Peut-on obliger le salarié à dire « je le jure » lors d’une prestation de serment ?

Peut-on au nom d’une conviction religieuse refuser de dire  » :  je le jure » ?

En droit, le respect de la liberté de conscience et de religion (article 9 de la CEDH) impose de permettre à une personne qui prête serment de substituer à la formule « je le jure » une formule équivalente d’engagement solennel.

Un licenciement prononcé pour ce motif sera donc sans cause réelle et sérieuse. (Arrêt n° 965 du 7 juillet 2021 (20-16.206) – Cour de cassation – Chambre sociale – ECLI:FR:CCAS:2021:SO00965)

Mais il ne sera pas annulé pour discrimination en raison de la conviction religieuse.

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Vous trouverez-ci-joint le communiqué de presse de la Cour de Cassation sur cette question.

 

Lors d’une prestation de serment, il est possible de substituer à la formule « je le jure » un engagement solennel.

Les faits

Une salariée stagiaire de la RATP devait être affectée dans un service d’agents de contrôle après avoir prêté le serment des agents en application de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer. Cette loi ne détermine pas la formule du serment que doivent prononcer les agents. L’usage est de recourir à la formule suivante : « Je jure et promets de bien et loyalement remplir mes fonctions et d’observer en tout les devoirs qu’elle m’impose » et « Je jure et promets en outre d’observer fidèlement les lois et règlements concernant la police des chemins de fer et de constater par des procès-verbaux les contraventions qui viendraient à ma connaissance ».

À l’audience de prestation de serment, devant le président du tribunal de grande instance de Paris chargé de recevoir ce serment, la salariée a proposé une autre formule au motif que sa religion chrétienne lui interdisait de jurer.

Le président du tribunal a refusé la substitution de formule et a fait acter que le serment n’avait pas été prêté.

Faute de prestation de serment, la salariée a été licenciée pour faute par la RATP.

La procédure

Ayant saisi la juridiction prud’homale d’une contestation de son licenciement, la salariée a vu sa demande rejetée par la cour d’appel de Paris qui a jugé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse en raison de la faute de la salariée ayant refusé de se soumettre à la procédure d’assermentation. Le 1er février 2017 la chambre sociale a cassé cet arrêt pour deux motifs : d’une part, il résulte de l’article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer que le serment des agents de surveillance exerçant au sein des entreprises visées par cette disposition peut être reçu selon les formes en usage dans leur religion, d’autre part, la salariée, n’ayant pas commis de faute, le licenciement avait été prononcé en raison de ses convictions religieuses et était nul. En 2019, la cour d’appel a rejeté la demande de nullité du licenciement aux motifs que la formule juratoire est dénuée de connotation religieuse et qu’ainsi l’employeur avait seulement respecté la loi qui exige l’assermentation pour exercer des fonctions d’agent de contrôle. La salariée a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Qu’est-ce qu’une prestation de serment ?

Le serment promissoire est un engagement solennel pris par une personne devant le juge : il recouvre le serment professionnel par lequel une personne, avant sa prise de fonction, s’engage à remplir les devoirs de celle-ci et aussi le serment de particuliers qui s’engagent à accomplir une mission ou un acte déterminé selon les règles propres à cette mission ou à cet acte (notamment les jurés et les témoins). Les textes légaux et réglementaires qui prévoient des formules précises de prestation de serment utilisent régulièrement la formule « je le jure » mais il est parfois recouru à d’autres termes.

Il peut aussi être noté, par exemple, qu’à la Cour de justice de l’Union européenne, pour la prestation de serment des nouveaux agents, deux formules de serment sont proposées, l’une commençant par « je jure », l’autre par « je promets solennellement ».

La question posée à la Cour de cassation

Lors d’une prestation de serment, est-il possible de substituer à la formule « je le jure » un engagement solennel ?

Un employeur peut-il retenir une faute contre un salarié qui n’a pas voulu prêter serment en utilisant les termes « je le jure » ?

La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation juge que le respect de la liberté de conscience et de religion impose de permettre à une personne qui prête serment de substituer à la formule « je le jure » une formule équivalente d’engagement solennel. Cette position est conforme :

– à la jurisprudence de la CEDH qui considère que les autorités de l’État ne peuvent s’enquérir des convictions religieuses d’une personne ou l’obliger à les manifester notamment à l’occasion d’une prestation de serment pour pouvoir exercer certaines fonctions ;

– à une jurisprudence très ancienne de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui permet aux témoins de prêter serment devant les juridictions pénales sans utiliser la formule « je le jure ».

