Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

L’annulation du retrait du permis de conduire et le licenciement intervenu sur ce motif

L’annulation du retrait de permis du salarié peut avoir des effets pervers pour l’employeur.

Voici une illustration dans un arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 décembre 2012, 12-13.522, Inédit.

Dans cette affaire, Le salarié avait été engagé à compter du 4 juillet 2005 par la société ID construction (la société) en qualité d’ingénieur technico-commercial.

Son contrat de travail prévoyait que le salarié serait amené à effectuer des déplacements professionnels et que pour l’exécution de son activité professionnelle ainsi que pour ses besoins personnels, une voiture de service serait mise à sa disposition.

Le 16 décembre 2008, Le salarié a informé son employeur de l’annulation de son permis de conduire à la suite de la perte totale de ses points et du fait qu’il restituerait son permis de conduire à la préfecture, le 17 décembre 2008, pour une durée de six mois.

C’est dans ces conditions que le salarié avait été licencié le 20 janvier 2009, la société indiquant ne pouvoir continuer à employer un ingénieur technico-commercial qui ne pouvait plus se déplacer chez ses clients ni venir de son domicile en Indre-et-Loire au siège social de la société en Loir-et-Cher.

Le salarié a contesté le retrait de son permis devant le Tribunal Administratifet a saisi la juridiction prud’homale de demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.

Le Tribunal administratif a, par jugement du 10 décembre 2009, annulé des décisions de retrait de points et confirmé la validité de son permis de conduire.

La Cour D’appel et la Cour de Cassation ont été obligées de considérer que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, puisque le permis était sensé n’avoir jamais été retiré.

L’argumentaire juridique des juridictions sociales s’appuie sur le principe de séparation des pouvoirs garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, règle selon laquelle l’annulation d’une décision administrative a un effet rétroactif qui ne peut être remis en cause par le juge judiciaire.

 

Du SMIC en 2013

A compter du 1er janvier 2013

–> le SMIC horaire sera relevé à 9,43 euros bruts de l’heure .

–> le SMIC mensuel brut pour un salarié mensualisé soumis à un horaire collectif de 35 heures hebdomadaires sera de 1430.22 euros.

Pour mémoire : 

Les augmentations du Smic mensuel depuis 2005 

(Source : Insee )

1er juillet 2005 1 217,88 € 8,03 € 

1er juillet 2006 1 254,28 € 8,27 € 

1er juillet 2007 1 280,07 € 8,44 € 

1er mai 2008 1 308,88 € 8,63 € 

1er juillet 2008 1 321,02 € 8,71 € 

1er juillet 2009 1 337,70 € 8,82 € 

1er janvier 2010 1 343,77 € 8,86 € 

1er janvier 2011 1 365 € 9 € 

1er décembre 2011 1 393,82 € 9,19 € 

1er janvier 2012 1 398,37 € 9,22 € 

1er juillet 2012 1 425,67 € 9,40 € 

1er janvier 2013 1 430,22 € 9,43 € 

 

DUE = présomption d’existence d’un contrat de travail

L’établissement par l’employeur d’une déclaration unique d’embauche est une preuve de l’existence d’un contrat de travail.

La Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 5 décembre 2012 N° de pourvoi: 11-22769 Publié au bulletin retient en effet que lorsque l’entreprise établit une DUE, il existe un contrat de travail apparent.

Attention cependant, il s’agit d’une présomption simple d’existence du contrat de travail.

La société peut rapporter la preuve du caractère fictif de la DUE ou l’absence de réalité du contrat de travail.

De l’inutilité de la clause du contrat de travail qui institue une procédure de conciliation préalable au contentieux

Certaines clauses des contrats de travail sont inutiles.

Notamment si la clause fait double emploi avec la procédure prud’homale.

C’est le sens de l’arrêt de la Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 5 décembre 2012 N° de pourvoi: 11-20004 Publié au bulletin Cassation qui vient de dire :

« une clause du contrat de travail qui institue une procédure de conciliation préalable en cas de litige survenant à l’occasion de ce contrat n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend « .

En d’autres termes, puisqu’il existe en matière prud’homale une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, la clause qui impose une conciliation préalable est sans intérêt.

CHSCT et action en Justice

Le CHSCT peut agir en Justice.

Pour ce faire, il doit avoir un représentant légal.

Attention, le secrétaire du CHSCT n’est pas de plein droit le représentant légal du comité pour agir en Justice.

Il faut absolument une décisions du CHSCT tant sur l’action que sur la personne apte à représenter en Justice le CHSCT.

Le mandat de représentation donné au secrétaire du CHSCT résultant d’une simple lettre signée des membres élus de cette institution remise à son président ne suffit pas.(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 21 novembre 2012 N° de pourvoi: 10-27452 Non publié au bulletin Rejet )

En effet, l’article L. 4616-10 du code du travail impose que toutes les décisions du CHSCT doivent être prises à l’issue d’une délibération collective. 

L’accord de chaque membre du CHSCT ne constitue pas une délibération collective du CHSCT…il faut donc impérativement convoquer une réunion avec ordre du jour, convocation et PV. 

