Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Un compte rendu d’entretien est-il un avertissement ?

IMG_20150625_091759Lorsque l’employeur adresse à son salarié un compte rendu d’entretien comportant le rappel des griefs sur le comportement du salarié, il est important de déterminer la nature de ce compte rendu.

–> En effet, si le compte rendu d’entretien peut être qualifié de sanction disciplinaire et donc d’avertissement, alors le salarié ne peut être licencié sur ce motif en application de la règle « non bis in idem. »

–> En revanche, si ce compte rendu n’est pas qualifié d’avertissement, alors il peut servir à motiver valablement le licenciement du salarié.

La Cour de Cassation a été interrogée sur cette question en novembre 2015. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 novembre 2015, 14-17.615, Publié au bulletin)

Elle avait alors tranchée en faveur de l’employeur en ces terme : « le document rédigé par l’employeur n’est qu’un compte rendu d’un entretien au cours duquel il a énuméré divers griefs et insuffisances qu’il imputait à la salariée, sans traduire une volonté de sa part de les sanctionner, la cour d’appel a pu en déduire qu’il ne s’analysait pas en une mesure disciplinaire et n’avait donc pas eu pour effet d’épuiser le pouvoir disciplinaire de l’employeur « 

La solution aurait pû être différente si dans le compte rendu, l’employeur avait enjoint au salarié de cesser ses agissements.

Arrêt Maladie : Ne pas perdre le droit à ses indemnités Journalières

IMG_20140506_101427Par deux décisions du 16 juin 2016, la Cour de Cassation vient d’illustrer des situations d’un salarié en arrêt maladie qui a dû restituer les indemnités journalières perçues. (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 juin 2016, 15-19.041, Inédit ;Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 juin 2016, 15-19.443, Publié au bulletin)

–> Dans la première affaire, la caisse d’Assurance maladie demandait à un assuré la restitution du montant des indemnités journalières (IJ) en raison de son absence lors d’un contrôle administratif effectué à domicile.

L’assuré faisait valoir qu’il se trouvait pour un court moment dans la maison de ses parents jouxtant le terrain de la sienne et dont l’éloignement de son domicile n’avait quasiment pas excédé celui de son jardin ou de son parking.

La Cour de Cassation estime que la CPAM doit pouvoir faire son contrôle au domicile strict figurant sur l’arrêt de travail.

Le salarié n’étant pas à son domicile au sens de la loi, il doit rembourser les Indemnités journalières perçues induement. (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 juin 2016, 15-19.041, Inédit)

–> Dans la seconde affaire, il s’agissait d’un salarié ayant sollicitait une prolongation de son arrêt de travail par un autre médecin que son médecin prescripteur intial.

La Cour de cassation a jugé que le droit aux indemnités était supprimé si la prolongation de l’arrêt maladie était prescrite par un médecin autre que celui ayant prescrit l’arrêt de travail initial ou par le médecin traitant (ou son remplaçant), sauf impossibilité dûment justifiée par l’assuré. (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 juin 2016, 15-19.443, Publié au bulletin)

 

Impossible de supprimer la part variable du salaire sans l’accord du salarié

La disparition de la partie variable de la rémunération est une modification du contrat de travail nécessitant impérativement l’accord du salarié.

IMG_20140506_101559Cette modification ne peut donc résulter d’une décision unilatérale de l’employeur. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 juin 2016, 15-10.116, Inédit)

Il importe peu que cette modification permette au final une augmentation de la rémunération totale du salarié.

C’est une jurisprudence constante de la Cour de Cassation.

Dans cette affaire M. X… a été engagé à compter du 29 août 2003 par la société Savauto en qualité de chef des ventes, statut cadre, sur la base d’une rémunération fixe complétée par une rémunération variable composée de diverses primes.

Le salarié a été promu le 1er janvier 2005 aux fonctions de directeur commercial avec augmentation de sa rémunération fixe mais son employeur avait cessé de lui verser ses primes notamment sur objectifs.

Or il n’y avait aucune preuve que les parties avaient convenu de supprimer les primes auxquelles le salarié avait droit en vertu de la convention sur laquelle elles se sont accordées lors de l’embauche du salarié.

La Cour de Cassation valide le raisonnement de la Cour d’Appel qui a retenu que la disparition de la partie variable de la rémunération emportait modification du contrat de travail et nécessitait l’accord exprès du salarié.

Dès lors  faute pour l’employeur de prouver le consentement du salarié à cette modification, celui-ci est en droit de réclamer paiement de ces primes.

 

Heures de délégation : L’employeur doit payer avant de contester

L’article L2143-17 du code du travail sur les  heures de délégation prévoit que :

20150627_203953« Les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l’échéance normale.