Cet arrêt articule la liberté de conscience de la personne qui va prêter serment avec le principe de laïcité et de neutralité du service public qui s’impose à tout agent collaborant à un service public dans l’exercice de ses fonctions.

Par ailleurs, cet arrêt permet seulement de substituer une formule exprimant un engagement solennel aux termes « je le jure » et non de modifier la substance du serment qui doit être prononcé.

La Cour de cassation juge que refuser de dire « je le jure » ne constitue donc pas une faute et que le licenciement prononcé par la RATP sur ce fondement est sans cause réelle et sérieuse.

Toutefois, la Cour de cassation retient que l’employeur n’a pas commis de discrimination car il n’a pas décidé ce licenciement en raison des croyances religieuses de la salariée.

La chambre sociale de la Cour de cassation juge donc que le licenciement de la salariée était dépourvu de cause réelle et sérieuse et renvoie l’affaire devant une autre cour d’appel mais uniquement pour que soit fixée l’indemnisation à laquelle la salariée peut prétendre à ce titre.

Prescription sur les rappels de salaires résultant d’un forfait jours nul

Lorsque le salarié soulève la nullité de son forfait jours, il peut solliciter le paiement d’heures supplémentaires mais jusqu’à quelle date d’antériorité ?

En d’autres mots, quelle est la prescription des salaires à retenir ?

  • Celle de 2 ans car la première demande porte sur l’exécution du contrat de travail (c. trav. art. L. 1471-1)

ou

  • Celle de 3 ans car il s’agit in fine d’un rappel de salaire (c. trav. art. L. 3245-1) ?

La Cour de Cassation répond clairement que « La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l’action en paiement d’un rappel de salaire fondée sur l’invalidité d’une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale prévue par l’article L. 3245-1 du code du travail ». (Arrêt n° 861 du 30 juin 2021 (18-23.932) – Cour de cassation – Chambre sociale – ECLI:FR:CCAS:2021:SO00861)

C’est donc bien la prescription triennale qui doit être retenue.

Tâche supplémentaire et droit à une augmentation

Est-ce que le fait de confier de nouvelles tâches au salarié ou même une fonction supérieure hiérarchiquement à celle prévue initialement par le contrat de travail donne automatiquement droit à une augmentation de salaire ?

Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord vérifier dans la convention collective applicable à la relation de travail,   si les nouvelles fonctions entraînent un changement de classification.

Si  c’est le cas, il faudra ensuite s’assurer que le salaire du salarié est bien supérieur au minimum de la grille de salaire prévu pour ladite classification.

Mais que se passe t-il si le salaire avant changement de poste ou de fonction est déjà supérieur au salaire minimum prévu par la grille des salaires conventionnels ?

Le salarié peut-il exiger une augmentation en arguant de l’exécution déloyale du contrat?

C’est cette question qui a été posée à la Cour de Cassation dernièrement.

Dans le cas d’espèce, un salarié avait été engagé en qualité d’infirmier de bloc opératoire en septembre 1992 et occupait depuis 2009 les fonctions de directeur des soins hospitaliers sans avoir obtenu la moindre augmentation.

Il avait saisi le Conseil de prud’hommes pour obtenir des dommages et intérêts au motif que son salaire n’avait pas évolué lorsqu’il avait changé de fonction en 2009, devenant le directeur . Selon lui, cela constituait un manquement grave de l’employeur à ses obligations contractuelles.

Il n’avait pas raison.

La Cour de cassation a estimé que dès lors que le salarié avait accepté, sans contestation, la modification de son contrat de travail, l’employeur n’avait aucune obligation d’augmenter le salaire dudit salarié(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 mai 2021, 19-22.209 19-22.890, Inédit)

 

Du congé de paternité

Le congé paternité s’allonge enfin !

C’est une importante avancée sociétale pour la famille, les pères vont pouvoir pouponner leur nouveau né sans complexer et ce pendant au moins 28 jours.

Pour les naissances intervenues à partir du 1er juillet 2021 (ou prévues pour un terme après le 1er juillet), la durée du congé paternité est de :

– 25 jours calendaires pour une naissance simple ;
– 32 jours calendaires pour des naissances multiples.

