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Précisions sur la notion de fixation des objectifs et conséquences sur le salaire variable

La Cour de Cassation vient de rendre une décision en matière de prime sur objectifs qui confirme de nombreux points déjà tranchés par la haute juridiction. (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 24 octobre 2012 N° de pourvoi: 11-23843).

Dans cette affaire, un salarié était responsable de site et son contrat de travail prévoyait le paiement, notamment, d’une partie variable de rémunération d’un montant de 6 000 euros à percevoir en fonction de l’atteinte des objectifs fixés par l’employeur.

Le salarié, licencié pour motif économique, a saisi la juridiction prud’homale pour contester le bien-fondé du licenciement et demander le paiement des primes sur objectifs pour les années 2006, 2007, 2008, et 2009 (qui avaient été payées partiellement).

La Cour d’Appel et la Cour de Cassation acceptent ses demandes en retenant :

– que pour l’année 2006 : aucun objectif n’avait été fixé au salarié , 

– que le montant de la prime ne pouvait dépendre de critères personnels au salarié étrangers à la réalisation des objectifs 

– que la signature par le salarié de son compte rendu d’évaluation ne pouvait valoir renonciation de sa part à contester le montant de sa prime variable ou adhésion au montant décidé par l’employeur, 

– que pour les années 2007 à 2009, l’employeur ne rapportait pas la preuve que la non atteinte des objectifs était imputable au salarié.

Cette décision n’est pas inovante mais permet de rappeler :

– L’obligation pour l’Employeur non seulement de fixer des objectifs mais également d’apporter au juge des éléments objectifs pour apprécier la réalisation ou non de ceux-ci.

– L’obligation de l’Employeur qui refuse de régler la prime sur objectifs, de prouver que ceux -ci ne sont pas atteints.

Rappelons que lorsque l’employeur ne respecte pas les obligations précitées,il est redevable de l’intégralité des primes sur objectifs.

De l’interdiction de modifier le salaire ( variable ou non) sans l’accord du salarié

mis à jour  30 juin 2016

Le mode de rémunération contractuel d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord.

Le fait que l’employeur démontre que le nouveau mode de rémunération est plus avantageux pour le salarié ne change absolument pas l’application de la règle(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 31 octobre 2012 Non publié au bulletin Cassation N° de pourvoi: 11-18886 ;(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 juin 2016, 15-10.116, Inédit)

Cette solution n’est pas nouvelle. 

Elle permet au salarié soit de prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur soit de solliciter la résolution judiciaire au tort de l’employeur.

La Cour de Cassation a rappelé cette solution récemment à propos du taux horaire contractuel.

Attention, il arrive fréquemment que le contrat de travail prévoit une rémunération variable d’un montant annuel fixe en cas d’atteinte d’objectifs déterminés unilatéralement par l’employeur dans le cadre de plans annuels de rémunération variable. 

Dans ce cas, la Cour de Cassation considére ( chambre sociale arrêt du 2 mars 2011 n° 08-44977) , que lorsque le salarié a accepté que la détermination des objectifs conditionne sa rémunération variable et qu’il a également accepté que la fixation de ses objectifs soit unilatéralement définie par l’employeur, le salarié n’a pas besoin de donner son accord lors de la modification des objectifs par son employeur 

 

Il n’y a pas de droit acquis à l’exécution d’heures supplémentaires ou d’astreinte sauf engagement de l’employeur

Les heures supplémentaires et les astreintes réalisées doivent être payées.

Attention cependant,le salarié ne peut pas obliger son employeur à lui faire faire des heures supplémentaires ou des astreintes non prévues contractuellement….

La Cour de Cassation par deux arrêts de sa chambre sociale en date du 10 octobre 2012 vient de rendre deux attendus de principe sur cette question :

– il n’existe pas de droit acquis à l’exécution d’heures supplémentaires sauf engagement de l’employeur vis à vis du salarié à lui en assurer l’exécution d’un certain nombre ( N° de pourvoi: 11-10455 Publié au bulletin Cassation partielle ).

