Déplacement occasionnel imposé à un salarié en dehors de son secteur géographique habituel

Comment savoir si la mutation ou le déplacement imposé par l’employeur est licite?

Tout d’abord, il faut vérifier l’existence ou non d’une clause de mobilité dans le contrat de travail.

La clause de mobilité du contrat de travail n’est valable que si et seulement si elle :

– est acceptée par le salarié

– définit de façon précise sa zone géographique d’application et ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée. 

– ne porte pas atteinte au droit du salarié à une vie personnelle et familiale sauf si cette atteinte est justifiée par la tâche à accomplir et si elle est proportionnée au but recherché.

La Cour de Cassation invalide de nombreuses clauses de mobilités ne remplissant pas ces conditions cumulatives.

Récemment elle vient de juger qu’est nulle : une clause de mobilité prévoyant que le salarié s’engage à travailler sur les différents chantiers, présents et futurs, de son employeur au fur et à mesure des affectations qui lui seront données et qu’il effectuera tous les déplacements professionnels inhérents à son emploi, selon les instructions de son employeur. (Cour de cassation chambre sociale 3 mai 2012 N° de pourvoi: 11-10143 Non publié au bulletin Cassation partielle )

Dans la décision précitée la Cour de Cassation tranche une autre question : celle de la possibilité pour l’employeur d’imposer un déplacement occasionnel à son salarié.

La Haute juridiction précise que bien que la clause de mobilité du contrat de travail ne soit pas valable, l’employeur peut cependant sous certaines conditions imposer à son salarié un déplacement occasionnel. 

Dès lors l’affectation occasionnelle d’un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ou des limites prévues par une clause contractuelle de mobilité géographique peut ne pas constituer une modification de son contrat de travail.

Il n’en est ainsi que lorsque cette affectation:

– est motivée par l’intérêt de l’entreprise,

– qu’elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles,

– et que le salarié est informé préalablement dans un délai raisonnable ducaractère temporaire de l’affectation et de sa durée prévisible.

Ces conditions doivent être impérativement respectées. 

A défaut, l’employeur risque de voir le contrat résilié à ses torts comme dans l’arrêt précité qui retient la validité d’une prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur.(Cour de cassation chambre sociale 3 mai 2012 N° de pourvoi: 11-10143)

 

Fautes inexcusables : AREVA condamnée après la mort par cancer d’un salarié et RENAULT condamnée après plusieurs suicides

  • (mis à jour le 15/05/12)

La faute inexcusable est de plus en plus retenue par les juridictions en application de l’obligation de sécurité de résultat incombant à l’employeur.

Dans la presse d’aujourd’hui :

– Le Tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) de Melun a reconnu aujourd’hui « la faute inexcusable » du groupe Areva pour la mort d’un ancien employé d’une mine d’uranium de l’entreprise au Niger, décédé des suites d’un cancer du poumon

Selon le Nouvel observateur, le « TASS a fixé à environ 200.000 euros le montant des dommages et intérêts qui seront versés à la veuve de salarié. En mai 2011, la Cour d’appel de Versailles avait déjà condamné Renault pour « faute inexcusable », après le suicide d’un autre de ses salariés du site de Guyancourt, en 2006. »

– La Cour d’Appel de Versailles a reconnu hier « la faute inexcusable » de Renault à la suite du suicide d’un salarié. 

Selon le Figaro : 

Dans son arrêt, la 5ème chambre de la Cour d’appel de Versailles considère que « Renault n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver Hervé Tizon du danger auquel il était exposé en raison de la pénibilité avérée de ses conditions de travail et de la dégradation continue de celles-ci ».

La cour brocarde les supérieurs hiérarchiques du salarié qui « n’ont jamais réellement cherché à améliorer ses conditions de travail et n’ont jamais contrôlé ses horaires de travail », estimés par l’Inspection du travail à 10 à 12 heures par jour en janvier 2007, ce qui présentait « un caractère excessif« .

 

Contrat de travail d’une comédienne et du droit de priorité pour une tournée

Les décisions de la Cour de Cassation sur les contrats de travail des artistes comédiens ne sont pas légions.