L’employeur qui entend contester l’utilisation faite des heures de délégation doit saisir le juge judiciaire. »

Néanmoins, il ne peut pas le faire s’il n’a pas, au préalable, payé lesdites heures aux salariés protégés. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 mai 2016, 14-26.967, Publié au bulletin)

Cela implique bien évidemment que le salarié reste dans la limite du crédit d’heures qui lui est alloué par son mandat (DP, Syndical, CE etc).

La Cour de cassation rappelle donc  qu’il y a une présomption de bonne utilisation des heures de délégation prises hors temps de travail, dans la limite du crédit d’heures, qui impose leur paiement à l’échéance normale avant toute action en contestation de leur usage.

Quand un ancien salarié est obligé de céder ses actions avec une décote

Peut on contraindre un salarié licencié à céder ses actions à un prix inférieur à la valeur réelle de ces dernières ?

IMG_20140923_122333La Cour de Cassation valide cette situation dans le cas où elle est prévue par un pacte d’actionnaires précis et ne différencie pas selon les motifs du licenciement. (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 juin 2016, 14-17.978, Publié au bulletin)

Dans cette affaire, une société avait attribué gratuitement un certain nombre de ses actions à l’une de ses salariées.

Peu après, cette salariée et la société mère de son employeur concluaient un pacte d’actionnaires précisant que la salariée s’engageait à céder la totalité de ses actions au cas où elle viendrait, pour quelque cause que ce soit, à ne plus être salariée de cet employeur.

Ce même pacte précise que les modalités de fixation du prix de cession varieront selon les circonstances dans lesquelles le contrat de travail prendra fin.

Notamment, il était prévu qu’en cas de cessation du contrat de travail pour cause de licenciement, autre que pour faute grave ou lourde, le prix de cession des actions serait fixé à la moitié de celui déterminé par un expert.

Quelques années plus tard, la salariée était licenciée, licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse par la juridiction prud’homale, et contestait devant la juridiction commerciale le montant de cession de ses actions avec une décote de 50 % par rapport au prix fixé par l’expert.

Contrairement aux prétentions de la salariée licenciée, il est jugé que la clause de décote est valable.

La Cour de Cassation précise que cette clause a une cause licite et ne constitue pas une sanction pécuniaire prohibée. (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 juin 2016, 14-17.978, Publié au bulletin)

Harcèlement moral : l’appréciation des faits à la charge des magistrats du fond

mis à jour le 1er juin 2018

La Cour de Cassation ne se prononcera plus sur l’existence ou non du harcèlement moral mais elle vérifiera que les juridictions de fond (Cour d’Appel et Conseil de Prud’hommes) ont bien respecté les règles de preuve pour prendre une décision.

thC’est cette position que la Cour de Cassation vient de poser clairement dans une dernière décision sur le harcèlement moral rendue le 8 juin dernier. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 juin 2016, 14-13.418, Publié au bulletin)

Quelles sont ces règles que doivent respecter les juridictions de fond?

1– Vérifier que celui qui se prévaut d’un harcèlement apporte la preuve de faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement ;

2– Etudier les preuves fournies par l’employeur pour démontrer que lesdits faits  ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

3- Etudier les mesures prises par l’employeur pour faire cesser le harcèlement.

Dans la décision du 8 juin 2016, les attendus de la Cour de Cassation sont clairs :

« Mais attendu qu’aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu’en vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement ; qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu qu’il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que, sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement ;

Et attendu qu’après avoir exactement rappelé le mécanisme probatoire prévu par l’article L. 1154-1 du code du travail, la cour d’appel, qui sans se contredire, a souverainement retenu que la salariée établissait des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral mais que l’employeur justifiait au soutien de ses décisions d’éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, a décidé, dans l’exercice des pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 1154-1 du code du travail, qu’aucun harcèlement moral ne pouvait être retenu ; »

Inaptitude : forme des propositions de reclassement

Lorsque le médecin du travail rend un avis d’inaptitude, l’employeur doit rechercher une possibilité de reclassement au sein de l’entreprise et le cas échéant du groupe auquel celle-ci appartient, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

IMG_20140506_101441La Cour de Cassation rappelle que l’employeur doit respecter son obligation de manière loyale et sérieuse.

Pour autant, l’article L 1226-2 du Code du travail ne prévoit pas que l’employeur doit obligatoirement faire des propositions de reclassement par écrit.

La Cour de Cassation n’oblige donc pas l’employeur à faire ses propositions par écrit. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 31 mars 2016, 14-28.314, Publié au bulletin).