Dans les deux cas, il faut ajouter à ces durées :

– les 3 jours légaux de congé de naissance ;
– ou les jours prévus pour la convention collective si ils sont supérieurs à 3 jours.

Comment doivent être pris les dits congés ?

–> immédiatement pour une fraction d’entre eux

4 jours de congé paternité doivent être pris directement à la suite du congé légal (3 jours) ou conventionnel de naissance.

La prise de ces 4 jours est obligatoire si le salarié veut prétendre au versement des indemnités journalières de la sécurité sociale. (Pour en bénéficier, le salarié doit justifier notamment de 10 mois d’affiliation à la date de début du congé de paternité et d’un nombre d’heures de travail suffisant.)

L’employeur a de son côté l’interdiction de faire travailler durant cette période le salarié.

Attention cependant, cette interdiction d’emploi n’est opposable à l’employeur que si le salarié l’a informé de la naissance de son enfant.

Si le salarié est déjà en congé (congés payés, congé pour événement familial…) au moment de la naissance, l’interdiction d’emploi démarre au terme de cette période de congé.

–> plus tard pour le solde

Le solde restant (21 ou 28 jours selon le nombre de naissances) peut être pris plus tard et fractionné.

Pour les naissances intervenant à compter du 1er juillet 2021, la période de prise est désormais de 6 mois à compter de la naissance de l’enfant. 

Le congé (21 ou 28 jours selon le nombre de naissances) peut être pris en deux fois, chacune de ces périodes devant avoir une durée minimale de 5 jours.

Exemple : si le salarié bénéficie d’un congé de 21 jours, il ne pourra pas prendre une première période de 3 jours de congé puis une seconde de 18 jours.

Cas particulier de report du congé au delà de 6 mois

Le congé peut être pris au-delà des 6 mois suivant la naissance dans deux cas :

– hospitalisation de l’enfant : le congé pourra alors être pris dans les 6 mois suivant la fin de l’hospitalisation ;
– décès de la mère : le congé de paternité pourra être pris dans un délai de 6 mois suivant la fin du congé postnatal (qui, en cas de décès de la mère, peut en effet être « repris »  par le père, ou, à défaut, par le conjoint, le concubin ou la personne liée par un Pacs avec la mère de l’enfant) pour la durée d’indemnisation restant à courir.

Cas particulier des jours supplémentaires en cas d’hospitalisation de l’enfant à la naissance

Si l’enfant est hospitalisé immédiatement après sa naissance, le congé de 4 jours devant obligatoirement être pris à la suite du congé de naissance pourra être porté à une durée supérieure, égale à la durée d’hospitalisation, dans la limite de 30 jours consécutifs (sans fractionnement possible donc).

Il n’y a pas d’interdiction d’emploi durant cette période « prolongée », qui découle de la demande du salarié.

L’hospitalisation dès la naissance signifie que l’enfant ne regagne pas le domicile entre sa naissance et son admission dans une unité de soins spécialisée.

Quand informer l’employeur?

Le salarié doit informer son employeur de la date prévisionnelle d’accouchement au moins 1 mois à l’avance.

Au moins 1 mois avant la date prévue pour le départ en congé, le salarié devra prévenir l’employeur de la date de ce congé.

S’il souhaite le fractionner, il devra l’en informer au moins 1 mois avant la date prévue pour chacune des périodes de congé, et lui en indiquer la durée. Si l’enfant naît avant la date prévisionnelle d’accouchement et que le salarié souhaite bénéficier du congé dès la naissance, il en informera sans délai l’employeur.

Indemnisation du congé

Le salarié en congé paternité pourra prétendre aux indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) pour toute la durée du congé.

Sans changement par rapport à aujourd’hui, il devra pour cela adresser une demande à l’organisme de sécurité sociale dont il relève au moyen d’un formulaire de demande homologué.

Ces IJSS seront calculées dans les mêmes conditions que celles attribuées à la salariée en congé maternité. Elles lui seront versées sous réserve qu’il cesse toute activité professionnelle pour la durée du congé. Elles lui seront également versées pendant toute la durée de l’éventuelle hospitalisation de l’enfant.

La durée maximale d’indemnisation sera donc alignée sur la durée maximale du congé applicable dès le 1er juillet (25 ou 32 jours).

