Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

La différence de catégorie professionnelle peut justifier une différence de traitement

  • (mis à jour le 13/12/11)

Par deux arrêts rendus le 8 juin 2011,(Arrêt n° 1465 du 8 juin 2011 (10-11.933 / 10-13.663) et (Arrêt n° 1464 du 8 juin 2011 10-14.725) la chambre sociale de la Cour de cassation vient de juger que l’inégalité de salaire peut reposer sur des stipulations conventionnelles ( texte de la convention collective) lorsque ces dernières ont pris en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d’une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités de rémunération . 

La Cour de Cassation avait suscité des critiques lorsqu’elle avait jugé, le 20 février 2008 (n ° 05-45.601,) et le 1er juillet 2009 (n ° 07- 42.675), que la seule différence de catégorie professionnelle (cadre ou employé) ne pouvait justifier une différence de traitement entre des salariés placés dans une situation identique au regard de l’avantage en cause, que celui-ci ait été institué unilatéralement par l’employeur (1 ère espèce) ou soit le fruit de la négociation collective (2 ème espèce). 

Elle vient de limiter la portée de ces décisions par les deux arrêts du 8 juin 2011précités en décidant : 

« Attendu que la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement, résultant d’un accord collectif, entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; que repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d’un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d’une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités de rémunération «  

voir également (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 7 décembre 2011 N° de pourvoi: 10-19102 )

 

Requalification d’une démission en rupture aux torts de l’employeur

  • (mis à jour le 14/06/11)

Il est de jurisprudence constante que la démission d’un salarié

–> est un acte unilatéral 

–> qui ne se présume pas 

–> doit résulter d’un acte clair et non équivoque. 

De nombreux salariés regrettent leurs démissions, et tentent de faire requalifier la rupture aux torts de l’employeur, la Cour de Cassation jugeait régulièrement que : 

– soit la lettre de démission du salarié contenait des reproches à l’égard de l’employeur et ce dernier pouvait solliciter la requalification de sa démission en rupture aux torts de l’employeur. 

Pour ce faire, il fallait que les griefs invoqués à l’égard de son employeur constituent des manquements aux obligations contractuelles de ce dernier. 

– soit la lettre de démission ne comportait aucun grief et dans ce cas, la requalification de la démission en rupture aux torts de l’employeurs était quasiment impossible (Cour de cassation chambre sociale 12 juillet 2007 N° de pourvoi: 06-40344 ) et le salarié ne pouvait pas se retracter (Cour de cassation chambre sociale 25 mai 2011 N° de pourvoi: 09-68224 ) 

La Cour de Cassation vient d’assouplir sa position à l’égard du salarié. 

En effet par arrêt de sa chambre sociale du 25 mai 2011 N° de pourvoi: 09-66671 , elle vient d’accepter de requalifier une démission en rupture aux torts de l’employeur alors que la lettre de démission ne comportait aucune réserve

La Haute juridiction a en effet pris en considération un courrier adressé par le salarié un mois après sa démission et qui expliquait qu’il avait démissionné en raison du non-paiement par son employeur de la partie variable de sa rémunération. 

Pour justifier sa décision elle s’appuye sur l’attendu suivant:  » que lorsque le salarié,sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur , le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’une démission  » 

Il faut donc en déduire que le caractère équivoque de la démission peut être prouvé par des actes postérieurs à la lettre de démission dès lors qu’il existe des faits ou manquements imputables à son employeur. 

Décision très fortement favorable aux salariés….beaucoup moins favorable aux entreprises…. 

Cependant, Il faut tout de même noter que les manquements de l’employeur dont peut se prévaloir le salarié pour rendre sa démission équivoque, doivent être suffisamment graves pour que la rupture soit imputable à l’employeur. 

La Cour de cassation chambre sociale 31 mai 2011 N° de pourvoi: 09-65586 vient en effet de juger que « les faits invoqués par la salariée comme rendant équivoque sa démissiondoivent être des manquements suffisamment graves de l’employeur à ses obligations pour que la rupture du contrat de travail s’analyse en une prise d’acte ayant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse . «  

Sous-Traitance et Emploi des salariés étrangers sans titre de travail

La Loi du 11 mai 2001 ( non encore publiée) alourdit les responsabilités du Donneur d’ordre en cas d’emploi illicite par le sous-traitant. 

