Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Sur l’impossibilité de licencier un salarié inapte pour faute

 

L’employeur qui a reçu un avis d’inaptitude peut-il décider de licencier le salarié sur un motif disciplinaire ?

Les dispositions légales prévoient qu’en cas d’inaptitude d’un salarié, d’origine professionnelle ou non professionnelle, l’employeur ne peut le licencier que dans des situations très précises :

  • soit l’employeur est dans l’impossibilité de reclasser le salarié ;
  • soit le salarié refuse le reclassement ;
  • soit l’avis d’inaptitude du médecin du travail mentionne que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L’inaptitude prononcée par le médecin du travail rend impossible le licenciement pour faute pour des faits antérieurs à l’arrêt maladie.

C’est ce que vient de décider la Cour de Cassation dans un arrêt de sa Chambre sociale du 20 décembre 2017, n°16-14.983, Publié au bulletin.

Dans cette affaire, le salarié avait été convoqué à un entretien le 11 février 2013 avec son supérieur hiérarchique au cours duquel un certain nombre de reproches lui avaient été faits.

Dès le lendemain il avait envoyé un arrêt de travail faisant état d’un accident de travail lié à cet entretien.

Plus de deux mois plus tard, il avait été déclaré par le médecin du travail inapte à tout poste dans l’entreprise avec mention d’un danger immédiat.

Considérant que le salarié avait fait une fausse déclaration d’accident du travail, l’employeur avait enclenché une procédure de licenciement pour faute grave le 22 mars 2013.

Ce licenciement avait été prononcé le 9 avril 2013.

En parallèle, l’employeur avait contesté l’avis d’inaptitude devant l’inspecteur du travail, mais celui-ci avait rejeté sa requête, dans une décision confirmée par la suite par le tribunal administratif (étant rappelé que depuis la loi Travail du 8 août 2016, ces contestations sont du ressort du conseil de prud’hommes).

Le salarié demandait au juge le versement d’indemnités de rupture, des dommages-intérêts pour licenciement abusif et exécution déloyale du contrat de travail.

La cour d’appel avait débouté le salarié de ses demandes et avait conclu que la faute grave était constituée et que l’attitude du salarié s’analysait en une fausse déclaration d’accident du travail, constitutive d’une faute grave au regard de l’exécution de bonne foi du contrat de travail et des responsabilités importantes de l’intéressé au sein de l’entreprise.

Elle a eu tort.

La Cour de Cassation retient que le régime de l’inaptitude prime sur tout autre motif de licenciement à partir du moment où l’inaptitude est prononcée.

 

Sanction du management par la peur

La Cour de Cassation, par 7 décisions de sa Chambre sociale du 20 décembre 2017, sanctionne le principe du management par la peur au titre de la violation de l’obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail.(Cass. soc. 6 décembre 2017, n° 16-10885, 16-10886, 16-10887, 16-10888, 16-10889, 16-10890, 16-10891 )

Qu’est ce que le management par la peur ?

Dans les affaires précitées, les salariés et un rapport de l’inspection du travail ont dénoncé un mode de management par la peur pouvant aller jusqu’à des pratiques de « mobbing », marqué par des pressions psychologiques, une hypersurveillance, des réprimandes injustes ou vexatoires en public ou en situation d’isolement dans le bureau du directeur, une désorganisation du travail et une incitation à la délation.

Par ailleurs, certains salariés avaient évoqué leur état dépressif ou encore l’idée de suicide et, face à cette situation, le médecin du travail avait été amené à prononcer des inaptitudes totales en urgence.

Ce management peut-il être en soi un acte suffisant, pour justifier une demande de dommages et intérêts de tous les salariés même ceux ne pouvant pas prouver directement des faits de harcèlement moral ?

La Cour de Cassation répond par l’affirmatif et rappelle que  l’obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l’article L. 1152-1 du code du travail . (Cass. soc. 6 décembre 2017, n° 16-10885, 16-10886, 16-10887, 16-10888, 16-10889, 16-10890, 16-10891 )

Elle estime dès lors qu’il est possible de condamner l’employeur pour ce motif sans avoir besoin de faits précis concernant la ou les victimes.