L’indemnisation sera fractionnable en trois périodes d’au moins 5 jours chacune.

Présentiel ou télétravail : assouplissement du protocole sanitaire dès le 9 juin 2021

Dès le 9 juin prochain, le protocole sanitaire en entreprise assouplit ses préconisations pour le télétravail et ouvre la possibilité à des réunions en présentiel et à des moments de convivialité.

En pratique, il ne s’agit pas de revenir en présentiel 5 jours sur 5 mais de lever la règle autorisant le travail sur site uniquement un jour par semaine.

Attention, l’accord du salarié est toujours nécessaire.

Il faudra donc un dialogue social de proximité, un nombre minimal de jours de télétravail par semaine, pour les activités qui le permettent et ce, en s’appuyant sur l’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020.

Le protocole sanitaire, comme la Ministre du travail, rappellent toujours que « le télétravail peut être considéré comme une des mesures les plus efficaces pour prévenir le risque d’infection au SARS-CoV-2 dans un objectif de protection de la santé des travailleurs, conformément au premier principe de prévention énoncé à l’article L. 4121-2 du code du travail qui consiste à éviter les risques pour la santé et la sécurité au travail ».

Mais il est désormais fait état du constat de la nécessité de maintenir les liens au sein du collectif de travail et de prévenir les risques liés à l’isolement des salariés en télétravail.

Le retour des réunions en présentiel est donc clairement mis en avant et c’est une bonne chose.

Si les réunions en audio ou en visioconférence restent à privilégier, le ministère du travail admet qu’elles puissent se tenir en présentiel dès lors que les gestes barrières, notamment le port du masque, les mesures d’aération/ventilation des locaux ainsi que les règles de distanciation sont respectées.

Enfin concernant le retour de la convivialité, il est fixé dès le 9 juin 2021 à une jauge de 25 personnes maximum.

Pour ces moments de convivialité, les entreprises devront tout de même :

– assurer le strict respect des gestes barrières, notamment le port du masque ;
– prévoir des mesures d’aération/ventilation ;
– veiller au respect des règles de distanciation ;
– faire en sorte que ces moments de convivialité se tiennent dans des espaces extérieurs et qu’ils ne réunissent pas plus de 25 personnes.

Attention : la norme de l’attestation pôle emploi change au 1er juin 2021

À compter du 1er juin 2021, l’employeur devra transmettre à Pôle emploi une attestation en cours de validité, selon un seul modèle.

Ce modèle est à disposition sur :

  • les logiciels de paie s’ils sont dans le périmètre de la Déclaration sociale nominative (DSN) ;
  • l’espace employeur sur pole-emploi.fr accessible depuis ce service en ligne (hors périmètre de la DSN).

Attention, jusqu’à présent, les anciens modèles d’attestation transmis par les employeurs étaient encore tolérés par Pôle Emploi mais ce ne sera plus le cas à compter du 1er juin 2021.

Les attestations issues d’un ancien modèle seront automatiquement  rejetées.

Pour mémoire, un employeur qui ne respecte pas ses obligations en matière d’attestation employeur s’expose à une amende prévue par le Code du travail, pouvant s’élever jusqu’à 1 500 € ainsi qu’à une condamnation à des dommages et intérêts à l’égard du salarié.

Pour être sûr d’être à jour, il est conseillé aux employeurs d’utiliser la voie dématérialisée.

Les employeurs devront transmettre l’attestation par voie dématérialisée en utilisant un modèle unique et comportant toutes les informations nécessaires au calcul des droits de leurs anciens salariés.

Exception à la dématérialisation :

Seuls les employeurs de moins de 11 salariés et qui ne relèvent pas de la DSN peuvent choisir de transmettre leurs attestations en version papier.

Pour recevoir une version papier valide, il faut contacter Pôle emploi au numéro de téléphone suivant 3995.

En parallèle, l’employeur doit remettre au salarié une version signée de cette attestation, lui permettant de faire valoir ses droits aux allocations chômage. Il est possible d’imprimer une version de l’attestation à l’issue de sa déclaration effectuée en ligne.

 

De la charge de la preuve sur les temps de pause

Pour calculer les heures réalisées par un salarié, il faut bien évidemment retirer les temps de pause lorsque ces dernières sont bien prises !

Mais à qui appartient la charge de la preuve de la réalité de ces temps de pause? 

