse commis au volant de son véhicule de fonction durant un déplacement privé, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 22 mai 2008.

La lettre de licenciement se référait à l’article 10 de son contrat de travail qui prévoyait que le retrait de permis de conduire constituerait une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La Cour de Cassation profite de cette affaire pour juger que : 

-la lettre de licenciement fixe les termes et les limites du litige,

-et qu’aucune clause contractuelle ne peut valablement décider qu’une circonstance quelconque constituera en elle-même une cause de licenciement. ((Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 février 2014, 12-11.554, Publié au bulletin)

La Haute juridiction refuse la validité du licenciement sur ce seul motif(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 février 2014, 12-11.554, Publié au bulletin)

Attention cependant cette décision ne signifie pas que le salarié qui s’est vu retirer son permis de conduire à la suite d’infractions au code de la route commises en dehors de l’exécution de son contrat de travail, ne peut être licencié pour cause réelle et sérieuse.

Cependant, il n’est pas possible de prévoir dans le contrat de travail, qu’une circonstance quelconque constituera en elle-même une cause réelle et sérieuse de licenciement. 

SYNTEC : le versement de la prime de vacances n’est pas lié à la classification du salarié

mise à jour 26 juin 2023

La prime de vacances prévue par l’article 31 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseil, dite SYNTEC continue d’alimenter les contentieux.

La convention collective ne prévoit pas de différence entre les salariés pour l’attribution de ladite prime.

La Cour de Cassation rappelle donc à juste titre que le versement de la prime de vacances n’est pas lié à la classification du salarié . (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 décembre 2013, 12-19.555, Inédit ;Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 décembre 2013, 12-19.553, Inédit , Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 décembre 2013, 12-19.554, Inédit Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 décembre 2013, 12-19.556, Inédit ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 décembre 2013, 12-19.551, Inédit )

Je profite de cet article pour vous rappeler que la convention collective SYNTEC prévoit que « Toute prime ou gratification qui est versée en cours d’année, peut constituer cette prime de vacances, mais elle doit être versée entre le 1er mai et le 31 octobre. » 

Il faut noter qu’un avenant n°46 en date du 16 juillet 2021  étendue a refondu la convention collective en faisant désormais apparaitre des modifications sur la prime de vacance et notamment la possibilité d’en bénéficier prorata temporis. (position contraire à la jurisprudence actuelle de la Cour de Cassation )

Il s’agit du nouvel article 7.3 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils, sociétés de conseils.

SYNTEC : des modalités spécifiques de la rupture de la période d’essai

IMG_20140331_130251L’article 14 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (Syntec) du 15 décembre 1987 prévoit que la rupture de la période d’essai est soumise à un préavis.

Est-il possible de déroger à cette disposition conventionnelle par une clause contraire dans le contrat de travail ?

La Cour de Cassation répond par la négative.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 novembre 2013, 12-23.740, Inédit )

Le préavis donne droit au salarié de s’absenter pour la recherche d’un emploi dans les conditions fixées à l’article 16.

Le salarié sera payé au prorata du temps passé pendant la période d’essai.

SYNTEC : Droits du salarié expatrié à l’assurance contre le risque vieillesse de la sécurité sociale

IMG_20140331_121154L’employeur d’un salarié exerçant son activité hors de France dans des conditions lui conférant la qualité de travailleur expatrié au sens de l’article L. 762-1 du code de la sécurité sociale, est tenu de lui maintenir le bénéfice d’une assurance contre le risque vieillesse de la sécurité sociale en procédant d’office à son affiliation à l’assurance volontaire contre ce risque prévue par l’article L. 742-1 de ce code.

Il importe peu que l’article 70 de la convention collective SYNTEC ne prévoit que le cas des salariés détachés envoyés en mission temporaire et soumis à la législation française. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 juin 2013, 12-13.046, Inédit)

En outre, l’article 66 de ladite convention collective SYNTYEC impose à l’employeur d’informer le salarié, dans l’ordre de mission, du maintien ou non des régimes de retraite ou de sa situation au regard de la protection sociale pendant son expatriation. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 juin 2013, 12-13.046, Inédit).

L’absence d’information de la possibilité de prendre une assurance volontaire cause un préjudice au salarié.

Des limites aux clauses contractuelles négociées par le salarié lors de son embauche

mise à jour le 18 mars 2014

Il est possible dans le contrat de travail d’offrir des garanties plus importantes au salarié que celles prévues par la loi ou la convention collective.

Ces garanties concernent très souvent les délais de préavis ou bien le montant des indemnités de rupture, qui sont ainsi supérieurs à ceux auxquels le salarié pourrait prétendre par les textes applicables.

