Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Obésité : La protection du travailleur obèse en cas de discrimination

La Cour de justice de l’union européenne a été saisie pour la première fois de la question – à ma connaissance – de la discrimination d’un travailleur en raison de son obésité.

Elle retient dans un arrêt du 18 décembre 2014 (  C‑354/13) que : 

Le droit de l’Union ne consacre pas de principe général de non-discrimination en raison de l’obésité, en tant que telle, en ce qui concerne l’emploi et le travail.

IMG_20140923_122626– La directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doit être interprétée en ce sens que l’état d’obésité d’un travailleur constitue un «handicap», au sens de cette directive, lorsque cet état entraîne une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques durables, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs.

Ainsi afin de savoir si l’obésité doit être considérée comme un handicap d’un salarié, il appartient à la juridiction nationale de vérifier si, dans l’affaire au principal, les conditions précitées sont remplies.

Rappelons qu’en droit privé français, même si la personne obèse n’était pas considérée comme « handicapée » au sens européen, l’article L1132-1 du code du travail interdit également la discrimination en raison de l’apparence physique et donc la discrimination des personnes obèses.

Notons que c’est la Justice Danoise qui a interrogé la Cour de Justice de l’union européenne sur cette question d’obésité à propos d’un litige entre une administration danoise et un des assistants maternels qu’elle emploie.

Les faits sont les suivants : Continuer la lecture de Obésité : La protection du travailleur obèse en cas de discrimination

DU SMIC EN 2015

A compter du 1er janvier 2015

–> le SMIC horaire sera relevé à à 9,61 euros bruts de l’heure,

–> le SMIC mensuel brut pour un salarié mensualisé soumis à un horaire collectif de 35 heures hebdomadaires sera de 1 457,52 euros.

Pour mémoire :

Les augmentations du Smic mensuel depuis 2005

(Source : Insee )

1er juillet 2005:  1 217,88 euro; 8,03 euros;

1er juillet 2006:  1 254,28 euro; 8,27 euros;

1er juillet 2007:  1 280,07 euro; 8,44 euros;

1er mai 2008 : 1 308,88 euro; 8,63 euros;

1er juillet 2008 : 1 321,02 euro; 8,71 euros;

1er juillet 2009 : 1 337,70 euro; 8,82 euros;

1er janvier 2010:  1 343,77 euro; 8,86 euros;

1er janvier 2011 : 1 365 euro; 9 euros;

1er décembre 2011:  1 393,82 euro; 9,19 euros;

1er janvier 2012:  1 398,37 euro; 9,22 euros;

1er juillet 2012 :  1 425,67 euro; 9,40 euros;

1er janvier 2013 : 1 430,22 euro; 9,43 euros;

1er janvier 2014 : 1 445,38 euro; 9,53 euros;

Le nouveau CDD à objet défini des ingénieurs et cadres

La loi du 20 décembre 2014 publiée au journal officiel du 21 décembre 2014 vient de confirmer le nouveau CDD (contrat à durée déterminée )  qui avait été testé depuis 2008.

C’est le CDD  à objet défini.

Il est désormais prévu par l’article  L1242-2 du code du travail qu’un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire pour le recrutement d’ingénieurs et de cadres, au sens des conventions collectives, en vue de la réalisation d’un objet défini lorsqu’un accord de branche étendu ou, à défaut, un accord d’entreprise le prévoit

IMG_20140506_101421Pour ce faire, l’accord doit définir:

a) Les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d’apporter une réponse adaptée ;

b) Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini bénéficient de garanties relatives à l’aide au reclassement, à la validation des acquis de l’expérience, à la priorité de réembauche et à l’accès à la formation professionnelle continue et peuvent, au cours du délai de prévenance, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnel ;

c) Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini ont priorité d’accès aux emplois en contrat à durée indéterminée dans l’entreprise

Pour mémoire, il faut rappeler que ce CDD peut ne pas comporter de terme précis mais il est alors conclu pour une durée comprise entre 18 et 36 mois. ( Article L1242-8-1 du code du travail )

Il prend fin automatiquement avec la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu après un délai de prévenance au moins égal à deux mois.

Ce contrat peut par ailleurs être rompu par l’une ou l’autre partie, pour un motif réel et sérieux, 18 mois après sa conclusion puis à la date anniversaire de sa conclusion.

Il ne peut pas être renouvelé.

Comme tout CDD, il est obligatoirement établi par écrit. Il comporte les mentions généralement prévues pour un CCD.

