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De la rétrogradation à titre de sanction

Dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, le chef d’entreprise est libre de choisir la sanction qu’il veut appliquer à son salarié qui a commis une faute à condition : 

– de ne pas le sanctionner pour un motif discriminatoire 

– de ne pas appliquer de sanction pécuniaire 

– de respecter les règles légales et conventionnelles limitant la durée de la sanction et sa nature 

– de respecter le réglement intérieur si il existe 

– que la sanction soit proportionnelle à la faute commise. 

La rétrogradation disciplinaire comportant une modification des fonctions est autorisée mais dans des conditions très encadrées par la Jurisprudence. 

En effet, la Cour de Cassation en sa chambre sociale par arrêt du 28 avril 2011 N° de pourvoi: 09-70619 précise que « lorsque l’employeur notifie au salarié une sanction emportant modification du contrat de travail, il doit informer l’intéressé de sa faculté d’accepter ou refuser cette modification . » 

Cela signifie que l’employeur qui souhaite procéder à une rétrogradation disciplinairedoit : 

– adresser au salarié une lettre ( en RAR ou remise en main propre contre décharge) pour l’informer de la sanction envisagée. 

– préciser dans ce courrier que le salarié peut refuser ou accepter la rétrogradation. 

Sans respect de cette procédure , l’employeur qui a imposé une rétrogradation disciplinaire « sauvage » est en faute et le salarié est fondé à prendre acte de la rupture aux torts de l’employeur. 

Que se passe -t-il si le salarié, correctement informé par son employeur, refuse la sanction ? 

La Cour de cassation en sa chambre sociale par arrêt du 28 avril 2011 N° de pourvoi: 10-13979 répond « l’employeur qui envisage de prononcer un licenciement au lieu de la sanction initiale doit convoquer l’intéressé à un nouvel entretien dans le délai de la prescription de deux mois prévu à l’article L. 1332-4 du code du travail  » . Elle précise : « que le refus du salarié interrompt le délai de prescription » 

En d’autres mots, 

–> soit l’employeur renonce à sanctionner le salarié. 

–> soit il doit convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable pour le sanctionner. Ce nouvel entretien doit intervenir dans le délai maximum de 2 mois à compter du refus du salarié. Si ce délai n’est pas respecté, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ! 

Savoir calculer la durée de la période d’essai

Par deux arrêts, la Cour de cassation en sa chambre sociale (28 avril 2011, N° de pourvoi: 09-72165 et N° de pourvoi 09-40464 ) vient de rappeler comment décompter la période d’essai au sens de l’article L. 1242-10 du code du travail. 

« qu’au sens de ce texte, et sauf disposition conventionnelle ou contractuelle contraire, toute période d’essai, qu’elle soit exprimée en jours, en semaines ou en mois, se décompte de manière calendaire. » 

Les affaires illustrent ce calcul pour deux contrats de travail à durée déterminée : 

– dans le premier cas, le salarié avait une période d’essai de 8 jours. Le salarié avait été engagé par l’entreprise le 7 décembre 2005. Sa période d’essai se terminait le 3 janvier 2006 au soir. Son contrat ayant été rompu sans forme et sans motif, le 6 janvier 2006, le licenciement est manifestement irrégulier en la forme et donc sans cause réelle et sérieuse. 

– le second cas, le salarié avait une période d’essai contractuelle d’un mois en violation de la loi qui prévoyait quinze jours. Le salarié avait été engagé par l’entreprise le 23 juillet 2007. Sa période d’essai se terminait le 5 août 2007 au soir. Son contrat ayant été rompu sans forme le 6 août 2007, le licenciement est manifestement irrégulier en la forme et donc sans cause réelle et sérieuse. 

 

Employeurs: il n’est pas possible de modifier unilatéralement le contrat de travail d’un salarié

  • (mis à jour le 29/04/11)

C’est une position classique de la Cour de Cassation qui vient d’être rappelée par un arrêt de sa chambre sociale du 6 avril 2011 N° de pourvoi: 09-66818

En l’espèce, un salarié avait été engagé en qualité d’ingénieur. 

Sept ans plus tard, son employeur a souhaité faire évoluer ses fonctions et ses attributions. 