Certaines méritent une attention toute particulière comme celle rendue par la Chambre sociale de la Cour de Cassation le 3 mai dernier (Cour de cassation chambre sociale 3 mai 2012 N° de pourvoi: 11-10501 Publié au bulletin ).

Dans cette affaire Mme X…, comédienne, a été engagée le 12 juin 2007 en vertu d’un contrat à durée déterminée par la Société nouvelle du théâtre de Marigny (la société Marigny) pour interpréter au théâtre Marigny le rôle d’Elvire dans la pièce Dom Juan.

Le contrat de travail prévoyait que l’artiste avait priorité de droit pour une éventuelle tournée.

Les conditions générales, notamment financières, devaient faire l’objet d’un contrat ultérieur avec le ou les producteurs de la tournée.

Les représentations au théâtre Marigny ont pris fin le 31 décembre 2007 .

Or une tournée ayant été organisée en septembre 2008 par une autre sociétésans la participation de Mme X…., celle-ci a saisi la juridiction prud’homale de demandes à l’encontre de la société Marigny.

Elle a obtenu gain de cause et s’est vue octroyer des dommages et intérêts.

La Cour de Cassation confirme la décision de la cour d’appel, qui a constaté que la société Marigny s’était engagée à ce que Mme X… bénéficie d’une priorité de droit sur son rôle pour une éventuelle tournée quel que soit le producteur, sans autres conditions

La société Marigny était tenue par un engagement s’analysant en une promesse de porte-fort.

Elle avait donc une obligation de résultat à l’égard de la comédienne !

Cette décision doit être approuvée car elle permet de rappeler la valeur d’un engagement contractuel.

 

Les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l’employeur

La clause du contrat de travail qui met à la charge du salarié les frais engagés par celui-ci pour les besoins de son activité professionnelle est illicite (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 3 mai 2012 N° de pourvoi: 10-24316 Non publié au bulletin Cassation partielle).

Cette solution repose sur une règle simple de droit du travail : les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l’employeur.

Ainsi, les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur, doivent lui être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est dueà moins qu’il n’ait été contractuellement prévu qu’il en conserverait la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire.

Cession d’entreprise : des conséquences de la suppression irrégulière d’une prime d’usage

Lorsque des primes sont versées à la suite d’un usage dans une entreprise, l’employeur peut toujours dénoncer cet usage.

Il doit alors respecter un délai suffisant de préavis pour dénoncer régulièrement ledit usage.

Le caractère suffisant du délai doit s’apprécier tant à l’égard des salariés auxquels l’avantage profite qu’à l’égard des institutions représentatives du personnel.

La Cour de Cassation vient de valider une prise d’acte de la rupture d’un contrat de travail aux torts de l’employeur qui avait dénoncé l’usage de versement de primes dans des conditions de délais insuffisantes(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 3 mai 2012 N° de pourvoi: 10-20738).

En l’espèce, un salarié engagé le 3 juin 1980 en qualité de chauffeur routier par la société Ortolan, avait régulièrement perçu diverses primes à compter du 1er octobre 1995.

A la suite du rachat de cette société, le nouvel employeur la société Olano logistique viande, estimant que ces primes étaient illégales, a, par lettre du 9 mars 2007, dénoncé auprès des salariés avec effet au 31 mars 2007, l’usage en vertu duquel elles étaient payées.

Estimant irrégulière la dénonciation de l’usage, le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail.

Les juridictions lui ont donné raison en retenant que les primes litigieuses restaient dues à la suite de la dénonciation irrégulière de l’usage.

Dès lors, le non-paiement des primes était un manquement suffisamment grave pour fonder la prise d’acte de la rupture.

 

L’absence de cause économique ne permet pas l’annulation du PSE

  • (mis à jour le 09/05/12)

L’article L.1235-10 du code du travail permet d’annuler une procédure de licenciement pour motif économique en cas d’absence ou d’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi.

La Cour de Cassation estime que cet article du Code doit être interprété strictement.

Ainsi, même si la cause économique du licenciement n’est pas établie, le PSE ne peut pas être annulé si il est suffisant.