Néanmoins, il faut rappeler que l’employeur doit rapporter la preuve de ces efforts de reclassements… Bien que la preuve soit libre,  il est tout de même préférable de conserver un écrit qui facilite grandement la discussion.

Stock options dans le contrat de travail

Le contrat de travail peut prévoir l’attribution d’un complément de rémunération sous forme de stock options.

IMG_2097Pour mémoire, les stocks options sont  des droits qui  sont attribués au salarié  gratuitement sous certaines conditions pour leur permettre de faire l’acquisition d’actions de la société dont ils sont salariés.

Cette faculté peut être ouverte à tous les salariés ou réservée à certains d’entre eux, notamment au personnel d’encadrement, mais aussi aux mandataires sociaux de sociétés ne bénéficiant pas de l’aide de l’Etat.

La question a été posée à la Cour de Cassation de savoir si l’employeur qui avait pris l’engagement de verser annuellement au salarié un complément de rémunération, sous forme de stock options, pouvait refuser ce paiement en soutenant qu’aucun plan d’attribution de stock options n’avait été mis en place sur les périodes réclamées par le salarié.

La Cour de Cassation répond par la négative, l’employeur doit impérativement verser ce complément de rémunération sous forme de stock options sans pouvoir arguer de l’absence de mise en place de plan d’attribution par le Conseil d’Administration. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 avril 2016, 14-15.169, Inédit)

La Cour de Cassation considère en effet que subordonner le versement de stock options à l’existence d’un plan d’attribution annuelle reviendrait à inclure une clause purement potestative inopposable au salarié.

Du licenciement d’un salarié malade pour absence prolongée ou répétée

mis à jour le 19 juillet 2022

Aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de son état de santé comme le prévoit l’article  L1132-1 du code du travail, qui traite des questions de discriminations.

La maladie du salarié, même longue, ne peut pas être, en soi, un motif de rupture du contrat de travail.

IMG_20140506_101304Néanmoins, les absences répétées ou prolongées du salarié malade peuvent désorganiser l’entreprise et conduire l’employeur à envisager un licenciement.

La Cour de Cassation est très attentive à ce qu’il n’y ait pas d’abus de l’employeur dans cette situation.

Il faut que l’employeur rapporte la preuve que l’absence prolongée ou répétée entraîne :

Si une de ces conditions n’est pas remplie, le licenciement est reconnu sans cause réelle et sérieuse .

La Cour de Cassation vient à ce titre de préciser que ces deux critères doivent être appréciés strictement .

Ainsi  dans le cadre d’une entreprise ayant plusieurs magasins, la désorganisation ne doit pas s’apprécier uniquement sur un seul magasin mais sur l’ensemble de l’entreprise. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 mai 2016, 15-10.010, Inédit)

Attention depuis 2021 la Cour de cassation retient   que le licenciement du salarié, prononcé pour absence prolongée désorganisant l’entreprise et rendant nécessaire le remplacement définitif de l’intéressé,  dépourvu de cause réelle et sérieuse,  entraine condamnation de l’employeur à verser une ‘indemnité compensatrice de préavis et les congés payés.

 

Burn out et la reconnaissance en maladie professionnelle

L’article L461-1 du code de la sécurité sociale ouvre, depuis la loi sur le dialogue social du 17 août 2015, la possibilité de reconnaître des pathologies psychiques comme maladies d’origine professionnelle « hors tableau », via le système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles,

1517434_763736577007469_2988569837078343196_nDans les pathologies psychiques on retiendra notamment le « burn-out », encore appelé le syndrome d’épuisement professionnel ou la dépression suite au harcèlement moral, qui sont des situations que la Cour de Cassation reconnait au travail.

Certes, le texte de loi ne  définit pas précisément ces dépressions dues au travail mais en pratique, ces dernières sont nombreuses et très invalidantes pour le salarié qui en est victime.

Un décret du 7 juin 2016 met en place des modalités spécifiques de traitement des dossiers de reconnaissance des pathologies psychiques comme maladie professionnelle.

Le décret adapte donc la procédure d’instruction, en vue de faciliter la reconnaissance du caractère professionnel des maladies psychiques, en prévoyant l’intégration d’un spécialiste aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Il faut retenir que, pour les pathologies psychiques, le professeur des universités – praticien hospitalier ou le praticien hospitalier particulièrement qualifié en pathologie professionnelle peut être remplacé par un professeur des universités – praticien hospitalier ou un praticien hospitalier spécialisé en psychiatrie (c. séc. soc. art. D. 461-27 modifié).

De plus, le médecin – conseil de la CPAM ou le CRRMP doit faire appel, chaque fois qu’il l’estime utile, à l’avis d’un médecin spécialiste ou compétent en psychiatrie (c. séc. soc. art. D. 461-27, modifié).