Ainsi le donneur d’ordre – connaissant les pratiques illégales de son sous-traitant d’emploi des salariés étrangers sans titre – encourra les mêmes sanctions que celui-ci . 

Il est donc impératif que le donneur d’ordre informé, par écrit, que son sous-traitant emploie un étranger sans titre de travail, enjoigne par lettre recommandée avec accusé de réception son cocontractant de faire cesser cette situation

Si son injonction n’est pas suivie d’effet, le donneur d’ordre devra résilier le contrat aux frais et risques du cocontractant, s’il ne veut pas être condamné avec lui. 

PROJET à suivre : Une nouvelle prime pour les salariés des entreprises de plus de 50 salariés

Extrait du compte rendu du Conseil des ministres du 25/05/11 

« Le ministre du travail, de l’emploi et de la santé a présenté la disposition centrale du projet de loi, qui vise à poser dès cette année le principe selon lequel les salariés travaillant dans une entreprise employant habituellement plus de 50 salariés et dans laquelle les dividendes attribués aux actionnaires ont augmenté par rapport à la moyenne des deux années précédentes bénéficient d’une prime. 

Ce principe d’équité permettra ainsi aux salariés de bénéficier des décisions prises en faveur des actionnaires . Le projet de loi offre toute sa place à la négociation collective pour fixer les modalités de versement, la forme de la prime ainsi que son montant. 

La prime sera exonérée de charges sociales, dans la limite de 1200 euros par an et par salarié, et assujettie à la contribution sociale généralisée, à la contribution au remboursement de la dette sociale ainsi qu’au forfait social applicable en matière d’intéressement et de participation. » 

Il s’agit du projet de loi sur sécurité sociale : loi de financement rectificative 2011. 

A suivre……… 

PAS D’ALLONGEMENT DU CONGE MATERNITE

Le sénat a rejeté le 1er juin 2011 la proposition de loi relative à la modernisation du congé maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l’égalité salariale et sur les conditions d’exercice de la parentalité.

Les textes actuels du code du travail restent applicables.

Pour la naissance d’un enfant sans complications médicales, la durée minimale du congé de maternité est de seize semaines dont, en principe, un congé prénatal de six semaines avant la date présumée de l’accouchement et un congé postnatal de dix semaines après l’accouchement.

Une femme enceinte est autorisée à transférer jusqu’à trois semaines du congé prénatal vers le congé postnatal si: 

-le professionnel de santé qui suit la grossesse donne un avis favorable

-la future mère en fait la demande expresse.

La durée du congé de maternité peut être allongée en fonction de plusieurs éléments : 

– nombre préalable d’enfants à charge, 

– naissances simple ou multiple,

– éventualité d’un état pathologique, 

– naissance prématurée avec hospitalisation de l’enfant.

Le DIF et la prise d’acte de la rupture.

  • (mis à jour le 01/06/11)

Le salarié qui prend acte de la rupture aux torts de l’employeur peut espérer – en cas de succès de son action judiciaire- obtenir une condamnation de son employeur au paiement au minimum:

– d’une indemnité de préavis

– d’une indemnité de congés payés sur préavis

– d’une indemnité de licenciement si il a plus d’un an d’ancienneté

– des dommages et intérêts pour licenciement abusif ou une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse selon son ancienneté et l’effectif de l’entreprise.

ET 

– des dommages et intérêts pour perte de chance d’utiliser les droits qu’il a acquis au titre du droit individuel à la formation ( DIF)

(Cour de Cassation en sa chambre sociale 18 mai 2011, n° 09-69175)

 Par contre, le salarié ne pourra pas bénéficier d’une indemnité pour irrégularité de la procédure, la Cour de Cassation spécifiant que cette indemnité en application de l’article L1235-2 du Code du Travail ne s’applique que dans le cadre du licenciement et non dans le cadre d’une prise d’acte.