(Arrêt n° 1299 du 3 mai 2012 (11-20.741) – Cour de cassation – Chambre sociale Cassation)

D’après le Communiqué de la Cour de Cassation :  » Cette délimitation du champ de la nullité résulte de la prise en compte de la volonté du législateur qui, par la loi du 27 janvier 1993, entendait faire du plan de sauvegarde de l’emploi le moyen d’éviter des licenciements, l‘absence de cause économique n’ouvrant droit qu’au paiement de dommages-intérêts au bénéfice du salarié licencié, en application des articles L. 1235-3 et L.1235-5 du code du travail. « 

 

Inquiétant : Le délit de harcèlement sexuel français n’existe plus

Je vous laisse lire le communiqué de presse de ce jour du Conseil Constitutionnel :

Communiqué de presse – 2012-240 QPC Décision n° 2012-240 QPC 

| M. Gérard D. [Définition du délit de harcèlement sexuel] 

« Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 février 2012 par la Cour de cassation, dans les conditions prévues par l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Gérard D. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 222-33 du code pénal. 

Le délit de harcèlement sexuel a été introduit dans le code pénal en 1992 et défini alors comme « le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ». La loi du 17 juillet 1998 a ajouté les « pressions graves » à la liste des actes au moyen des quels le harcèlement peut être commis. La loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a toutefois modifié cette définition pour élargir le champ de l’incrimination en supprimant toutes les précisions relatives aux actes par lesquels le harcèlement peut être constitué ainsi qu’à la circonstance relative à l’abus d’autorité. A la suite de ces lois successives, dans sa version soumise au Conseil constitutionnel, l’article 222-33 du CP disposait : « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». 

Le Conseil constitutionnel a fait application de sa jurisprudence constante relative au principe de légalité des délits et des peines. Ce principe, qui résulte de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, implique que le législateur définisse les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis. En l’espèce l’article 222-33 du code pénal permet que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l’infraction soient suffisamment définis. Par suite, ces dispositions méconnaissaient le principe de légalité des délits et des peines. Le Conseil constitutionnel les a donc déclarées contraires à la Constitution. L’abrogation de l’article 222-33 du code pénal prend effet à compter de la publication de la décision du Conseil et est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date. « 

Quid des victimes à ce jour ? 

En droit du travail, fort heureusement, il reste le délit de harcèlement moral qui peut être invoqué.

L’infraction de harcèlement sexuel devrait renaitre de ses cendres, mieux définie…mais dans combien de temps ?

En attendant il faut rappeler qu’il existe toujours les articles L 1153-1 du Code du travail et suivants qui interdisent le harcèlement sexuel au travail.

 

Du décompte du temps de travail des distributeurs de prospectus et de journaux

  • (mis à jour le 07/05/12)

Le Conseil d’Etat par une décision du 28 mars 2012, n°343072 Recueil LEBON, vient d’annuler le décret n°2010-778 du 8 juillet 2010 qui instituait une dérogation aux contrôles quotidiens hebdomadaires de la durée du travail des salariés dans le secteur des distributions de journaux et de prospectus.

Cette annulation est importante car elle modifie le décompte de la durée du travail pour les distributeurs de prospectus et de journaux.

En effet, le décret de 2010 prévoyait que la quantification du temps de travail se faisait par rapport à des tâches à accomplir, laissant présumer un temps de travail effectif.

A ce jour, le temps de travail desdits salariés ne pourra plus être comptabilisé à la tâche mais devra être comptabilisé en application des articles L.3121-1 ; L.3171-3 et L.3171-4 du Code du Travail, en tenant compte de la réalité du temps de travail effectif réalisé par les salariés.

Cela signifie que l’employeur devra pouvoir rapporter la preuve de la période pendant laquelle le salarié est à sa disposition et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations.

La décision du Conseil d’Etat repose sur le fait que les dérogations éventuelles à cette obligation de comptabiliser la durée effective du temps de travail ne pouvaient être autorisées que par la Loi.

Or les dérogations concernant les salariés distributeurs de prospectus ou de journaux avaient été prises par décret, ce qui constituait un excès de pouvoir.

