Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Accident du travail, faute inexcusable et formation des intérimaires à la sécurité

Qu’ils soient intérimaires ou salariés de l’entreprise, l’employeur doit s’assurer que tous ceux qui travaillent dans son entreprise sont correctement formés à la sécurité.

A défaut, en cas d’accident de travail, la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est présumée établie pour les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, ils n’auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l’article L. 4154-2 du code du travail.

La Cour de Cassation fait une stricte application de ces dispositions légales dans un arrêt de sa  Chambre civile 2, 11 octobre 2018, 17-23.694, Publié au bulletin.

Elle rappelle que la preuve de la formation appartient à l’employeur en cas d’accident de travail notamment lorsqu’il existe des obligations renforcées de sécurité.(L. 4154-3 du code du travail)

Dans cette affaire, une salariée, affectée à un poste de découpe de viande (poste présentant des risques particuliers pour la santé et la sécurité), s’était blessée.

L’employeur avait renouvelé quelques jours avant l’accident les couteaux utilisés et avait mis à la disposition des salariés des gants de protection anti-coupure et anti-piqûre.

Il estimait avoir rempli ses obligations en matière de sécurité.

Malgré ces arguments, la Cour de cassation juge que l’employeur n’a pas apporté la preuve d’avoir dispensé la formation renforcée à la sécurité et commet par conséquent une faute inexcusable entraînant l’indemnisation spécifique du préjudice subi.

30 mois pour l’indemnité au titre de la méconnaissance du statut de DS ou RSS en cas de licenciement

La Cour de cassation change sa jurisprudence sur le montant de l’indemnité maximale due par l’employeur en cas de violation du statut protecteur contre le licenciement pour les représentants de la section syndicale (RSS), mais également pour les délégués syndicaux (DS) , (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 mai 2019, 18-11.036, Publié au bulletin ,  Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 mai 2019, 17-28.547, Publié au bulletin)

Le  représentant de la section syndicale ou le délégué syndical peut désormais  prétendre à une indemnité au titre de la méconnaissance du statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à la fin de la période de protection dans la limite de trente mois. 

Voici l’attendu de principe : « Vu l’article L. 2411-1, dans sa rédaction applicable au litige et les articles L. 2411-3 et L. 2142-1-2 du code du travail ;

Attendu que le représentant de section syndicale qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection, dans la limite de trente mois, durée minimale légale du mandat des représentants élus du personnel augmentée de six mois « . (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 mai 2019, 18-11.036, Publié au bulletin )

En fait, les juges alignent le droit à indemnisation du RSS (et du délégué syndical) sur celui de l’élu du personnel abusivement licencié et qui ne souhaite pas être réintégré qui bénéficie également d’un plafond de  30 mois.

Rappelons que si le délégué syndical (DS) et le représentant de la section syndicale (RSS) restent révocables à tout instant par leur syndicat, ce sont les élections professionnelles qui mettent fin aux mandats syndicaux. Il n’existe plus de mandats à durée indéterminée.

SYNTEC : précision sur la prime de vacances incluse dans le 13ème mois

mis à jour le 18/05/2021

Il y a de plus en plus de contrats de travail dans les entreprises soumises à convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseil, dite SYNTEC, qui prévoient que la prime de vacances est incluse dans le salaire voire dans le 13ème mois octroyé par l’employeur.

La Cour de Cassation a pu, à de nombreuses reprises, rappeler que l’employeur était en droit de prévoir cette modalité tant qu’il respectait les grilles de salaires prévues par la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseil, dite SYNTEC .

Néanmoins, il reste souvent une difficulté sur le quantum.

En effet, l’article 7.3 de la convention collective SYNTEC (ancien article 31 ) prévoit que l’ensemble des salariés doivent bénéficier d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés.