Ces clauses sont en général valables mais elles ne doivent pas conduire à l’impossibilité pour l’employeur de rompre le contrat de travail.

La Cour de Cassation dans un arrêt de sa chambre sociale du 4 février 2014 nous donne un exemple d’excès. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 février 2014, 12-14.782, Inédit )

Dans cette affaire, un salarié avait été engagé par la société Chocolat Y… en qualité de directeur industriel.

Son contrat comportait une clause stipulant qu’en cas de rupture du contrat de travail à son initiative, même en cas de force majeure, faute grave ou faute lourde,l’employeur s’engageait

– au respect d’un délai de préavis de huit mois à compter de la réception de la lettre de licenciement, 

– et au versement d’une indemnité de licenciement d’un montant égal à quatre mois de salaire brut, cette indemnité, calculée sur la base des appointements bruts des douze derniers mois de salaire, n’étant pas cumulable avec une quelconque autre indemnité de licenciement d’origine légale ou conventionnelle.

Le salarié avait été licencié pour motif économique trois ans après le début de son contrat de travail.

La Cour d’Appel avait appliqué les modalités contractuelles en condamnant l’employeur a versé 8 mois de préavis et 4 mois d’indemnité.

Elle a eu tort.

La Cour de Cassation estime :

– que l’indemnité de licenciement a le caractère de clause pénale et peut être réduite par le juge même d’office si elle présente un caractère manifestement excessif, (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 mars 2014, 12-23.106, Publié au bulletin)

– que la Cour d’Appel aurait dû rechercher si les engagements relatifs aux droits du salarié licencié pouvaient avoir pour effet, dans leur ensemble et par la généralisation de leurs conditions d’application, de priver l’employeur de la possibilité de rompre le contrat de travail, au regard des moyens de l’entreprise.

(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 février 2014, 12-14.782, Inédit )

Cette décision doit inciter à la modération dans la négociation des clauses contractuelles en faveur du salarié, pour en assurer leur efficacité juridique.

le référé aux fins d’obtention des disques chrono-tachygraphes interrompt la prescription des salaires

Les disques chrono-tachygraphes sont très importants pour prouver le temps de travail du salarié.

Il est fréquent que le salarié demande en référé la délivrance des copies de disques chrono-tachygraphes afin de vérifier le nombre d’heures effectuées et rémunérées.

Cette simple demande en référé bien qu’elle ne soit pas une demande en paiement d’heures supplémentaires est suffisante pour interrompre la prescription des salaires.

La Cour de Cassation considère en effet, que l’action en production des disques chrono-tachygraphes afin de vérifier le nombre d’heures effectuées et rémunérées et l’action en paiement des heures de travail accomplies non rémunérées poursuivent un seul et même but.( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 février 2014, 12-24.980, Inédit ).

 

licenciement et violations répétées du temps de conduite

Le salarié peut-il être licencié pour faute grave pour la raison de violations répétées des règles de sécurité relatives aux temps de conduite ?

La réponse n’est pas aussi évidente qu’elle y parait.

L’arrêt de la Cour de Cassation du 5 février 2014 nous enseigne d’être prudent sur les sanctions applicables aux salariés qui ne respectent pas les règles relatives au temps de conduite. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 février 2014, 12-24.980, Inédit).

Avant de licencier pour faute grave un salarié pour violations répétées des règles de sécurité relatives aux temps de conduite, l’employeur devra répondre à ces deux questions :

– Est ce que les heures effectuées par le salarié étaient rendues nécessaires par les tâches qui lui étaient confiées ?

– Existe -t-il des éléments objectifs étrangers à toute discrimination qui justifient le licenciement du salarié alors que ses collègues ne sont pas sanctionnés pour les mêmes faits ?

 

La suspension du permis de conduire n’est pas toujours une faute grave.

Le salarié qui s’est vu retirer son permis de conduire à la suite d’infractions au code de la route commises en dehors de l’exécution de son contrat de travail, ne peut être licencié pour faute grave.

C’est une jurisprudence constante que vient de réaffirmer la Cour de Cassation dans un arrêt du 5 février 2014. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 février 2014, 12-28.897, Inédit).

Cette affaire est intéressante car il s’agissait d’un salarié qui avait une mission qui imposait d’avoir un permis de conduire valide.

Le salarié assurait la livraison et la récupération de produits au domicile de patients sous dialyse.

Or la suspension de son permis rendait impossible l’exécution de son travail.

La Cour de Cassation confirme que, malgré tout la perte de son permis n’est pas une faute grave car les infractions au code de la route ayant conduit à la suspension ont eu lieu en dehors de son temps de travail.

La sanction ne peut donc être un licenciement disciplinaire.