Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Salarié protégé : l’inspection du travail ne doit pas tenir compte de votre volonté pour autoriser le licenciement

L’inspecteur du travail ne  peut se fonder légalement sur la volonté  du salarié protégé de quitter l’entreprise, pour autoriser le licenciement dudit salarié. ( CE, 2 juill. 2014, n° 368590)

En effet, dès lors que les salariés sont investis de fonctions représentatives, ces derniers ne peuvent renoncer à leur protection exceptionnelle d’ordre public.

Le Conseil d’Etat estime que les salariés protégés ont toujours la possibilité d’avoir recours à la rupture conventionnelle s’ils sont favorables à la rupture de leur contrat.

Cette décision du Conseil d’Etat est un faux nez car en pratique, il y a de nombreuses situations où l’inspection du travail n’aura pas d’autre choix  que de tenir compte de la situation du salarié protégé notamment dans les situations de harcèlement moral ou de plan social.

Reste que l’inspection du travail ne devra pas exposer dans sa décision les raisons non officielles pour lesquelles elle a finalement autorisé le licenciement…

 

Le forfait d’heures permet d’imposer des horaires au salarié

Le forfait d’heures n’est pas un forfait jours…c’est une lapalissade …

Cependant, il n’est pas rare que le salarié retienne uniquement qu’il est en forfait, faute de comprendre clairement quelle modalité  relative à son temps de travail  lui est applicable (notamment lorsque la convention collective favorise l’incertitude …).

Cette incompréhension est encore accrue lorsqu’il est mentionné dans le contrat de travail du salarié que le forfait d’heures retenu résulte de la nécessité d’avoir une plus grande autonomie dans la gestion du travail.

Pourtant le forfait d’heures répond à une définition précise.

Il signifie que le salarié doit réaliser un certain nombre d’heures dans l’année avec un décompte par semaine selon des modalités déterminées soit par accord d’entreprise soit par la convention collective.

Cela implique donc des horaires de travail  à respecter… peu importe l’autonomie du poste.

La Cour de Cassation vient de rappeler ce principe : « une convention individuelle de forfait annuel en heures n’instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l’horaire collectif fixé par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction. » (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 juillet 2014, 13-11.904, Publié au bulletin).

Cela signifie donc qu’en forfait d’heures, le salarié doit respecter les horaires collectifs… à défaut le salarié peut être licencié.

 

 

De la contestation des choix de gestion de l’employeur

Le salarié a-t-il un droit de regard sur les choix de gestion de l’employeur ?

Cette question est importante car les choix de gestion peuvent impacter non seulement la pérennité des emplois salariés mais également entraîner des réorganisations engendrant des situations de mal être au travail voire de harcèlement moral.

Le salarié peut-il alors contester les choix de gestion de son employeur ? 

La Cour de Cassation vient de rendre deux décisions qui permettent de comprendre que la question n’est pas aussi évidente qu’elle y parait. ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 mai 2014, 12-28.803 12-28.804 12-28.805 12-28.806 12-28.807, Inédit ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 mai 2014, 13-11.038, Inédit )

La Cour de Cassation ne permet un contrôle des choix de gestion que lorsqu’il y a légèreté blâmable de l’employeur ou atteinte à la santé du salarié au travers du harcèlement moral. Continuer la lecture de De la contestation des choix de gestion de l’employeur

L’obligation de formation en l’ absence de demande du salarié

mis à jour 2 juin 2017

L’employeur a une obligation de formation de ses salariés et c’est à lui de la mettre en oeuvre de son propre chef.

Il s’agit d’une obligation de résultat.

Au cours de l’exécution des contrats de travail, l’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail, notamment par la formation.

Lorsque le salarié ne bénéficie d’aucune formation pendant plusieurs années, il peut demander des dommages et intérêts à son employeur pour non-respect de son obligation.

