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Président d’association : Impossibilité de licencier un salarié avec un mandat expiré

Le président d’une association dont le mandat est arrivé à expiration n’a pas le pouvoir de signer la lettre de licenciement d’un salarié.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 juin 2016, 14-29.719, Inédit)

IMG_20150413_094121Dans cette affaire, le salarié d’une association avait été licencié pour motif économique.

Ce dernier avait saisi le Conseil de prud’hommes afin de contester son licenciement au motif que celui-ci avait été décidé par le président dont le mandat était expiré.

L’association s’opposait à sa demande en arguant qu’il fallait considérer que  le mandat du Président était prorogé jusqu’aux nouvelles élections, afin de disposer du pouvoir nécessaire pour procéder au licenciement.

L’assemblée générale de l’association avait par la suite ratifié la procédure.

Pour la Cour de cassation, ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse du fait que le président de l’association n’avait plus le pouvoir de signer la lettre de licenciement.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 juin 2016, 14-29.719, Inédit)

En effet cette lettre avait été signée par le président alors que son mandat était expiré depuis plus de six mois et les statuts de l’association ne prévoyaient aucune possibilité de régularisation.

Nullité du licenciement du salarié qui dénonce une infraction pénale de son employeur

Depuis  la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour “avoir relaté ou témoigné de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions”, une telle mesure étant sanctionnée par la nullité du licenciement, ( les articles L.1132-3-3 et L.1132-4 du code du travail)

Cela fait de plusieurs années maintenant que le législateur essaye de protéger, contre des mesures de représailles, les salariés qui dénoncent des faits répréhensibles dont ils ont connaissance dans le cadre de leurs fonctions.

La Cour de Cassation, vient de rendre  la première décision à ma connaissance  annulant le licenciement d’un salarié lanceur d’alerte. (Arrêt n° 1309 du 30 juin 2016 (15-10.557) – Cour de cassation – Chambre sociale – ECLI:FR:CCASS:2016:SO01309 )

Dans cette affaire , le salarié engagé en qualité de directeur administratif et financier par une association ayant pour mission de gérer un centre d’examen de santé, partie intégrante du dispositif de santé publique en Guadeloupe,.

Il avait été licencié, en mars 2011, pour faute lourde, après avoir dénoncé au procureur de la République les agissements d’un membre du conseil d’administration et du président de l’association susceptibles de constituer une escroquerie ou un détournement de fonds publics.

La cour d’appel avait  jugé que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse aux motifs que le salarié – dont la bonne foi ne pouvait être mise en cause – n’avait commis aucune faute en révélant de tels faits aux autorités judiciaires, elle a en revanche refusé d’annuler le licenciement, considérant que la nullité ne pouvait être prononcée, en l’absence de texte la prévoyant, puisque les articles L.1132-3-3 et L.1132-4 du code du travail, issus de la loi du 6 décembre 2013, n’étaient pas applicables au moment de la dénonciation des faits ayant donné lieu au licenciement.

Sur le pourvoi formé contre cette décision, la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans le prolongement des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme qui considèrent que les sanctions prises à l’encontre de salariés ayant critiqué le fonctionnement d’un service ou divulgué des conduites ou des actes illicites constatés sur leur lieu de travail constituent une violation à leur droit d’expression au sens de l’article 10-1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme [1], et dans le prolongement de sa propre jurisprudence qui admet la nullité du licenciement ou de toute mesure de rétorsion portant atteinte à une liberté fondamentale du salarié [2], censure l’arrêt de la cour d’appel et affirme pour la première fois qu’en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité”.

 

Comment saisir le conseil de prud’hommes depuis le 1er Août 2016 ?

Depuis le 1er août 2016, saisir le Conseil de prud’hommes nécessite prudence et précisions.

En effet, le Décrêt du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail propose deux possibilités pour saisir le Conseil de prud’hommes qui sont loin d’être très simples à mettre en oeuvre.

  • La première possibilité est la présentation volontaire des parties devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation.  Ce mode de saisine existait déjà avant la mise en place de la réforme Macron mais en pratique, il n’était quasiment pas utilisé.  Rien ne permet de penser qu’il le sera plus aujourd’hui. En effet, il est bien difficile d’imaginer l’employeur et le salarié en conflit décidant de se déplacer ensemble devant le Conseil de prud’hommes spontanément.
  • La seconde possibilité est une requête au sens de l’article 58 du Code de procédure civile.

