La grève de la poste ne peut défavoriser le salarié convoqué à un entretien préalable

L’article L. 1232-2 du code du travail prévoit un  délai de 5 jours ouvrables entre la présentation de la lettre recommandée de convocation à l’entretien préalable au licenciement et la tenue dudit entretien.

Lorsqu’un mouvement de grève affecte le bureau de poste desservant le domicile du salarié, l’employeur doit vérifier que le salarié a bien bénéficié du délai de 5 jours entre la présentation effective  de la lettre de convocation à l’entretien préalable au licenciement et la tenue dudit entretien.

En d’autres mots, il importe peu que la grève soit indépendante de l’employeur,  l’entretien ne peut valablement se tenir que si et seulement si le délai de 5 jours a bien été respecté entre le moment où le salarié a été informé et la tenue de l’entretien.  (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 octobre 2015, 14-18.067, Inédit)

Prudence donc dans l’envoi des lettres recommandées avec accusé de réception!

L’employeur doit toujours vérifier avec le numéro du recommandé la bonne présentation de son courrier avant de finaliser le licenciement.

 

De l’amour ou du harcèlement sexuel au travail ?

Même si la France n’égale pas encore en la matière les Etats-Unis, les cabinets d’avocats voient fleurir de plus en plus de contentieux sur la drague sur le lieu de travail.

IMG00176-20100722-1704La Cour de Cassation tente de faire le tri entre les cas de harcèlement sexuel avérés et les déclarations d’amour incomprises.

La situation est d’autant plus compliquée quand l’amour au travail a été consommé par les deux salariés sans contrainte et qu’au fil du temps, un des partenaires ne souhaite pas poursuivre la relation.

L’arrêt de la Cour de Cassation du  23 septembre 2015, (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 septembre 2015, 14-17.143, Inédit) nous offre un bel exemple du mélange des genres.

Dans cette affaire,  une salariée avait reçu des messages d’amour de son supérieur hiérarchique avec lequel elle avait entretenu auparavant une liaison sentimentale .

La salariée licenciée pour faute grave contestait son licenciement, invoquant un harcèlement sexuel de la part de son supérieur.

Elle soutenait que les deux SMS que son supérieur lui avait adressés se référant aux temps « où elle le rendait heureux » et faisant état de la persistance de son sentiment amoureux étaient suffisants pour laisser présumer l’existence d’un harcèlement sexuel.

La Cour de Cassation refuse d’y voir autre chose qu’un sentiment amoureux dépourvu de harcèlement. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 septembre 2015, 14-17.143, Inédit)

Elle fait remarquer que les messages ne comportaient aucune menace ni aucune forme de contrainte quelconque destinée à obtenir des faveurs sexuelles manifestement librement consenties auparavant.

Les sentiments y étaient exprimés sans impudeur ou indélicatesse.

La Cour de cassation a considéré que l’existence de deux messages adressés à la salariée par son supérieur hiérarchique avec lequel elle avait entretenu une liaison, ne démontraient que la persistance nostalgique d’un attachement sentimental de la part de celui-ci. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 septembre 2015, 14-17.143, Inédit)

Dès lors, le comportement de son ancien amant ne pouvait être considéré comme constituant un harcèlement sexuel.

 

 

Conseiller prud’homal et protection face au licenciement

Le salarié  qui a été élu en tant que juge au conseil de prud’hommes est appelé conseiller prud’homal .

thLa Cour de Cassation estime depuis 2012 que le mandat de conseiller prud’homal doit être  porté à la connaissance de l’employeur, s le salarié veut se prévaloir du statut protecteur attaché à ce mandat (C. trav., art. L. 2411-22).

Ce statut implique notamment que l’employeur doit obtenir l’autorisation de l’inspection du travail pour pouvoir rompre le contrat de travail du salarié protégé.