Attention cependant d’’autres mentions sont obligatoires : (Article L1242-12-1 du code du travail)

  • mention “contrat à durée déterminée à objet défini” ;
  • intitulé et références de l’accord collectif qui institue ce contrat ;
  • clause descriptive du projet et mention de sa durée prévisible ;
  • définition des tâches pour lesquelles le contrat est conclu ;
  • évènement ou résultat objectif déterminant la fin de la relation contractuelle ;
  • délai de prévenance de l’arrivée au terme du contrat et, le cas échéant, de proposition de poursuite de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ;
  • clause mentionnant la possibilité de rupture à la date anniversaire de la conclusion du contrat, par l’une ou l’autre partie, pour un motif réel et sérieux et le droit pour le salarié, lorsque cette rupture est à l’initiative de l’employeur, à une indemnité égale à 10 % de la rémunération totale brute du salarié.

Des fautes commises pendant la période d’essai

L’employeur peut-il sanctionner le salarié pour des fautes commises pendant la période d’essai alors qu’il a choisi de maintenir le salarié à son poste au terme de ladite période  ?

La Haute Juridiction estime que cela est possible.

1517434_763736577007469_2988569837078343196_nLa Cour de Cassation a en effet jugé que le maintien du contrat de travail du salarié post période d’essai n’empêche pas l’employeur d’engager par la suite une action disciplinaire envers le salarié pour lesdites fautes.

Cette action disciplinaire peut aller jusqu’au licenciement. ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 décembre 2014, 13-19.815, Inédit).

Voici l’attendu de la Cour de Cassation : «  l’employeur peut, pour fonder un licenciement disciplinaire, invoquer même après l’expiration de la période d’essai des fautes que le salarié aurait commises au cours de cette période. »

Je ne suis cependant pas convaincue que la Cour de Cassation ait voulu en conclure qu’une faute connue de l’employeur pendant la période d’essai suffise à motiver valablement un licenciement post période d’essai.

A mon sens,  il faut tenir compte de plusieurs paramètres :

la date de découverte des faits par l’employeur : il semble en effet difficile de soutenir sérieusement qu’un employeur ayant parfaitement connaissance – pendant la période d’essai -de fautes graves du salarié (c’est à dire  empêchant le maintien dans l’entreprise)  puisse accepter la poursuite du contrat de travail.

le cumul desdites fautes avec d’autres également postérieures à la période d’essai

Des critères justifiant une différence de salaire à l’embauche

Les inégalités de salaire sont plus difficiles à justifier lors de l’embauche que dans le cadre d’une évolution dans l’entreprise.

Ainsi, les qualités professionnelles ou la différence de qualité de travail ne peuvent justifier une différence de traitement lors de l’embauche, à un moment où l’employeur n’a pas encore pu apprécier les qualités professionnelles. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 novembre 2014, 12-20.069 13-10.274, Publié au bulletin).

IMG_20140923_122328La Cour de cassation en déduit une solution de principe pour l’application du principe À TRAVAIL ÉGAL SALAIRE ÉGAL :

La seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s’il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d’un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée.

Par contre, il faut rappeler que la Cour de cassation considère que les qualités professionnelles ou la différence de qualité de travail peuvent constituer des motifs objectifs justifiant une différence de traitement entre deux salariés occupant le même emploi.

Ces éléments peuvent ainsi  justifier des augmentations de salaire plus importantes ou une progression plus rapide dans la grille indiciaire pour le salarié plus méritant.

Harcèlement moral = 2 préjudices indemnisables

Le Harcèlement moral au travail est la conséquence du non respect par l’employeur d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

IMG_20140923_122626Ce non respect par l’employeur de son obligation contractuelle doit être indemnisé.

Il doit l’être de manière indépendante du préjudice subi par le salarié sur sa santé lorsqu’il a été victime de harcèlement.

Dès lors, la Cour de Cassation estime que les juges judiciaires peuvent allouer des sommes distinctes:

– les unes correspondant au préjudice résultant de l’absence de prévention par l’employeur des faits de harcèlement,

– les autres correspondant aux conséquences du harcèlement effectivement subi.

(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 novembre 2014, 13-17.729, Publié au bulletin)

Cette dichotomie me semble un peu artificielle… car en réalité le préjudice réel pour le salarié est toujours le même  : des effets sur santé et souvent la perte de son emploi.

Il me semble qu’il aurait été préférable d’augmenter le quantum des dommages et intérêts alloués aux victimes de harcèlement moral ( qui sont souvent scandaleusement faibles) plutôt que de créer une double indemnisation ……

Pousser à l’extrême, le raisonnement de la Cour de Cassation conduirait tous les salariés même non victimes de harcèlement à prétendre à des dommages et intérêts à l’égard de leur employeur lorsque ce dernier n’a pas respecté son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs pour n’importe lequel de ses salariés.

Attention à la Rupture Conventionnelle avec un salaire complexe

Prudence avant de signer une rupture conventionnelle lorsque le salarié a un salaire complexe.

En effet, lorsque le salarié a un salaire variable (des parties variables, des primes, des arrêts maladies, des modifications dans la fixation du salaire), il peut tout à fait se méprendre sur ses droits au chômage en cas de rupture du contrat de travail.