Cette requête devra contenir, à peine de nullité, non seulement les informations nécessaires à identifier le demandeur et le défendeur mais également un exposé des motifs de la demande et les chefs de demande. En outre la requête devra être accompagnée des pièces justificatives de la demande dans un bordereau numérotant ces dernières. (Article R1452-2 du code du travail)

La requête et le bordereau sont établis en autant d’exemplaires qu’il existe de défendeurs, outre l’exemplaire destiné à la juridiction.

Le temps des saisines du Conseil de prud’hommes en  » catastrophe  » pour éviter une prescription ou obtenir rapidement une date de bureau de conciliation est donc révolu.

De la même manière, il n’est plus possible de conseiller raisonnablement à un salarié de saisir seul le Conseil de prud’hommes même si les intérêts du litige sont faibles.

Il est vraisemblable que cette complexification de l’accès à la justice prud’homale soit en fait une manière de décourager le justiciable d’agir sans y avoir suffisamment réfléchi afin de désengorger les juridictions.

Nous ne pouvons donc que conseiller vivement à ceux qui veulent saisir le Conseil de prud’hommes de prendre attache avec un avocat au préalable.

Il est évident que cela a un coût qui peut dissuader d’agir en justice.

Néanmoins, je pense que ceux qui seront véritablement impactés ne seront pas les plus démunis qui pourront toujours avoir accès à un avocat grâce à l’aide juridictionnelle mais les classes moyennes pour lesquelles l’accès à l’avocat reste souvent un effort financier important.

Dans ce cas, il appartiendra au Conseil de prud’hommes de condamner véritablement la défenderesse succombante aux honoraires réellement versés  à l’avocat (ce qui n’est pas le cas à ce jour) …

L’Etat Français condamné pour perte de droit à congés payés en cas d’arrêt maladie

Mise à jour le 2 octobre 2023

En vertu de l’article L3141-5 du code du travail français, le salarié n’acquerrait pas de congé payé lorsqu’il est absent pour une maladie non professionnelle.

IMG_20150413_094121Pourtant, cette position est contradictoire à la directive européenne du 4 novembre 2003 – 2003/88/CE qui rappelle que, quelque soit les circonstances, le salarié dispose d’un congé payé annuel d’au moins 4 semaines par période de référence complète.

Or, la Cour de Cassation en 2013 a refusé de reconnaître un effet direct à la directive communautaire et notamment de reporter les congés payés en cas d’arrêt maladie et ou de les indemniser.

Il y avait donc un blocage qui nécessitait une intervention législative qui n’a pas eu lieu.

La Juridiction administrative a été saisie par un salarié sur le fondement de la responsabilité de l’état pour non transposition de la directive communautaire.

Ledit salarié  reprochait à l’Etat français de ne pas avoir pu bénéficier des 4 semaines de congés payés annuels garantis par la directive européenne parce qu’en application du droit français, son absence en arrêt maladie pendant l’année l’en avait privé.

Le Tribunal Administratif sanctionne l’Etat Français et le condamne à indemniser le salarié en constatant:

– que la directive européenne n’a pas été transposée en droit français,

– que le salarié ne pouvait contraindre son employeur à la respecter par la voie judiciaire,

– qu’il y avait donc un préjudice direct pour le salarié résultant de la réduction de son droit à congés payés à moins de 4 semaines.

TAdministratif de Clermont Ferrand 1ch 6 avril 2016 n°1500608 – non publiée- réf Editions législatives

Trois syndicats (CGT, Force Ouvrière et Solidaires) ont engagé la responsabilité de l’État pour défaut de transposition de plusieurs textes européen, et en particulier de la directive de 2003.

Le 17 juillet 2023, la CAA de Versailles, statuant en formation plénière, a donné gain de cause aux syndicats et condamné l’État. (CAA Versailles 17 juillet 2023, n° 22VE00442)

Sans surprise depuis  le 13 septembre 2023, la Cour de cassation juge  qu’un salarié acquiert des droits à congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie non professionnelle (cass. soc. 13 septembre 2023, n° 22-17340 FPBR).

Conséquences du non-respect de l’accord collectif relatif au forfait jours

Est ce que le non-respect de l’accord collectif (convention collective ou accord d’entreprise) sur le forfait jours entraîne la nullité de ce dernier ?