Cette solution a déjà été affirmée par la Cour de Cassation à propos de l’avis du CHSCT.

Le retour du salarié expatrié en France et l’obligation de réintégration de la société

Il appartient à l’employeur, à l’issue d’une période d’expatriation, de réintégrer le salarié dans l’entreprise en lui proposant un poste et un niveau de rémunération équivalents à ceux dont il bénéficiait auparavant.

Cela résulte de l’article L1231-5 du Code du travail « Lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein. Si la société mère entend néanmoins licencier ce salarié, les dispositions du présent titre sont applicables. Le temps passé par le salarié au service de la filiale est alors pris en compte pour le calcul du préavis et de l’indemnité de licenciement ».

Cela signifie que le salarié expatrié ayant fait l’objet d’une mesure de rapatriement en France doit :

 bénéficier d’une offre de réintégration sérieuse, précise et compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère,

-donner un accord exprès sur ce nouveau poste . (et non tacite) 

Si l’employeur ne respecte pas cette obligation, le salarié peut tout à fait prendre acte de la rutpure aux torts de l’employeur. (Cour de Cassation Soc. 21 novembre 2012, n°10-17978, publié au bulletin)

La rupture conventionnelle sera assujettie au forfait social à compter du 1er janvier 2013

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a été adopté de manière définitive hier à l’assemblée nationale.

A compter du 1er janvier 2013, les indemnités de rupture conventionnelle seront assujetties au forfait social au taux de 20% sur la partie équivalente à l’indemnité de licenciement. ( article 21 du projet adopté) 

L’article 137-15 du Code de la sécurité sociale va être modifié et prévoit l’alinéa suivant :

« Sont également soumises à cette contribution les indemnités versées à l’occasion de la rupture conventionnelle mentionnée aux articles L. 1237-11 à L. 1237-15 du code du travail, pour leur part exclue de l’assiette de la contribution mentionnée à l’article L. 136-1 du présent code en application du 5° du II de l’article L. 136-2. »

Cela signifie que les ruptures conventionnelles coûteront 20% de plus aux employeurs sur la partie jusqu’alors non soumise à CSG-CRDS. ( la part légale ou conventionnelle de l’indemnité de licenciement)

Prime d’habillage et de déshabillage et conditions d’hygiène

L’employeur doit indemniser le temps d’habillage et de déshabillage du salarié si deux conditions cumulatives sont remplies :

– un port d’habit spécifique exigé par des dispositions légales, réglementaires, conventionnelles ou contractuelles 

– un habillage et un déshabillage imposés dans l’entreprise ou sur le lieu du travail

La Cour de Cassation a déjà jugé que cette prime n’est pas due si l’employeur laisse libre son salarié de choisir s’il veut mettre son uniforme dans l’entreprise ou chez lui. 

La Cour de Cassation vient de rajouter que dans certains cas liés à l’hygiène, l’employeur n’a pas la possibilité de demander au salarié de se changer chez lui.

Elle a jugé que: « les conditions d’insalubrité dans lesquelles le salarié exerçait son activité lui imposaient pour des raisons d’hygiène de le revêtir et de l’enlever sur le lieu de travail« .( Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 21 novembre 2012 N° de pourvoi: 11-15696 Publié au bulletin Rejet).

Dans ce cas, la prime d’habillage et de déshabillage est due.

Des employeurs qui « laissent » travailler les salariés pendant l’arrêt maladie

Travailler pendant un arrêt maladie et percevoir les indemnités de sécurité sociale est illicite.

En effet, l’ article L 323-6 du code de la sécurité sociale modifié prévoit, que pour percevoir des indemnités journalières de sécurité sociale, le salarié en arrêt de travail doit :
– Respecter les prescriptions du praticien,
– se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical de sa caisse primaire d’assurance maladie (CPAM),
– observer les heures de sorties autorisées par le praticien,
– cesser temporairement toute activité non autorisée.
Le salarié qui ne respecte pas une seule des obligations précitées peut être contraint en application de la loi de financement de la Sécurité sociale à rembourser les indemnités journalières perçues, et même à verser une pénalité à la CPAM (si l’activité exercée donne lieu à rémunérations, revenus professionnels ou gains).

L’employeur qui fait travailler un salarié en arrêt maladie est également fautif.

Le salarié peut à tout moment lui demander des dommages et intérêts au moins équivalent aux indemnités journalières remboursées à la sécurité sociale.

Il n’est pas nécessaire que l’employeur ait exigé que le salarié travaille pendant cette période.

La Cour de Cassation considère en effet que le simple fait que l’employeur ait laissé la salariée travailler en période de suspension du contrat de travail permet d’engager sa responsabilité.( Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 21 novembre 2012 N° de pourvoi: 11-23009 Non publié au bulletin )

C’est donc à l’employeur d’imposer à son salarié de s’arrêter de travailler s’il ne veut pas en subir les conséquences financières.

stress, infarctus et faute inexcusable de l’employeur

La Cour de Cassation vient de reconnaître que l’infarctus du myocarde dont a été victime un salarié peut être dû à la faute inexcusable de l’employeur et au stress du travail.