Le salarié estimait qu’il s’agissait d’une rétrogradation de ses fonctions et constatait que lui étaient retirées ses fonctions d’encadrement et ses responsabilités au niveau de la planification et de l’organisation des ressources humaines et matérielles, du suivi de la fabrication, de la formation du personnel de production et de la maintenance générale. 

Il refusa donc la modification de son contrat. 

L’employeur crut à tort pouvoir le licencier pour faute grave, en arguant que son comportement n’était pas acceptable. 

Sans surprise, les Juridictions sanctionnent l’employeur : le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. 

La Cour de Cassation approuve la Cour d’appel qui avait retenu que le salarié n’avait pas été licencié à cause de son comportement mais en raison de son refus d’accepter la modification de son contrat de travail. 

Cet arrêt amène deux réflexions: 

– Le salarié avait, eu égard aux faits de l’espèce, la possibilité de solliciter la nullité de son licenciement en se fondant sur le harcèlement moral dont il était manifestement victime. 

En effet, L’article L1152-2 du Code du travail dispose que : 

« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. » 

L’article L 1152-3 du Code du travail dispose que : 

« Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul. » 

Cette solution aurait pu lui permettre de prétendre à des dommages et intérêts plus conséquents. 

 le refus du salarié d’accepter une modification de son contrat de travail peut être sanctionné par un licenciement …mais uniquement économique lorsque la modification sollicitée par l’employeur est justifiée économiquement. 

voir également 

Cour de cassation chambre sociale 30 mars 2011 N° de pourvoi: 09-71824« l’amoindrissement des missions de la salariée et de son niveau d’autonomieconstituait une modification unilatérale du contrat de travail qui ne pouvait lui être imposée «  

Prolongement de la période d’essai par mail

  • (mis à jour le 20/04/11)

Le Ministre du Travail a été interrogé sur la validité d’un renouvellement de la période d’essai du contrat à durée indéterminée par courriel.

Par réponse ministérielle N° : 88607 publiée au JO le : 01/03/2011, le Ministre du travail confirme la validité d’un tel renouvellement par email en s’appuyant sur la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique, le code civil reconnaît, comme élément de preuve écrite, tout message, quels qu’en soient le support et les modalités de transmission (article 1316 et suivants du code civil).

Il ajoute cependant que le renouvellement de la période d’essai doit recevoir l’accord exprès de la partie à laquelle il est proposé

En outre, il faut vérifier que les conventions collectives ou autre accord de branche ne prévoient pas un formalisme particulier pour le renouvellement de la période d’essai.

Cela suppose donc:

– l’information par mail du salarié par son employeur de son souhait de renouveler la période d’essai

– l’accord du salarié dans un mail retour en des termes précis et non équivoques

Le Ministre du Travail conclut que sous réserve des modalités spécifiques prévues par certaines conventions collectives, un message électronique est donc recevable au même titre qu’un courrier, dès lors que l’accord y est exprimé dans des termes clairs et non équivoques.

La Cour de Cassation en sa chambre sociale par arrêt du 26 mai 2010 N° de pourvoi: 08-42893 avait déjà jugé qu’un avertissement pouvait être valablement donné par mail.

 

De la force probante d’un mail à l’escroquerie au jugement

  • (mis à jour le 20/04/11)

Pour pouvoir utiliser un mail à titre de preuve, il faut qu’il n’existe pas de doute sur:

– l’authenticité du mail (les noms et adresses IP des ordinateurs et serveurs de messagerie intervenus dans les échanges, la référence du logiciel utilisé pour recevoir le message et les identifiants uniques attribués aux échanges.)

– les auteurs et les destinataires dudit mail (l’adresse e-mail de l’expéditeur et l’adresse e-mail du destinataire)

– la date du mail

En outre, il faut que celui qui s’en prévaut puisse apporter la preuve de la régularité de son obtention c’est-à-dire :

– s’il est salarié soit en tant que destinataire (principal ou secondaire- notamment par transfert, copie ou remise – ) ou auteur, 

– s’il est employeur soit en tant que destinataire, auteur, ou encore dans des conditions loyales sans violation du secret des correspondances ( voir en ce sens mon article sur la question Jurisprudence Sociale Lamy Bimensuel de mars n°295 page 4 à 6)

En pratique , le mail est souvent une impression de la boite email de son destinataire et assez peu de mails sont contestés devant les juridictions de fond.