Fumer sur son lieu de travail n’est pas une cause réelle et sérieuse de licenciement

  • (mis à jour le 01/06/11)

La Cour de Cassation par arrêt de sa chambre sociale du 18 mai 2011 N° de pourvoi: 09-42223 de vient de rendre une décision controversée.

Dans cette affaire, un salarié fumait pendant ses heures de travail et sur son lieu de travail.

La Cour de Cassation affirme que « fumer sur son lieu de travail et en dehors de temps de pause n’est pas nécessairement une cause de licenciement même si le contrat de travail l’interdit »

Elle confirme la décision de la Cour d’Appel qui avait considéré que le fait de fumer sur son lieu de travail ne constituait pas une faute du salarié, faute pour l’employeur de rapporter la preuve que fumer perturbait le fonctionnement de l’entreprise.

Pourtant l’employeur avait fait valoir de solides arguments en rappelant :

-qu’il pesait sur lui une obligation de sécurité de résultat, en ce qui concerne la protection de ses salariés contre le tabagisme dans l’entreprise, qui lui impose de prendreles mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs.

– qu’en l’état de cette obligation impérieuse pesant sur l’employeur, celui-ci est en droit de sanctionner par un licenciement toute infraction à l’interdiction de fumer dans les locaux de travail.

– que le salarié avait méconnu l’interdiction de fumer sur son lieu de travail qui lui avait été rappelée notamment dans son contrat de travail.

Aucun de ces arguments n’a été retenu par la Cour de Cassation. 

La situation pour les employeurs devient donc particulièrement ubuesque:

– d’une part, le code de la santé publique les oblige à faire respecter l’interdiction de fumer dans les locaux de l’entreprise.

– de l’autre part, la Cour de Cassation considère que le salarié ne peut pas être sanctionné par un licenciement si il fume régulièrement dans les locaux malgré l’interdiction de son employeur. Si l’employeur veut licencier son salarié, il doit rapporter une preuve matérielle d’une désorganisation de l’entreprise.

Nous espérons sincèrement qu’il s’agit d’un arrêt d’espèce, c’est-à-dire un arrêt rendu en tenant compte du contexte général de l’affaire jugée et non d’un arrêt destiné à prendre une position de principe sur la question.

En effet, l’effet pervers de la solution retenue par la Cour de Cassation dans l’arrêt du 18 mai 2011, pourrait conduire les employeurs à une discriminatoire à l’embauche entre les salariés fumeurs et non fumeurs

 

Contrat de travail : Clause de Mobilité et Mutation

  • (mis à jour le 01/06/11)

La clause de mobilité est celle par laquelle le salarié accepte, par avance, une modification de son lieu de travail. 

Toutes les clauses de mobilité ne sont pas valables.

Une telle clause doit, pour être applicable :

– être prévue par le contrat de travail signé par le salarié ou prévue par la convention collective (l’ajout d’une telle clause à un contrat de travail existant constitue une modification de ce contrat, qui doit être acceptée par le salarié).

– définir de façon précise sa zone géographique d’application.

– ne pas être mise en oeuvre de manière abusive ou déloyale par l’employeur.

La Cour de Cassation vient de rendre plusieurs décisions sur cette question.

—> Tout d’abord elle estime que la clause du contrat de travail qui prévoit que le salarié aura pour mission essentielle d’assurer la réparation, la maintenance, les interventions en atelier et sur site, en France et à l’étranger ne constitue pas une clause de mobilité.(Cour de cassation chambre sociale 18 mai 2011 N° pourvoi: 09-65065)

Dès lors le salarié est affecté sur un site précis où sont établis ses bulletins de paie et toute affectation en dehors du secteur géographique auquel il avait été rattaché, constitue une modification de son contrat de travail qu’il est en droit de refuser.

—>dans une deuxième affaireune clause de mobilité prévue au contrat de travail renvoyait à un accord d’entreprise de 1993, et exposait « qu’il pouvait être proposé au salarié d’autres affectations selon les conditions prévues à l’accord d’entreprise« .

