Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

De la lenteur de la Justice

Il a fallu un an au Ministre de La Justice et des Libertés pour répondre à la question d’un député sur la lenteur de la Justice prud’homale.(Question N° : 97924).

La réponse est intéressante : Nos Ministres réfléchissent et se concertent…

Pendant ce temps, les délais des procédures ne cessent de s’allonger. 

Personnellement j’attends encore des décisions rendues en juin 2011 et qui n’ont toujours pas été notifiées à mes clients.

Nous savions que la Justice était une vieille dame qui aimait prendre son temps … mais si personne ne la bouge un peu, je crains qu’elle ne finisse paralysée.

Pour ceux qui sont intéressés, voici la question posée en janvier 2011 , sur le délai anormalement long de traitement des litiges devant les conseils de prud’hommes :

« M. Claude Bartolone interpelle M. le Garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le délai anormalement long de traitement des litiges devant les conseils de prud’hommes. 

Le Syndicat des avocats de France s’inquiète notamment des dysfonctionnements constatés à Bobigny, où trente-deux mois sont nécessaires à la tenue des audiences présidées par le juge départiteur, alors que l’article L. 1454-2 du code du travail prévoit, en pareille hypothèse, un délai d’un mois. 

De même, à Nanterre, les salariés ne peuvent espérer obtenir gain de cause devant le conseil de prud’hommes qu’à l’issue d’une procédure de deux ans. À Nanterre toujours, au mépris du délai légal d’un mois, plus d’une année d’attente est imposée au salarié sollicitant la requalification de son contrat de travail à durée déterminée. 

Devant les conseils de prud’hommes de Longjumeau et Melun, le délai de renvoi des affaires devant le bureau de jugement dépasse, désormais, treize mois.

À Meaux, il est constaté un délai de près de dix mois entre l’audience de plaidoirie et le prononcé du jugement. 

L’extrême lenteur de la procédure est également dénoncée devant les conseils de prud’hommes de Creil, Paris et Pau

Ce dysfonctionnement de la justice civile impacte, aujourd’hui, certaines chambres sociales de cours d’appel. Il est banal que la durée de la procédure devant la cour d’appel de Paris dépasse vingt-et-un mois.

À Versailles, compte tenu de l’encombrement de la juridiction d’appel, un salarié est parfois contraint d’attendre sept mois pour connaître le délibéré dans son affaire

Face à cette situation alarmante, le Syndicat des avocats de France rappelle que le droit pour tout justiciable de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable est un droit fondamental, reconnu par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et la loi française.

L’exigence de célérité est d’autant plus essentielle devant les juridictions du travail que celles-ci statuent sur des litiges dont le jugement impacte la vie quotidienne des salariés. 

Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour que le droit républicain d’obtenir une décision de justice dans un délai raisonnable soit effectivement garanti devant l’ensemble des conseils de prud’hommes »

Du lieu d’affichage des informations relatives aux élections professionnelles

En application des articles L. 2324-2 et L. 2314-2 du code du travail l’employeur doit informer le personnel par affichage de l’organisation des élections en vue de la désignation des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise.

Cette obligation s’impose dans les locaux de l’entreprise et dans ses établissements.

Elle s’applique aussi dans les locaux des entreprises clientes de l’employeuroù les salariés sont affectés.

Il importe peu que l’employeur ait plusieurs centaines de clients différents.

La Cour de Cassation en sa chambre sociale par arrêt du 30 novembre 2011 N° de pourvoi: 11-11852 justifie sa position en retenant que les salariés mis à disposition chez des clients de leur employeur ont le même droit de bénéficier des affichages que les salariés dont le lieu de travail est l’entreprise de l’employeur.

L’employeur doit être très vigilant car l’inobservation de cette formalité entraîne la nullité des élections.

Calcul de l’ancienneté et période de suspension du contrat de travail

Pour calculer l’indemnité due au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, il est important de déterminer si le salarié a ou non plus de 2 ans d’ancienneté.

Dans ce cas, l’ancienneté du salarié est la période pendant laquelle le salarié fait partie du personnel de l’entreprise.

Il importe peu que pendant cette période, il ait bénéficié de la suspension de son contrat de travail en raison d’arrêts maladie.

C’est le sens de l’arrêt de la Cour de cassation en sa chambre sociale en date 7 décembre 2011 N° de pourvoi: 10-14156 Publié au bulletin Cassation partielle.

La consommation d’alcool au travail

Participer à un « pot » au bureau même non autorisé par l’employeur ne constitue pas forcément une faute grave.

La Cour de Cassation en sa chambre sociale le 15 décembre 2011 N° de pourvoi: 10-22712et N° de pourvoi: 10-22713 rend deux décisions sages sur cette question.

Il faut retenir de cette décision que la consommation modérée des boissons alcoolisées est autorisée :

– si elle reste exceptionnelle et 

– si le salarié ne se retrouve pas en état d’ébriété.

Compatibilité de la résiliation judiciaire et du licenciement postérieur

  • (mis à jour le 21/12/11)

Les salariés peuvent demander la résiliation judiciaire de leur contrat de travail en raison de faits qu’ils reprochent à leur employeur.

Dans ce cas et pendant toute la procédure de judiciaire, ils peuvent continuer à travailler à son service ou même à celui de tout entreprise repreneuse.