En matière de respect des durées maximales de travail, ce qui inclut le temps de pause, la preuve repose sur le seul employeur.

La Cour de Cassation vient de confirmer ce principe dans un arrêt de sa Chambre sociale du 8 avril 2021. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 avril 2021, 19-22.700, Inédit).

L’employeur doit établir:

  • qu’il a mis le salarié en mesure de prendre ses temps de pause ;
  • que le salarié les a effectivement pris.

Si l’employeur ne le fait pas, ces heures peuvent être considérées comme travaillées et même constituées des heures supplémentaires.

C’est donc une solution bien différente des  litiges relatifs au nombre d’heures de travail accomplies et à l’existence d’heures supplémentaires, où la charge de la preuve est partagée entre le salarié et l’employeur.

Du délai raisonnable entre la mise à pied conservatoire et le licenciement

Il est très fréquent que l’employeur qui constate un fait fautif grave du salarié commence par une mise à pied conservatoire avant d’engager la procédure de licenciement.

Cependant, il faut être vigilant car le délai entre la mise à pied conservatoire et l’envoi de la lettre de convocation à l’entretien préalable au licenciement doit être très court.

En effet, si l’employeur attend trop sans motif valable, la mise à pied perd son caractère conservatoire et devient une sanction interdisant la possibilité du licenciement qui serait une deuxième sanction pour les mêmes faits.

La mise a pied d’un salarié peut avoir deux natures :

  • soit elle est disciplinaire et elle constitue une sanction ;
  • soit elle est conservatoire dans l’attente d’une sanction et un licenciement peut être prononcé.

La Cour de Cassation dans un arrêt du 14 avril 2021 donne une illustration d’un délai déraisonnable  de 7 jours calendaires entre la mise à pied conservatoire et la convocation à l’entretien préalable lorsqu’il n’existe pas de motifs pour expliquer ce délai . (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 avril 2021, 20-12.920, Inédit)

Dans cette affaire, le salarié avait été mis à pied conservatoire le 8 septembre 2015 et convoqué le 15 septembre 2015 – soit 7 jours calendaires plus tard dont 4 jours travaillés – à un entretien préalable à un éventuel licenciement  puis licencié par lettre du 29 septembre 2015 pour faute grave.

Le salarié estimant que la mise à pied constituait non une mesure conservatoire mais une sanction saisissait la juridiction prud’homale pour constater l’illicéité de son licenciement sur le fondement de l’article L. 1331-1 du code du travail qui prévoit qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.

Pour débouter le salarié de ses demandes, la Cour d’appel, après avoir rappelé que le caractère conservatoire de la mise à pied ne devait être retenu que si celle-ci était immédiatement suivie de l’engagement d’une procédure de licenciement, a constaté que tel était le cas, puisque seulement quatre jours travaillés avaient séparé cette mise à pied de la lettre de convocation à l’entretien préalable.

La Cour de Cassation n’est pas de cet avis.

Elle a constaté que la procédure de licenciement avait été engagée sept jours calendaires après la notification de la mise à pied et que cette mesure présentait le caractère d’une sanction disciplinaire et que l’employeur ne pouvait ensuite décider à raison des mêmes faits le licenciement de l’intéressé.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 avril 2021, 20-12.920, Inédit)

Cette décision n’est pas surprenante.

Par arrêt du 30 octobre 2013, n°12-22.962, la Cour de Cassation avait refusé la qualification de mise à pied conservatoire à une mise à pied pour laquelle une procédure de licenciement n’avait été engagée que six jours plus tard sans justifier d’aucun motif à ce délai.

Contester une rétrogradation même après avoir signé l’avenant l’entérinant

 La Cour de Cassation par un arrêt du 14 avril 2021 offre au salarié rétrogradé la possibilité de contester sa rétrogradation même après avoir signé l’avenant la formalisant. (Arrêt n°475 du 14 avril 2021 (19-12.180) – Cour de cassation – Chambre sociale – ECLI:FR:CCASS:2021:SO00475) 

Dans cette affaire, un salarié a été engagé le 31 mars 1989, en qualité de responsable atelier imprimerie par le comité central d’une entreprise.

Le 1er mars 2008, il a été promu au poste de responsable du patrimoine régional (coefficient 172) du village de vacances.