Un employeur qui n’avait pas respecté cette obligation de formation pensait pouvoir échapper à la demande de dommages et intérêts des salariés en soutenant que ces derniers n’avaient jamais sollicité la moindre formation ni le moindre besoin.

Peu importe ! répond la Cour de Cassation Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 juin 2014, 13-14.916, Publié au bulletin; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 septembre 2015, 14-10.410, Inédit)

L’obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi relève de l’initiative de l’employeur,

Reste tout de même que pour l’appréciation des dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de formation, les juridictions tiendront vraisemblablement compte de l’attitude du salarié et notamment de ses demandes de formation.

Clause de Garantie d’emploi et cotisations sociales

La clause de garantie d’emploi du contrat de travail détermine une durée pendant laquelle l’employeur s’engage à ne pas mettre fin au contrat de travail du salarié par un licenciement classique.

Il faut tout de même rappeler que cette clause, assez rare dans les contrats de travail est souvent ajoutée à la demande d’un cadre supérieur débauché d’une autre entreprise et qui veut s’assurer une stabilité d’emploi.

IMG_20140506_100927La liberté contractuelle permet d’imaginer plusieurs types de clauses de garantie d’emploi mais la finalité reste identique : préserver l’emploi du nouveau salarié d’une décision intempestive de rupture.

En cas de non-respect de cette clause de garantie d’emploi, l’employeur doit verser au salarié une indemnité déterminée à l’avance.

Cette indemnité n’est pas exempte de cotisations.

La Cour de Cassation rappelle que les sommes versées par un employeur à un ancien salarié en exécution d’une clause contractuelle de garantie d’emploi ne sont pas exonérées de cotisations sociales.(Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 13 mars 2014, 13-12.381, Inédit).

 

Obligation de respecter un délai de prévenance pour rompre la période d’essai

Rompre la période  d’essai est une droit  pour l’employeur qui va être désormais plus encadré par un délai de prévenance sanctionnable et donc moins souple .

Attention ce délai de prévenance n’était pas appliqué dans toutes les entreprises avant l’ordonnance  n°2014-699 du 26 juin 2014 – art. 19.

Il faut se référer à 2  articles du code du travail (  art. L. 1221-25 et L. 1221-26).

Ils complètent  les conventions collectives existantes ( certaines ayant déjà prévu un délai de prévenance pour rompre la période d’essai) et prévoient désormais une sanction au non respect du délai de prévenance.

—> Le premier article (  art. L. 1221-25  du code du travail ) prévoit que lorsqu’il est mis fin, par l’employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d’essai définie aux articles L. 1221-19 à L. 1221-24 ou à l’article L. 1242-10 pour les contrats stipulant une période d’essai d’au moins une semaine, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :

1° Vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ;

2° Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;

3° Deux semaines après un mois de présence ;

4° Un mois après trois mois de présence.

La période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.

Lorsque le délai de prévenance n’a pas été respecté, son inexécution ouvre droit pour le salarié, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

Cette indemnité est égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise.

En d’autres termes, l’employeur restera redevable du salaire correspondant au délai de prévenance non réalisé.

–> le second article  art. L. 1221-26 du code du travail prévoit : 

Lorsqu’il est mis fin à la période d’essai par le salarié, celui-ci respecte un délai de prévenance de quarante-huit heures. Ce délai est ramené à vingt-quatre heures si la durée de présence du salarié dans l’entreprise est inférieure à huit jours.

 

 

Crèche Baby loup – l’épilogue français

Après plusieurs années de combat judiciaire, la haute juridiction française en sa formation complète a définitivement jugé, sur le plan national, qu’une crèche privée peut tout à fait interdire dans son règlement intérieur le port du voile à une de ses salariées.(Arrêt n° 612 du 25 juin 2014 (13-28.369) – Cour de cassation – Assemblée Plénière)

Pour mémoire dans cette affaire notoirement connue sous le nom de Crèche Baby loup,  une crèche privée  avait inscrit dans son règlement intérieur que « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche ».