Voici son attendu : « la cour d’appel, qui a relevé qu’il ressortait notamment de divers procès-verbaux d’audition et d’un rapport de l’inspection du travail que de très nombreux salariés de l’entreprise avaient été confrontés à des situations de souffrance au travail et à une grave dégradation de leurs conditions de travail induites par un mode de management par la peur ayant entraîné une vague de démissions notamment de la part des salariés les plus anciens, a caractérisé un manquement de l’employeur à son obligation de prévention des risques professionnels à l’égard de l’ensemble des salariés de l’entreprise « 

Du délai d’un mois entre l’entretien préalable et le licenciement

Lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction à l’encontre d’un salarié pour faute, il doit respecter les délais de procédure prévus à l’article L 1332-2 du code du travail.

La sanction- la lettre de licenciement– ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien préalable.

Elle doit être motivée et notifiée à l’intéressé.

Attention il est de plus en fréquent que certaines lettres de licenciement soient un véritable énumération de causes dont certaines peuvent être simplement de l’insuffisance professionnelle.

Dans le cas d’une lettre mélangeant motif disciplinaire et non disciplinaire, le salarié ne peut invoquer uniquement la prescription de l’article L 1332-2 du code du travail précité si l’employeur a tardé à lui adresser sa lettre de licenciement ( soit plus d’un mois après l’entretien préalable).

En effet, si la prescription a pu jouer sur le motif disciplinaire c’est à dire sur la faute commise, cette prescription ne s’appliquera pas sur l’insuffisance professionnelle. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 décembre 2017, 16-23.139, Inédit)

 

 

Du référendum dans les TPE

Le « référendum TPE » est devenu réalité depuis le 29 décembre 2017 grâce à la parution du Décret 2017-1767 du 26 décembre 2017, JO du 28

Il est désormais possible de conclure des accords collectifs par référendum dans les entreprise de moins de 11 salariés ainsi que dans celles ayant entre entre 11 et 20 salariés lorsqu’elles n’ont pas d’élus du personnel (délégués du personnel ou membres du comité social et économique) (art. L. 2232-21 à L. 2232-23 du code du travail).

En pratique, l’employeur élabore unilatéralement un projet, puis le soumet au personnel pour approbation.

L’employeur définit seul et au préalable les modalités d’organisation du référendum, c’est-à-dire (art. R. 2232-11 du code du travail) :

-les modalités de transmission aux salariés du texte de l’accord ;

-le lieu, la date et l’heure de la consultation ;

-l’organisation et le déroulement de la consultation dont la liste des électeurs ; ( en conformité avec le code électorale)

-le texte de la question soumise aux salariés, qui porte naturellement sur l’approbation de l’accord.

Néanmoins certaines règles du contradictoire sont impératives :

–> L’employeur communique les modalités d’organisation du scutin aux salariés, ainsi que le projet d’accord, au moins 15 jours avant la date fixée pour la consultation (art. L. 2232-21 et R. 2232-12 du code du travail ).

La personne qui conteste la liste des salariés consultés a 3 jours pour saisir le Tribunal d’instance. Ce délai court à partir du moment où l’employeur a informé le personnel de cette liste. Le tribunal statue en dernier ressort (pas d’appel possible, seul le pourvoi en cassation est admis) (art. R. 2232-13 et R. 2324-24 du code du travail).

–> Le texte doit être adopté par les salariés à la majorité des deux tiers pour acquérir la valeur d’un accord collectif.

–> La consultation s’effectue « par tout moyen », pourvu que ses modalités garantissent le caractère personnel et secret du scrutin, qui a obligatoirement lieu en l’absence de l’employeur (art. R. 2232-10 du code du travail) ce qui exclut le vote à main levée.

–>Le résultat du scrutin est porté à la connaissance de l’employeur à l’issue de la consultation. Il donne lieu à un procès-verbal, dont l’employeur assure la publicité « par tout moyen ».

->Le procès-verbal devra être joint à l’accord lors de son dépôt auprès de l’administration et du greffe du conseil de prud’hommes.

–>Toute contestation relative à la régularité de la consultation doit être soumise au tribunal d’instance dans les 15 jours suivant le référendum. Le Tribunal statue en dernier ressort (art. R. 2232-13 et R. 2324-24 du code du travail).

La lettre de licenciement peut être précisée a posteriori

Depuis le 18 décembre 2017, et c’est une grande nouveauté de la réforme MACRON, l’employeur peut « préciser » la motivation d’un licenciement après sa notification tant que cette dernière est intervenue postérieurement au 17 décembre dernier.

