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Durée de la mise à pied conservatoire et délai restreint pour sanctionner la faute grave

  • (mis à jour le 11/04/22)

En cas de faute grave du salarié, la mise en oeuvre du licenciement disciplinaire du salarié doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur ait eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.

Cette notion de délai restreint fait l’objet d’illustrations jurisprudentielles.

Il reste cependant des cas où l’employeur peut avoir besoin de temps pour vérifier l’importance et la réalité de la faute du salarié.

Il prend alors souvent une décision de mise à pied conservatoire qui consiste à suspendre le contrat de travail d’un salarié, dans l’attente de son licenciement. 

Cette mesure est licite.

Elle sert à prévenir les situations de danger et de désordre que pourrait entraîner le maintien du salarié éventuellement fautif dans l’entreprise. 

Si la faute grave est avérée, cette mise à pied conservatoire ne sera pas rémunérée.

Il ne faut donc pas que cette mesure de mise à pied soit trop longue avant que la procédure de licenciement soit engagée.

La Cour de Cassation chambre sociale 13 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-16434 estime qu’une mise à pied conservatoire de treize jours est licite dès lors qu’elle était nécessaire.

Voici l »attendu : ‘qu’en relevant que la mise à pied, qualifiée de conservatoire, a été suivie treize jours après son prononcé de l’envoi d’une lettre de convocation à l’entretien préalable à un licenciement et que ce délai de treize jours est, dans l’intérêt même du salarié, un délai indispensable, compte tenu de la nécessité, pour l’employeur, de mener à bien les investigations sur les faits reprochés portant sur un détournement de fonds et de se déterminer sur la nécessité d’engager une procédure de licenciement pour faute grave, la cour d’appel a pu retenir que cette mise à pied de treize jours avait un caractère conservatoire ».

Attention cependant si le délai restreint est admis lorsqu’il faut une enquête, il n’est pas admis lorsqu’aucune investigation n’est nécessaire.

En effet dans ce cas:

–> LA MISE À PIED CONSERVATOIRE DOIT ÊTRE CONCOMMITTANTE À L’ENGAGEMENT DU LICENCIEMENT

–> Pour une illustration des délais admis en l’absence d’enquête,

La Cour de Cassation dans un arrêt du 14 avril 2021 donne une illustration d’un délai déraisonnable  de 7 jours calendaires entre la mise à pied conservatoire et la convocation à l’entretien préalable . (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 avril 2021, 20-12.920, Inédit)

Par arrêt du 30 octobre 2013, la Cour de Cassation a  refusé la qualification de mise à pied conservatoire à une mise à pied pour laquelle une procédure de licenciement n’avait été engagée que six jours plus tard sans justifier d’aucun motif à ce délai.

Une nuance est cependant apportée par la Cour de Cassation quand le salarié est absent de l’entreprise.

La Cour de cassation considère également que, « le fait pour l’employeur de laisser s’écouler un délai entre la révélation des faits et l’engagement de la procédure de licenciement ne retire pas à la faute son caractère de gravité, dès lors que le salarié, dont le contrat de travail est suspendu, est absent de l’entreprise ». ( Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-20.872)

Liberté de l’employeur de sanctionner différemment les salariés sur les mêmes faits

  • (mis à jour le 14/06/12)

L’employeur a le droit de ne pas sanctionner de la même manière tous les salariés ayant participé aux mêmes faits.

Le fait de sanctionner différemment des salariés ne constitue pas en soi une discrimination au sens de la loi (décision rendue à propos d’une dénonciation calomnieuse de plusieurs salariés ,……….. Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 6 juin 2012 N° de pourvoi: 10-28199 Publié au bulletin Rejet ).

Dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, le chef d’entreprise est libre de choisir la sanction qu’il veut appliquer à ses salariés qui ont commis une faute à condition : 

– de ne pas le sanctionner pour un motif discriminatoire 

– de ne pas appliquer de sanction pécuniaire 

– de respecter les règles légales et conventionnelles limitant la durée de la sanction et sa nature 

– de respecter le réglement intérieur si il existe 

– que la sanction soit proportionnelle à la faute commise. 

Si l’employeur ne respecte pas ces conditions, le salarié pourra invoquer un abus ou un détournement de pouvoir de son employeur.