Dans une affaire récemment soumise à la Cour de Cassation, le contrat de travail d’un salarié prévoyait une rémunération de 12 mois à laquelle s’ajoutait un treizième mois calculé prorata temporis et payable pour moitié en juin et pour moitié en décembre, incluant la prime de vacances.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 avril 2019, 18-10.014, Inédit)

La Cour d’appel avait considéré que ce treizième mois venait en plus de la rémunération sans constituer une modalité de versement du salaire et qu’il fallait le considérer comme une prime de vacances.

La Cour de Cassation sanctionne la Cour d’Appel en relevant que cette dernière aurait dû vérifier si les primes de treizième mois versées à l’ensemble des salariés représentaient au moins 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 avril 2019, 18-10.014, Inédit)

Cette solution a été confirmée par un arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 mai 2021, 20-16.290, Inédit

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Rupture conventionnelle et Harcèlement moral

L’existence d’un harcèlement moral n’empêche nullement la signature d’une rupture conventionnelle valable.

La Cour de Cassation en sa chambre sociale a en effet jugé qu’en l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture intervenue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 janvier 2019, 17-21.550, Publié au bulletin).

Cette décision de la Cour de Cassation est à rapprocher de la position qu’elle tient depuis 2014 en permettant aux salariés inaptes ou en arrêt maladie  de conclure une rupture conventionnelle.

Cette position permet aux salariés de trouver une issue rapide à une relation de travail qui, tant qu’elle existe, les maintient dans un état psychologique difficile et leur rend impossible d’envisager l’avenir.

Cela permet également à l’employeur de mettre fin à une situation souvent lourde qui lui semble inextricable et parfois incompréhensible.

Néanmoins, le harcèlement moral quand il existe, nuit grandement aux facultés du salarié d’appréhender l’ensemble des conséquences post rupture et il n’est pas rare qu’il accepte une rupture « au rabais » pour avoir la paix.

  • Il faut donc alerter les salariés sur la nécessité de prendre conseil avec un avocat si une rupture conventionnelle est proposée par l’employeur en parallèle d’une situation de harcèlement moral ;
  • L’employeur lui-même sera rassuré d’une telle démarche qui participe à la sécurité juridique de la rupture conventionnelle et permet de s’assurer du réel consentement du salarié.

 

 

Rupture conventionnelle et inaptitude à la suite d’un accident de travail

La Cour de Cassation, après avoir accepté les ruptures conventionnelles malgré une inaptitude simple, étend sa jurisprudence aux inaptitudes résultant d’un accident de travail. (Cass. soc., 9 mai 2019, n° 17-28.767)

Dans cette affaire, Mme K…  a été engagée par la société Arbor France, devenue la société AFR France, en qualité d’employée élevage et couvoir.

Victime d’un accident du travail, la salariée a été déclarée inapte à son poste de travail par deux examens des 1er et 16 avril 2014.

La salariée et l’employeur ont signé une convention de rupture le 25 avril 2014 non dénoncée dans le délai de rétractation de 15 jours et qui a été régulièrement homologuée par la DIRECCTE.

Quelques temps après, la salariée revenait sur son accord et saisissait le Conseil de prud’hommes aux fins de voir  annuler la rupture conventionnelle de son contrat de travail en invoquant qu’elle avait été conclue en méconnaissance des obligations spécifiques d’ordre public mises à la charge de l’employeur par les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du Code du travail au profit du salarié régulièrement déclaré inapte à son emploi à la suite d’un accident du travail.

La Cour de Cassation rejette la demande de la salariée et retient :

« sauf cas de fraude ou de vice du consentement, non allégué en l’espèce, une convention de rupture pouvait être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail « 

Temps partiel résultant d’un congé parental et calcul des indemnités de licenciement

A retenir : le calcul des indemnités de licenciement et de reclassement d’un salarié en congé parental à temps partiel doit être effectué sur la base de la rémunération à temps plein.

La Cour de justice de l’Union européenne vient en effet de publier un communiqué de presse n° 60/19, le 8 mai 2019 à propos d’un arrêt rendu dans l’affaire C-486/18 RE/Praxair MRC SAS très clair sur la question.