C’est ce qu’expose désormais l’article L1235-2 du code du travail complété par l’ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 – art. 1.

Ces précisions peuvent être apportées :

  • soit à l’initiative de l’employeur
  • soit à l’initiative du salarié.

–> Lorsque c’est l’employeur qui, de sa propre initiative, souhaite préciser la motivation du licenciement, il doit le faire dans les 15 jours suivant la notification du licenciement, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.

–> Mais le salarié peut également demander des précisions à l’employeur sur les motifs évoqués et il a tout intérêt à le faire notamment s’il envisage une action prud’homale.

Le salarié qui, en présence d’un motif qu’il estime imprécis, ne demanderait pas à l’employeur de clarifier les raisons de la rupture ne peut pas invoquer ensuite cette insuffisance de motivation devant les prud’hommes pour faire juger qu’il a été licencié sans cause réelle et sérieuse.

Si l’imprécision de motivation est reconnue, il n’aura droit qu’à une indemnité d’au plus un mois de salaire, comme en cas d’irrégularité de procédure.

Le salarié qui souhaite obtenir des précisions sur les motifs indiqués dans la lettre de licenciement doit le demander à l’employeur dans les 15 jours suivant la notification du licenciement, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.

L’employeur qui souhaite répondre dispose alors d’un délai de 15 jours à compter de la réception de la demande du salarié pour fournir des précisions (par lettre recommandée avec accusé de réception ou lettre remise en main propre contre décharge).

 

Dans tous les cas, il faut  rappeler à l’employeur qu’il s’agit de « préciser » le motif, et non pas de le « compléter » comme cela avait été initialement envisagé dans le projet d’ordonnance MACRON.
En l’état des textes :
-une lettre ne comportant aucun motif ne nous semble pas pouvoir être complétée.
– il ne nous paraît pas envisageable d’ajouter de nouveaux motifs non visés dans la lettre de licenciement initiale.
Il faudra être attentif à l’interprétation à venir des juridictions sur cette question.

 

2018 : Smic, plafond de la sécurité sociale et taux d’intérêt

 

Smic 2018

–> le SMIC horaire est relevé à 9,88 euros bruts de l’heure,

–> le SMIC mensuel brut pour un salarié mensualisé soumis à un horaire collectif de 35 heures hebdomadaires est de 1 498.47 €.

Plafond de la sécurité sociale 2018

Les plafonds de la sécurité sociale sont :

  • 39 732 € en valeur annuelle (contre 39 228 € en 2017) ;
  • 3 311 € en valeur mensuelle (contre 3 269 € en 2017) ;
  • 182 € en valeur journalière (contre 180 € en 2017) ;
  • 25 €en valeur horaire.

Taux de l’intérêt légal

Les taux de l’intérêt légal applicables au 1er semestre 2018 sont fixés par un arrêté publié au Journal officiel du 30 décembre 2017.

Débiteur (qui doit) Créancier (à qui l’argent est dû) Taux
Particulier Particulier 3,73 %
Professionnel Particulier 3,73 %
Particulier Professionnel 0,89 %
Professionnel Professionnel 0,89 %

 

 

Des modèles de lettre de licenciement

Le décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017 publié le 30 décembre 2017 établissant des modèles types de lettres de notification de licenciement est paru et vient compléter le code du travail.

Depuis le 31 décembre 2017, les employeurs ont un outil supplémentaire pour faciliter la rupture des contrats de travail : des modèles de lettre de licenciement mis à leur disposition par décret.

Ces modèles, dont l’utilisation est facultative et non impérative,  rappellent les droits et obligations de l’employeur et du salarié.

Six modèles de lettre de licenciement sont disponibles.  :

-modèle de lettre de licenciement pour motif disciplinaire (faute sérieuse, grave ou lourde) ;

-modèle de lettre de licenciement pour inaptitude physique (d’origine professionnelle ou non professionnelle) ;

-modèle de lettre de licenciement pour motif personnel non disciplinaire ;

-modèle de lettre de licenciement pour motif économique individuel ;

-modèle de lettre de licenciement pour motif économique pour les petits licenciements collectifs (moins de 10 salariés dans une même période de 30 jours ou au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours dans une entreprise de moins de 50 salariés) ;

-modèle de lettre de licenciement pour motif économique pour les grands licenciements collectifs avec plan de sauvegarde de l’emploi, c’est-à-dire au moins 10 licenciements sur une même période de 30 jours dans une entreprise de plus de 50 salariés).