La Cour de Cassation répond par la négative :

      IMG_20140923_132137 Le non-respect par l’employeur tant des dispositions de l’accord d’entreprise relatives à l’exécution de la convention de forfaits en jours que de l’obligation de consulter le comité d’entreprise sur le recours à ce dispositif n’a pas pour effet la nullité de la convention individuelle de forfait en jours. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 juin 2016, 14-15.171, Publié au bulletin)

Attention, à ne pas se tromper sur l’interprétation de cette décision, la validité de la convention individuelle de forfait jours est distincte de son opposabilité au salarié.

Ce n’est pas parce que le forfait jours est valable qu’il est opposable au salarié si l’employeur n’a pas respecté les dispositions de l’accord collectif.

En effet, si l’employeur n’a pas respecté les dispositions de l’accord collectif, le salarié peut réclamer l‘inopposabilité de la convention de forfait jours à sa situation et obtenir le paiement des heures supplémentaires réalisées.

La Cour de Cassation utilise le terme :  » privée d’effet »

En revanche, le salarié ne peut réclamer de dommages et intérêts pour absence de validité et donc nullité de la convention de forfait jours.

L’obligation d’un entretien sur les perspectives d’évolution professionnelle du salarié

De nombreux salariés l’ignorent encore mais depuis mars 2014, l’employeur a l’obligation de tenir tous les deux ans des entretiens professionnels avec ses salariés.

IMG_20140506_101119Il s’agit d’entretiens spécifiquement consacrés à l’analyse des perspectives d’évolution professionnelle du salarié notamment en terme de qualification et d’emploi.

Cet entretien n’a pas la même nature que l’entretien d’évaluation existant dans de nombreuses entreprises et dont le dessein est avant tout de faire le bilan du travail du salarié.

L’article L6315-1 du code du travail expose que l’entretien professionnel est une obligation tous les 2 ans et doit même donné lieu à la rédaction d’un document écrit dont une copie est remise au salarié.

Attention : ce compte rendu doit être totalement distinct de celui de l’entretien annuel d’évaluation.

Enfin, il faut noter que l’entretien professionnel doit être proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l’issue :

– d’un congé de maternité,

– d’un congé parental d’éducation, d’un congé de soutien familial, d’un congé d’adoption,

– d’un congé sabbatique,

– d’une période de mobilité volontaire sécurisée mentionnée à l’article L. 1222-12,

– d’une période d’activité à temps partiel au sens de l’article L. 1225-47 du présent code,

– d’un arrêt longue maladie prévu à l’article L. 324-1 du code de la sécurité sociale ou à l’issue d’un mandat syndical.

Il faut également relever que tous les six ans, l’entretien professionnel mentionné fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié.

Il permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels tous les 2 ans et d’apprécier s’il a :

Suivi au moins une action de formation ;

Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;

Bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.

 Plusieurs sanctions sont prévues en cas de non respect de ces obligations pour les entreprises de plus de 50 salariés :

– un abondement du compte personnel de formation du salarié de 1000 heures de formation supplémentaires pour les salariés à temps plein ;

– le versement d’une contribution forfaitaire à l’OPCA de 3.000 euros.

 

 

Un compte rendu d’entretien est-il un avertissement ?

IMG_20150625_091759Lorsque l’employeur adresse à son salarié un compte rendu d’entretien comportant le rappel des griefs sur le comportement du salarié, il est important de déterminer la nature de ce compte rendu.

–> En effet, si le compte rendu d’entretien peut être qualifié de sanction disciplinaire et donc d’avertissement, alors le salarié ne peut être licencié sur ce motif en application de la règle « non bis in idem. »

–> En revanche, si ce compte rendu n’est pas qualifié d’avertissement, alors il peut servir à motiver valablement le licenciement du salarié.

La Cour de Cassation a été interrogée sur cette question en novembre 2015. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 novembre 2015, 14-17.615, Publié au bulletin)

Elle avait alors tranchée en faveur de l’employeur en ces terme : « le document rédigé par l’employeur n’est qu’un compte rendu d’un entretien au cours duquel il a énuméré divers griefs et insuffisances qu’il imputait à la salariée, sans traduire une volonté de sa part de les sanctionner, la cour d’appel a pu en déduire qu’il ne s’analysait pas en une mesure disciplinaire et n’avait donc pas eu pour effet d’épuiser le pouvoir disciplinaire de l’employeur « 

La solution aurait pû être différente si dans le compte rendu, l’employeur avait enjoint au salarié de cesser ses agissements.