Outre les modalités de calcul de l’indemnité de licenciement et de reclassement du salarié à temps partiel  en raison d’un congé parental, elle précise qu‘une réglementation nationale contraire entraîne une discrimination indirecte en raison du sexe.

En l’espèce, une salariée est licenciée pour motif économique dans le cadre d’un licenciement collectif, à une période durant laquelle elle bénéficiait d’un congé parental à temps partiel. Elle conteste le licenciement ainsi que le montant de son indemnité de licenciement et celui de son allocation de congé de reclassement.

La Cour de cassation Française qui a été saisie du contentieux ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 juillet 2018, 16-27.825, Publié au bulletin) a décidé de soumettre plusieurs  questions préjudicielles à la Cour de justice afin de connaitre la compatibilité de la législation française avec les principes de non discrimination entre hommes et femmes de Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne.

La Cour de Justice de l’Union Européenne démontre qu’il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l’application d’une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d’un sexe par rapport à l’autre.

Elle juge qu’une telle mesure n’est compatible avec le principe d’égalité de traitement qu’à la condition que la différence de traitement entre les deux catégories de travailleurs qu’elle engendre soit justifiée par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

Elle expose que la Cour de cassation a indiqué, dans le cadre du renvoi préjudiciel, qu’un nombre considérablement plus élevé de femmes que d’hommes choisissent de bénéficier d’un congé parental à temps partiel, puisque, en France, 96 % des travailleurs prenant un congé parental sont des femmes.

Dans une telle hypothèse, une réglementation nationale, comme la réglementation française, n’est compatible avec le principe d’égalité de traitement qu’à la condition que la différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins ainsi engendrée
soit, le cas échéant, susceptible d’être justifiée par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

En conclusion,  la Cour de Justice a retenu qu’aucun facteur objectivement justifié n’était avancé par la France et a conclu que la réglementation en cause n’apparaissait pas conforme au principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et  travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur, tel que prévu à l’article 157 TFUE.

SYNTEC : nullité du forfait d’heures modalité 2 et sort des RTT accordés

Plusieurs décisions rendues par la Cour de Cassation le 13 mars 2019 me permettent de revenir sur les situations des salariés qui se sont vus imposés dans leur contrat de travail :

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer à plusieurs reprises, en droit ces salariés ne peuvent pas être soumis à ce forfait d’heures et peuvent prétendre à un rappel de salaire pour les heures supplémentaires au-delà de 35 heures.

Néanmoins, tant que le salarié ne conteste pas la modalité de son temps de travail , il peut bénéficier de jours de RTT (en effet, sous cette modalité, le nombre de jours travaillés étant plafonné, le salarié qui y est soumis effectue moins de jours de travail dans l’année qu’un salarié soumis aux 35 heures).

Cependant, quid des RTT si le salarié demande l’inopposabilité de la modalité 2 et le paiement des heures supplémentaires ?

La Cour de cassation considère que, dans la mesure où les salariés n’étaient pas éligibles à la convention de forfait en heures à laquelle ils avaient été soumis, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 mars 2019, 18-12.926 18-12.931 18-12.952 18-13.020 18-13.040 18-13.056 18-13.070 18-13.097 18-13.166 18-13.188 18-13.190 18-13.191 18-13.195, Inédit)

Cela implique que l’employeur peut solliciter le remboursement des jours de réduction du temps de travail accordés.

Ainsi, le salarié qui souhaite obtenir le paiement de ses heures supplémentaires en contestant l’applicabilité de la modalité 2 et donc du forfait d’heures doit impérativement déduire de sa demande d’heures supplémentaires les jours de RTT dont il a bénéficié.

Quand contester la différence de traitement entre salariés prévue par un accord collectif ?

Il n’existe pas de présomption générale de justification des différences de traitement entre salariés par le seul fait qu’un accord collectif valable les prévoit.

Certes, dans la mesure où elles sont opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, il est tentant de considérer que les différences de traitement sont présumées justifiées.

