SYNTEC : nullité du forfait d’heures modalité 2 et sort des RTT accordés

Plusieurs décisions rendues par la Cour de Cassation le 13 mars 2019 me permettent de revenir sur les situations des salariés qui se sont vus imposés dans leur contrat de travail :

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer à plusieurs reprises, en droit ces salariés ne peuvent pas être soumis à ce forfait d’heures et peuvent prétendre à un rappel de salaire pour les heures supplémentaires au-delà de 35 heures.

Néanmoins, tant que le salarié ne conteste pas la modalité de son temps de travail , il peut bénéficier de jours de RTT (en effet, sous cette modalité, le nombre de jours travaillés étant plafonné, le salarié qui y est soumis effectue moins de jours de travail dans l’année qu’un salarié soumis aux 35 heures).

Cependant, quid des RTT si le salarié demande l’inopposabilité de la modalité 2 et le paiement des heures supplémentaires ?

La Cour de cassation considère que, dans la mesure où les salariés n’étaient pas éligibles à la convention de forfait en heures à laquelle ils avaient été soumis, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 mars 2019, 18-12.926 18-12.931 18-12.952 18-13.020 18-13.040 18-13.056 18-13.070 18-13.097 18-13.166 18-13.188 18-13.190 18-13.191 18-13.195, Inédit)

Cela implique que l’employeur peut solliciter le remboursement des jours de réduction du temps de travail accordés.

Ainsi, le salarié qui souhaite obtenir le paiement de ses heures supplémentaires en contestant l’applicabilité de la modalité 2 et donc du forfait d’heures doit impérativement déduire de sa demande d’heures supplémentaires les jours de RTT dont il a bénéficié.

Quand contester la différence de traitement entre salariés prévue par un accord collectif ?

Il n’existe pas de présomption générale de justification des différences de traitement entre salariés par le seul fait qu’un accord collectif valable les prévoit.

Certes, dans la mesure où elles sont opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, il est tentant de considérer que les différences de traitement sont présumées justifiées.

Mais il ne s’agit nullement d’une reconnaissance générale ni d’une présomption générale . (Arrêt n°558 du 3 avril 2019 (17-11.970) – Cour de cassation – Chambre sociale – ECLI:FR:CCASS:2019:SO00558).

Dans cet arrêt, la haute juridiction retient qu’une différence de traitement fondée uniquement sur la date de présence du salarié sur un site ne saurait être présumée justifiée par l’existence de l’accord collectif.

Voici l’attendu :

 » Il en résulte qu’ayant retenu que l’accord n° 79 opère, entre les salariés, une différence de traitement en raison uniquement de la date de présence sur un site désigné, que les salariés sont placés dans une situation exactement identique au regard des avantages de cet accord dont l’objet est de prendre en compte les impacts professionnels, économiques et familiaux de la mobilité géographique impliqués par le transfert des services à Caen et d’accompagner les salariés pour préserver leurs conditions d’emploi et de vie familiale, la cour d’appel en a déduit à bon droit que, s’agissant d’une différence de traitement fondée sur la date de présence sur un site, celle-ci ne saurait être présumée justifiée. La cour d’appel ayant retenu ensuite qu’aucune raison objective n’était alléguée par l’employeur, elle a, hors toute dénaturation, légalement justifié sa décision »

Cette décision repose sur le fait que les accords collectifs sont soumis au principe d’égalité de traitement en sorte que la Cour a jugé que les différences de traitement que ceux-ci instaurent entre les salariés placés dans une situation identique au regard de l’avantage considéré doivent reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence (Soc., 1 juillet 2009, pourvoi n° 07-42.675, Bull. 2009, V, n° 168).

N’oublions pas cependant que la Cour de Cassation a par ailleurs  reconnu que certaines catégories de différences de traitement prévues par un accord collectif sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

C’est le cas pour les différences de traitement :

  • entre catégories professionnelles, opérées par voie de convention ou d’accord collectif (Soc., 27 janvier 2015, pourvoi n° 13-14.773, 13-14.908, Bull. 2015, V, n° 8, Soc., 27 janvier 2015, pourvoi n° 13-22.179, Bull. 2015, V, n° 9 et Soc., 27 janvier 2015, pourvoi n° 13-25.437, Bull. 2015, V, n° 10)
  • entre salariés exerçant, au sein d’une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d’accord collectif (Soc., 8 juin 2016, pourvois n° 15-11.324, Bull. 2016, V, n° 130),
  • entre salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d’accord d’établissement (Soc., 3 novembre 2016, pourvoi n° 15-18.444, Bull. 2016, V, n° 206),
  • entre salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d’accord d’entreprise (Soc., 4 octobre 2017, pourvoi n° 16-17.517, Bull. 2017, V, n° 170),
  • entre salariés appartenant à la même entreprise de nettoyage mais affectés à des sites ou des établissements distincts, opérées par voie d’accord collectif (Soc., 30 mai 2018, pourvoi n° 17-12.925, en cours de publication).

En présence d’autres différences de traitement, établies par le salarié, il appartient à l’employeur de justifier de raisons objectives dont le juge contrôle concrètement la réalité et la pertinence.