mise à jour 6/11/2015
Le départ en retraite est l’issue normale de toute vie professionnelle.
Cependant la décision de partir à la retraite peut être précipitée par la mauvaise ambiance de travail et la pression exercée sur le salarié.
Dans ce cas, la Cour de Cassation parle de décision de départ en retraite équivoque. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 mars 2014, 13-10.229 13-10.410, Inédit ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 octobre 2015, 14-17.473, Publié au bulletin).
Elle estime que le départ en retraite du salarié est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste, de façon claire et non équivoque, sa volonté de mettre fin au contrat de travail.
Ainsi lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de son départ à la retraite, remet en cause celui-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de son départ qu’à la date à laquelle il a été décidé, celui-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture.
Quelles sont les conséquences d’une décision de départ en retraite équivoque requalifiée en prise d’acte de la rupture ?
La décision de départ en retraite équivoque produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués par le salarié le justifient.
A défaut , la décision de départ en retraite est validée.
Il est intéressant de relever que la Cour de Cassation reprend exactement la même démonstration que pour la démission équivoque.
Bonjour Maître,
Je prends un cas légèrement différent, celui d’un salarié âgé, qui ne souhaite pas rompre son contrat de travail, et n’intente pas une procédure pour rompre son contrat de travail, contrairement à M. Alonso X… cité dans cet arrêt.
Par contre son employeur le licencie.
Le salarié estime que son licenciement est nul pour discrimination du fait de l’âge.
Mis devant le fait accompli par son employeur, il n’a pas encore tous ses droits à une retraite complète et, n’ayant plus de salaire, s’inscrit au chômage (il faut bien qu’il continue à vivre décemment…). Il est âgé et ne retrouve pas de travail. En fin de droits à l’allocation chômage, il n’a plus de ressources et, de ce fait, demande, contraint par la nécessité d’avoir des ressources, et parce que cela est « juridiquement possible », demande la liquidation de sa retraite, ce qu’il ne voulait pas faire, car il souhaitait continuer à travailler.
Parallèlement, il a entamé une procédure devant les prud’hommes en nullité de son contrat de travail pour discrimination du fait de l’âge et en sollicitant de façon claire constante sa réintégration, et en proposant expressément en cas de réintégration de rembourser les organismes sociaux (caisses de retraites et Assedic) les sommes indûment versées.
Position du salarié responsable et solidaire.
Rejet du conseil des prud’hommes, mais infirmation de la cour d’appel qui juge nul le licenciement pour discrimination du fait de l’âge.
1ère question :
cette attitude claire et constante du salarié n’est-elle pas de nature à démontrer un vice de consentement implicite à la liquidation des retraites, comme le dit l’arrêt, remettant en cause lesdites liquidations de retraites et les annulant.
2ème réflexion :
supposons que ce salarié, bien que son licenciement soit reconnu nul (nullité textuelle de la discrimination du fait de l’âge), soit débouté de sa demande -constante- de réintégration par le juge d’appel, au seul motif qu’il a liquidé sa retraite, aucun motif de force majeure ne venant empêcher sa réintégration, n’est-on pas en droit de se demander s’il n’y a pas des violations par le juge des droits fondamentaux.
En effet, cela me semble-t-il serait une atteinte très grave, et au droit fondamental à avoir une retraite, et au droit à pouvoir simplement ester (au delà du simple procès équitable), et même aussi à la dignité humaine.
D’une part, la procédure est très longue (plusieurs années…), prud’hommes, appel, cassation, nouvel appel, etc… Et elle est aussi coûteuse, puisque, en de telles matières complexes, il est difficile de se passer d’un -bon- avocat !
Donc un salarié « âgé » s’il voulait pouvoir obtenir droit à réintégration devrait se priver de ressources (ici retraite) pendant toute la durée de le procédure, ce qui le mettrait dans une situation possiblement précaire attentatoire à la dignité humaine, car il devrait ne pas prendre sa retraite pour avoir une chance d’obtenir satisfaction.
Mais en matière de justice, le résultat n’est jamais certain…
Dans le cas où il gagne, il n’aura rien perdu de sa retraite, puisqu’il ne l’aurait pas prise, continuant son contrat de travail.
Mais s’il perdait et n’était pas réintégré, quid de sa retraite ? En effet, comme il ne l’aurait pas liquidé à temps, il ne la liquiderait qu’à la fin de la procédure, et, aucun régime n’autorisant une rétroactivité lors des demandes de liquidation, il aurait perdu plusieurs années de droits à retraite (soit probablement plus de 30 à 50% de ce qu’il aurait dû percevoir, selon l’espérance de vie, pour une procédure entamée à environ 60 ans, qui dure une dizaine d’années…, avec une espérance de vie d’environ 17 à 20 ans).
En conclusion, pour être bref, je trouve qu’une « interdiction juridique de réintégration », du au seul fait d’avoir pris sa retraite me parait aberrante, d’autant plus, qu’en réalité -mais est-ce bien exact en droit ?- la nullité textuelle de la discrimination concernant le licenciement, doit annuler tous les actes subséquent, indemnisation du chômage et liquidation de la retraite, puisque, le contrat de travail n’ayant jamais été rompu du fait de la nullité du licenciement, l’inscription à Pôle Emploi était impossible, tout comme la liquidation de la retraite, aux dates où elles ont été faites, pendant l’existence du contrat de travail.
Merci de votre commentaire sur ce sujet.
Bonjour,
J’ai de très nombreuses situations variées et complexes à mon cabinet mais des situations hypothétiques, j’avoue je ne traite pas ;-)…
Bien à vous
Carole VERCHEYRE-GRARD