La Haute Juridiction vient de préciser que cette information doit être renouvelée à chaque réélection du salarié en qualité de conseiller prud’homal. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 septembre 2015, 14-17.748, Publié au bulletin)

Dans cette affaire, une salariée, conseillère prud’homale, dont le mandat avait été renouvelé, avait signé une rupture conventionnelle avec son employeur.

Par la suite, elle avait sollicité la nullité de la rupture conventionnelle pour défaut d’autorisation de l’inspecteur du travail.

L’employeur soutenait que s’il était bien informé du mandat initial de la salariée, il n’avait pas été en revanche informé de son renouvellement.
 
Il a eu raison de faire valoir cet argumentaire.
 
La Cour de cassation refuse la protection à la salariée, conseillère prud’homale en considérant que dès lors que son mandat de conseiller prud’homal avait été renouvelé lors des dernières élections et que la salariée n’avait pas, au plus tard au moment de la rupture conventionnelle, informé l’employeur de cette réélection, ni établi que l’employeur en avait été avisé par d’autres voies, elle ne pouvait se prévaloir de la protection attachée à son mandat. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 septembre 2015, 14-17.748, Publié au bulletin)

Le Conseil d’Etat refuse le différé d’indemnisation de la convention d’assurance chômage

Le Conseil d’État a estimé illégal le dispositif de « différé d’indemnisation de la convention d’assurance chômage de mai 2014. (CE, 5 octobre 2015, association des amis des intermittents et précaires et autres – 383956, 383957, 383958 ).

IMG_20140506_101209Pour mémoire, la convention d’assurance chômage de 2014 prévoyait que le différé d’indemnisation (délai de carence) pouvait atteindre 180 jours (6 mois) si le salarié licencié ou bénéficiant d’une rupture conventionnelle avait perçu des sommes importantes au moment de la rupture.

Ce différé est donc illégal.

Pour garantir la continuité du système de l’assurance-chômage, le Conseil d’État a reporté  au 1er mars 2016 l’annulation de l’arrêté ministériel rendant obligatoire la nouvelle convention d’assurance chômage du 14 mai 2014, sauf en ce qui concerne la récupération des prestations versées à tort et des obligations déclaratives des assurés.

Voici un extrait de la décision du Conseil d’État:

« sur le différé d’indemnisation spécifique prévu par l’article 21 du règlement général annexé à la convention relative à l’indemnisation du chômage du 14 mai 2014 :
10. Considérant que le paragraphe 2 de l’article 21 du règlement général annexé à la convention relative à l’indemnisation du chômage prévoit que la prise en charge d’un travailleur privé d’emploi est, s’il y a lieu, reportée à l’expiration d’un différé d’indemnisation « spécifique » calculé à raison des indemnités ou de toute autre somme inhérente à la rupture de son contrat de travail, quelle que soit leur nature, perçues par l’intéressé, dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative, dans la limite de 75 jours lorsque le licenciement est fondé sur un motif économique et de 180 jours dans les autres cas ; que cet article prévoit également que si « tout ou partie de ces sommes est versé postérieurement à la fin du contrat de travail (…) les allocations qui, de ce fait, n’auraient pas dû être perçues par l’intéressé, doivent être remboursées » ;

11. Considérant que sont notamment prises en compte, pour calculer la durée de ce différé d’indemnisation, les indemnités allouées à un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse excédant le minimum prévu par le deuxième alinéa de l’article L. 1235-3 du code du travail, correspondant aux « salaires des six derniers mois » ; que, toutefois, s’agissant soit d’un salarié licencié alors qu’il comptait moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise, soit d’un salarié licencié par une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, l’ensemble des indemnités allouées est pris compte, l’article L. 1235-5 du code du travail ne prévoyant, dans ces deux cas, aucun minimum légal ;