Cela va donc impliquer pour toutes les entreprises employant des salariés à ce type de poste de conserver par devers elles un enregistrement des heures de début et de fin de travail de leurs salariés ou un relevé signé par les deux parties des heures accomplies.

A défaut, le salarié pourra se dévaloir de toutes heures supplémentaires non réglées.

 

Priorité de réembauchage : Du bon exercice par l’employeur de son obligation d’information des postes disponibles

  • (mis à jour le 07/05/12)

Le salarié bénéficie d’une priorité de réembauchage à la suite de son licenciement économique si il demande à en bénéficier de manière explicite.

Dans ces conditions, il doit :

– soit écrire un courrier à l’employeur pour lui demander à bénéficier de la priorité de réembauchage, 

– soit répondre à une sollicitation de ce dernier.

Lorsqu’un poste se libère, l’employeur doit impérativement informer tous les salariésqui ont demandé à bénéficier de la priorité de réembauchage.

Il ne peut en aucun cas prédéterminer quels seraient les anciens salariés intéressés.

La Cour de Cassation dans un arrêt de sa Chambre sociale du 11 avril 2012, n° pourvoi 11-11037 réaffirme ce principe en rappelant :

« En présence de plusieurs candidats sur un même poste, s’il est constant que l’employeur n’est pas tenu de suivre un ordre déterminé pour le choix du salarié réembauché, il lui incombe toutefois, en application de l’article L.1233-45 du Code du Travail d’informer préalablement tous les salariés licenciés pour motif économique qui ont manifesté le désir d’user de la priorité de réembauchage, de tous les postes disponibles et compatibles avec leurs qualifications ».

Cela signifie que l’employeur ne peut pas faire une présélection pour le même type d’emploi sur les salariés auxquels il propose les postes.

Dans les faits, il reste tout de même que l’employeur, même si il conserve cette obligation à l’égard de tous les salariés, dont le licenciement a été prononcé sur le même poste, reste libre du choix du salarié qu’il voudra recruter.

Du détournement de carburant à des fins personnelles

  • (mis à jour le 07/05/12)

La Cour d’Appel d’ANGERS, dans une décision de sa Chambre sociale du 24 janvier 2012, RG : 10/00279, a eu à traiter une situation plus fréquente qu’on ne le pense.

Dans cette affaire, un salarié a été licencié aux motifs qu’il aurait fait du véhicule de la société et de la carte du carburant, un usage abusif à des fins personnelles.

En d’autres termes, le salarié se voyait reprocher d’avoir utilisé son véhicule de fonction pour des déplacements personnels, ce qui était interdit par la charte de mise à disposition dudit véhicule.

L’employeur rapportait la preuve de l’existence d’une surconsommation du véhicule de fonction.

La Cour d’Appel n’a pourtant pas retenu l’existence d’une faute du salarié.

Il s’agit en effet d’apprécier les conditions habituelles d’utilisation du salarié etla tolérance générale appliquée par l’entreprise au cours de l’utilisation dudit véhicule.

Dans l’arrêt précité, la Cour d’Appel a retenu 

– l’usage abusif du véhicule de la société et de la carte du carburant tels que énoncés dans la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, c’est à dire caractérisé en fait par une surconsommation de 2,7/2,5 litres au 100 kilomètres ; 

– qu’un tel abus ne permet pas, eu égard au caractère peu important de la surconsommation du court délai de contrôle de la surconsommation et du court délai de contrôler la tolérance généralisée depuis longtemps en vigueur dans la société, de caractériser une attitude fautive, encore moins une faute grave de la part de Monsieur X.

– que par voie de réformation du jugement, son licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En d’autres termes, l’employeur qui souhaite licencier un salarié sur cette base doit pouvoir rapporter la preuve de l’utilisation par le salarié du véhicule et de la consommation du carburant à titre personnel en dehors du temps de travail et par des moyens qui sont portés à sa connaissance.

 

Avocat à la Cour D'appel de Paris – droit du travail et droit des affaires – Expert SYNTEC- BETIC-CINOV