Un nouvel accord d’entreprise du 24 novembre 2004, qui, selon son préambule, avait pour objet de se substituer de plein droit et dans tous ses effets à celui de 1993,disposait que la mobilité pouvait être à l’initiative du salarié ou de l’employeur et que seul le contrat de travail des salariés cadres pourra intégrer une clause de mobilité .

La salarié dont le poste était basé sur Marseilleavait refusé sa mutation à Boulogne-Billancourt.

Il avait été licencié par son employeur pour faute grave, son employeur considérant qu’il n’avait pas le droit de refuser sa mutation et qu’il s’agissait d’insubordination.

« Faux  » répond la Cour de Cassation, le salarié est en droit de se prévaloir de ce qu’il a personnellement accepté : c’est-à-dire uniquement l’accord de 1993. Or selon cet accord, l’employeur ne peut lui imposer une mutation mais simplement lui proposer. (Cour de cassation chambre sociale 18 mai 2011 N° de pourvoi: 09-72895).

—> Dans une troisième affaire, le salarié, directeur de Magasin, avait une clause de mobilité l’obligeant à accepter toute mutation « dans toute société ayant un lien juridique avec son employeur, en tout lieu géographique, en France ».

Il refusa de déménager de Saint Priest ( 69) à Coignière ( 78) et fut licencié.

La Cour de Cassation en chambre sociale 18 mai 2011 N° de pourvoi: 09-42232 confirme la décision de la Cour d’Appel qui avait jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

« Mais attendu qu’une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application et qu’elle ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée ; que la cour d’appel, qui a fait ressortir que la clause de mobilité stipulée au contrat était formulée de manière générale et conférait à l’employeur le pouvoir de l’étendre à volonté, a légalement justifié sa décision ».

L’allongement du Congé- Maternité ?

  • (mis à jour le 01/06/11)

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 1225-17 du code du travail, une femme exerçant une activité salariée a le droit de bénéficier d’un congé de maternité pendant une période qui commence six semaines avant la date présumée de l’accouchement et se termine dix semaines après la date de celui-ci.

Une proposition de loi visant à augmenter la durée du congé maternité est en cours de discussion au Sénat.

Cette proposition de loi intervient au moment où la Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen discutent la proposition de directivevisant à harmoniser les dispositions de prise en charge et d’accompagnement de la maternité dans les Etats membres de l’Union, où l’on constate des disparités importantes.

Le projet de loi français prévoit un congé maternité de 20 semaines, un maintien intégral du salaire et une adaptation des horaires de travail dès le retour de la salariée.

La commission d’examen des lois prône l’allongement de la durée du congé de maternité à dix-huit semaines et refuse la modification des horaires.

Elle estime qu » aller au-delà de 18 semaines de congés ne lui semble ni nécessaire ni souhaitable et ce, pour trois raisons :

– une durée de dix-huit semaines répond de manière suffisamment pertinente à l’objectif de santé de la mère et de l’enfant ;

– la durée du congé ne doit pas compromettre la réinsertion professionnelle, à court et à moyen terme, de la mère ;

– pour la mère qui souhaite rester plus longtemps auprès de son enfant, il existe d’autres instruments juridiques à sa disposition (congés prévus par les conventions collectives, congé parental…). »

Le projet de loi sera examiné en première lecture au sénat le 1er juin 2011.

Si vous souhaitez suivre l’évolution de cette loi, vous pouvez consulter le dossier législatif.

 

l’absence illicite d’institutions représentatives du personnel cause nécessairement un préjudice au salarié

La Cour de cassation en sa chambre sociale par arrêt du 17 mai 2011 N° de pourvoi: 10-12852 vient de condamner un employeur, qui n’avait pas organisé les élections du personnel, à verser des dommages et intérêts à un salarié . 

La Haute juridiction a statué en ces termes : 

« Vu l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ensemble l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, les articles L. 2323-1 et L. 2324-5 du code du travail et 1382 du code civil, l’article 8 § 1 de la directive 2002/ 14/ CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne ; 

Attendu qu’il résulte de l’application combinée de ces textes que l’employeur qui, bien qu’il y soit légalement tenu, n’accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel, sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariésprivés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts ; ».