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Dénonciation du harcèlement : la mauvaise foi ne se présume pas

IMG_20140506_100927Tout licenciement prononcé dans ces circonstances est nul sauf si le salarié est de mauvaise foi.

La mauvaise foi est très difficile à établir car elle ne se présume pas. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 octobre 2022, 21-9.449 ,Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 juin 2015, 14-13.318, Publié au bulletin,  )

Elle ne peut en aucun cas être assimilée à une légèreté blamable dans l’appréciation des faits(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 février 2013, 11-28.339, Inédit )

Voici l’attendu de cet arrêt : 

« Attendu que pour rejeter les demandes de la salariée, l’arrêt retient que celle-ci ne pouvait être sanctionnée pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral dès lors que sa mauvaise foi n’était pas établie, mais qu’elle avait agi avec une légèreté blâmable constituant une faute grave, en dénonçant également un fait d’agression, qu’elle savait contesté, qui jetait le discrédit sur son employeur, et qui pouvait déboucher sur des poursuites pénales ; 

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait que la dénonciation par la salariée de faits de harcèlement moral, visée dans la lettre de licenciement, n’avait pas été faite de mauvaise foi, ce dont il résultait que l’invocation de ce grief emportait à elle seule la nullité de plein droit du licenciement, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; 

Et attendu qu’en application de l’article 627, alinéa 2 du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin partiellement au litige par application de la règle de droit appropriée ;« 

 

Paiement du salaire avec retard et prise d’acte de la rupture

  • (mis à jour l19 juillet 2022)

La Cour de Cassation a déjà dit que le défaut de paiement des sommes dues à leurs dates d’échéance respectives constituait un préjudice pour le salarié qu’il y avait lieu d’indemniser

Se prévalant de cette jurisprudence, certains salariés ont cru pouvoir de prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur pour paiement des salaires en retard.

Cette pratique est très dangereuse comme vient de le rappeler la Cour de Cassation qui vient d’accepter de requalifier une telle prise d’acte en démission. (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 26 septembre 2012 N° de pourvoi: 10-28242)

Dans cette affaire, le salarié avait été engagé par contrat à durée indéterminée le 1er juillet 2001 en qualité d’animateur par l’association Centre social Cadis dans le cadre d’une convention emploi-jeune.

Il avait saisi le 16 juin 2006 la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail en invoquant le non-paiement de son salaire.

Par courrier du 23 juin et 5 juillet 2006, son employeur lui avait adressé les salaires manquants.

Pourtant le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail par lettre du 27 juin 2006.

Son employeur l’a licencié pour faute grave par lettre du 3 août 2006.

La Cour de Cassation approuve la cour d’appel, qui a considéré la prise d’acte de la rupture du salarié comme une démission.

En effet, elle a tenu compte de l’absence de faute grave de l’employeur.

Le retard dans le paiement des salaires s’expliquait en partie par le retard dans le versement à l’employeur de subventions.

En outre, l’employeur avait régularisé la situation en adressant des chèques au salarié les 23 juin et 5 juillet 2006 en rappel des salaires restant dus.

Il faut donc retenir que le grief de paiement en retard des salaires ne constituait pas forcément un manquement suffisamment grave pour justifier la prise d’acte de la rupture.

Par contre, à mon sens, et dans tous les cas, il cause un préjudice au salarié.

Si vous êtes intéressés par une situation où la Cour de Cassation a reconnu la validité de la prise d’acte, vous pouvez notamment consulter l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 juillet 2022)

Du préjudice de PERTE DE CHANCE dans la rupture du contrat de travail

  • (mis à jour le 29/07/11)

La Cour de Cassation admet de plus en plus que le préjudice du salarié licencié injustement puisse comporter en plus de préjudices immédiatement appréciables, des préjudices de perte de chance.

Elle a ainsi pu reconnaître que le préjudice du salarié peut comprendre :

 la perte de chance de suivre une formation dans le cadre du droit individuel à la formation, 

– la perte de chance de suivre un plan de formation, 

 la perte de chance de lever les options d’achat d’actions 

Voir sur ce point un arrêt de la Cour de cassation chambre sociale 6 juillet 2011 N° de pourvoi: 09-71044 confirme 

– la perte de chance d’obtenir un emprunt immobilier 

– et dernièrement la perte de chance de recevoir un avantage de retraite.

Ce dernier cas résulte en effet d’une décision de la Cour de Cassation, Chambre sociale du 21 mai 2011 – N°09-71350.