Arrêt Maladie : Ne pas perdre le droit à ses indemnités Journalières

IMG_20140506_101427Par deux décisions du 16 juin 2016, la Cour de Cassation vient d’illustrer des situations d’un salarié en arrêt maladie qui a dû restituer les indemnités journalières perçues. (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 juin 2016, 15-19.041, Inédit ;Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 juin 2016, 15-19.443, Publié au bulletin)

–> Dans la première affaire, la caisse d’Assurance maladie demandait à un assuré la restitution du montant des indemnités journalières (IJ) en raison de son absence lors d’un contrôle administratif effectué à domicile.

L’assuré faisait valoir qu’il se trouvait pour un court moment dans la maison de ses parents jouxtant le terrain de la sienne et dont l’éloignement de son domicile n’avait quasiment pas excédé celui de son jardin ou de son parking.

La Cour de Cassation estime que la CPAM doit pouvoir faire son contrôle au domicile strict figurant sur l’arrêt de travail.

Le salarié n’étant pas à son domicile au sens de la loi, il doit rembourser les Indemnités journalières perçues induement. (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 juin 2016, 15-19.041, Inédit)

–> Dans la seconde affaire, il s’agissait d’un salarié ayant sollicitait une prolongation de son arrêt de travail par un autre médecin que son médecin prescripteur intial.

La Cour de cassation a jugé que le droit aux indemnités était supprimé si la prolongation de l’arrêt maladie était prescrite par un médecin autre que celui ayant prescrit l’arrêt de travail initial ou par le médecin traitant (ou son remplaçant), sauf impossibilité dûment justifiée par l’assuré. (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 juin 2016, 15-19.443, Publié au bulletin)

 

Impossible de supprimer la part variable du salaire sans l’accord du salarié

La disparition de la partie variable de la rémunération est une modification du contrat de travail nécessitant impérativement l’accord du salarié.

IMG_20140506_101559Cette modification ne peut donc résulter d’une décision unilatérale de l’employeur. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 juin 2016, 15-10.116, Inédit)

Il importe peu que cette modification permette au final une augmentation de la rémunération totale du salarié.

C’est une jurisprudence constante de la Cour de Cassation.

Dans cette affaire M. X… a été engagé à compter du 29 août 2003 par la société Savauto en qualité de chef des ventes, statut cadre, sur la base d’une rémunération fixe complétée par une rémunération variable composée de diverses primes.

Le salarié a été promu le 1er janvier 2005 aux fonctions de directeur commercial avec augmentation de sa rémunération fixe mais son employeur avait cessé de lui verser ses primes notamment sur objectifs.

Or il n’y avait aucune preuve que les parties avaient convenu de supprimer les primes auxquelles le salarié avait droit en vertu de la convention sur laquelle elles se sont accordées lors de l’embauche du salarié.

La Cour de Cassation valide le raisonnement de la Cour d’Appel qui a retenu que la disparition de la partie variable de la rémunération emportait modification du contrat de travail et nécessitait l’accord exprès du salarié.

Dès lors  faute pour l’employeur de prouver le consentement du salarié à cette modification, celui-ci est en droit de réclamer paiement de ces primes.

 

Heures de délégation : L’employeur doit payer avant de contester

L’article L2143-17 du code du travail sur les  heures de délégation prévoit que :

20150627_203953« Les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l’échéance normale.

L’employeur qui entend contester l’utilisation faite des heures de délégation doit saisir le juge judiciaire. »

Néanmoins, il ne peut pas le faire s’il n’a pas, au préalable, payé lesdites heures aux salariés protégés. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 mai 2016, 14-26.967, Publié au bulletin)

Cela implique bien évidemment que le salarié reste dans la limite du crédit d’heures qui lui est alloué par son mandat (DP, Syndical, CE etc).

La Cour de cassation rappelle donc  qu’il y a une présomption de bonne utilisation des heures de délégation prises hors temps de travail, dans la limite du crédit d’heures, qui impose leur paiement à l’échéance normale avant toute action en contestation de leur usage.