Le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur

Faut-il considérer que le harcèlement moral ne peut exister que si l’auteur du harcèlement a conscience d’être un harceleur ?

La Cour de Cassation répond par la négative. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 janvier 2014, 12-23.269, Inédit) 

Dans cette affaire, une salariée licenciée, s’était plainte de harcèlement moral de la part de collègues de travail.

Elle avait saisi le conseil de prud’hommes pour voir prononcer la nullité de son licenciement et voir ordonner sa réintégration.

La Cour d’Appel de Paris avait débouté la salariée de sa demande d’annulation du licenciement, de réintégration .

Dans sa décision, la Cour d’Appel avait retenu :

– que la mauvaise qualité des relations avec les membres de son équipe s’explique par la perception que ceux-ci avaient de sa collaboration et non d’une volonté délibérée de la tourmenter ou de la harceler,

– qu’aucun élément ne fait présumer que l’appel téléphonique du 19 janvier 2009 et la modification du planning procédaient d’une intention malicieuse à l’égard de la salariée, 

– qu’il n’est en rien établi que le refus de sa première demande de mutation résulte d’une volonté de harcèlement de l’employeur 

Ainsi les faits dont la salariée s’était plainte, pris dans leur ensemble, n’étaient pas de nature à faire présumer l’existence d’un harcèlement moral 

La Cour de Cassation censure cet arrêt de la Cour d’Appel en rappelant que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 janvier 2014, 12-23.269, Inédit) 

Du droit de dénoncer un harcèlement moral

  • (mis à jour le 30/01/14)

Lorsque l’on ressent un mal être au travail, il est parfois difficile pour le salarié de faire la différence entre un véritable harcèlement au sens légal du terme et de simples difficultés relationnelles au travail.

Le salarié a cependant tout à fait le droit de dénoncer ce qu’il ressent comme un harcèlement.

La Cour de Cassation protège le salarié qui ressent du harcèlement.

Il importe peu que son ressenti soit insuffisant pour valider la qualification de harcèlement.

Le salarié ne pourra pas être licencié pour en avoir parlé.

Il n’est pas légal de licencier un salarié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement,peu importe que ces derniers ne soient pas établis. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 janvier 2014, 12-15.430, Inédit )

Un licenciement prononcé dans ce contexte sera annulé, sauf si la mauvaise foi du salarié est démontrée par l’employeur. 

Validité du Licenciement pour défaut d’entretien du véhicule de fonction

La Cour de Cassation a publié un arrêt assez intéressant et qui est passé relativement inaperçu quant aux obligations du salarié d’entretenir son véhicule de fonction. 

Une salariée avait été engagée le 12 février 2001 par la société Nestlé France, en qualité de visiteur médical.

Elle a été licenciée le 23 juin 2009, pour cause réelle et sérieuse, pour ne pas avoir suivi les préconisations d’entretien du véhicule de location qui était mis à sa disposition par l’employeur.

La Cour de Cassation a validé le licenciement en s’appuyant sur l’analyse de la Cour d’Appel en reconnaissant la cause réelle et sérieuse du licenciement. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 décembre 2013, 12-25.298, Inédit )

Il aparaissait que la salariée, informée en ce qui concerne l’entretien et les révisions périodiques de son véhicule auxquelles il lui incombait de faire procéder, ne contestait pas ne pas avoir fait réviser le véhicule selon les préconisations du constructeur à 30 000 kilomètres.

Or par la suite, le véhicule avait été endommagé alors qu’il affichait 36 331 kilomètres.

Cela avait eu pour conséquence un refus de prise en charge du sinistre par le constructeur et causé un préjudice à l’employeur.

Il faut donc comprendre au travers de cet arrêt que l’employeur peut mettre à la charge du salarié l’obligation professionnelle d’organiser lui-même les révisions de son véhicule de fonction.

La solution aurait pu être différente si cette obligation n’avait pas été mise expressément à la charge du salarié par l’employeur.

L’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie ne fait pas présumer le paiement des sommes mentionnées

C’est à l’employeur, débiteur du paiement du salaire à son salarié, de prouver qu’il s’est libéré de sa dette.

En général, les paiements se font par virement et par chèque ce qui permet une preuve plus aisée.

Parfois cependant, le paiement du salaire peut intervenir en espèces.

Dans ce cas, si l’employeur n’a pas fait signer un reçu à son salarié, il faut considérer que la preuve du paiement n’est pas faite.

L’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le salarié ne fait pas présumer le paiement des sommes qui y figurent. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 janvier 2014, 12-18.586, Inédit ).

 

De la seule fixation d’une rémunération forfaitaire sans que soit déterminé le nombre d’heures ou de jours de travail

Etre en forfait jours ou en forfait d’heures ne se déduit pas de la simple mention « forfait  » dans le contrat de travail.

La Cour de Cassation le rappelle dans une affaire où le contrat de travail du salarié stipulait que « la rémunération du salarié constitue une convention de forfait destinée à couvrir l’intégralité de la mission qui lui est confiée et ce, quelle que soit la durée du travail effectivement consacrée par lui à l’accomplissement de celle-ci »

Très justement, elle retient que la seule fixation d’une rémunération forfaitaire sans que soit déterminé le nombre d’heures supplémentaires inclus dans cette rémunération ne permet pas de caractériser une convention de forfait.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 janvier 2014, 12-19.446, Inédit )

Il importe peu que le salarié n’ait jamais réclamé ses heures supplémentaires ou critiquer la rédaction de son contrat de travail.

