Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

SYNTEC : Interruption spontanée de grossesse et congé exceptionnel

Mis à jour le 14 avril 2023

Le code du travail ne prévoit rien pour les femmes qui subissent un avortement spontané (aussi appelé fausse couche) et peu de conventions collectives ont, en réalité, traité la question.

Pourtant 1/4 des grossesses se termine malheureusement par une fausse couche.

Or une interruption spontanée de grossesse est un évènement souvent difficile à vivre pour une femme tant du point de vue psychologique que physique.

Conscients de cette situation, les partenaires sociaux de la branche des Bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseils plus communément appelée SYNTEC ou BETIC ont signé un accord le 13 décembre 2022 qui mérite d’être mis en exergue.

Ce accord crée un congé exceptionnel pour la salariée faisant face à une interruption spontanée de grossesse avant 22 semaines d’aménorrhée.

Ce congé d’une durée de 2 jours (non déductibles des congés payés) est rémunéré et peut être accolé à un arrêt de travail éventuellement prescrit.

C’est une jolie avancée dont il faut féliciter les signataires de l’accord que je rappelle ci-dessous :

  • La Fédération CFTC Média+
  • La CFDT/F3C
  • La CFE-CGC/ FIECI
  • La CGT/FSE
  • La Fédération Patronale Syntec
  • La Fédération Patronale CINOV

En pratique, la salariée devra juste transmettre un certificat médical à son employeur dans les 15 jours suivant l’événement.

En outre, à la condition d’être salarié d’une entreprise de la branche, le conjoint de la salariée ou la personne liée à elle par un PACS ou vivant maritalement avec elle bénéficie du congé susvisé dans les mêmes conditions.

L’accord entrera en vigueur le 1er jour du mois civil suivant la publication au Journal officiel de son arrêté d’extension du 31 mars 2023 portant extension d’un accord conclu dans le cadre de la convention
collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (no 1486)

Il est donc en vigueur depuis le 1er avril 2023.

SYNTEC : UNE NOUVELLE GRILLE SALARIALE 2023 pour les ETAM

Attention depuis le 1er janvier 2023, certains ETAM voient leur position changer ainsi que leur rémunération minimale.

Classification et position 2022 Classification et position 2023
1.1   coefficient 2301.1 coefficient 240
1.2   coefficient 240    1.1 coefficient 240
1.3   coefficient 250    1.2 coefficient 250

Les salaires minima de ces classifications sont enfin au-dessus du SMIC… Mais pour combien de temps ?

POSITIONCOEFFICIENTVALEUR DU POINTPARTIE FIXEMONTANT
1.12403,602 €850,50 €1 715 €
1.22503,578 €850,50 €1 745 €
2.12753,361 €850,50 €1 775 €
2.23103,162 €850,50 €1 831 €
2.33553,156 €850,50 €1 971 €
3.14003,138 €855,80 €2 111 €
3.24503,133 €855,80 €2 266 €
3.35003,118 €855,80 €2 415 €

La grille de classification antérieure  des ETAM  est consultable sur ce lien : ICI

Le télétravail et les risques de dépassement de l’amplitude horaire

Parmi les risques psychosociaux liés au télétravail, l’absence de déconnexion, source de surmenage, est aujourd’hui clairement identifiée.

C’est la raison pour laquelle l’amplitude du temps de travail et le non-respect du repos quotidien doivent être une préoccupation majeure du dirigeant d’entreprise et à tout le moins de son DRH.

Il importe peu que le salarié effectue certains jours en télétravail à son domicile et conserve une liberté d’organisation de son temps de travail en fonction de ses déplacements.

L’employeur doit contrôler la durée du travail dans le cadre de son obligation de protection de la santé et de la sécurité de ses salariés.

Un arrêt de la Cour de Cassation du 14 décembre 2022 explique clairement que, même en télétravail, la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur uniquement (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 décembre 2022, 21-18.139, Publié au bulletin).

La Cour de Cassation considère en effet que  ce n’est pas au salarié de prouver qu’il a travaillé en continu entre le premier mail envoyé par lui et le dernier.

C’est à l’employeur de rapporter la preuve que le salarié n’était pas en permanence à son poste de travail et qu’il bénéficiait normalement de ses repos quotidiens.

Cet arrêt du 14 décembre 2022 met clairement en lumière l’obligation de contrôle du temps de travail par l’employeur (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 décembre 2022, 21-18.139, Publié au bulletin).

Dans l’affaire soumise à la Cour de Cassation, un salarié, chef de projet, travaillait deux jours par semaine sur site et trois jours à son domicile en télétravail.

En proie à un surmenage professionnel important qu’il avait confié à son psychiatre, le salarié s’était suicidé.

Ses héritiers ont alors saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir notamment des rappels d’heures supplémentaires mais également des dommages-intérêts pour violation du droit au repos.

Ils considéraient en effet que la méconnaissance par l’employeur du droit au repos minimal quotidien de 11 heures consécutives avait conduit à l’épuisement du salarié et était la cause de son burn-out.

L’employeur réfutait cet argument sans preuve du temps de travail réel du salarié.

La Cour de Cassation ne s’est pas laissée tromper.