Peut-être à tort….car il est très facile de falsifier des mails.

La Cour de cassation vient de le confirmer en rejetant des mails douteux dans un arrêt récent de sa chambre sociale 22 mars 2011, Numéro de Pourvoi : 09-43307.

Dans l’espèce précitée, le salarié se prévalait de mails

– dont il ne pouvait pas justifier des conditions dans lesquelles il les avait obtenus 

– qui n’apparaissent pas dans la boîte mail de l’auteur présumé des emails

La Cour de cassation rappelle ainsi qu’il est possible de modifier un mail existant ou de créer de toutes pièces un mail anti-daté.

Je viens d’en avoir l’illustration dans un dossier où un « soit-disant mail » vient de m’être communiqué sur un document word.

Il n’est pas inutile de rappeler que la communication d’une pièce fausse, constituée pour les besoins de l’espèce, peut constituer le délit pénal d’escroquerie au Jugement(L’article 313-1 du Code pénal )

Soyons vigilants sur les pièces communiquées ! 

CADRE DIRIGEANT : la convention collective peut exiger un document contractuel écrit en sus des conditions légales

  • (mis à jour le 16 juillet 2018)

La Cour de cassation en sa chambre sociale lors d’un arrêt du 13 janvier 2009 N° de pourvoi: 06-46208 publié au bulletin a rappelé la définition d’un CADRE DIRIGEANT au sens de l’article L 3111-2 du code du travail : 

« sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités àprendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que les critères ainsi définis sont cumulatifs et que le juge doit vérifier précisément les conditions réelles d’emploi du salarié concerné, peu important que l’accord collectif applicable retienne pour la fonction occupée par le salarié la qualité de cadre dirigeant « . 

La qualification « CADRE DIRIGEANT » donnée par les parties dans le contrat de travail ou sur les fiches de paie est sans incidence sur celle retenue par la juridiction prud’homale. 

Le Juge doit examiner in concreto les fonctions des salariés (Cour de cassation chambre sociale 23 novembre 2010 N° de pourvoi: 09-41552 Cour de cassation chambre sociale 19 janvier 2012 N° de pourvoi: 10-21969 10-22942 ) 

Les juges ne peuvent retenir la qualité de CADRE DIRIGEANT qu’aux salariés qui cumulent les conditions suivantes : 

 des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, 

– être habilité à prendre des décisions de façon largement autonome 

– percevoir une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés pratiqués par l’entreprise ou son établissement. 

(voir Cour de cassation chambre sociale 31 mai 2011 N° de pourvoi: 10-10257) 

En outre, la Cour de Cassation en sa chambre sociale le 6 avril 2011 N° de pourvoi: 07-42935 retient que la convention collective peut rajouter une condition : l’obligation d’un document contractuel mentionnant les modalités d’exercice des responsabilités justifiant le forfait sans référence horaire.

Cette solution est constante. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 mai 2018, 16-25.557, Publié au bulletin)

Les conséquences de cette qualification de CADRE DIRIGEANT sont très importantes. 

Les CADRES DIRIGEANTS ne sont pas soumis à la législation de la durée de travail c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas prétendre au paiement d’heures supplémentaires même s’ils travaillent les week-ends et les jours fériés. 

Les CADRES DIRIGEANTS ne bénéficient que des dispositions relatives aux congés annuels , aux congés maternité ou pour événements familiaux, aux congés non rémunérés et au compte épargne -temps. 

 

Impossibilité pour l’employeur de remplacer l’indemnité kilométrique par une voiture de société sans l’accord du salarié.

Voilà une décision qui va intéresser de nombreux salariés qui perçoivent des indemnités kilométriques en compensation de l’utilisation de leur véhicule personnel.

La Cour de cassation en sa chambre sociale le 30 mars 2011 N° de pourvoi: 09-68723vient de considérer que l’employeur ne peut unilatéralement supprimer les indemnités kilométriques et mettre à la place à la disposition des salariés un véhicule de société.