– il n’existe pas de droit acquis à l’exécution d’astreintes, sauf engagement de l’employeur vis à vis du salarié à en assurer l’exécution d’un certain nombre (N° de pourvoi: 11-10454 Publié au bulletin Cassation partielle )

Dans ces deux arrêts la haute juridiction admet toutefois que l’abus de l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction peut ouvrir droit à indemnisation.

Il appartiendra alors au salarié de rapporter la preuve de l’abus de son employeur dans ce refus de lui faire réaliser des heures supplémentaires ou des astreintes .

Rappelons toutefois que, même sans l’accord de l’employeur, les heures supplémentaires doivent être payées si elles ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié. ( Cour de Cassation en sa chambre sociale le 6 avril 2011 N° de pourvoi: 10-14493)

Il va falloir concilier ces jurisprudences….

De l’utilisation de la biométrie aux fins de contrôle des horaires de travail des salariés

  • (mis à jour le 22/10/12)

La délibération de la CNIL n° 2012-322 du 20 septembre 2012 relative aux appareils fonctionnant sur la reconnaissance du contour de la main et ayant pour finalités le contrôle d’accès ainsi que la restauration sur les lieux de travail vient d’être publiée au JO.

Elle modifie la précédente délibération n° 2006-101 du 27 avril 2006.

Désormais, tout traitement automatisé de données à caractère personnel reposant sur l’utilisation d’un dispositif de reconnaissance du contour de la main dans le but de contrôler la gestion des horaires doit faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès de la commission dans les formes prescrites par les articles 25-1 (8°) et 30 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée. 

Il est intéressant de lire la motivation de la CNIL :

 » Le 27 avril 2006, la commission a adopté une autorisation unique de mise en oeuvre de dispositifs biométriques reposant sur la reconnaissance du contour de la main et ayant pour finalités le contrôle d’accès ainsi que la gestion des horaires et de la restauration sur les lieux de travail (AU n° 7).

La commission a, depuis, été saisie de demandes d’autorisation concernant d’autres biométries telles que l’empreinte digitale ou le réseau veineux des doigts de la main dont la finalité était également la gestion des horaires des salariés.

Constatant que, depuis 2006, les techniques de contrôle des salariés sur leurs lieux de travail se sont développées et sophistiquées (géolocalisation, cybersurveillance, biométrie), il lui a semblé primordial de recueillir l’avis d’organisations syndicales et patronales, de la direction générale du travail ainsi que de certains professionnels du secteur.

Un consensus s’est clairement exprimé considérant l’utilisation de la biométrie aux fins de contrôle des horaires comme un moyen disproportionné d’atteindre cette finalité. La raison principale avancée est le risque accru de détérioration du climat social, allant à l’encontre de la relation de confiance employeur-salarié. Les organisations auditionnées ont souligné que, lorsque le contrôle des horaires par pointeuse est nécessaire, les outils de gestion des horaires sans biométrie (exemple : pointeuse à badge) apparaissent comme suffisants.

Dès lors, même si le contour de la main est une biométrie dite « sans trace », son recours implique d’utiliser une partie de son corps, ce qui en soi est disproportionné au regard de la finalité de gestion des horaires.

La commission estime qu’il n’en est pas de même en ce qui concerne les contrôles d’accès aux locaux ainsi qu’au restaurant d’entreprise ou administratif reposant sur un dispositif de reconnaissance du contour de la main, notamment pour des raisons de sécurité et au regard des risques plus limités pour la vie privée des personnes.

La commission a donc décidé de modifier l’AU n° 7 en ce qu’elle autorisait l’utilisation du contour de la main aux fins de gestion des horaires.

Il y a lieu, en l’état des connaissances sur la technologie utilisée, de faire application des dispositions de l’article 25-1 (8°) qui soumet à autorisation les traitements comportant des données biométriques nécessaires au contrôle de l’identité des personnes et de l’article 25-II aux termes duquel les traitements qui répondent à une même finalité portent sur des catégories de données identiques et les mêmes destinataires ou catégories de destinataires peuvent être autorisés par une décision unique de la commission.