Concernant les heures supplémentaires, fidèle à sa jurisprudence, elle a rappelé que la charge de la preuve était partagée mais qu’en l’absence de contrôle du temps de travail par l’employeur, les éléments fournis par le salarié devaient être pris en considération.

Concernant le dépassement des durées journalières et hebdomadaires, la Cour de Cassation rappelle que la charge de la preuve appartient exclusivement à l’employeur.

DU NOUVEAU POUR LE PLAFOND DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (PSS) EN 2023

Je vous avais annoncé l’augmentation imminente du plafond de la sécurité sociale (PSS) pour 2023 dans un article plus spécifique pour les rémunération des salariés de la convention collective des bureaux d’études dite Syntec en modalité 2.

C’est officiel, après 2 années de stagnation, les nouveaux chiffres du PSS sont :

–> Pour le plafond mensuel de la sécurité sociale (PMSS) : 3 666 € ;

–> Pour plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) : 43 992 €.

Il s’agit d’ une augmentation de 6,9 % par rapport au niveau de 2022.

SMIC 2023

En ce début d’année, nous commençons par les nouveaux chiffres du SMIC.

Le nouveau montant du SMIC horaire brut est porté à 11,27 € au 1er janvier 2023 (contre 11,07 € depuis le 1er août 2022).

Le SMIC mensuel brut d’un salarié mensualisé est donc au 1er janvier 2023 de :

– 1 709,28  euros bruts pour un salarié mensualisé soumis à une durée collective du travail de 35 heures hebdomadaires soit 1 353 euros nets.

Vous pouvez retrouver l’historique de 2022 sous ce lien https://carole-vercheyre-grard.fr/de-la-3eme-hausse-du-smic-en-2022/

Tous mes voeux 2023

«  Le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité. »

(Jean Giraudoux)

J’ai choisi cette année de vous présenter mes vœux par cette belle citation qui illustre mon travail.

Je sais que, pour chacun d’entre vous, votre problématique est essentielle et unique.

Cette année encore, j’aurai à cœur avec mon équipe de me montrer digne de votre confiance.

Très belle année à tous !

Carole VERCHEYRE-GRARD (EI)
Avocat
55 av de la Grande Armée
75116 Paris
Tél 01 44 05 19 96

blog en droit du travail : http://carole-vercheyre-grard.fr/

Prévention et sanction du harcèlement moral : la double obligation de l’employeur

Même en l’absence de harcèlement moral avéré, l’employeur peut être condamné pour ne pas avoir mis en place des mesures de prévention.

Si certains en doutaient encore, l’employeur a bien deux obligations distinctes :

La Cour de cassation retient qu’un salarié qui n’a pas réussi à démontrer l’existence d’un harcèlement moral peut engager la responsabilité de l’employeur pour manquement à son obligation de prévention du harcèlement moral (Cour de Cassation Chambre sociale 23 novembre 2022, Pourvoi n° 21-18.951).

Cette obligation de prévention entre dans le champ de l’obligation plus générale de prévention des risques professionnels (article L.4121-2 du code du travail).

Elle fait aussi partie de l’obligation générale de l’employeur de protection des salariés prévue à l’article L.4121-1 du code du travail qui prévoit que l’employeur doit prendre toutes les mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Néanmoins, le code du travail a pris le soin de la rappeler dans un article du code du travail spécifique pour bien montrer son importance. (l’article L.1154-1 du code du travail)

L’employeur doit avoir conscience qu’il doit réaliser des actions spécifiques pour prévenir les risques de harcèlement moral notamment :

  • Mener des actions de formation ;
  • Mettre à jour le règlement intérieur ;
  • Procéder à l’affichage obligatoire relatif au harcèlement ;
  • Procéder à des enquêtes ;
  • Nommer un référent harcèlement moral.

S’il ne le fait pas sa responsabilité pourra être engagée.

Notons que le CSE peut susciter toute initiative qu’il estime utile et proposer des actions de prévention.

Si l’employeur refuse les actions proposées, il doit motiver sa décision (article L2312-9 du code du travail).

Salarié itinérant : Que faire quand le temps de trajet est du temps de travail ?

Quand commence le temps de travail d’un commercial itinérant ?

Lorsqu’il part de son domicile ou lorsqu’il arrive chez son premier client ?

Cette question opposait ces dernières années notre jurisprudence nationale et la jurisprudence européenne.

En effet, depuis 2015 la Cour de justice de l’Union européenne considère que « les déplacements que les travailleurs sans lieu de travail fixe ou habituel effectuent entre leur domicile et le premier ou le dernier client de la journée constituent du temps de travail ».

Tandis que depuis 2018, la Cour de cassation adoptait clairement la position inverse en retenant que le temps de déplacement quotidien entre le domicile et les sites des premier et dernier clients n’est pas payé en temps de travail effectif, mais doit faire l’objet d’une contrepartie quand il dépasse le temps normal de trajet.

Bref, notre jurisprudence nationale était en contradiction avec la jurisprudence européenne qui aurait dû s’imposer en raison de la hiérarchie des normes.