Je vous livre cet arrêt in extenso : 

Cour de cassation 

chambre civile 2 

Audience publique du jeudi 8 novembre 2012 

N° de pourvoi: 11-23855 

Non publié au bulletin Rejet 

M. Héderer (conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président), président 

Me Balat, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s) 

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Texte intégralREPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS 

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant : 

Sur le second moyen : 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2011), que M. X…, salarié des sociétés Sedih et Sogec Europe (les employeurs), a été victime, le 4 septembre 2007, d’un infarctus du myocarde ; que le caractère professionnel de l’accident a été irrévocablement reconnu ; que le salarié a saisi une juridiction de sécurité sociale d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de ses employeurs ; 

Attendu que ces derniers font grief à l’arrêt de reconnaître leur faute inexcusable, alors, selon le moyen : 

1°/ qu’en vertu du contrat de travail, l’employeur est tenu envers son salarié d’une obligation de sécurité de résultat ; que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ; qu’en retenant que l’infarctus du myocarde dont a été victime le salarié était dû à la faute inexcusable de l’employeur, sans constater que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du risque cardio-vasculaire auquel le salarié se trouvait, le cas échéant, exposé et sans relever que l’employeur avait refusé de prendre les mesures qui auraient permis d’éviter l’accident, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; 

2°/ que le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale lorsque celui-ci  » avait  » ou  » aurait dû  » avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ; qu’en retenant d’abord que  » les sociétés Sedih et Sogec n’ont pas utilement pris la mesure des conséquences de leur objectif de réduction des coûts en terme de facteurs de risques pour la santé de leurs employés et spécifiquement de M. X… « , ce dont il résultait que l’employeur n’avait pas conscience du danger auquel était exposé le salarié, puis en relevant ensuite  » qu’il n’est pas avéré que l’intéressé souffrait d’un grave problème cardiaque ni qu’il ait été médicalement suivi pour de tels problèmes, les sociétés Sedih et Sogec mentionnant elles-mêmes qu’il avait toujours été déclaré apte à son activité professionnelle dans le cadre des examens médicaux obligatoires prévus à l’article R. 4624-18 du code du travail, et que la médecine du travail n’avait délivré aucun signal d’alerte à l’employeur « , de sorte qu’il ne pouvait pas non plus être soutenu que l’employeur aurait dû avoir conscience du danger, la cour d’appel, en retenant néanmoins l’existence d’une faute inexcusable, n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ; 

3°/ que dans leurs conclusions d’appel, les sociétés Sogec et Sedih faisaient valoir que M. X… n’avait jamais fait part à son employeur des problèmes professionnels auquel il se serait prétendument trouvé confronté, pas plus qu’il n’avait fait état d’un quelconque risque pesant à ce titre sur sa santé ; qu’en laissant sans réponse ces conclusions, de nature à exclure l’existence d’un lien entre les conditions de travail du salarié et l’infarctus survenu, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ; 

4°/ qu’il ne peut y avoir faute inexcusable de l’employeur au sens de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale que si une faute commise par ce dernier est bien à l’origine de l’accident du salarié ; qu’il n’existe aucune présomption d’imputabilité s’appliquant à l’encontre de l’employeur ; qu’en retenant que l’infarctus du myocarde dont a été victime le salarié était dû à la faute inexcusable de l’employeur, sans avoir préalablement constaté l’existence d’une faute de celui-ci ayant eu un rôle causal dans la survenance de l’accident, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; 

Mais attendu que l’arrêt retient qu’un employeur ne peut ignorer ou s’affranchir des données médicales afférentes au stress au travail et ses conséquences pour les salariés qui en sont victimes ; que l’accroissement du travail de M. X… est patent sur les années précédant son accident ; que cette politique de surcharge, de pressions,  » d’objectifs inatteignables  » est confirmée par des attestations ; que les sociétés Sedih et Sogec n’ont pas utilement pris la mesure des conséquences de leur objectif de réduction des coûts en terme de facteurs de risque pour la santé de leurs employés et spécifiquement de M. X…, dont la position hiérarchique le mettait dans une position délicate pour s’y opposer et dont l’absence de réaction ne peut valoir quitus de l’attitude des dirigeants de l’entreprise ; que l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur ne peut qu’être générale et en conséquence ne peut exclure le cas, non exceptionnel, d’une réaction à la pression ressentie par le salarié ; que le débat sur la portée exacte de la réunion du 4 septembre 2007 et les propos qui y ont été échangés est sans réel intérêt dès lors que ces propos n’ont été que le déclencheur d’une crise cardiaque générée de longue date par le stress subi par M. X… ; 

Que de ces constatations et énonciations, la cour d’appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve produits aux débats, a pu déduire que les employeurs avaient ou auraient dû avoir conscience du risque encouru par leur salarié et n’ont pas pris les mesures propres à l’en préserver, de sorte que leur faute inexcusable était établie 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; 

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le premier moyen, qui n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ; 

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE le pourvoi ;