Le responsable de traitement mettant en oeuvre un dispositif reposant sur la reconnaissance du contour de la main dans le respect des dispositions de cette décision unique adresse à la commission un engagement de conformité de celui-ci aux caractéristiques de la présente autorisation.

Décide que les responsables de traitement qui adressent à la commission une déclaration comportant un engagement de conformité pour leurs traitements de données à caractère personnel répondant aux conditions fixées par la présente décision unique sont autorisés à mettre en oeuvre ces traitements.« 

 

Quand le salarié met en cause la moralité de son supérieur

  • (mis à jour le 22/10/12)

Adresser un courrier électronique à son supérieur en remettant en cause la moralité de ce dernier pour lui imputer l’échec d’une ou plusieurs ventes est un abus de sa liberté d’expression.

C’est en tout cas la position que la Cour de Cassation a retenu dans l’arrêt rendu par sa chambre sociale dans un arrêt du 10 octobre 2012 N° de pourvoi: 11-18985.

C’est donc une nouvelle illustration des dangers des messageries électroniques et des mails d’humeur..

Dans cette affaire un salarié avait tenu à l’égard de son supérieur hiérarchique des propos constitutifs de dénigrement, en lui imputant l’échec d’une vente en raison de son comportement cavalier envers la compagne d’un client.

Toute vérité n’est pas bonne à dire même en des termes choisis.…surtout lorsqu’il s’agit de badinerie !!

 

Paiement du salaire avec retard et prise d’acte de la rupture

  • (mis à jour l19 juillet 2022)

La Cour de Cassation a déjà dit que le défaut de paiement des sommes dues à leurs dates d’échéance respectives constituait un préjudice pour le salarié qu’il y avait lieu d’indemniser

Se prévalant de cette jurisprudence, certains salariés ont cru pouvoir de prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur pour paiement des salaires en retard.

Cette pratique est très dangereuse comme vient de le rappeler la Cour de Cassation qui vient d’accepter de requalifier une telle prise d’acte en démission. (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 26 septembre 2012 N° de pourvoi: 10-28242)

Dans cette affaire, le salarié avait été engagé par contrat à durée indéterminée le 1er juillet 2001 en qualité d’animateur par l’association Centre social Cadis dans le cadre d’une convention emploi-jeune.

Il avait saisi le 16 juin 2006 la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail en invoquant le non-paiement de son salaire.

Par courrier du 23 juin et 5 juillet 2006, son employeur lui avait adressé les salaires manquants.

Pourtant le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail par lettre du 27 juin 2006.

Son employeur l’a licencié pour faute grave par lettre du 3 août 2006.

La Cour de Cassation approuve la cour d’appel, qui a considéré la prise d’acte de la rupture du salarié comme une démission.

En effet, elle a tenu compte de l’absence de faute grave de l’employeur.

Le retard dans le paiement des salaires s’expliquait en partie par le retard dans le versement à l’employeur de subventions.

En outre, l’employeur avait régularisé la situation en adressant des chèques au salarié les 23 juin et 5 juillet 2006 en rappel des salaires restant dus.

Il faut donc retenir que le grief de paiement en retard des salaires ne constituait pas forcément un manquement suffisamment grave pour justifier la prise d’acte de la rupture.

Par contre, à mon sens, et dans tous les cas, il cause un préjudice au salarié.

Si vous êtes intéressés par une situation où la Cour de Cassation a reconnu la validité de la prise d’acte, vous pouvez notamment consulter l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 juillet 2022)

Quand travailler le dimanche constitue une modification du contrat de travail

  • (mis à jour le 14/06/13)

Lorsque le contrat de travail ne prévoit pas que le salarié travaille le dimanche,l’employeur ne peut imposer à son salarié un travail dominical.

La Cour de cassation suit sur ce point un jurisprudence constante.

Elle considère que lorsque le changement de répartition de l’horaire de travail avait pour effet de priver le salarié d’une partie du repos dominical, il s’agissait d’une modification du contrat de travail.( Cour de Cassation chambre sociale 26 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-18410 ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 juin 2013, 12-12.953, Inédit )

 

 

Remise en cause du forfait jours de la convention collective COMMERCE DE GROS

Nous vous l’avons indiqué à plusieurs reprises, la remise en cause des forfaits jours ne cesse de progresser depuis que le comité européen des droits sociaux (CEDS) a refusé de valider les forfaits jours français en l’état.