Mais il ne s’agit nullement d’une reconnaissance générale ni d’une présomption générale . (Arrêt n°558 du 3 avril 2019 (17-11.970) – Cour de cassation – Chambre sociale – ECLI:FR:CCASS:2019:SO00558).

Dans cet arrêt, la haute juridiction retient qu’une différence de traitement fondée uniquement sur la date de présence du salarié sur un site ne saurait être présumée justifiée par l’existence de l’accord collectif.

Voici l’attendu :

 » Il en résulte qu’ayant retenu que l’accord n° 79 opère, entre les salariés, une différence de traitement en raison uniquement de la date de présence sur un site désigné, que les salariés sont placés dans une situation exactement identique au regard des avantages de cet accord dont l’objet est de prendre en compte les impacts professionnels, économiques et familiaux de la mobilité géographique impliqués par le transfert des services à Caen et d’accompagner les salariés pour préserver leurs conditions d’emploi et de vie familiale, la cour d’appel en a déduit à bon droit que, s’agissant d’une différence de traitement fondée sur la date de présence sur un site, celle-ci ne saurait être présumée justifiée. La cour d’appel ayant retenu ensuite qu’aucune raison objective n’était alléguée par l’employeur, elle a, hors toute dénaturation, légalement justifié sa décision »

Cette décision repose sur le fait que les accords collectifs sont soumis au principe d’égalité de traitement en sorte que la Cour a jugé que les différences de traitement que ceux-ci instaurent entre les salariés placés dans une situation identique au regard de l’avantage considéré doivent reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence (Soc., 1 juillet 2009, pourvoi n° 07-42.675, Bull. 2009, V, n° 168).

N’oublions pas cependant que la Cour de Cassation a par ailleurs  reconnu que certaines catégories de différences de traitement prévues par un accord collectif sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

C’est le cas pour les différences de traitement :

  • entre catégories professionnelles, opérées par voie de convention ou d’accord collectif (Soc., 27 janvier 2015, pourvoi n° 13-14.773, 13-14.908, Bull. 2015, V, n° 8, Soc., 27 janvier 2015, pourvoi n° 13-22.179, Bull. 2015, V, n° 9 et Soc., 27 janvier 2015, pourvoi n° 13-25.437, Bull. 2015, V, n° 10)
  • entre salariés exerçant, au sein d’une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d’accord collectif (Soc., 8 juin 2016, pourvois n° 15-11.324, Bull. 2016, V, n° 130),
  • entre salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d’accord d’établissement (Soc., 3 novembre 2016, pourvoi n° 15-18.444, Bull. 2016, V, n° 206),
  • entre salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d’accord d’entreprise (Soc., 4 octobre 2017, pourvoi n° 16-17.517, Bull. 2017, V, n° 170),
  • entre salariés appartenant à la même entreprise de nettoyage mais affectés à des sites ou des établissements distincts, opérées par voie d’accord collectif (Soc., 30 mai 2018, pourvoi n° 17-12.925, en cours de publication).

En présence d’autres différences de traitement, établies par le salarié, il appartient à l’employeur de justifier de raisons objectives dont le juge contrôle concrètement la réalité et la pertinence.

 

 

De la contestation du barème d’indemnisation des licenciements infondés

mis à jour le 13/08/2019

Comme j’ai déjà eu l’occasion d’en parler à plusieurs reprises, une des ordonnances du 22 septembre 2017 dite Ordonnance Macron, a modifié grandement les règles d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse en mettant en place un barème de dommages et intérêts, qui ne laisse plus beaucoup de place à la réalité des préjudices subis.

Ce barème consiste en des tranches d’indemnisation, qui varient selon l’ancienneté du salarié et l’effectif de l’entreprise sans tenir compte de sa situation personnelle, de son âge et de sa difficulté à retrouver un emploi.(art. L. 1235-3 du code du travail).