Le décret précise que l’employeur qui utilise ces modèles doit (décret, art. 1) :

-choisir parmi eux le modèle de lettre correspondant à la nature juridique du licenciement envisagé ;

-adapter ce modèle aux spécificités propres à la situation du salarié ainsi qu’aux régimes conventionnels et contractuels qui lui sont applicables.

Rappelons tout de même que la lettre de licenciement est un acte grave et qu’un simple modèle ne saurait utilement remplacer les conseils avisés d’un avocat compétent en la matière!!

Une erreur de modèle pourrait avoir des conséquences importantes sur la validité du licenciement.

C’est peut être la porte ouverte à un nouveau type de contentieux…

 

SYNTEC : Prime de vacances et prorata

Mis à jour 26 avril 2022

Régulièrement je suis interrogée sur la possibilité pour le salarié de percevoir sa prime de vacances alors qu’il a quitté l’entreprise avant le versement de celle-ci.

La Cour de Cassation dans un arrêt de 2017 avaitapporté une réponse de principe à propos d’un salarié dépendant de la convention collective Syntec (Convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987).

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 septembre 2017, 15-28.933, Publié au bulletin

Elle retenait en effet qu’une prime de vacances payable annuellement ne peut donner lieu à un versement prorata temporis à un salarié ayant quitté l’entreprise avant la date normale de son paiement que si ce prorata résulte d’une disposition conventionnelle ou d’un usage.

En clair:

  • si le salarié quitte l’entreprise avant la date annuelle de paiement de la prime de vacances, il ne peut prétendre à celle -ci pour l’année de référence,
  • par exception : un accord d’entreprise ou un usage peut prévoir une règle différente.

Attention

Il faut noter qu’un avenant n°46 en date du 16 juillet 2021 qui a été étendu le 5 avril 2023 a refondu la convention collective en faisant désormais apparaître des modifications sur la prime de vacance et notamment la possibilité d’en bénéficier prorata temporis. (position contraire à la jurisprudence actuelle de la Cour de Cassation )

Il s’agit du nouvel article 7.3 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils, sociétés de conseils.

Consulter les accords de son entreprise

Premier pas vers un accès plus large à l’ensemble du droit du travail par le grand public,  vous pouvez désormais avoir accès à tous les accords d’entreprise, accords collectifs conclus depuis le 1er septembre 2017 par une simple recherche sur internet.
La base de données est désormais en ligne sur le site  www.legifrance.gouv.fr, rubrique « Accords d’entreprise ».
Ceux qui auront la curiosité de s’y rendre rapidement constateront que plus de 140 accords sont déjà accessibles.
Pour mémoire, afin de renforcer l’accès des salariés au droit conventionnel, la loi Travail du 8 août 2016 avait rendu obligatoire la publication de tous les accords collectifs (conventions et accords de branche, de groupe, interentreprises, d’entreprise et d’établissement) conclus à compter du 1er septembre 2017 dans une base de données nationale (Article L2231-5-1 du code du travail).
C’est donc fait !
Vous constaterez que les critères de recherches permettent de retrouver  les accords par le nom de l’entreprise, le secteur d’activité, la ville ou encore les organisations syndicales signataires.
De plus, 38 thématiques sont indiquées pour simplifier la recherche (évolution des salaires, égalité salariale, aménagement du temps de travail, forfaits, travail de nuit, compte épargne temps, formation, GPEC, pénibilité, couverture santé-maladie, prévoyance collective…).

De la nouvelle obligation de l’employeur d’informer les salariés de la liste des organisations syndicales représentatives

Les ordonnances MACRON ont prévu une obligation pour l’employeur d’informer chaque année et par tout moyen,  ses salariés de l’existence, sur le site du ministère du Travail, de la liste des organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l’entreprise.

Cette obligation s’applique à toute entreprise, quel que soit le nombre de salariés.

L’employeur doit informer ses salariés par tout moyen .

A titre d’exemple il peut le faire par courriel, affichage dans l’entreprise, message sur l’intranet de l’entreprise,

Article 13 (Ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective )

L’employeur informe chaque année, par tout moyen, de la disponibilité des adresses des organisations syndicales de salariés représentatives dans la branche dont relève l’entreprise sur le site du ministère du travail.