L’employeur doit l’informer loyalement de ses droits au chômage surtout si le salarié signe très rapidement la rupture conventionnelle.

A défaut, le salarié peut solliciter la nullité de la rupture conventionnelle en invoquant « une erreur  » .

Ce vice du consentement peut effectivement être invoqué par le salarié et entraîner la nullité de la rupture(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 novembre 2014, 13-16.372, Inédit)

Néanmoins, il faut rester mesuré  sur la portée de l’arrêt précité.

Il ne s’agit pas d’une décision de principe mais d’un arrêt d’espèce.

L’erreur s’apprécie au cas par cas et ne sera pas forcément reconnue si le salarié a une faible ancienneté et a été reçu à plusieurs reprises par l’employeur avant d’accepter de signer la rupture conventionnelle.

 

Droit de retrait du salarié

Le droit de retrait du salarié offre la possibilité au salarié de ne pas exécuter son travail lorsqu’il est face à un grave danger.

Le salarié confronté à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé a le droit d’arrêter son travail et, si nécessaire, de quitter les lieux pour se mettre en sécurité.

Le Conseil de Prud’hommes pour vérifier si le droit de retrait a été utilisé à bon escient par le salarié doit rechercher si le salarié avait un motif raisonnable de penser que la situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa sécurité et pour sa santé justifiant l’exercice de son droit de retrait. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 novembre 2014, 13-22.421, Inédit)

La Cour de Cassation rappelle que les juges doivent rester impartiaux dans leur analyse de la situation. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 novembre 2014, 13-22.420, Inédit)

Dans ces affaires, deux agents de surveillance de la Société nationale des chemins de fer français, qui devaient effectuer la surveillance d’un convoi ferroviaire comportant un wagon de la Banque de France transportant des espèces entre deux gares, n’avaient que partiellement exécuté leur mission, faisant valoir leur droit de retrait.

Ils reprochaient à leur employeur de ne pas leur avoir fourni un gilet pare-balle.

L’employeur estimait quant à lui que les salariés avaient usé de leur droit de retrait de manière abusive et leur avait notifié une mise à pied.

Les salariés contestaient cette sanction devant les juges judiciaires.

La Cour d’appel de LYON a débouté les salariés de leur demande.

Or, selon la Cour de cassation, la Cour d’appel a eu tort à deux titres :

– dans la première espèce, elle n’a pas examiné  si le salarié avait un motif raisonnable de craindre pour sa santé et sa sécurité (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 novembre 2014, 13-22.421, Inédit)

– dans la seconde, elle n’a pas rendu une décision impartiale (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 novembre 2014, 13-22.420, Inédit)

En effet, dans cette seconde affaire, la Cour d’appel de LYON avait débouté le salarié de sa demande dans des termes particulièrement ironiques:

« Attendu que pour rejeter la demande d’annulation de cette sanction, l’arrêt retient que le danger grave et imminent allégué par le salarié « ne saurait résulter du défaut de fourniture d’un gilet pare-balles par l’employeur dont, à suivre l’intimé dans ses extravagances, on ne voit pas pourquoi ce dernier ne serait pas tenu de mettre à la disposition immédiate des salariés un abri anti-atomique, voire même une possibilité d’évasion immédiate vers une exo-planète ; »

Nullité du forfait jours des salariés des études notariales

Après la convention collective des experts comptables, voilà un nouvelle convention collective qui ne pourra pas à elle seule justifier de la mise en place du forfait jours celle des études notariales.

IMG_2095La Cour de Cassation dans sa décision du 13 novembre 2013 a jugé que les dispositions de l’article 8. 4. 2 de la convention collective nationale du notariat du 8 juin 2001 qui instaurent le principe du forfait jours sont insuffisantes pour garantir la santé et la sécurité des travailleurs. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 novembre 2014, 13-14.206, Publié au bulletin)

Certes la convention collective nationale du notariat du 8 juin 2001 (art. 8.4.2) prévoit quelques modalités pour les salariés en forfait annuel en jours, pour tenter de réguler les amplitudes horaires mais elles sont insuffisantes.

Pour mémoire la convention précitée prévoit:

-l’amplitude de la journée d’activité ne doit pas dépasser 10 heures, sauf surcharge exceptionnelle de travail ;

-chaque trimestre, chaque salarié concerné effectue un bilan de son temps de travail qu’il communique à l’employeur et sur lequel il précise, le cas échéant, ses heures habituelles d’entrée et de sortie afin de pouvoir apprécier l’amplitude habituelle de ses journées de travail et de remédier aux éventuels excès.

Pour la haute juridiction, ces dispositions ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

En conséquence, la convention de forfait annuel en jours du salarié employé d’une étude notariale et qui fait uniquement référence à la convention est nulle.