 

Licéité de la retenue sur salaire en raison de l’absence du salarié ou de son retard

  • (mis à jour le 04/05/12)

La Cour de Cassation, par arrêt de sa chambre sociale du 21 mars 2012, n°10-21097précise la différence entre une retenue sur salaire licite et une sanction disciplinaire pécuniaire illicite.

Dans cette affaire, un salarié avait contesté devant le Conseil de Prud’hommes les retenues financières opérées par son employeur sur son bulletin de paie.

L’employeur avait indiqué que les retenues correspondaient à des absences ou retards du salarié.

Les juridictions de fond avaient retenu, bien que les retards étaient avérés, qu’il n’était pas possible de déduire sur les bulletins de paie le temps correspondant à ces absences car il s’agissait de sanctions pécuniaires interdites en application de l’article L.1331-2 du code du Travail.

« FAUX ! » a répondu la Cour de Cassation.

L’employeur a la possibilité de déduire des bulletins de paie le temps de travail non effectué par le salarié si son retard est avéré.

Il ne s’agit en aucun cas d’une sanction disciplinaire soumise à l’interdiction de sanction pécuniaire.

Contester la faute grave sanctionnée tardivement

  • (mis à jour le 13/04/12)

La Cour de Cassation rappelle fréquemment que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il reste certain que si la faute grave existe, l’employeur n’a pas d’autres choix que de rompre le contrat de travail dans le respect des règles légales le plus tôt possible.

C’est la raison pour laquelle, la jurisprudence retient qu’en cas de faute grave du salarié, la mise en oeuvre du licenciement disciplinaire doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur ait eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.

Il ressort de la jurisprudence que délai restreint ne signifie pas forcément que l’employeur doit réagir immédiatement dès le constat de la faute grave du salarié.

La Cour de Cassation ne précise pas ce qu’est un délai restreinmais celui ci est forcément inférieur à deux mois (délai de prescription des fautes article L 1332-4 du code du travail) mais doit tout de même permettre une appréciation impartiale des faits et le respect des droits de la défense.

Le délai restreint est donc une notion prétorienne à géométrie variable ….

Plusieurs arrêts de la Cour de Cassation permettent d’illustrer le non respect du délai restreint par l’employeur pour sanctionner la faute.

Ainsi un arrêt du 24 novembre 2010 N° de pourvoi: 09-40928 de la Chambre socialeconsidère que le délai restreint n’a pas été respecté lorsque 1 mois et demi s’est écoulé entre le constat de la faute par l’employeur et l’envoi de la lettre de convocation à l’entretien préalable.

Un arrêt de la chambre sociale 29 mars 2012 N° de pourvoi: 10-23987 considère que le délai restreint n’a pas été respecté lorsque 2 mois se sont écoulés entre le constat de la faute par l’employeur et l’envoi de la lettre de la lettre de licenciement.

Le délai restreint doit donc être apprécié selon chaque situation.

Il faut retenir que plus la procédure est tardive, moins la faute grave est caractérisée et plus le licenciement pourra être contesté devant le Conseil de Prud’hommes.

 

Avoir une arme à feu à son travail

Aussi curieux que cela puisse paraître, certains employeurs semblent accepter la présence d’une arme à feu sur le lieu de travail.

Fort heureusement, ce n’est pas le cas de la majorité des dirigeants. …

Or lorsque le dirigeant d’entreprise change, il est présumé de manière irréfragable avoir connaissance de tous les accords passés avec son prédecesseur.

Que se passe-t-il si il découvre que le salarié a amené dans l’entreprise une arme à feu ?

Est-il en droit de le licencier ?

La Cour de Cassation estime que si l’employeur – peu importe que sa représentation physique ait changé – a accepté le dépôt, il ne peut prononcer le licenciement du salarié pour ce motif

(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 29 février 2012 N° de pourvoi: 10-16559 Non publié au bulletin Cassation) 

Dans cette étrange affaire, le salarié a été engagé en qualité de mécanicien responsable technique le 9 février 1991 par l’association Aéroclub Roland Garros.

En 2004, le Président de l’Association de l’époque avait autorisé le salarié à conserver son arme à feu dans le magasin de l’aéroclub.