Une salariée avait  été licenciée pour avoir refusé d’ôter son voile islamique au travail.

Cette personne avait saisi le conseil de prud’hommes pour contester la rupture de son contrat de travail.

Les juridictions de fond avaient validé le licenciement en se fondant sur le principe de laîcité.

Puis la Cour de Cassation en sa chambre sociale  avait jugé que dans le secteur privé, sans mission de service public, il n’est pas possible d’invoquer le principe de laïcité pour limiter la liberté de se vêtir du salarié.(Arrêt n° 536 du 19 mars 2013 (11-28.845) – Cour de cassation – Chambre sociale).

La Cour d’Appel de Paris, ressaisie du litige, avait  validé le licenciement en qualifiant la crèche  d’entreprise « de conviction », en référence à la Convention européenne des droits de l’Homme.

En application de ce principe, la crèche était en droit d’exiger une obligation de neutralité de la part de son personnel.

La Cour d’Appel de Paris avait conclu qu’une telle obligation emporte notamment interdiction de porter tout signe ostentatoire de religion et que les restrictions ainsi apportées sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, et ne portent pas atteinte aux libertés fondamentales, dont la liberté religieuse. (CA Paris, 27 nov. 2013, n° 13/02981).

La Cour de Cassation en sa formation plénière a donc été de nouveau saisie et a finalement confirmé la validité du licenciement en appuyant sa décision sur les limites à la liberté de se vêtir.

Voici l’attendu de la Cour de Cassation en son Assemblée Plénière. (Arrêt n° 612 du 25 juin 2014 (13-28.369) – Cour de cassation – Assemblée Plénière) :

« Mais attendu qu’il résulte de la combinaison des articles L. 1121 1 et L. 1321 3 du code du travail que les restrictions à la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ;

Attendu qu’ayant relevé que le règlement intérieur de l’association Baby Loup, tel qu’amendé en 2003, disposait que « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche », la cour d’appel a pu en déduire, appréciant de manière concrète les conditions de fonctionnement d’une association de dimension réduite, employant seulement dix huit salariés, qui étaient ou pouvaient être en relation directe avec les enfants et leurs parents, que la restriction à la liberté de manifester sa religion édictée par le règlement intérieur ne présentait pas un caractère général, mais était suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies par les salariés de l’association et proportionnée au but recherché ;

Et attendu que sont erronés, mais surabondants, les motifs de l’arrêt qualifiant l’association Baby Loup d’entreprise de conviction, dès lors que cette association avait pour objet, non de promouvoir et de défendre des convictions religieuses, politiques ou philosophiques, mais, aux termes de ses statuts, « de développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé et d’œuvrer pour l’insertion sociale et professionnelle des femmes (…) sans distinction d’opinion politique et confessionnelle » ;

Attendu, enfin, que la cour d’appel a pu retenir que le licenciement pour faute grave de Mme X…, épouse Y… était justifié par son refus d’accéder aux demandes licites de son employeur de s’abstenir de porter son voile et par les insubordinations répétées et caractérisées décrites dans la lettre de licenciement et rendant impossible la poursuite du contrat de travail « 

BTP : vos forfaits jours sont illicites

Salariés du BTP : vos forfaits jours sont vraisemblablement nuls et vous pouvez réclamer des heures supplémentaires.