Le 12 septembre 2014, l’employeur lui a notifié, sous réserve de son acceptation, une rétrogradation disciplinaire au poste de bibliothécaire 1, catégorie employé 3, coefficient minimum de 141, pour une rémunération mensuelle inférieure.

Un avenant à son contrat de travail à durée indéterminée a été régularisé en ce sens par les parties à effet du 6 octobre 2014.

Ultérieurement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale notamment en annulation de cette sanction et rétablissement, sous astreinte, dans un poste de qualification et rémunération équivalentes à son précédent emploi et a demandé réparation de son préjudice.

Le Conseil de prud’hommes a annulé la sanction de rétrogradation, par jugement du 10 mai 2016.

L’employeur a interjeté appel et la Cour d’Appel a infirmé la position des juges de première instance en retenant que la sanction était fondée et a débouté le salarié de ses demandes à ce titre.

L’arrêt d’appel a retenu que l’intéressé avait retourné l’avenant signé et précédé de la mention « lu et approuvé » dans lequel figurent précisément son nouvel emploi avec ses attributions, son lieu de travail, ses conditions d’hébergement, sa rémunération et la durée du travail, et que c’est donc en parfaite connaissance de cause qu’il a signé l’avenant entérinant sa rétrogradation disciplinaire qu’il a ainsi acceptée et n’est plus fondé à remettre en cause.

Le salarié a saisi la Cour de Cassation  qui fait droit à sa demande en cassant la décision de la Cour d’appel. (Arrêt n°475 du 14 avril 2021 (19-12.180) – Cour de cassation – Chambre sociale – ECLI:FR:CCASS:2021:SO00475) 

Elle retient  que :

  • L’acceptation par le salarié de la modification du contrat de travail proposée par l’employeur à titre de sanction n’emporte pas renonciation du droit à contester la régularité et le bien-fondé de la sanction ;
  • la validité de la sanction doit toujours être étudiée en tenant compte de la réalité des faits invoqués par l’employeur, de leur caractère fautif et de la proportionnalité de la sanction prononcée à la faute reprochée au salarié.

Sort du véhicule de fonction lors de la rupture du contrat de travail

Lorsque le contrat du salarié est rompu et que le salarié bénéficie d’un véhicule de fonction, le sort dudit véhicule peut poser des difficultés surtout lorsque la rupture est accompagnée d’un préavis non exécuté à la suite de la dispense de l’employeur.

En effet, dans ce cas, le salarié ne réalise plus aucune prestation pour l’employeur et ce dernier peut donc être tenté soit de solliciter la restitution du véhicule soit de refuser de régler les frais afférents à l’utilisation de ce dernier pendant le préavis.

Cette pratique est irrégulière.

Lorsque le salarié bénéficie d’un véhicule de fonction, il doit continuer d’en bénéficier pendant le préavis même si ce dernier n’est pas exécuté à la suite de la dispense de l’employeur.

En effet, la Cour de Cassation considère de manière constante que l’inexécution du préavis à la demande de l’employeur n’entraîne aucune diminution de l’avantage en nature constitué par la mise à sa disposition d’un véhicule de fonction pour un usage professionnel et personnel. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 mars 2021, 19-18.930, Inédit)

Il faut noter que l’employeur ne peut pas insérer, dans un contrat de travail, une clause de restitution au terme de laquelle il est prévu que la voiture de fonction doit être restituée à la date de la notification de la rupture dès lors que le salarié est dispensé d’exécuter le préavis.

En effet, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’inapplicabilité d’une telle clause de restitution.  (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 juillet 2012, 11-15.649, Publié au bulletin)

Si toutefois le salarié était contraint de restituer le véhicule de fonction,  il serait alors fondé à solliciter auprès de son employeur le versement d’une indemnité destinée à compenser la privation de cet avantage en nature. (Cass. Soc., 4 mars 1998, n° 95-42.858)

Il faut rappeler également que :

  • si la rupture est réalisée sans préavis (licenciement pour faute grave, dispense de préavis demandé par le salarié, ou rupture conventionnelle), il est patent que le véhicule de fonction doit être restitué le jour de la rupture ;
  •  si la rupture est réalisée avec un préavis exécuté, le salarié continue de bénéficier de son véhicule de fonction dans les mêmes conditions puisqu’il réalise un travail pour son employeur.

Avocat à la Cour D'appel de Paris – droit du travail et droit des affaires – Expert SYNTEC- BETIC-CINOV