Nous étions nombreux à solliciter devant les juges du fond l’application de la position européenne en rappelant que très souvent, les commerciaux itinérants effectuent un important travail administratif depuis leur véhicule notamment en passant de nombreux appels téléphoniques pendant les temps de trajet, faute de disposer de bureaux.

Certaines juridictions de fond nous donnaient raison mais la Cour de cassation semblait ne pas vouloir capituler, soutenant que le droit national pouvait déroger à la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 relative à l’aménagement du temps de travail sur le temps de trajet.

La Cour de justice de l’Union européenne a maintenu son cap et a réaffirmé en 2021 que le droit national ne pouvait pas transiger avec les notions de « temps de travail effectif » et de « période de repos ». (CJUE 9 mars 2021, aff. n° C-344/19, § 30)

La Cour de cassation vient de rendre les armes. (Cour de Cassation, Chambre sociale Cass. soc. 23 novembre 2022, n° 20-21924 FPBR)

Désormais, les temps de déplacement entre le domicile et le lieu du premier rendez-vous ainsi qu’entre le dernier lieu de rendez-vous et le domicile peuvent être considérés comme du temps de travail effectif si le salarié démontre qu’il devait se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles pendant ses temps de déplacement.

Syntec : nullité du forfait heures et calculs du rappel de salaire

Il devient de plus en plus difficile de calculer les conséquences de la nullité du forfait d’heures issue de la modalité 2 de l’article 3 de l’accord du 22 juin 1999. (convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils, société de conseil dite SYNTEC. (N° 3018))

La Cour de Cassation rappelle maintenant depuis plusieurs années que les salariés qui ont signé un contrat de travail les soumettant à la modalité 2 et qui ne bénéficient pas du plafond annuel de sécurité sociale (PASS) peuvent soulever la nullité de la convention de forfait et réclamer le paiement des heures supplémentaires.

Pour autant, même après avoir prononcé la nullité, il est difficile de calculer les rappels de salaire dus au salarié.

En effet, après avoir annulé le forfait d’heures, il restait deux particularités de la modalité 2 dont il faut tenir compte :

  • La première : les jours de repos supplémentaires. En effet, la modalité 2 octroie au salarié des jours de repos supplémentaires car elle fixe un plafond de jours travaillés dans l’année de 218 à 220 jours ;
  • La seconde : les heures entre 35 heures et 38h30 qui sont incluses dans le forfait d’heures, qu’elles soient réalisées ou non.

En pratique, lorsque la convention de forfait d’heures de la modalité 2 est annulée, il faut considérer que le salarié avait un temps de travail de base de 35 heures et que des jours de repos qui lui ont été octroyés par le jeu de la modalité 2 viennent en déduction des heures supplémentaires effectivement réalisées.

De plus, la Cour de Cassation est venue complexifier les calculs en retenant dans plusieurs arrêts récents que puisque la rémunération du forfait était divisée entre un salaire mensuel de base correspondant à 151,67 heures et un complément mensuel correspondant à 15,16 heures, cela signifiait que les sommes avaient bien été payées au titre des 38h30 hebdomadaires accomplies. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 novembre 2022, 21-19.518 21-19.519 21-19.520 21-19.521 21-19.522 21-19.523 21-19.524 21-19.526 21-19.527 21-19)

Le forfait inclut donc le paiement de 3h30 supplémentaires au-delà de 35 heures comme elle l’avait déjà exposé dans deux arrêts antérieurs. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 mars 2022, 20-19.832 20-19.837)

Il reste cependant la nécessité de vérifier que le salaire de base correspondant à 151,67 heures mensuelles a bien été payé en respectant la grille de salaire de la convention collective.

Or, ce n’est bien souvent pas le cas.

Cela implique donc un rappel de salaire de base et un rappel de salaire sur les heures supplémentaires qui auraient donc été calculées une base de salaire erronée.

Bref, voilà de quoi nous donner mal à la tête lorsque nous allons reprendre tous ces calculs …

De la présomption de démission dès l’abandon de poste

Perte des droits au chômage, quand le législateur s’entête et n’entend pas les professionnels, il ne reste qu’ à espérer que les sages du Conseil Constitutionnel sauront être pragmatiques.

Le 18 novembre 2022, la loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi a été déférée au Conseil constitutionnel.

On attend donc avec impatience que ce dernier se prononce sur la constitutionnalité des 4 mesures phares contestables qui ont déjà fait couler beaucoup d’encre.

-l’instauration d’une présomption de démission en cas d’abandon de poste, entraînant ainsi la privation du bénéfice de l’assurance chômage.

-l’habilitation du Gouvernement à déterminer par décret les règles de l’assurance chômage jusqu’au 31 décembre 2023 au plus tard, et la possibilité d’introduire le principe de « contracyclicité » dans le régime d’assurance chômage.

-les dispositions entraînant la perte du bénéfice de l’assurance chômage en cas de refus réitéré d’un CDI à l’issue d’un CDD ou d’une mission d’intérim pour le même emploi ou un emploi similaire

-la réforme du dispositif de validation des acquis de l’expérience (VAE)

En principe, le Conseil Constitutionnel doit se prononcer sous un délai d’un mois.