La Cour de Cassation est régulièrement saisie de la validité des forfaits jours.

En effet, si le code du travail français prévoit la possibilité de fixer le temps de travail des salariés sur le régime des forfaits jours, la haute juridiction rappelle qu’il doit impérativement être réalisé dans le respect des accords collectifs qui assure la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours.

Or de nombreuses conventions collectives sont insuffisantes sur cette question.

Après la convention collective de l’industrie chimique, et celle des aides familiales rurales et personnel de l’aide à domicile en milieu rural, c’est au tour de la convention collective du commerce de gros d’être examinée par la Cour de Cassation.

Verdict : La Convention Collective du commerce de Gros est insuffisante pour protéger le salarié...le forfait jours y faisant référence est donc nul.

(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 26 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-14540 Publié au bulletin Cassation )

Voici l’attendu de la Cour de Cassation qui estime que la convention de forfait en jours était privée d’effet : 

« ni les dispositions de l’article 2. 3 de l’accord ARTT du 14 décembre 2001 pris en application de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970, qui, dans le cas de forfait en jours, se limitent à prévoir, s’agissant de la charge et de l’amplitude de travail du salarié concerné, un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique, 

ni les stipulations de l’avenant du 26 janvier 2000 à l’accord d’entreprise du 17 février 1999, qui, s’agissant de l’amplitude des journées de travail et la charge de travail qui en résulte, ne prévoient qu’un examen trimestriel par la direction des informations communiquées sur ces points par la hiérarchie, 

ne sont de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, »

Nous attendons avec impatience la première décision sur la convention collective SYNTEC….

Cumul de l’indemnité pour travail dissimulé et de l’indemnité conventionnelle de licenciement

  • (mis à jour le 19/02/13)

Revirement de Jurisprudence :l’indemnité pour travail dissimulé et de l’indemnité conventionnelle de licenciement peuvent se cumuler (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 février 2013, 11-23.738, Publié au bulletin N° de pourvoi 11-23738)

Avant février 2013

La Cour de Cassation rappelait par une jurisprudence constante que l’indemnité forfaitaire pour dissimulation d’emploi allouée au salarié licencié ne se cumulait pas avec l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

Elle précisait qu’il importait peu que l’élément intentionnel du travail dissimulé soit apporté. (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 19 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-16093 Non publié au bulletin)

La Cour de Cassation rappelait que l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé se cumulait avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié à droit en cas de rupture de la relation de travail.

A la seule exception de l’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle.

Seule la plus élevée des deux sommes ( entre l’indemnité pour travail dissimulé et de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement) pouvait être allouée au salarié.

Droit de critique post licenciement

Il s’agit d’une liberté fondamentale qui ne peut être limitée qu’en cas d’abus. 

Cet abus résulte souvent de la manière dont la critique est formulée.

En cas de faute lourde, le salarié peut être condamné à verser des dommages-intérêts envers son employeur.

Prouver la faute lourde est souvent difficile, car cela implique de rapporter la volonté de nuire du salarié et non simplement le préjudice subi par l’employeur.

En pratique, il est donc rare que le salarié, souvent licencié, soit condamné à verser des dommages et intérêts à son employeur lorsqu’il émet des critiques sur son entreprise. 

La Cour de Cassation vient cependant de rappeler que les régles sont différentes si le salarié émet des critiques après la fin du contrat de travail.(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 19 septembre 2012 N° de pourvoi: 10-21517 Non publié au bulletin Rejet)

Selon la jurisprudence de la haute juridiction, les critiques d’un ancien salariépeuvent donner lieu à versement de dommages et intérêts au profit de l’employeur sans avoir à établir l’existence d’une faute lourde.

Dans cette affaire, le salarié avait adressé trois lettres de critique de la gestion de l’entreprise à deux clients de la société après la fin de son contrat de travail.

Il sera condamné à indemniser le préjudice de la société, sur la simple démonstration de l’existence d’un dommage causé à l’entreprise.