12. Considérant que les stipulations de l’article 21 du règlement général ont pour objet, dans le souci d’optimiser l’allocation des ressources de l’assurance chômage, de différer, pour une durée limitée, le point de départ du versement de l’allocation due au travailleur privé d’emploi, en fonction d’une appréciation objective des ressources dont il bénéficie, à la date de rupture de son contrat ; que ce différé n’entraîne pas de réduction de la durée des droits qui lui sont ouverts ; que, néanmoins, leur application conduit à limiter les allocations versées dans tous les cas où les intéressés n’épuisent pas leurs droits à ces allocations ;

13. Considérant que l’allocation d’assurance, qui a le caractère d’un revenu de remplacement, n’a pas vocation à se cumuler avec les autres sommes destinées à compenser, pour le travailleur involontairement privé d’emploi ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement, la perte de tout ou partie des rémunérations qu’il aurait perçues si son contrat s’était poursuivi ; que, s’agissant des indemnités allouées en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, elles ont pour objet de réparer l’intégralité du préjudice subi par le salarié du fait de la perte injustifiée de son emploi, qu’il résulte de la perte de sa rémunération ou qu’il soit d’une nature différente ; qu’eu égard à l’objectif d’intérêt général poursuivi par les parties à la convention, qui ont la responsabilité d’assurer l’équilibre financier du régime, il leur était loisible de prévoir qu’une part des ces indemnités, appréciée de façon forfaitaire, serait prise en compte pour déterminer le point de départ du versement de l’allocation d’assurance ; qu’en revanche, en prenant en compte l’intégralité de ces indemnités pour le calcul du différé d’indemnisation des salariés licenciés alors qu’ils comptaient moins de deux ans d’ancienneté ou qu’ils étaient employés par une entreprise comptant moins de onze salariés, elles ont adopté des stipulations aboutissant à ce que certains salariés victimes d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse puissent être privés de l’intégralité des sommes destinées à assurer la réparation du préjudice qui en résulte ; qu’elles ont ainsi porté atteinte au droit de ces salariés d’en obtenir réparation ; qu’il suit de là, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens dirigés contre elles, que les stipulations du paragraphe 2 de l’article 21 du règlement général sont entachées d’illégalité. « 

Du licenciement pour faute d’un ancien salarié protégé

La Cour de Cassation vient de rendre une décision fort intéressante à propos du licenciement d’un ancien salarié protégé. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 septembre 2015, 14-10.648, Publié au bulletin).

Dans cette affaire, M. X…, salarié de la société Simair au sein de laquelle il exerçait les mandats de délégué du personnel et délégué syndical, avait été transféré le 1er mai 2009 à la société Aertec.

Il avait refusé d’exécuter des tâches de manutention de fauteuils d’avion chez le nouvel employeur.

Fort mécontent, l’employeur avait tenté de le  licencier pour faute par deux fois mais s’était heurté à deux refus d’autorisation de l’administration du travail.

A l’expiration de sa période de protection, et refusant à nouveau d’accomplir les tâches litigieuses, le salarié avait été licencié pour faute grave par lettre du 28 juin 2010.

La Cour d’Appel avait retenu la cause réelle et sérieuse du licenciement.

Elle estimait qu’il était établi que la manutention des fauteuils, en ce qu’elle était l’accessoire de sa fonction, entrait dans les attributions du salarié.

Aussi selon la Cour d’Appel de Versailles puisque l’employeur, non seulement n’avait pas modifié son contrat de travail, mais n’avait pas plus modifié ses conditions de travail,  le refus du salarié d’effectuer cette tâche de manutention était fautif sans toutefois constituer une faute grave.

Faux répond la Cour de Cassation par un attendu de principeCour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 septembre 2015, 14-10.648, Publié au bulletin).

Le licenciement prononcé à l’expiration de la période légale de protection ne peut être motivé par des faits invoqués devant l’autorité administrative et qui ont donné lieu à une décision de refus d’autorisation du licenciement.

L’interprétation de l’autorité administrative s’impose donc à l’employeur même postérieurement à la période de protection du salarié.