L’attendu de principe est le suivant : « Attendu cependant,que la modification unilatérale du contrat de travail par l’employeur cause nécessairement un préjudice au salarié ; qu’en statuant comme elle a fait alors que, par motifs propres et adoptés, elle avait constaté que le contrat de travail stipulait qu’en compensation des frais engagés, l’employeur verserait une indemnité calculée selon le barème du code des impôts pour une puissance fiscale de 7 CV et revalorisée en fonctions des nouveaux indices, et que par note de service du 27 mai 1993, il indiquait fournir désormais à chaque inspecteur un véhicule, cette mise à disposition d’un véhicule de société annulant et remplaçant l’indemnité forfaitaire, la cour d’appel a violé les textes susvisés « 

 

Violation de la clause de non concurrence même ponctuelle = perte de la contrepartie financière

  • (mis à jour le 08/04/11)

La Cour de Cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 30 mars 2011 N° de pourvoi: 09-68986 rappelle : 

 » Un salarié ne peut prétendre percevoir la contrepartie de la clause de non-concurrence dès lors qu’il est établi qu’il a violé cette clause. » 

Dès la première infraction constatée et quelles qu’en soient les circonstances, le salarié perd tous les droits issus de la clause. 

Une activité même ponctuelle ou de faible importance exercée par le salairé postérieurement à la rupture de son contrat de travail en infraction avec sa clause de non-concurrence, le prive de la contrepartie financière de la clause de non concurrence. 

Absence totale de résultat : faute du salarié ou de l’employeur !

Mis à jour 1er juin 2018

Lorsqu’un commercial présente un carnet de commandes vide et n’a pas réalisé la moindre vente pendant plusieurs mois, cela ne suffit pas pour que son licenciement soit justifié. 

Encore faut-il que l’employeur n’ait pas rendu impossible l’accomplissement des fonctions du salarié, soit par des résultats totalement inatteignables soit par l’absence de moyens. 

Ainsi, avant de valider un licenciement pour non atteinte des objectifs , la Cour de Cassation contrôle en effet : 

 si les objectifs étaient réalistes 

– si le salarié était en faute de ne pas les avoir atteints 

– si l’employeur n’avait pas imposé une privation de moyens à son salarié rendant impossible la réalisation de sa mission 

(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 23 mars 2011 N° de pourvoi: 09-43294 Non publié au bulletin Cassation) 

Contrats de travail successifs et période d’essai

Sauf usages ou dispositions conventionnelles prévoyant des durées moindres, la durée maximale de la période d’essai d’un contrat à durée déterminée est fixée en fonction de la durée du contrat.

–> Ainsi lorsque le CDD est d’une durée inférieure ou égale à 6 mois,

la période d’essai sera d’un jour par semaine, dans la limite de 2 semaines

–>lorsque le CDD est d’une durée supérieure à 6 mois

la période d’essai sera d’un mois,

Le renouvellement de CDD sur les mêmes fonctions rend impossible la fixation d’une nouvelle période d’essai.

De plus, si le CDD est suivi d’un CDI, en application de l’article L1243-11 du code du travail : 

« – Lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l’échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.

Le salarié conserve l’ancienneté qu’il avait acquise au terme du contrat de travail à durée déterminée.

La durée du contrat de travail à durée déterminée est déduite de la période d’essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail.« 

La Cour de Cassation est très vigilante sur les périodes d’essais irrégulières des CDI qui succèdent au CDD sur les mêmes fonctions.

Elle vient de le confirmer par arrêt de sa chambre sociale, 23 mars 2011 ; N° de pourvoi: 09-69349 en ces termes :

« Attendu cependant qu’en présence de contrats de travail successifs conclus entre les mêmes parties, la période d’ essai stipulée dans le dernier contrat n’est licite qu’à la condition que ce contrat ait été conclu pour pourvoir un emploi différent de celui objet des précédents contrats ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait la salariée, alors qu’elle avait été engagée, par contrats à durée déterminée successifs comme agent administratif puis, par contrat à durée indéterminée comme agent d’accueil, elle n’avait pas, en réalité, exercé les mêmes fonctions, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

A retenir :

En cas de successions de contrats, 

Il ne suffit pas de changer l’intitulé du poste octroyé au salarié pour valider une période d’essai irrégulière ni même de dénommer faussement la période d’essai période probatoire.