Si le salarié est licencié alors que la résiliation judiciaire n’est pas encore prononcée, la date de la rupture du contrat de travail lorsque les torts de l’employeur sont reconnus par le juge, sera automatiquement la date d’envoi de la lettre de licenciement.

Cour de cassation chambre sociale 7 décembre 2011 N° de pourvoi: 07-45689 Publié au bulletin 

« Mais attendu que lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service ou au service d’un nouvel employeur dans le cas d’un transfert de son contrat de travail en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, et qu’il est licencié ultérieurement, le juge doit rechercher si la demande était justifiée ; que si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d’envoi de la lettre de licenciement ;

Et attendu que la cour d’appel, qui a relevé que la salariée avait saisi le conseil de prud’hommes d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail le 17 avril 2003, et que le nouvel employeur l’avait licenciée le 10 février 2005, a, peu important le transfert du contrat de travail, exactement décidé qu’il y avait lieu de fixer à cette date la rupture des relations contractuelles . »

 

Le faux forfait jours de la convention collective SYNTEC

IMG_20140331_130251.2Mise à jour :  5 septembre 2019

Ils sont nombreux les salariés cadres du secteur tertiaire qui croient à tort bénéficier d’un forfait jours alors qu’en réalité ils sont soumis à un forfait d’heures. Ces salariés soumis à ces faux forfaits jours peuvent obtenir le paiement d’heures supplémentaires.

Mais souvent ils l’ignorent car leurs contrats de travail et leurs bulletins de paie indiquent souvent faussement  » forfait jours ».

En effet, la convention collective SYNTEC prévoit la possibilité pour les cadres consultants de ne pas suivre strictement un horaire prédéfini selon deux modalités distinctes:

– soit en autonomie complète en bénéficiant de la position 3 de la convention collective ou un salaire au double du plafond de la sécurité social : ce sont les vrais forfait-jours

– soit en autonomie plus modérée en bénéficiant d’un coefficient inférieur : ce sont les faux forfait jours

Les salariés ne bénéficiant pas de la position 3 ont leur temps de travail fixé en jours, avec un contrôle du temps de travail opéré annuellement « .

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Qui est mon employeur ?

Il peut y avoir une différence entre l’employeur mentionné sur le contrat de travail et l’employeur réel du salarié.

Dans les groupes, cela est plus fréquent qu’il n’y parait.

Les salariés ignorent souvent qu’ils ont des droits à l’égard de leurs co-employeurs.(celui sur le papier et celui qui donne les ordres et les paie) 

L’employeur est défini comme la personne pour le compte de laquelle le travailleur accomplit pendant un certain temps, en sa faveur et sous sa direction, des prestations en contrepartie desquelles il verse une rémunération. 

La Cour de Cassation vient de condamner la société mère d’un groupe à prendre en charge les demandes des salariés d’une filiale.

(Cour de cassation chambre sociale 30 novembre 2011 N° de pourvoi: 10-22964 10-22965 10-22966 10-22967 10-22968 10-22969 10-22970 10-22971 10-22972 10-22973 10-22974 10-22975 10-22976 10-22977 10-22978 10-22979 10-22980 10-22981 10-22982 10-22983 10-22984 10-22985 10-22994 )

Elle a fondé sa décision sur :

Une confusion d’activités, d’intérêts et de direction conduisant cette dernière à s’immiscer directement dans la gestion de la société fille et dans la direction de son personnel.

Elle a ainsi constaté qu’il existait entre les sociétés du groupe :

– une unité de direction sous la conduite de la société mère 

– que les décisions prises par la société mère avaient privé la société fille de toute autonomie industrielle, commerciale et administrative, au seul profit de la société mère du groupe, 

– que les choix stratégiques et de gestion de la société fille étaient décidés par la société mère ;

– la société mère assurait la gestion des ressources humaines de la filiale et avait imposé la cessation d’activité, en organisant le licenciement des salariés et en attribuant elle-même une prime aux salariés de la société fille ; 

– que le dirigeant de la société fille ne disposait plus d’aucun pouvoir effectif et était entièrement soumis aux instructions et directives de la direction du groupe, au seul profit de celui-ci; 

Cette décision participe à la reconnaissance de la notion de groupe en droit du travail.

Inaptitude définitive et le cas de force majeure

  • (mis à jour le 19/12/11)

La déclaration d’inaptitude physique définitive du salarié ne constitue pas un cas de force majeure rompant le contrat de travail.

La Cour de Cassation réaffirme ce principe dans un arrêt de sa chambre sociale 7 décembre 2011 N° de pourvoi: 10-11301.

Dans cette affaire, M. X était pilote de ligne Air France .

Il avait été déclaré inapte définitivement aux fonctions de personnel navigant par le Conseil médical de l’aéronautique civile (CMAC).

Son employeur lui avait proposé un reclassement dans un poste au sol et son placement en situation d’attente non rémunérée.

Air France considerait en effet qu’il s’agissait d’un cas de force majeure, l’exonérant de son obligation de paiement du salaire du pilote.

Le pilote a refusé ce reclassement et avait été licencié pour perte de licence en raison d’une inaptitude physique.

Il a contesté l’absence de remunération antérieure à son licenciement.

Il a obtenu gain de cause.

Air france a donc du rémunéré le salarié pour la période d’attente .

La Cour de Cassation a refusé de considérer que la déclaration d’inaptitude physique définitive du salarié était un cas de force majeure.