Le Code du Travail prévoit que le juge a l’obligation de respecter ces tranches, excepté lorsque le licenciement est nul, par exemple pour des faits de harcèlement ou de discrimination  (article. L. 1235-3-1 du code du travail)

Nous sommes de nombreux avocats à contester l’application de ce barème au nom des salariés en invoquant la convention 158 de l’OIT et la Charte sociale européenne qui consacrent le droit à une réparation « appropriée », pour inciter des conseils de Prud’hommes à ne pas prendre le barème en considération pour fixer le montant de leur indemnisation.

Plusieurs conseils de Prud’hommes ont accepté de retenir cette position et ont refusé d’appliquer le barème.

  • CPH de Paris 22 novembre 2018 RG F18/00964
  • CPH de Troyes, 13 décembre 2018, RG F 18/00036;
  • CPH d’Amiens, 19 décembre 2018, RG F 18/00040
  • CPH de Lyon, 21 décembre 2018, RG F 18/01238
  • CPH Lyon, 22 janvier 2019, n° 18/00458;
  • CPH Agen, 5 février 2019, n° 18/00049).
  • CPH Martigues 26 avril 2019

Voilà qui semble bien agacer le pouvoir exécutif.

Le ministère de la justice a demandé par l’intermédiaire d’une circulaire du 26 février 2019, à être informé des décisions ayant retenu l’argument l’inconventionnalité et celles l’ayant, au contraire, écarté. (circulaire-bareme-indemnisation-licenciement)

Le ministère demande aussi que lui soit communiqué les décisions ayant fait l’objet d’un appel. L’objectif est ici de pouvoir intervenir en qualité de partie jointe pour faire connaître l’avis du parquet général sur cette question d’application de la loi.

Le ministère rappelle que le dispositif a été validé par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel. – Dans sa circulaire, le ministère n’a pas manqué de rappeler que ce barème avait été soumis à la fois au Conseil d’État et au Conseil constitutionnel, le premier ayant explicitement écarté le moyen d’inconventionnalité».

Qu’en est –il réellement ?

Le juge des référés du Conseil d’État a considéré que ce barème n’était pas en contradiction avec la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) ni avec la Charte sociale européenne (CE 7 décembre 2017, n° 415243) ;

Le Conseil constitutionnel, à l’occasion de l’examen de la loi de ratification des ordonnances, a jugé le barème conforme à la Constitution, sans se prononcer formellement sur sa validité au regard de la Convention 158 de l’OIT, question qui n’est pas de sa compétence (c. constit., décision 2018-761 DC du 21 mars 2018, JO du 31).

Par deux avis  du mercredi 17 juillet 2019, la Cour de cassation a validé le barème d’indemnisation pour licenciement du salarié « sans cause réelle et sérieuse » (licenciement abusif) tel qu’il est fixé à l’article L 1235-3 du code du travail. (Avis n° 15012 du 17 juillet 2019 – Barème d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Avis n° 15013 du 17 juillet 2019 – Barème d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse )

Il existe encore une possibilité de contester ledit barème devant les instances européenne…

 

SYNTEC : l’indemnité conventionnelle et les 2 ans d’ancienneté des cadres

Pour les cadres soumis à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieursconseils et des sociétés de conseils (dite SYNYEC), il est très utile de déterminer précisément si le salarié a ou non 2 ans d’ancienneté au moment du licenciement.

En effet:

  • si le salarié a moins de 2 ans d’ancienneté, il bénéficie d’une indemnité légale de licenciement fixée par la loi soit 1/4 de mois par année d’ancienneté ;
  • si le salarié a plus de  deux ans d’ancienneté, il bénéficie de l’indemnité conventionnelle plus favorable (1/3 de mois par année de présence, sans pouvoir excéder un plafond de 12 mois).

La Cour de Cassation a été interrogée afin de savoir à quelle date devait être appréciée l’ancienneté d’un salarié licencié pour faute grave.

C’est sans surprise que la Haute Juridiction a fait une interprétation restrictive des textes en retenant que c’est la date  la notification du licenciement, qui était en l’espèce la date d’envoi des documents de fin de contrat, qui fixait le droit au bénéfice de l’indemnité conventionnelle de licenciement et à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 janvier 2019, 17-11.668, Inédit)