IMG_20140506_101321La Cour de Cassation dans une décision de sa chambre sociale du 11 juin 2014 estime que : 

-ni les dispositions du titre III de l’accord national du 6 novembre 1998 relatif à la durée du travail dans les entreprises de bâtiment et travaux publics

– ni les stipulations de l’accord d’entreprise qui, s’agissant de l’amplitude des journées de travail et la charge de travail qui en résulte, prévoient seulement qu’il appartient aux salariés de tenir compte des limites journalières et hebdomadaires et d’organiser leurs actions dans ce cadre et en cas de circonstances particulières d’en référer à leur hiérarchie de rattachement,

ne sont de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que la convention de forfait en jours était nulle,

(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 juin 2014, 11-20.985, Publié au bulletin)

Dès lors  les convention de forfait jours du secteur des dans les entreprises de bâtiment et travaux publics peuvent être annulées de la même manière que :

– celle de la convention collective de l’industrie chimique,

– celle des aides familiales rurales et personnel de l’aide à domicile en milieu rural,

– celle de la convention collective du commerce de gros,

– celle de  la convention collective Syntec ou bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils,

– celle des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes. 

 

La gourmandise n’est pas une faute grave

Succomber au pêché de gourmandise n’est pas forcément une faute grave pour le salarié.

IMG_2095Voici un affaire qui illustre le visage humain de la justice  et confirme que les juges prennent en compte la faiblesse de l’homme dans leur appréciation de ses manquements contractuels.

Dans ce dossier, un salarié, boucher de son état, était salarié depuis plus de 16 ans dans un supermarché.

Le pauvre homme, fort gourmand , avait fini par succomber à l’appel de son ventre et chapardé deux crêpes  qu’il s’était empressé d’engloutir avec un plaisir un peu coupable.

Son employeur y avait alors vu une offense impardonnable, rendant impossible le maintien du pauvre bougre dans ses fonctions.

La société avait donc licencié le boucher pour faute grave pour avoir consommé deux crêpes sans en acquitter le prix,

L’employeur a eu tort.

Tant la Cour de Cassation que la Cour d’Appel ont considéré dans leur grande sagesse :

« que le seul agissement établi à l’encontre du salarié était le fait d’avoir consommé deux crêpes sans en acquitter le prix, (..) et que  ce comportement, de la part d’un salarié qui comptait une ancienneté de seize ans et n’avait fait l’objet d’aucun avertissement préalable, ne constituait pas une faute grave. »

(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 mai 2014, 13-12.123, Inédit)

Procédure prud’homale accélérée pour la prise d’acte de rupture par le salarié

Mise à jour 3 juillet 2014

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié a fait son entrée dans le code du travail en offrant une procédure prud’homale accélérée pour les salariés.

IMG_20140506_101441Dans l’hypothèse d’une prise d’acte par le salarié,  la loi du 1er juillet 2014,  impose à la juridiction prud’homale de statuer dans le mois de sa saisine.

Rappelons qu ‘un salarié qui reproche à l’employeur des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail au sein de l’entreprise, peut, sur le fondement de l’article 1184 du code civil et, en l’absence de texte, sur le fondement de la jurisprudence de la Cour de cassation, « prendre acte de la rupture de son contrat ».

Cette procédure entraîne la cessation immédiate du contrat de travail. 
Cependant, tant que la juridiction prud’homale n’a pas qualifié cette rupture (en licenciement ou en démission) et statué sur ses effets, la situation du salarié est précaire : le salarié ne bénéficie d’aucune protection sociale.

Or les délais devant les juridictions prud’homales sont parfois très longs…

Le  loi relative à la procédure d’accélération applicable devant le conseil de prud’hommes dans le cadre d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié a été publiée.

Voici le nouvel article : « Art. L. 1451-1. – Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine. »

C’est une bonne nouvelle pour le salarié.

Mais les conseils des prud’hommes auront -ils la capacité de traiter aussi rapidement les nombreux dossiers à venir?

Les cabinets d’avocats tant pour les salariés et que pour les employeurs pourront-ils raisonnablement défendre leur client dans des délais aussi courts tout en respectant le principe du contradictoire ?

Les greffes déjà débordés de nombreuses juridictions pourront-ils délivrer les jugements rapidement  ?

Nous sommes nombreux à attendre parfois plus de 6 mois la réception par voie postale du jugement retranscrit.

De bonnes intentions donc …mais sont -elles réalistes ????