La renonciation à un droit ne se déduit pas de la seule inaction de son titulaire.

Du report annoncé par le Ministre du Travail sur la durée minimum du temps partiel

La loi de sécurisation de l’emploi avait prévu qu’à partir du 1er janvier 2014, les salariés embauchés à temps partiel devaient travailler un minimum de 24 heures par semaine. 

Un communiqué du ministère du travail a annoncé le 10 janvier 2014 que finalement cette obligation ne s’appliquerait que pour les embauches intervenues à compter du 1er juillet 2014.

Cependant, il convient de noter que le Ministre du Travail n’a pas le pouvoir de reporter l’entrée en vigueur de la durée minimale de 24 heures hebdomadaires pour un temps partiel par un simple communiqué.

Il importe peu que l’objectif ait été de donner plus de temps aux partenaires sociaux pour négocier. 

Cette décision devrait faire l’objet d’une disposition législative, a priori dans le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, de façon à sécuriser le report.

Cependant, la loi ne pouvant avoir d’effet retroactif, les employeurs devraient être prudents et respecter le temps partiel minimum de 24 h entre janvier 2014 et le texte à venir.

Quand les mails personnels et les connexions Internet privées causent le licenciement

Lorsque l’employeur interdit les connexions sur internet à des fins personnelles soit dans le contrat de travail soit dans le règlement intérieur, le salarié doit respecter cette interdiction s’il veut conserver son poste.

La Cour de Cassation vient de rappeler que constitue une faute : le fait pour salarié , en violation de ses obligations contractuelles et du règlement intérieur de l’entreprise prohibant les connexions sur internet à des fins personnelles, d‘avoir envoyé à ses collègues de travail à partir de l’ordinateur mis à sa disposition par l’entreprise cent soixante dix-huit courriels accompagnés de vidéos à caractère sexuel, humoristique, politique ou sportif.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 décembre 2013, 12-17.832, Inédit )

Cette décision n’est pas novatrice.

Elle repose sur l’obligation contractuelle du salarié de consacrer son temps de travail à l’accomplissement de sa mission.

Quelques écarts peuvent être tolérés …mais l’excès est toujours un mauvais calcul.

 

Licenciement économique : De l’impossibilité de reclasser en l’absence de connaissance de la langue anglaise

Certes l’obligation de reclassement incombant à l’employeur en cas de licenciement économique est large mais elle a des limites.

Pour proposer un poste en Angleterre à des salariés, il est nécessaire qu’ils parlent l’anglais.

L’employeur a le droit de justifier de son impossibilité de reclassement sur un site de production anglais en l’absence de postes disponibles correspondant aux compétences et aptitudes des salariés notamment en raison de leur méconnaissance de la langue anglaise.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 décembre 2013, 12-22.311 12-22.312 12-22.313 12-22.314 12-22.315 12-22.316 12-22.317 12-22.318 12-22.319 12-22.320 12-22.321 12-22.322 12-22.323 12-22.324 12-22.325 12-22.326 12-22.327 12-22.328, Inédit).

 

Du temps partiel avec un plancher de 24 H/ semaine

Depuis le 1er janvier 2014, la durée minimale d’un contrat de travail à temps partiel est de 24 heures par semaine en moyenne. 

LOI n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi )

Des durées de travail inférieures sont toutefois autorisées : 

–>pour les étudiants de moins de 26 ans

–> pour les associations intermédiaires

–> et les entreprises de travail temporaire d’insertion.

Le contrat peut également prévoir une durée inférieure à 24 heures.

Dans ce cas, il faut une demande écrite et motivée du salarié concerné

–>soit pour contraintes personnelles, 

–>soit pour cumuler plusieurs activités pour atteindre la durée minimale. 

IL ne faut pas oublier que les contrats en cours au 1er janvier 2014 devront être adaptés à cette nouvelle durée minimale au plus tard au 1er janvier 2016. 

De plus, il faut également noter que le régime des heures complémentaires ou supplémentaires est également modifié:

Quand le volume d’heures supplémentaires ou complémentaires ne dépasse pas 10% de la durée contractuelle,il faut systématiquement majorer les heures complémentaires de 10%. 

Quand le volume d’heures supplémentaires ou complémentaires dépasse 10% de la durée contractuelle :

-soit il n’y a pas d’accord de branche étendu et la majoration reste de 25%

-soit il existe un accord de branche qui fixe une majoration avec un minimum fixé à 10%de la rémunération et c’est cette dernière qu’il faut retenir.

 

L’entretien préalable n’est ni une enquête ni un tribunal

La présence de plusieurs cogérants à l’entretien préalable au licenciement peut être considérée comme un abus de droit.

La Cour de Cassation dans une décision de sa chambre sociale du 12 décembre 2013 N° de pourvoi: 12-21046 vient d’en donner une illustration.

Dans cette affaire, une salariée avait été engagée à compter du 1er mars 1991 en qualité de secrétaire médicale par une société de service de radiologie, société civile professionnelle comportant six médecins cogérants.

Trois des cogérants avaient assisté à l’entretien préalable.

La Cour de Cassation estime que cela est irrégulier.

Elle retient :  » la présence de trois des cogérants avait transformé l’entretien préalable au licenciement en enquête et ainsi détourné la procédure de son objet.  » ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 décembre 2013, 12-21.046, Inédit)