Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Conversation téléphonique : de la différence entre l’enregistrement illicite et l’utilisation licite des messages vocaux

Ce n’est pas la même chose d’enregistrer à l’insu d’une personne une conversation téléphonique pour s’en servir par la suite en justice ( 1) et de conserver un message vocal laissé sur le répondeur d’un téléphone (2).

(1) Dans le premier cas, il s’agit d’un procédé illicite. 

La Cour de Cassation a déjà dit dans un arrêt rendu le 7 janvier 2011 , qu’une juridiction civile ne peut fonder sa décision sur des enregistrements de conversations téléphoniques opérés à l’insu de l’auteur des propos

Ainsi, l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue.

(2) Dans le second cas, c’est un moyen de preuve licite . 

La Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 février 2013, 11-23.738, Publié au bulletin vient en effet de retenir que  » l’utilisation par le destinataire des messages téléphoniques vocaux dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur » est une preuve recevable.

Dans cette affaire, la Cour de Cassation a retenu que la retranscriptions des messages vocaux laissés par l’employeur sur le téléphone mobile du salarié permettait d’établir que le salarié avait été licencié verbalement.

Cette jurisprudence est à rapprocher de la décision en même sens rendue par la Cour de Cassation à propos des SMS (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 mai 2007, 06-43.209, Publié au bulletin)

 

Rupture conventionnelle : le salarié doit impérativement avoir un exemplaire de la convention

mise à jour le 11 avril 2022

La remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois :

– pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention,dans les conditions prévues par l’article L. 1237-14 du code du travail, 

– et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractationen connaissance de cause

Il est donc indispensable d’établir en trois exemplaires la convention de rupture ainsi que le document CERFA. 

1 pour l’employeur

1 pour le salarié

1 pour la DIRRECTE

La sanction de l’absence de remise d’un exemplaire au salarié est draconienne : c’est la nullité de la rupture conventionnelle. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 février 2013, 11-27.000, Publié au bulletin ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 mars 2022, 20-22.265, Inédit

 

Première décision d’annulation d’une rupture conventionnelle par la Cour de Cassation

La Cour de Cassation reconnait pour la première fois que le harcèlement moral constitue un vice du consentement permettant l’annulation de la rupture conventionnelle. 

Plusieurs décisions avaient été rendues en ce sens par des Cours d’Appel, la décision de la Haute Juridiction était très attendue.

Elle est conforme à ce que nous attendions et à sa jurisprudence sur le harcèlement moral.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 janvier 2013, 11-22.332, Publié au bulletin ).

La Cour de Cassation reconnait explicitement que le Harcèlement moral est une violence psychologique d’une telle importance qu’elle vicie le consentement du salarié.

Voici l’attendu de l’arrêt de la Cour : « la salariée était au moment de la signature de l’acte de rupture conventionnelle dans une situation de violence morale du fait du harcèlement moral dont elle a constaté l’existence et des troubles psychologiques qui en sont résultés ». (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 janvier 2013, 11-22.332, Publié au bulletin )

Cette décision permet de donner une illustration pratique et actuelle de la violence au sens de l’article 1112 du code civil (Il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent.On a égard, en cette matière, à l’âge, au sexe et à la condition des personnes.)

Inaptitude et date de l’information du salarié sur l’impossibilité de reclassement.

En application de l’article L.1226- 12 du code du travail, lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié déclaré inapte, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions.

Quand doit intervenir cette notification écrite sur l’impossibilité de reclassement ?

La Cour de Cassation répond : « l’employeur est tenu de faire connaître au salarié par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement avant que ne soit engagée la procédure de licenciement « . (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 janvier 2013, 11-24.517, Inédit ).

Dans cet arrêt, l’employeur a notifié l’impossibilité de reclassement lors de l’entretien préalable.

Il a commis une erreur.

La procédure de licenciement est engagée dès la convocation à l’entretien préalable au licenciement.

Donc la notification de l’impossibilité de reclassement doit être antérieure à l’envoi de la lettre de convocation à l’entretien préalable.