Le salarié avait laissé l’arme pendant 3 ans dans l’entreprise.

Entretemps, une nouvelle équipe dirigeante avait été nommée et ignorait totalement l’existence de l’autorisation de dépôt.

Alors qu’il était en arrêt de travail à la suite d’un accident du travail du 21 avril 2007, il a été licencié pour faute lourde le 21 septembre 2007, son employeur lui reprochant notamment d’avoir introduit et stocké à son insu une arme à feu sur son lieu de travail.

« IMPOSSIBLE » répond la Cour de Cassation .

L’employeur avait, fin juin 2004, autorisé le dépôt de l’arme par le salarié dans le magasin de l’aéroclub, ce dont il résultait qu’il avait connaissance de ce fait depuis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires.

Il importe peu que la nouvelle équipe dirigeante n’en ait pas été informée.

De la nature de la mise à pied immédiate

  • (mis à jour le 16/02/12)

Il existe deux mises à pied en droit du travail : la mise à pied conservatoire et la mise à pied disciplinaire

La mise à pied disciplinaire est une sanction .

La mise à pied conservatoire n’est pas une sanction mais une mesure prise en attente de la sanction (souvent un lienciement pour faute grave).

En l’absence de précision sur la nature de la mise à pied, il est dejurisprudence constante que la mise à pied est disciplinaire.

Que se passe-t-il si l’employeur a notifié oralement la mise à pied sans la qualifier puisquelques jours plus tard a adressé à son salarié une lettre de convocation à un entretien préalable au licenciement en précisant que la mise à pied était conservatoire ?

La Cour de cassation dans une chambre sociale du 1 décembre 2011 N° de pourvoi: 09-72958 répond en affirmant que la mise à pied initiale était présumée disciplinaire.

Cela implique que le salarié avait déjà été sanctionné pour les faits fautifs par la mise à pied initiale.

Il ne pouvait donc pas être licencié pour les mêmes faits.

De la rétrogradation à titre de sanction

Dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, le chef d’entreprise est libre de choisir la sanction qu’il veut appliquer à son salarié qui a commis une faute à condition : 

– de ne pas le sanctionner pour un motif discriminatoire 

– de ne pas appliquer de sanction pécuniaire 

– de respecter les règles légales et conventionnelles limitant la durée de la sanction et sa nature 

– de respecter le réglement intérieur si il existe 

– que la sanction soit proportionnelle à la faute commise. 

La rétrogradation disciplinaire comportant une modification des fonctions est autorisée mais dans des conditions très encadrées par la Jurisprudence. 

En effet, la Cour de Cassation en sa chambre sociale par arrêt du 28 avril 2011 N° de pourvoi: 09-70619 précise que « lorsque l’employeur notifie au salarié une sanction emportant modification du contrat de travail, il doit informer l’intéressé de sa faculté d’accepter ou refuser cette modification . » 

Cela signifie que l’employeur qui souhaite procéder à une rétrogradation disciplinairedoit : 

– adresser au salarié une lettre ( en RAR ou remise en main propre contre décharge) pour l’informer de la sanction envisagée. 

– préciser dans ce courrier que le salarié peut refuser ou accepter la rétrogradation. 

Sans respect de cette procédure , l’employeur qui a imposé une rétrogradation disciplinaire « sauvage » est en faute et le salarié est fondé à prendre acte de la rupture aux torts de l’employeur. 

Que se passe -t-il si le salarié, correctement informé par son employeur, refuse la sanction ? 

La Cour de cassation en sa chambre sociale par arrêt du 28 avril 2011 N° de pourvoi: 10-13979 répond « l’employeur qui envisage de prononcer un licenciement au lieu de la sanction initiale doit convoquer l’intéressé à un nouvel entretien dans le délai de la prescription de deux mois prévu à l’article L. 1332-4 du code du travail  » . Elle précise : « que le refus du salarié interrompt le délai de prescription » 

En d’autres mots, 

–> soit l’employeur renonce à sanctionner le salarié. 

–> soit il doit convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable pour le sanctionner. Ce nouvel entretien doit intervenir dans le délai maximum de 2 mois à compter du refus du salarié. Si ce délai n’est pas respecté, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse !