Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

La clause de discrétion

La clause de discrétion est une clause très souvent insérée dans les contrats de travail.

Cette clause impose au salarié une obligation spécifique de confidentialité sur les informations qu’il peut recueillir dans l’exercice de ses fonctions.

IMG_2095Cette clause contrairement à la clause de non concurrence n’a pas besoin d’une contrepartie financière pour être valable.

La Cour de Cassation rappelle en effet qu’elle ne fait que reprendre le devoir de discrétion dû par tous les employés d’une entreprise.

De ce fait, la clause litigieuse ne porte pas atteinte au libre exercice par le salarié d’une activité professionnelle.

Elle se borne à imposer la confidentialité des informations détenues par lui et concernant la société.

La clause de discrétion n’a donc pas à être rémunérée.

Cession d’entreprise : modalités pratiques d’information des salariés

mise à jour 15/01/2016

Les  salariés des entreprises  doivent désormais être obligatoirement informés, au plus tard 2 mois  des projets de vente de leur entreprise.

La loi du 6 août 2015, pour la croissance et l’activité, apporte plusieurs assouplissements au principe de la loi Hamon selon lequel tout propriétaire de plus de 50 % du capital d’une SARL ou d’une SA ou de valeurs mobilières y donnant accès, doit informer les salariés de cette société, PME, de tout projet de vente de cette participation.

L’information préalable obligatoire ne porte désormais, non plus sur tout projet de cession (ce qui incluait notamment les projets de donation, d’échange ou d’apport), mais seulement sur tout projet de vente de la participation (C. com., art. L. 23-10-1 et s. mod.).

L’information préalable doit être transmise aux salariés selon l’une des modalités suivantes :

  • au cours d’une réunion d’information des salariés, avec signature d’un registre de présence,
  • affichage, avec signature d’un registre daté attestant avoir connaissance de cet affichage,
  • courrier électronique, avec une date de réception certifiée,
  • remise en mains propres, contre émargement ou récépissé,
  • lettre recommandée avec avis de réception,
  • acte d’huissier,
  • tout autre moyen de nature à rendre certaine la date de réception.

L’information préalable ne sera pas non plus applicable si, au cours des 12 mois qui précèdent la vente, celle-ci a déjà fait l’objet d’une information préalable (C. com., art. L. 23-10-6 et L. 23-10-12 mod.

Attention, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition de la loi Hamon du 31 juillet 2014 sur l’économie sociale et solidaire, qui prévoyait l’annulation d’une cession d’entreprise si les salariés n’avaient pas été informés de cette vente au préalable. (Décision n° 2015-476 QPC du 17 juillet 2015)

Dans les entreprises jusqu’à 249 salariés, les salariés devaient être obligatoirement informés du projet de cession du fonds de commerce au plus tard 2 mois avant la cession, afin de leur permettre de proposer une offre de reprise. 

Mais, la loi Macron a remplacé cette sanction par une amende civile plafonnée à 2 % du prix de la vente (La loi du 6 août 2015) .

Ces dispositions sont en vigueur depuis la publication du  décret en date du 28 décembre 2015 qui fixe au 1er janvier 2016 l’entrée en vigueur de ces évolutions et procède aux ajustements réglementaires mineurs qu’elles nécessitent.

Du non-paiement des jours de travail supérieurs au forfait jours

Lorsque le salarié bénéficie d’un forfait jours valable, et qu’il a travaillé plus de jours que ceux prévus dans son forfait jours, il a le droit de demander à son employeur un complément de salaire.

IMG_2097Ce salaire doit tenir compte à la fois du taux journalier mais également inclure une majoration (comme c’est le cas pour les heures supplémentaires).

Quels sont les recours du salarié, si l’employeur refuse de payer le nombre de jours travaillés en sus? 

Le salarié peut saisir le Juge des Référés du Conseil de Prud’hommes pour obtenir le paiement des jours supplémentaires.

Mais, selon la Cour de Cassation, le salarié ne peut pas demander la résiliation de son contrat de travail pour ce seul motif.

C’est cette position que vient d’affirmer pour la première fois, la Cour de Cassation dans un arrêt du 21 octobre 2014. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 octobre 2014, 13-19.786, Publié au bulletin ).

Elle estime en effet que  » le seul fait du non-paiement des jours de travail supérieurs au forfait jour ne constituait pas un manquement suffisamment grave de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail « .

Cette décision est contraire à la position retenue par la Cour de Cassation en cas de non paiement des heures supplémentaires ….

Il faudra donc surveiller l’évolution de la jurisprudence sur ce point…

Quand un fait de la vie privée a des répercussions négatives dans l’entreprise

Le salarié a droit à une vie privée mais cette dernière ne doit pas troubler la vie de l’entreprise ou avoir des répercussions négatives sur l’employeur.

Un fait tiré de la vie privée du salarié qui crée un trouble caractérisé au sein de l’entreprise peut justifier un licenciement. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 septembre 2010, 09-65.675, InéditCour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 octobre 2014, 13-16.793, Publié au bulletin )

Ce dernier arrêt a été rendu à propos d’insultes prononcées à l’égard de collègues pendant un voyage d’agrément offert par l’employeur.

La Cour de Cassation et le Conseil d’Etat partagent la même analyse. (Conseil d’État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 15/10/2014, 362235).

Dans cette dernière affaire,  le salarié protégé avait adressé à une jeune salariée de l’entreprise des appels téléphoniques et de nombreux courriels au contenu déplacé et insultant alors qu’elle lui avait expressément demandé, à plusieurs reprises, de cesser de l’importuner.

Il avait persisté dans son comportement, allant jusqu’à importuner l’intéressée à son domicile.

Le Conseil d’Etat considère que la nature et le caractère répété des agissements en cause, leurs répercussions sur la salariée concernée et les antécédents de l’intéressé peuvent avoir constitué un trouble à l’entreprise justifiant une faute grave.

Les faits bien que relevant de la vie privée ne sont pas sans effet sur l’entreprise et pourront donc être sanctionnés.

Du licenciement pour faute grave prouvé par un système de traitement automatisé d’informations personnelles

Attention, l’employeur ne peut pas toujours licencier un salarié fautif sur des preuve obtenues à l’aide d’un système de traitement automatisé d’informations personnelles.

Il faut auparavant que  le système de traitement automatisé d’informations personnelles soit déclaré à la CNIL. (Commission nationale de l’informatique et des libertés)

Cette solution a été affirmée par la Cour de Cassation la première fois, il y a plus de 10 ans dans le cadre  d’un système de badges géré par des moyens automatisés et permettant d’identifier les salariés à leur entrée et à leur sortie des locaux de l’entreprise.

Dans cette affaire, la Cour de Cassation avait refusé de sanctionner un salarié qui avait refusé de badger en retenant le non respect par l’employeur de son obligation de déclaration du système de traitement des données à la CNIL.

Voici l’attendu concerné : «  qu’à défaut de déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés d’un traitement automatisé d’informations nominatives concernant un salarié, son refus de déférer à une exigence de son employeur impliquant la mise en oeuvre d’un tel traitement ne peut lui être reproché . » (Cour de Cassation, Chambre sociale, du 6 avril 2004, 01-45.227, Publié au bulletin).

La Cour de Cassation vient de rendre une décision dans le même sens ce mois-ci à propos d’un contrôle automatisé des messageries personnelles de salariés. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 octobre 2014, 13-14.991, Publié au bulletin).

Dans cette affaire, l’employeur avait mis en place  d’un dispositif de contrôle individuel de l’importance et des flux des messageries électroniques.

La Haute juridiction rappelle que constituent un moyen de preuve illicite les informations collectées par un système de traitement automatisé de données personnelles avant sa déclaration à la CNIL.

L’illicéité d’un moyen de preuve doit entraîner son rejet des débats.

Cela permet donc d’invalider le licenciement, si la preuve de la faute repose uniquement sur le relevé illicite.

Voyage d’agrément organisé par l’employeur : attention à la consommation abusive d’alcool

Le salarié qui participe à un voyage d’agrément offert par son employeur ne doit pas oublier qu’il va côtoyer des collègues ou supérieurs.

Il doit donc rester vigilant surtout s’il a « l’alcool mauvais ».

La Cour de Cassation vient en effet de juger valable le licenciement d’un salarié pour des faits qui s’étaient produits pendant un voyage d’agrément offert par l’employeur. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 octobre 2014, 13-16.793, Publié au bulletin)

Dans cette affaire,  un salarié,  inspecteur principal d’une compagnie d’assurance , avait été convié à un voyage organisé en Croatie par la société afin de récompenser les salariés lauréats d’un concours interne à l’entreprise.

Ayant manifestement trop bu, il avait menacé physiquement et insulté à plusieurs reprises ses collègues et supérieurs hiérarchiques.

Rapatrié dès le lendemain, il avait été ensuite licencié pour faute grave.

La Cour de Cassation estime que les faits de menaces, insultes et comportements agressifs commis à l’occasion d’un séjour organisé par l’employeur dans le but de récompenser les salariés lauréats d’un « challenge » national interne à l’entreprise et à l’égard des collègues ou supérieurs hiérarchiques du salarié, se rattachaient à la vie de l’entreprise.

Elle en déduit donc que le licenciement est valable car les faits ne relèvent pas de la vie privée.

 

La pénibilité au travail et le compte personnel de prévention de la pénibilité

(Mise à jour le 18 novembre 2014)

Le compte personnel de prévention de la pénibilité entrera en vigueur dans les entreprises dès le 1er  janvier 2015. ( art. L. 4162-2 du code du travail).

Ce compte personnel de prévention de la pénibilité ( dit CPPP) prévoit que les salariés exposés aux facteurs de pénibilité et de risques professionnels cumulent des points sur le CCPP (1 point par trimestre d’exposition).

Dès lors , les salariés exposés pendant une année complète à un seul facteur obtiennent 4 points et ceux exposés à plusieurs facteurs 8 points.

La fiche de prévention des expositions est le support du compte personnel de prévention de la pénibilité (CPPP).

Le CPP est  plafonné à 100 points sur l’ensemble de la carrière du salarié.

Ces points ouvrent droit à :

  • une action de formation professionnelle en vue d’accéder à un emploi pas ou moins exposé (1 point = 25 heures de formation),
  • un passage à temps partiel sans baisse de rémunération (10 points = 1 trimestre à mi-temps),
  • un départ anticipé à la retraite (10 points = 1 trimestre de droits à la retraite).

Attention cependant, il y a une obligation d’utiliser les 20 premiers points obtenus pour la formation professionnelle.

10 facteurs de pénibilité ont été recensés dans le cadre de la réforme des retraites. Continuer la lecture de La pénibilité au travail et le compte personnel de prévention de la pénibilité

Contester une mise à la retraite d’office

L’employeur peut décider de la mise à la retraite d’office du salarié dans deux cas rappelés par l’article L 1237-5 du code du travail :

– soit lorsqu’il a atteint l’âge de la mise à la retraite (en général 67 ans pour les salariés nés après le 1er janvier 1955 ) et qu’il a été engagé par l’employeur avant cet âge .

– soit lorsque le salarié peut bénéficier d’une pension de vieillesse à taux plein au sens de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale .

IMG_20140923_122626Dans ce dernier cas, c’est à l’employeur qui décide de mettre à la retraite d’office son salarié de rapporter la preuve que ce dernier peut bénéficier d’une retraite à taux plein.

En effet, la Cour de Cassation rappelle que « il appartient à l’employeur, qui se prévaut de la possibilité donnée à l’entreprise de rompre le contrat de travail d’un salarié qui peut bénéficier d’une pension de vieillesse à taux plein de rapporter la preuve de ce que les conditions de sa mise à la retraite sont remplies, » (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 septembre 2014, 13-14.944, Inédit)

A défaut de pouvoir rapporter cette preuve, l’employeur risque de voir la mise à la retraite d’office requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Faut-il informer son employeur de sa mise en examen ?

Lorsque la mise en examen d’un salarié porte sur des faits en relation directe avec sa mission professionnelle, le salarié doit en informer l’employeur.

A contrario, lorsque les infractions dont dépendent la mise en examen n’ont aucune rapport avec l’activité professionnelle du salarié, il s’agit d’ un simple fait de la vie privée qui n’a pas à être porté à la connaissance de l’employeur.

IMG_20140923_122333Voilà en substance, la position récurrente de la Cour de Cassation , illustrée par un arrêt récent du 29 septembre dernier. Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 septembre 2014, 13-13.661, Publié au bulletin)

Dans cette affaire, une salariée, médecin conseil  auprès d’une compagnie d’assurance avait été mise en examen du chef d’escroquerie en bande organisée notamment pour des faits intéressant le paiement des prestations de la sécurité sociale.

Elle n’en avait pas informé son employeur.

Apprenant par voie de presse la mise en examen, son employeur l’avait licenciée pour violation de l’obligation de loyauté.

La Cour de Cassation lui donne raison en estimant que la présomption d’innocence ne fait pas obstacle au devoir de loyauté entre le salarié et son employeur, lorsque l’infraction visée à un rapport avec l’activité professionnelle.

Voici les attendus de la décision judiciaire :

« Mais attendu que la dissimulation par le salarié d’un fait en rapport avec ses activités professionnelles et les obligations qui en résultent peut constituer un manquement à la loyauté à laquelle il est tenu envers son employeur, dès lors qu’il est de nature à avoir une incidence sur l’exercice des fonctions ;

Et attendu que la cour d’appel, qui n’a pas fondé sa décision sur la seule mise en examen de la salariée, laquelle bénéficiait de la présomption d’innocence, mais a retenu que ce fait avait été caché à l’employeur alors qu’il était en rapport avec les fonctions professionnelles de la salariée et de nature à en affecter le bon exercice, a ainsi caractérisé un manquement de l’intéressée à ses obligations professionnelles ; »

 

Rupture conventionnelle et Accident du travail

Mise à jour 30 décembre 2015

La rupture conventionnelle est possible lorsque le contrat de travail est suspendu à la suite d’un accident de travail. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 septembre 2014, 13-16.297, Publié au bulletin).

L’attendu de la Cour de Cassation est clair :

« sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, non invoqués en l’espèce, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle ».

La haute juridiction estime donc que l’article L. 1226-9 du code du travail  ne vise que les situations de rupture unilatérale du contrat et ne ferme pas la porte à la rupture conventionnelle.

Pourquoi pas !

Voilà qui devrait ouvrir de nouvelles perspectives aux salariés et employeurs qui veulent se séparer dans des conditions plus souples et surtout qui ne veulent pas attendre la décision d’inaptitude ou d’aptitude du médecin du travail  pour mettre un terme à la relation contractuelle.

Rappelons que la Cour de Cassation avait déjà pris une décision qui préfigurait cette solution lorsqu’elle avait accepté le principe de la rupture conventionnelle en cas d’inaptitude partielle.

Confirmation de cette solution (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 décembre 2015, 13-27.212, Publié au bulletin)