Prise d’acte de la rupture du contrat de travail en cas d’agression du salarié et gravité de l’attaque

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Le non respect par l’employeur de cette obligation peut justifier la prise d’acte de la rupture par le salarié du contrat de travail et la requalification de la rutpure en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En matière d’agressions physiques ou morales, en cas de manquement de l’employeur, le Juge n’a pas à statuer sur la gravité des faits(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 23 janvier 2013 N° pourvoi: 11-18855 Publié au bulletin Cassation partielle )

L’employeur doit protéger le salarié, victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales, exercées par l’un ou l’autre de ses salariés.

Il faut retenir que sa responsabilité est engagée même si, par la suite, il a pris des mesures pour faire cesser ces agissements.

Impossible pour le cadre dit autonome d’avoir des plannings imposés

La Cour de Cassation a déjà affirmé qu’un salarié qui n’est pas maître de son emploi du temps, ne peut pas être rémunéré au forfait jours.

Cela signifie que le cadre autonome ne peut se voir imposer des horaires de travail prédéterminés et donc un planning avec des horaires de présence.

La Haute juridiction vient de réaffirmer cette position de manière très tranchée par l’attendu suivant : « les salariés MCD MAS étaient intégrés dans les plannings imposant leur présence au sein des salles de jeux, ce qui était antinomique avec la notion de cadre autonome.« (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 janvier 2013, 11-12.323 11-12.324 11-12.325 11-12.326 11-12.327 11-12.328, Inédit).

En d’autres termes:

– si le cadre est autonome, il est libre de l’organisation de son temps, sans planning de présence obligatoire.

– si le cadre doit respecter un planning de présence, c’est un cadre intégré et donc soumis à l’horaire légal et ses heures supplémentaires devront être payées

Prime de secrétariat des assistantes dentaires

L’article 6.1 de l’annexe 1 de la convention collective nationale des cabinets dentaires prévoit l’existence d’une prime de secrétariat.

Or très souvent , les assistantes dentaires ne la perçoivent pas bien qu’elles y aient droit.

Pourtant le versement d’une prime de secrétariat est dû à l’assistant dentaire qualifié, si celui-ci effectue régulièrement au moins l’une des tâches suivantes :

– établir, suivre et rappeler les échéances administratives ;

– enregistrer les opérations comptables courantes : traitement des factures et préparation de leur règlement ;

– assurer la correspondance du cabinet, le courrier pouvant être dactylographié, manuscrit ou sur traitement de texte, la rédaction éventuelle des travaux d’étude ou de recherche des praticiens ;

En pratique, et dans de nombreux cabinets individuels, l’assistante dentaire est polyvalente et pourrait donc prétendre à cette prime.

Elle devra cependant rapporter la preuve qu’elle a -dans l’exercice de ses fonctions – réellement exercé au moins l’une des tâches précitées. (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 23 janvier 2013 N° de pourvoi: 11-26341 Non publié au bulletin Cassation ) 

Prise d’acte de la rupture : quand la faute de l’employeur est en dehors du temps et du lieu de travail.

Voici une décision de la Cour de Cassation très intéressante.

La Cour de cassation admet, à ma connaissance pour la première fois, qu’un salariépuisse invoquer des manquements d’ordre professionnel commis par son employeur, en dehors du temps et du lieu de travail. ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 janvier 2013, 11-20.356, Publié au bulletin )

Les faits ne sont pas banals.

La salariée était en arrêt de travail suite à une dépression, et s’était rendue à son club de bridge. L’employeur avait fait irruption brutalement dans la pièce où elle se trouvait remettant en cause avec véhémence l’état de santé de celle-ci et exigeant qu’elle lui remette son arrêt de travail.

La salariée, choquée et agressée publiquement s’était trouvée dans un état de sidération nécessitant le secours des personnes présentes.

Elle avait pris acte de la rupture aux torts de l’employeur.

Elle a eu raison car la Cour d’Appel et la Cour de Cassation ont requalifié sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

GROUPE : quand le DRH de la société mère licencie un salarié de la filiale

  • (mis à jour le 01/02/13)

Voici un nouvel arrêt qui confirme que le Directeur de Ressources humaines de la société mère peut licencier le salarié d’une filiale.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 janvier 2013, 11-26.398, Inédit )

L’arrêt semble poser deux conditions : 

– l’existence d’un mandat entre la société mère et la filiale

– la ratification par l’employeur c’est à dire la société Fille.

La Cour de Cassation tend à reconnaître une entité unique de groupe et autorise ledit groupe à procéder au licenciement des salariés d’une filiale.