Le Conseil d’État a estimé illégal le dispositif de « différé d’indemnisation de la convention d’assurance chômage de mai 2014. (CE, 5 octobre 2015, association des amis des intermittents et précaires et autres – 383956, 383957, 383958 ).
Pour mémoire, la convention d’assurance chômage de 2014 prévoyait que le différé d’indemnisation (délai de carence) pouvait atteindre 180 jours (6 mois) si le salarié licencié ou bénéficiant d’une rupture conventionnelle avait perçu des sommes importantes au moment de la rupture.
Ce différé est donc illégal.
Pour garantir la continuité du système de l’assurance-chômage, le Conseil d’État a reporté au 1er mars 2016 l’annulation de l’arrêté ministériel rendant obligatoire la nouvelle convention d’assurance chômage du 14 mai 2014, sauf en ce qui concerne la récupération des prestations versées à tort et des obligations déclaratives des assurés.
Voici un extrait de la décision du Conseil d’État:
« sur le différé d’indemnisation spécifique prévu par l’article 21 du règlement général annexé à la convention relative à l’indemnisation du chômage du 14 mai 2014 :
10. Considérant que le paragraphe 2 de l’article 21 du règlement général annexé à la convention relative à l’indemnisation du chômage prévoit que la prise en charge d’un travailleur privé d’emploi est, s’il y a lieu, reportée à l’expiration d’un différé d’indemnisation « spécifique » calculé à raison des indemnités ou de toute autre somme inhérente à la rupture de son contrat de travail, quelle que soit leur nature, perçues par l’intéressé, dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative, dans la limite de 75 jours lorsque le licenciement est fondé sur un motif économique et de 180 jours dans les autres cas ; que cet article prévoit également que si « tout ou partie de ces sommes est versé postérieurement à la fin du contrat de travail (…) les allocations qui, de ce fait, n’auraient pas dû être perçues par l’intéressé, doivent être remboursées » ;
11. Considérant que sont notamment prises en compte, pour calculer la durée de ce différé d’indemnisation, les indemnités allouées à un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse excédant le minimum prévu par le deuxième alinéa de l’article L. 1235-3 du code du travail, correspondant aux « salaires des six derniers mois » ; que, toutefois, s’agissant soit d’un salarié licencié alors qu’il comptait moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise, soit d’un salarié licencié par une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, l’ensemble des indemnités allouées est pris compte, l’article L. 1235-5 du code du travail ne prévoyant, dans ces deux cas, aucun minimum légal ;
12. Considérant que les stipulations de l’article 21 du règlement général ont pour objet, dans le souci d’optimiser l’allocation des ressources de l’assurance chômage, de différer, pour une durée limitée, le point de départ du versement de l’allocation due au travailleur privé d’emploi, en fonction d’une appréciation objective des ressources dont il bénéficie, à la date de rupture de son contrat ; que ce différé n’entraîne pas de réduction de la durée des droits qui lui sont ouverts ; que, néanmoins, leur application conduit à limiter les allocations versées dans tous les cas où les intéressés n’épuisent pas leurs droits à ces allocations ;
13. Considérant que l’allocation d’assurance, qui a le caractère d’un revenu de remplacement, n’a pas vocation à se cumuler avec les autres sommes destinées à compenser, pour le travailleur involontairement privé d’emploi ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement, la perte de tout ou partie des rémunérations qu’il aurait perçues si son contrat s’était poursuivi ; que, s’agissant des indemnités allouées en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, elles ont pour objet de réparer l’intégralité du préjudice subi par le salarié du fait de la perte injustifiée de son emploi, qu’il résulte de la perte de sa rémunération ou qu’il soit d’une nature différente ; qu’eu égard à l’objectif d’intérêt général poursuivi par les parties à la convention, qui ont la responsabilité d’assurer l’équilibre financier du régime, il leur était loisible de prévoir qu’une part des ces indemnités, appréciée de façon forfaitaire, serait prise en compte pour déterminer le point de départ du versement de l’allocation d’assurance ; qu’en revanche, en prenant en compte l’intégralité de ces indemnités pour le calcul du différé d’indemnisation des salariés licenciés alors qu’ils comptaient moins de deux ans d’ancienneté ou qu’ils étaient employés par une entreprise comptant moins de onze salariés, elles ont adopté des stipulations aboutissant à ce que certains salariés victimes d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse puissent être privés de l’intégralité des sommes destinées à assurer la réparation du préjudice qui en résulte ; qu’elles ont ainsi porté atteinte au droit de ces salariés d’en obtenir réparation ; qu’il suit de là, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens dirigés contre elles, que les stipulations du paragraphe 2 de l’article 21 du règlement général sont entachées d’illégalité. «