Dans cette affaire, une entreprise avait mis en place un régime de retraite spécifique dont le salarié ne pouvait bénéficier du fait de son licenciement.

La Cour de Cassation considère que le salarié en perdant ses fonctions de manière abusive avait perdu une chance de pouvoir bénéficier un jour de l’avantage de retraite applicable dans l’entreprise, ce qui constitue un préjudice qui devait être réparé.

 

l’absence illicite d’institutions représentatives du personnel cause nécessairement un préjudice au salarié

La Cour de cassation en sa chambre sociale par arrêt du 17 mai 2011 N° de pourvoi: 10-12852 vient de condamner un employeur, qui n’avait pas organisé les élections du personnel, à verser des dommages et intérêts à un salarié . 

La Haute juridiction a statué en ces termes : 

« Vu l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ensemble l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, les articles L. 2323-1 et L. 2324-5 du code du travail et 1382 du code civil, l’article 8 § 1 de la directive 2002/ 14/ CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne ; 

Attendu qu’il résulte de l’application combinée de ces textes que l’employeur qui, bien qu’il y soit légalement tenu, n’accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel, sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariésprivés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts ; ».

 

Vers la suppression des clauses de non concurrence dans la plupart des contrats de travail

  • mise à jour 6 juin 2016

Après avoir durci sa position en 2011, la Cour de Cassation assouplit sa position en 2016  sur les conséquences d’une clause de non concurrence nulle.

La Cour de Cassation considère désormais que  l’illicéité de la clause de non concurrence ne cause plus nécessairement un préjudice.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 mai 2016, 14-20.578, Publié au bulletin).

Le préjudice doit être prouvé par le salarié.

La position de la Cour de Cassation avant 2016 est développée ci-dessous :

La Cour de Cassation Chambre sociale par décisions du 23 mars 2011 N° de pourvoi: 09-67211 et du 30 mars 2011 N° de pourvoi: 09-70306 confirme sa position retenue dans son arrêt du 12 janvier 2011 et que nous avions déjà commentée.

– une clause de non concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié qui doit être indemnisé

– et ce même si le salarié est toujours en poste et n’a pas eu à respecter ladite clause.

Je ne peux donc que confirmer mes suggestions :

– à l’égard des salariés : vérifiez la validité des clauses contenues dans vos contrats et tirez en les conséquences de droit en demandant des dommages et intérêts. (à titre d’exemple la Cour d’Appel de Rennes 28 avril 2009 avait fixé à 2500 euros l’indemnisation du préjudice du salarié)

– à l’égard des employeurs : supprimez les clauses de non concurrence des nouveaux contrats de travail si elles ne sont pas absolument nécessaires à vos intérêts. Si vous devez en insérer une : vérifiez sa validité et restreignez au maximum l’étendue de la non concurrence.

 (Confirmation : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 avril 2013, 11-30.081, Inédit )

Exemples chiffrés de dommages et intérêts en cas de paiement avec retard des salaires

  • (mis à jour le 22/03/11)

La Cour de cassation chambre sociale du 9 février 2011 N° de pourvoi: 09-42125 a déjà dit que le défaut de paiement des sommes dues à leurs dates d’échéance respectives constituait un préjudice pour le salarié qu’il y avait lieu d’indemniser. 

Voici trois décisions de la Cour d’Appel d’Angers en date du 8 mars 2011 N°10/00764N°10/00763 et N°10/00664 

qui se prononcent sur le quantum des dommages et intérêts alloués au salarié que la Cour fixe « généreusement » respectivement à 800, 500 et 100 euros 

Ses décisions sont fondées sur les motivations suivantes : « Le retard dans le paiement du salaire , dont il n’est pas démontré qu’il est dû à l’impossibilité pour l’employeur de les régler, prioritairement à toute autre charge, a causé à la salariée un préjudice qui sera réparé par l’allocation de la somme de ………. euros de dommages et intérêts. ». 

Espérons que d’autres juridictions de fond saisies de la même question attribuent des dommages et intérêts plus conséquents ! 

Je reste à l’affut de décisions sur cette question ! 

Clause de non-concurrence illicite et création d’une activité concurrente postérieure au licenciement

La clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail sans contrepartie financière est nulle.

La Cour de Cassation avait déjà dit que le respect par un salarié d’une telle clause de non-concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d’apprécier l’étendue.

Elle vient de préciser que ce préjudice existe même si le salarié a développé plusieurs mois après son licenciement une activité concurrentielle de celle de son employeur . (Cour de cassation chambre sociale 15 février 2011 N° de pourvoi: 09-73005 )